Regardant Jésus qui passait...
Le chemin d'André
A
près le baptême de Jésus, Jean Baptiste se trouvait avec deux de ses disciples. Regardant Jésus qui passait, il dit : « Voici l’Agneau de Dieu. » Les deux disciples entendirent cette parole, et ils suivirent Jésus. Celui-ci se retourna, vit qu’ils le suivaient, et leur dit: « Que cherchez-vous ? » Ils lui répondirent : « Rabbi (c’est-à-dire Maître), où demeures-tu ? » Il leur dit : « Venez, et vous verrez. » Ils l’accompagnèrent, ils virent où il demeurait, et ils restèrent auprès de lui ce jour-là. C’était vers quatre heures du soir.
André, le frère de Simon-Pierre, était l’un des deux disciples qui avaient entendu Jean Baptiste et qui avaient suivi Jésus. Il trouve d’abord son frère Simon et lui dit : « Nous avons trouvé le Messie » (autrement dit : le Christ). André amena son frère à Jésus. Jésus le regarda et lui dit : « Tu es Simon, fils de Jean, tu t’appelleras Kepha », ce qui veut dire : « pierre ».
Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 1, 35-42
DEUXIÈME DIMANCHE ORDINAIRE B
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Le premier disciple
J’ai toujours eu une dévotion particulière pour saint André. Je ne suis pas le seul, puisque l’Église orientale le vénère spécialement et qu’il est le patron de la Russie. Sans compter l’Écosse, où une centaine d’églises lui sont dédiées. Pourquoi cette dévotion particulière de ma part ? D’abord parce qu’il est le premier, avec Jean son compagnon, à avoir trouvé Jésus ; ensuite parce qu’il n’est jamais mis en avant dans les récits évangéliques. Il ne fait pas partie des trois « intimes », Pierre, Jacques et Jean, qui seront conviés à accompagner Jésus sur la montagne de la Transfiguration aussi bien qu’au jardin de l’agonie. André, lui, disparaît presque entièrement de l’aventure, même si les trois passages de l’Évangile où il est mentionné, après l’appel définitif au bord du lac, nous le présentent comme l’homme des médiations, ce qui, vous en conviendrez, est important. Nous allons y revenir.
Insatisfait
Voilà donc un jeune homme que je soupçonne d’être un homme de désir. Il a un métier : il travaille avec son frère Simon, ils ont une petite entreprise de pêche, comme leurs collègues Jacques et Jean. Pourquoi a-t-il un jour quitté son travail ? Je ne le sais pas, mais l’évangile de Jean nous le présente ayant quitté son métier et vivant dans l’entourage de Jean-Baptiste, au bord du Jourdain. Un des nombreux disciples de celui qui annonce la venue du Messie. Homme de désir, insatisfait par son activité professionnelle, il doit être comme beaucoup de ses contemporains : il désire que ça change. La situation politique est lamentable : l’occupation romaine ne laisse pas beaucoup de liberté ; la situation économique est désastreuse : de plus en plus de misère, et les petites gens écrasées sous les impôts de plus en plus lourds ; enfin, situation religieuse bien triste, avec un haut clergé qui collabore avec l’occupant romain. Il faut que cela change, et c’est sans doute dans cet espoir qu’André, ayant entendu parler de Jean-Baptiste, est venu se ranger parmi ses disciples. De plus en plus fort, le prophète annonce la venue de celui qu’il appelle « l’agneau de Dieu ». André ne comprend pas bien l’expression, qui n’est pas une expression biblique, mais pour lui, l’agneau, c’est celui qui, dans les prophéties d’Isaïe, symbolise toutes les victimes innocentes. Et voilà qu’un jour, dans la foule qui se presse pour entendre Jean-Baptiste et pour manifester sa volonté de conversion en plongeant dans le Jourdain, un homme, anonyme, passe. Le Baptiste le regarde et le désigne par ces mots : « Voici l’agneau de Dieu ». Un mot, un signe, et voilà André et Jean qui quittent le prophète pour suivre Jésus. Ils le suivront jusqu’au bout.
Verbes-condensateurs
Le récit du quatrième évangile est riche de symboles : tous les verbes comptent. Non seulement suivre, mais chercher, demeurer, venir, voir, et enfin trouver. Ils sont comme un condensé de toute l’aventure des premiers disciples ; comme un condensé de toute l’aventure spirituelle de tous les croyants. Mais revenons pour le moment à André. Il désirait que ça change, il s’est mis en route, car ça ne suffit pas de soupirer et de se lamenter si on ne bouge pas ; sur sa route, il y a eu, comme un « poteau indicateur », Jean Baptiste qui lui a désigné Jésus ; il a suivi l’homme qui passait, il est « demeuré » chez lui. Ce qu’ils se sont dit, ce soir-là, on n’en sait rien. Mais ce qu’on sait, c’est que dès le lendemain, André est parti chercher son frère Simon, qu’il lui a annoncé :« Nous avons trouvé le Messie », avant de le présenter à Jésus. André, l’homme des médiations.
Trois mentions
Encore une fois, les Évangiles sont très discrets à propos d’André. Mais les trois petits passages où son nom est mentionné sont révélateurs. D’abord le soir de la multiplication des pains : alors que Philippe se lamente, se demandant où trouver l’argent pour nourrir la foule, André, lui, a repéré le garçon qui possède cinq pains d’orge et deux poissons et l’amène à Jésus. Encore une médiation, ô combien significative ! Autre passage dans l’évangile de Jean : des sympathisants grecs, des païens, demandent à voir Jésus, et c’est André qui en parle au Maître. Notre ami ne serait-il pas le premier d’une longue lignée de disciples qui, aujourd’hui encore, cherchent à favoriser l’accès à Jésus et aident tous les « chercheurs de Dieu » à le trouver ? Dernière mention évangélique du nom d’André : c’est dans l’évangile de Marc. Là, on le retrouve quand même associé aux trois intimes, Pierre, Jacques et Jean, pour demander à Jésus une révélation sur la date de la destruction de Jérusalem.
Si j’insiste tant sur le parcours d’André, c’est parce que ce « presque anonyme », ce disciple qui ne se met pas en avant et qui ne fait pas parler de lui, manifeste, par le peu de choses que nous savons de lui, l’itinéraire qui doit être le nôtre, comme celui de tout disciple.
Et nous ?
Être des hommes de désir, nous l’avons dit souvent, c’est le point de départ. Si nous sommes satisfaits de notre sort, si nous pensons qu’une vie médiocre peut nous satisfaire, qu’il suffit de se débrouiller par soi-même, « et que les autres en fassent autant », alors, je n’insiste pas. Mais, comme dit Jésus lui-même, « qui cherche trouve ». Le désir, une mise en route, une rencontre, des rencontres, tout cela, c’est le parcours obligé du croyant. Avant de pouvoir « demeurer » avec le Christ. Avant de pouvoir dire : « Nous avons trouvé ». Tout au long de cette route humaine, nous trouvons des médiateurs, des « poteaux indicateurs ». Ils sont indispensables, comme le fut le prêtre Héli pour le petit Samuel, comme Jean-Baptiste pour André et son camarade. Telle réflexion d’un ami, telle rencontre inopinée, tel geste qui nous a frappés, telle remarque entendue un jour et qui a fait « tilt », ce sont ces médiations indispensables : elles nous indiquent que nous sommes sur la bonne route. Et nous-mêmes, nous serons alors les intermédiaires efficaces, pour ceux qui cheminent avec nous.
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