"Il guérit toutes sortes de malades."

Je vous referai !

 

En quittant la synagogue de Capharnaüm, Jésus, accompagné de Jacques et de Jean, alla chez Simon et André. Or, la belle-mère de Simon était au lit avec de la fièvre. Sans plus attendre, on parle à Jésus de la malade. Jésus s'approcha d'elle, la prit par la main et la fit lever. La fièvre la quitta et elle les servait.

Le soir venu, après le coucher du soleil, on lui amenait tous les malades, et ceux qui étaient possédés par des esprits mauvais. La ville entière se pressait à la porte. Il guérit toutes sortes de malades, il chassa beaucoup d'esprits mauvais et il les empêchait de parler, parce qu'ils savaient, eux, qui il était.Le lendemain, bien avant l'aube, Jésus se leva. Il sortit et alla dans un endroit désert, et là il priait. Simon et ses compagnons se mirent à sa recherche. Quand il l'ont trouvé, ils lui disent : " Tout le monde te cherche. " Mais Jésus leur répond : " Partons ailleurs, dans les villages voisins, afin que là aussi je proclame la Bonne Nouvelle ; car c'est pour cela que je suis sorti. " Il parcourut donc toute la Galilée, proclamant la Bonne Nouvelle dans leurs synagogues, et chassant les esprits mauvais.

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc 1, 29-39

CINQUIEME DIMANCHE ORDINAIRE B

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Pourquoi ?

Pourquoi le mal ? Pourquoi la maladie s'abat-elle sur moi ? Pourquoi la souffrance ? Pourquoi la mort ? Cette question est essentielle. Elle ne cesse de se poser à l'humanité depuis qu'il y a des hommes. Ce n'est pas une question intellectuelle, à laquelle on pourrait donner une simple réponse intellectuelle. C'est une question existentielle : pourquoi l'homme que je suis connaît-il telle ou telle forme de mal, de malheur, au cours de son existence ? Et au fond, la question est tellement importante, tellement vitale que selon la réponse qu'on y apporte, les hommes ne peuvent se classer qu'en deux catégories : croyants ou athées. Nous sommes au cœur du plus haut débat dont l'esprit humain est capable. Or, cette question est humainement insoluble. Des réponses intellectuelles, tous les systèmes philosophiques en ont donné. Toutes les religions également. Aucune, à ma connaissance, n'est satisfaisante.

Désobéissance ?

La Bible répond à notre question, dès le chapitre 3 du livre de la Genèse, par un récit mythologique que vous connaissez bien : un serpent qui parle, qui détourne l'homme et la femme du respect du seul interdit formulé (ne pas manger le fruit de l'arbre de la connaissance du bien et du mal), et les conséquences de la désobéissance première : désormais, régneront sur le monde le mal, la souffrance, la mort. Donc, le mal ne vient pas de Dieu. Il est la conséquence d'une désobéissance : le mode d'emploi n'a pas été respecté, et l'homme a cassé le monde dont il avait été instauré le gérant et l'utilisateur.

Reflet de la pensée officielle du peuple d'Israël, ce récit mythique résume très bien ce que les gens croyaient - ce que beaucoup pensent encore aujourd'hui : si je fais le bien, je serai béni de Dieu, et si je fais le mal, je serai puni. Oui, mais… l'expérience prouve que ce n'est pas toujours vrai. Sans parler de la souffrance et de la mort des innocents, on sait très bien qu'il n'y a pas de lien de cause à effet entre ce que je fais, en bien ou en mal, et ce qui m'arrive, en bonheur ou en malheur.

Job, l'homme révolté.

Et voici la contestation de la pensée officielle. C'est le livre de Job, dont la première lecture de ce dimanche nous offre un court extrait. Le livre de Job est un conte qui met en scène un homme riche, heureux, à qui tout a réussi. Avec la permission de Dieu, Satan lui envoie tous les malheurs, persuadé que dans la misère, Job va maudire Dieu. En quelques jours donc, Job perd tout ce qui faisait sa richesse et son bonheur. Le voilà " pauvre comme Job ". Ses amis viennent alors lui tenir de grands discours, reflets de la pensée commune de l'époque : s'il t'arrive tel ou tel malheur, c'est que tu as fait quelque chose de mal, c'est la punition de Dieu ; ou encore : il faut accepter ton sort, car c'est la volonté de Dieu : Dieu châtie ceux qu'il aime bien ". Mais Job, c'est l'homme révolté. Il veut comprendre. Il demande des comptes à Dieu. Dieu commence par lui répondre : " Qui es-tu pour discuter avec moi ? Es-tu capable de comprendre les secrets de la nature ? Alors, ne cherche pas à comprendre les mystère de la vie. " Ce n'est qu'à la fin du livre que Dieu déclare : " C'est Job qui a raison ". Oui, Job a raison de demander des explications à Dieu.

Remarquez que le problème reste entier, et que Dieu ne lui a pas donné de réponse satisfaisante. Donc, si les explications philosophiques et rationnelles, si les mythes religieux et les contes bibliques nous laissent sur notre faim, vers qui nous tourner ?

Une seule réponse.

Au problème du mal, je ne connais qu'une réponse : Jésus Christ. Encore faut-il bien comprendre les signes qu'il nous fait. Car il ne nous donne pas de réponse intellectuelle à notre question. Il nous dit essentiellement que Dieu, non seulement n'est pas à l'origine du mal, mais qu'il est contre le mal. Bien sûr, et c'est la rançon de la liberté humaine, il ne peut pas éradiquer le mal d'un coup de baguette magique, mais il nous invite à poursuivre aujourd'hui le combat inauguré il y a 2000 ans.

L'évangile de ce jour nous montre Jésus, au sortir de la synagogue de Capharnaüm où nous l'avions vu en train de prêcher. Il va manger chez son ami Pierre, trouve la belle-mère de Pierre alitée avec une forte fièvre, la guérit (plus précisément, la "relève") avant de se mettre à table. Le même soir, "la ville entière se pressait à la porte", réclamant des guérisons que Jésus accomplit, avant de se réfugier, la nuit venue, dans un endroit désert, alors que "tout le monde le cherche". Pierre et ses amis, après l'avoir trouvé en prière, sont surpris d'entendre Jésus leur dire : "Partons ailleurs, dans les villages voisins : c'est pour cela que je suis sorti".

Je vous referai !

Voilà donc le premier signe que fait Jésus : il guérit des malades, il chasse les démons. Donc Dieu est contre le mal. On comprend que les habitants de Capharnaüm aient cherché à se le garder, pour eux seuls. Pensez donc : un tel guérisseur ! Mais c'est une fausse piste : celle d'un Messie qui, d'un coup de baguette magique, éliminerait du monde la souffrance, la maladie, la misère, le malheur. On cherche un guérisseur, et on trouve un homme en prière. Et j'imagine facilement cette prière de Jésus. Se rappelant toutes les rencontres de la veille, il en parle à son Père et lui redit : " Que ta volonté soit faite… délivre-nous du mal." Dieu ne va pas extirper, comme par miracle, le mal du monde entier. C'est à nous de construire un monde où la "volonté de Dieu" se réalisera. Et la volonté de Dieu, c'est que l'homme vive heureux. Si vous vous "relevez", si vous ne vous résignez pas, si vous vous battez contre toutes les formes du mal, de toutes vos forces, alors vous serez les disciples de celui qui disait : "Venez à moi, vous tous qui souffrez et peinez, et je vous referai."

Dieu nous relèvera.

Nous sommes le corps du Christ. Le Christ, Dieu, n'a pas d'autres moyens que nous, ses disciples d'aujourd'hui, pour faire des signes à l'humanité souffrante. Quels signes ? Ceux que Jésus faisait déjà et que je lis dans l'Évangile : libération de la maladie, du malheur, de la misère, de tous les esclavages. Le chrétien doit refaire ces signes et chacun de ses gestes doit signifier, manifester que la guerre, la maladie, l'injustice, l'exclusion ne sont pas obligatoires.

Le signe du Christ guérissant les malades n'est qu'un début de réponse à notre pourquoi. La réponse définitive, il la donnera en affrontant la souffrance, la torture, la mort sur la croix, pour nous montrer le chemin. Et de même que Jésus a "relevé" la belle-mère de Pierre, Dieu va le "relever" d'entre les morts. Et nous aussi - c'est ma conviction - Dieu nous "relèvera" de la mort, qui est le mal suprême, pour nous faire entrer dans le monde nouveau où il n'y aura plus "ni deuil, ni larmes ni douleur, mais la joie et la paix."

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