On était frappé par son enseignement

 Une Parole qui libère

Jésus, accompagné de ses disciples, arrive à Capharnaüm. Aussitôt, le jour du sabbat, il se rendit à la synagogue, et là, il enseignait. On était frappé par son enseignement, car il enseignait en homme qui a autorité, et non pas comme les scribes. Or, il y avait dans leur synagogue un homme, tourmenté par un esprit mauvais, qui se mit à crier : « Que nous veux-tu, Jésus de Nazareth ? Es-tu venu pour nous perdre ? Je sais fort bien que tu es le Saint, le Saint de Dieu ». Jésus l’interpella vivement : « Silence ! Sors de cet homme ». L’esprit mauvais le secoua avec violence et sortit de lui en poussant un grand cri. Saisis de frayeur, tous s’interrogeaient : « Qu’est-ce que cela veut dire ? Voilà un enseignement nouveau, proclamé avec autorité ! Il commande même aux esprits mauvais, et ils lui obéissent ». Dès lors, sa renommée se répandit dans toute la région de la Galilée.

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc 1, 21-28

QUATRIÈME DIMANCHE ORDINAIRE (B)

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Dans le ronron habituel...

            Nous avons quitté Jésus, dimanche dernier, alors qu'il venait d'appeler ses premiers disciples, Simon-Pierre, André, Jacques et Jean. Et nous les retrouvons aujourd'hui qui se rendent à la synagogue de Capharnaüm, pour la liturgie du sabbat. C'était la coutume, dans les synagogues, d'inviter les gens de passage à lire les textes de la Bible prévus par la liturgie et à en faire le commentaire. C'était l'habitude, la coutume, le ronron habituel ! Et ils en avaient tellement entendu, les gens de Capharnaüm, de ces scribes, de ces lettrés, de ces gens qui connaissaient les Écritures, qui, même avaient fait des études, et qui débitaient un discours endormeur, des prétendus "maîtres", coupeurs de cheveux en quatre !

...une parole qui réveille.

            Et voilà que, d'un seul coup, ce jour-là, tout le monde se réveille. La Parole que l'inconnu prononce réveille tellement, elle a une autorité si forte, qu'elle réveille même, au plus profond de l'homme, les vieux démons qui y régnaient en maîtres, sans soucis, sûrs de leur pouvoir. "Ah mais, qu'est-ce qu'il vient nous déranger, celui-là ? On sait qui il est ! On la connaît, cette Parole : c'est le Verbe de Dieu, Dieu lui-même, le Saint de Dieu. La Parole créatrice qui s'est fait homme." Et voilà que justement cette Parole créatrice, re-créatrice, le Verbe fait chair, commande avec autorité et libère l'homme aliéné. Les témoins sont saisis de frayeur. Avouez qu'il y a de quoi avoir peur !

La suite ?

            La semaine dernière, je vous parlais de la rapidité des commencements. Je vous disais comment le Christ arrivait, annonçait que "le Règne de Dieu est proche", et comment, immédiatement, des hommes quittaient tout, famille et profession, pour adhérer. Et, disant cela, je me demandais : Comment cela se fait-il que ça n'ait pas continué ? Certes, le prophète de Nazareth a fait quelques centaines de disciples durant les trois ans de sa prédication, ce qui n'est pas mal ! Puis, ça a fait boule de neige, des millions de gens sont devenus chrétiens. Aujourd'hui même, il y a près de deux milliards d'hommes qui sont baptisés. D'accord ! Mais le Règne de Dieu, si proche en l'an 30 de notre ère, où en est-il en l'an 2000 ?"

            Je vous disais que Jésus annonçait un monde nouveau où les idoles (culte de la richesse, du pouvoir, de la violence) allaient être déboulonnées, pour céder la place au Règne du Dieu-Amour. Mais les idoles sont toujours en place ! Qu'est-ce qui s'est passé ? Qu'est-ce qui se passe ?

Complicités

            C'est que la Parole créatrice, re-créatrice, même avec toute sa puissance, rencontre en nous - dans l'humanité comme en tout homme - des forces de résistance insoupçonnées. En chacun de nous sommeillent les démons qui font de nous des aliénés. Le mot a un double sens. Nous ne sommes pas fous, mais nous sommes aliénés en ce sens que nous sommes prisonniers des forces du mal. Nous ne sommes pas libres. Il y a en chacun de nous des démons qui règnent en maîtres. Appelez-les comme vous voudrez : Esprit du Mal, Diable, Satan, Belzébuth, Lucifer, peu importe. Le fait est là : en chacun de nous, comme dans toute l'humanité, le Mal demeure un terrible mystère et une réalité que nul n'ignore et à laquelle personne n'échappe. Dans le meilleur des cas, nous cherchons à résister à l'ennemi intérieur ; mais souvent nous collaborons. Nous n'avons pas tellement envie d'être libérés. Il paraît que lorsque des hommes sortent de prison après avoir été longtemps reclus, ils sont comme perdus, les premiers jours, incapables d'initiative. Eh bien, de même, prisonniers que nous sommes des forces du Mal, nous n'avons pas tellement envie d'être "dérangés" : il faudrait prendre des initiatives, faire des choix difficiles, s'engager personnellement, alors que jusqu'à présent, d'autres (nos démons) nous ont dicté la conduite à tenir. Nous sommes complices des forces du mal et nous avons envie de crier, nous aussi : "Ne viens pas nous déranger."

Peur de la liberté ?

            Au fond, comme les gens de Capharnaüm, nous avons peur de ce Jésus qui vient, par sa Parole, mettre fin à nos peurs. C'est que l'esprit du mal est "Malin". Il nous fait "prendre des vessies pour des lanternes." Ce n'est pas pour rien que Jésus l'appelle "menteur et père du mensonge", et que Saint Paul nous explique que le prince des ténèbres se camoufle en "ange de lumière." Il inverse les valeurs, et nous fait prendre ce qui est objectivement mal pour quelque chose de bien, et, inversement, ce qui est le bien pour le mal. Prenons des exemples. Je ressens en moi un profond désir de vengeance. Je sais qu'objectivement la vengeance est un mal qui ne mène à rien. Mais je vais me redire qu'il est question de mon honneur bafoué, que c'est nécessaire, que si je ne me venge pas, je ne suis pas un homme, bref, que pour moi, me venger est un bien. Inversement, Dieu, qui se présente à l'homme comme le Dieu-Amour, nous est présenté par l'esprit du Mal (relisez le troisième chapitre de la Genèse) comme un Dieu cruel, jaloux, vengeur, qui veut maintenir l'homme sous sa domination absolue. Et l'homme n'arrive pas à croire que Dieu est un Père plein d'amour, qui veut des hommes libres.

            "Si je chasse les démons, dira Jésus, c'est que le Règne de Dieu est survenu pour vous." Il vient en effet rétablir l'homme dans son intégrité, sa liberté, sa dignité. Allons-nous enfin le croire, accueillir la Parole libératrice ? Elle seule, si nous la laissons pénétrer en nous pour y vaincre le mal, pourra nous rendre la liberté. A nous d'être assez ouverts à cette parole qui donne sens à notre vie. Elle nous remettra à neuf, et nous accueillerons le Royaume qui vient.

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