Dans la synagogue de Capharnaüm
Une vraie nourriture.
La foule s'était aperçue que Jésus n'était pas au bord du lac, ni ses disciples non plus. Alors les gens prirent les barques et se dirigèrent vers Capharnaüm à la recherche de Jésus. L'ayant trouvé sur l'autre rive, ils lui dirent : " Rabbi, quand es-tu arrivé ici ? " Jésus leur répondit : " Amen, amen, je vous le dis : vous me cherchez, non parce que vous avez vu des signes, mais parce que vous avez mangé du pain et que vous avez été rassasiés. Ne travaillez pas pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui se garde jusque dans la vie éternelle, celle que vous donnera le Fils de l'homme, lui que Dieu, le Père, a marqué de son empreinte. " Ils lui dirent alors : " Que faut-il faire pour travailler aux œuvres de Dieu ? " Jésus leur répondit : " L'œuvre de Dieu, c'est que vous croyiez en celui qu'il a envoyé." Ils lui dirent alors : " Quel signe vas-tu accomplir pour que nous puissions le voir, et te croire ? Quelle œuvre vas-tu faire ? Au désert, nos pères ont mangé la manne ; comme dit l'Ecriture : " Il leur a donné à manger le pain venu du ciel. " Jésus leur répondit : " Amen, amen, je vous le dis : ce n'est pas Moïse qui vous a donné le pain venu du ciel ; c'est mon Père qui vous donne le vrai pain venu du ciel. Le pain de Dieu, c'est celui qui descend du ciel et qui donne la vie a monde. " Ils lui dirent alors : " Seigneur, donne-nous de ce pain-là, toujours. " Jésus leur répondit : " Moi, je suis le pain de la vie. Celui qui vient à moi n'aura plus jamais faim ; celui qui croit en moi n'aura plus jamais soif. "
Evangile de Jésus Christ selon saint Jean 6, 24-35 18e DIMANCHE ORDINAIRE (B) oOo Malentendus.
Que de malentendus dans cet évangile de Saint Jean ! On dirait que Jésus prend plaisir à désarçonner ses interlocuteurs. Souvenez-vous : Nicodème, un vieux sage, vient le trouver, espérant entendre une parole de sagesse, et Jésus, à brûle-pourpoint, lui parle de la nécessité de re-naître, de naître une nouvelle fois. A la femme de Samarie qu'il rencontre au puits de Jacob, il demande à boire, mais c'est pour lui dire, presque aussitôt, que si elle savait qui il est, c'est elle qui lui aurait demandé à boire et il lui aurait donné de l'eau vive. Mettez-vous à la place de cet homme, de cette femme ! Et voici qu'aujourd'hui il récidive, cette fois à propos de pain, de nourriture et des faims humaines. Il vient de nourrir une foule de cinq mille hommes avec quelques pains, quelques poissons. A cette foule qui le recherche (pensez donc : un homme qui est capable de vous nourrir gratis !) il annonce une autre nourriture, " le pain qui vient du ciel, le vrai ". Il y a de quoi être désemparés !
Jésus, le provocateur.
Tout au long de ce mois d'août ; dimanche après dimanche, nous lirons ce chapitre 6 de l'évangile de Jean, qu'on appelle " le discours sur le pain de vie ". D'un bout à l'autre de ce sermon " dans la synagogue de Capharnaüm ", Jésus va se faire provocateur, à tel point qu'à la fin, " beaucoup de ses disciples s'en allèrent et cessèrent de marcher avec lui " parce que, disaient-ils, " ce discours est intolérable, on ne peut pas continuer à l'écouter ". Seuls resteront avec Jésus quelques vrais amis, dont Pierre se fait le porte-parole : " A qui irions-nous, dit-il à Jésus. Tu as les paroles de la vie éternelle ". Donc, les propos de Jésus ont provoqué volontairement une crise. Ils ont obligé ses auditeurs à faire un choix, un choix difficile à faire d'ailleurs : le choix de la confiance en sa Parole.
Vous venez de lire un premier passage de ce long discours. Je ne sais pas quelle impression il vous a fait. Peut-être vous êtes-vous sentis totalement désemparés devant ces propos qui, à première lecture, nous passent " au-dessus de la tête ". Personnellement, depuis deux jours, je m'interroge. Comment vous les présenter pour qu'ils vous soient accessibles, sans les édulcorer, sans réduire leur richesse ? Essayons pourtant.
Quelle nourriture ?
Jésus s'est enfui immédiatement après la multiplication des pains. Mais les gens l'ont retrouvé de l'autre côté du lac, à Capharnaüm. A leur question banale : " Quand es-tu arrivé ici ? ", Jésus ne répond pas. Il parle d'autre chose : vous me cherchez, leur dit-il, parce que je vous ai nourris abondamment. Mais vous n'avez pas vu le signe que je vous ai fait en vous donnant à manger. J'annonçais une autre nourriture, la nourriture de la vie éternelle. Mais les auditeurs ne comprennent pas de quoi Jésus veut parler. S'agit-il de la manne ? Quoi qu'il en soit, ils vont en rester à l'idée de la nourriture terrestre. Ils aimeraient bien que, par l'intermédiaire de Jésus qui se présente comme l'envoyé du Père, Dieu renouvelle pour eux le miracle de la manne. " Donne-nous de ce pain, toujours ", demandent-ils à Jésus.
Ils ne sont pas " sur la même longueur d'ondes ". La suite du discours ne fera qu'accentuer ces divergences. Cela ne doit pas nous étonner. Jésus oppose la vie ordinaire, pour laquelle la nourriture terrestre est nécessaire, à la vie éternelle, alimentée par une tout autre nourriture, le pain qui vient du ciel, c'est-à-dire lui-même, Jésus en personne. Imaginez la réaction des braves Juifs qui l'entendaient pour la première fois ! Et nous, qui, depuis toujours, entendons rabâcher ces mêmes formules, aussi bien dans les textes de la liturgie que dans les chants usuels dans nos églises, est-ce que cela ne nous pose pas de questions ?
Un souci primordial.
Il faudrait que cela nous pose question, sinon, nous risquons de vivre avec " une âme habituée ", comme disait Péguy. Au fond, quel est le sens de notre vie ? Nous travaillons pour " gagner notre croûte ". C'est normal. Ne disons-nous pas, dans le Notre Père : " Donne-nous aujourd'hui notre pain de ce jour ". Il s'agit bien des nourritures terrestres, pour lesquelles il faut travailler. C'est donc notre souci primordial. Et n'oublions pas que c'est le souci primordial d'une grande partie de l'humanité, aujourd'hui encore. Or, voilà que Jésus nous invite à dépasser ce souci primordial et à changer la signification de notre travail humain. Il nous invite à travailler, " non pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture de la vie éternelle ". Très bien, diront les gens, mais alors, qui va nous nourrir ?
Une dimension d'éternité.
Certes ! Mais, dit Jésus, à ce besoin primordial de l'humanité, à ce besoin naturel qu'il nous faut satisfaire, il faut ajouter un autre besoin, tout aussi important. " L'homme ne vit pas seulement de pain… " dit la Bible. Et puisqu'il est question de vie, ne limitez pas votre horizon à la vie humaine, animale, à ces quelques dizaines d'années qui vous sont données par la nature même de votre condition humaine. Jésus nous invite à dépasser cet horizon. Il nous parle de vie éternelle. Et là; il rejoint notre aspiration la plus profonde : dépasser le cadre de notre vie humaine, si étroit, si limité, pour que notre vie terrestre prenne une dimension d'éternité. Qui de nous n'en a pas rêvé ? Eh bien, c'est ce qu'il nous propose aujourd'hui.
" Travaillez pour la nourriture de la vie éternelle ", dit-il ce jour-là à Capharnaüm. Et tous de lui demander : quel genre de travail ? Simplement, répond-il, " que vous croyiez en celui que le Père a envoyé ". Il s'agit, pour chacun de nous, d'accueillir cette Parole avec confiance. Elle donnera sens à notre vie, à toutes nos activités humaines. Elle nous fera dépasser tout ce que nos désirs les plus intenses ont de trop terre à terre, de trop limité dans le temps. "Cherchez d'abord le Royaume de Dieu et tout le reste vous sera donné par surcroît".
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