Moi, je suis le pain de la vie.

Instruits par Dieu !

 

Comme Jésus avait dit : " Moi, je suis le pain qui est descendu du ciel ", les Juifs récriminaient contre lui : " Cet homme-là n'est-il pas Jésus, fils de Joseph ? Nous connaissons bien son père et sa mère. Alors, comment peut-il dire : 'Je suis descendu du ciel ' ? " Jésus reprit la parole : " Ne récriminez pas entre vous. Personne ne peut venir à moi, si le Père qui m'a envoyé ne l'attire vers moi, et moi, je le ressusciterai au dernier jour. Il est écrit dans les prophètes : 'Ils seront tous instruits par Dieu lui-même'. Tout homme qui écoute les enseignements du Père vient à moi. Certes, personne n'a jamais vu le Père, sinon celui qui vient de Dieu : celui-là seul a vu le Père. Amen, amen, je vous le dis : celui qui croit en moi a la vie éternelle. Moi, je suis le pain de la vie. Au désert, vos pères ont mangé la manne, et ils sont morts ; mais ce pain-là, qui descend du ciel, celui qui en mange ne mourra pas. Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu'un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai, c'est ma chair, donnée pour que le monde ait la vie. "

Evangile de Jésus Christ selon saint Jean 6, 41-50

19e DIMANCHE ORDINAIRE (B)

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Reprends ma vie.

Elie découragé, désespéré même ! Cela ne lui ressemble pas. Lui qui, depuis le début, se bat vaillamment contre le culte des faux-dieux, qui foisonnent en Israël depuis que le roi a épousé une libanaise païenne, lui qui a pris tant de risques et n'a pas craint la colère et les menaces des puissants, le voilà qui fuit devant Jézabel, qui s'est jurée de le faire mourir. Il disparaît, il marche sans arrêt, vite, dans le désert, loin de son pays. Mais c'en est trop. Il s'arrête à l'ombre d'un buisson et demande la mort. Il se couche et s'endort. Il attend la mort. Il "ne vaut pas mieux que ses pères", les Israélites qui, fuyant la colère du pharaon, en arrivaient à penser que ce Dieu qui les avait libérés était un Dieu de mort ; qu'il les avait fait venir dans le désert du Sinaï pour les abandonner là à leur triste sort. Et ils " murmuraient " (c'est un euphémisme), ils étaient en pleine révolte, jusqu'à ce que Dieu leur réponde en leur donnant la manne quotidienne. Lui, Elie, n'avait même plus ce courage de se révolter : "Reprends ma vie", disait-il à Dieu. Ce Dieu pour lequel il s'était toujours battu, voilà qu'il le considérait comme celui qui "reprend la vie", qui donne la mort, comme les gens qui, aujourd'hui, pensent encore que " Dieu a rappelé à lui… "

Dieu va se manifester au contraire comme celui qui réveille, qui remet debout (entendez par là : qui ressuscite, qui est du côté de la vie) et qui nourrit pour la longue marche. La longue marche de toute une vie, symbolisée par ces " quarante jours et quarante nuits ", marche vers Dieu, jusqu'à la mystérieuse rencontre de l'Horeb. Là, on ne peut pas aller plus loin : on est au sommet. Ah, que de fois j'ai rêvé de connaître moi aussi ce souffle léger, léger, du Dieu qui passe dans ma vie, qui soufflera dans mes narines son souffle de vie éternelle !

Instruits par Dieu.

Mais je rêve ! Pour le moment, je suis sur la route, je marche vers… Vers quoi, au juste ? " Personne ne peut venir à moi, me répond Jésus, si mon Père qui m'a envoyé ne l'attire vers moi ". Nous serons tous instruits par Dieu, nous dit-il encore. A ses contemporains rassemblés autour de lui, dans la synagogue de Capharnaüm, il déclare de façon abrupte : " Je viens de Dieu ". Or, ils connaissent son origine terrestre : ce Jésus, on le connaît : c'est le fils de Joseph, on connaît son père et sa mère ! Comment pourraient-ils admettre que cet homme, présent devant eux " en chair et en os ", est " de Dieu " ? Soyons raisonnables ! Eh bien oui, nous dit Jésus, je suis " de Dieu ", mais pour le croire, il faut que le Père vous inspire, qu'il souffle sur vous. La foi est un don de Dieu. Elle ne s'acquiert pas au bout d'un raisonnement, si pointu soit-il.

" Ils seront tous instruits par Dieu lui-même ". Me voilà à l'école. Comme un bon élève, attentif à ne rien perdre de l'enseignement qui m'est donné. Une parole, et cette Parole nous est donnée pleinement en Jésus. Une Parole qui est notre nourriture, notre pain quotidien si nous le désirons, le pain, la nourriture qui nous permettra de continuer la marche avec confiance. " Aimer est un voyage ", écrivait Pablo Neruda. Reprenant cette parole, je me dis souvent : " Croire est un voyage". Mais pas n'importe quel voyage. Il y a un itinéraire balisé, on ne risque pas de tourner en rond, on ne manque pas de repères. Et ce voyage peut se conclure, si nous le voulons, par une rencontre. Voilà ce que Jésus nous explique aujourd'hui dans ce passage d'Evangile. Essayons de concrétiser ce qu'il nous dit.

En route.

Il s'agit d'un double mouvement : de Dieu vers l'homme (vers moi) ; de l'homme (moi) vers Dieu. Le mouvement de Dieu vers l'homme est personnalisé en Jésus. Il est, nous dit-il, " le pain qui vient du ciel ". Cet homme-Jésus, que ses concitoyens décrivent comme " un homme comme nous ", dont ils connaissent la généalogie, est en réalité celui qui " seul, a vu le Père ". Il est " descendu du ciel " et c'est, nous dit-il " le Père qui l'a envoyé ". Voici donc Jésus devant nous, en face, extérieur. C'est alors que vient se produire un second mouvement, celui des hommes vers ce Jésus. Et à l'origine de ce second mouvement, on trouve encore Dieu lui-même : c'est le Père qui " attire vers " Jésus, par un enseignement intérieur (son souffle de vie).

Evidemment, je reste libre. Libre d'accepter ou de refuser cette démarche. Libre d'aller à la rencontre de celui qui vient à ma rencontre ou de refuser de marcher. De refuser de croire. Car c'est cela, la foi : une confiance totale qui me met en route vers Celui qui vient à moi, pour me nourrir de sa Parole. Tout vient de Dieu. Tout est en lui. L'Evangile nous porte au cœur de la connaissance du Christ, nous oblige à ne pas en rester à quelques clichés. Cependant, une résistance profonde et rusée nous rend souvent, comme les interlocuteurs de Jésus, aveugles et sourds.

Pourquoi cette résistance ? Simplement parce que nous avons peur d'aller jusqu'au bout de la démarche. Jésus se présente à nous comme notre nourriture. Il se donne pour que nous ayons la vie. C'est cela, l'être même de Dieu : se déposséder de soi pour que l'autre vive. Et pour nous, c'est la même chose :vivre de sa vie, c'est être capables de nous donner. Mais cela nous fait peur. Ce n'est pas si facile que cela d'avancer à la rencontre du Christ. Pourtant, c'est l'invitation qui nous est faite aujourd'hui : nous sommes tous appelés à passer de la peur à la foi.

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