"Je connais mes brebis..."

Le bon pasteur.

 

Jésus disait aux Juifs : " Je suis le bon pasteur (le vrai berger). Le vrai berger donne sa vie pour ses brebis. Le berger mercenaire, lui, n'est pas le pasteur, car les brebis ne lui appartiennent pas : s'il voit venir le loup, il abandonne les brebis et s'enfuit ; le loup s'en empare et les disperse. Ce berger n'est qu'un mercenaire et les brebis ne comptent pas vraiment pour lui. Moi, je suis le bon pasteur ; je connais mes brebis et mes brebis me connaissent, comme le Père me connaît et que je connais le Père ; et je donne ma vie pour mes brebis.

J'ai encore d'autres brebis, qui ne sont pas de cette bergerie : celles-là aussi, il faut que je les conduise. Elles écouteront ma voix : il y aura un seul troupeau et un seul pasteur. Le Père m'aime parce que je donne ma vie, pour la reprendre ensuite. Personne n'a pu me l'enlever : je la donne de moi-même. J'ai le pouvoir de la donner, et le pouvoir de la reprendre : voilà le commandement que j'ai reçu de mon Père. "

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 10, 11-18.

QUATRIEME DIMANCHE DE PAQUES (B)

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Un terme ambigu.

Rien de plus ambigu que le terme de " berger ", de " pasteur ", que Jésus utilise pour dire le sens de sa mission et de sa relation aux hommes. Si, dans l'Ancien Testament, Dieu est désigné comme le " pasteur d'Israël ", le terme est employé beaucoup plus souvent pour parler du roi, des prêtres, de tous ceux qui ont une responsabilité et une autorité sur le petit peuple. Souvent, les prophètes émettront de violentes critiques contre les mauvais bergers. Ainsi, Jérémie écrit : " Tous tes pasteurs, le vent les enverra paître. " L'image du berger n'est pas propre à Israël. Les empereurs romains se faisaient appeler " bon pasteur ", et notre époque a connu, hélas, führer, duce, caudillo, conducator, petit père des peuples, pour le malheur des masses dont ils avaient la prétention d'être les conducteurs et les guides. Disons, pour faire simple, que toutes les idéologies totalitaires ont eu la prétention de diriger les peuples qui leur étaient soumis et de les conduire ...vers quel avenir !

C'est pourquoi l'image du berger risque d'être, particulièrement de nos jours, une image terriblement négative. D'abord parce qu'elle désigne une personne qui émet la prétention de diriger d'autres hommes, et ensuite parce que ces hommes risquent d'être réduits à l'image d'un troupeau de moutons.

Les points sur les " i "

Jésus, pourtant, emploie - parmi d'autres images - cette image du berger, du pasteur, pour nous dire des choses essentielles. Mais, parce qu'il sait l'ambiguïté du terme, il va mettre " les points sur les i. " D'abord en précisant qu'il n'est pas comme le berger mercenaire, pour qui les brebis ne comptent pas. Ensuite, il va dire pourquoi lui, et lui seul, est un bon berger : premièrement parce qu'il donne sa vie pour ses brebis ; deuxièmement parce qu'il connaît ses brebis et que ses brebis le connaissent ; troisièmement parce qu'il rassemble dans l'unité ses brebis dispersées.

Remarquez-le bien : nulle part il n'est question de commander ni de dominer. Mais dans ces trois expressions, Jésus se présente comme l'anti-dictateur. Il n'est pas le " big brother " Il opère un renversement de toutes les " valeurs " de ce monde : il donne sa vie pour son peuple ; il connaît chacun de nous d'une connaissance personnelle, intime, de l'intimité même qu'il vit avec son Père ; enfin, ce qu'il veut par-dessus tout, c'est que nous parvenions à l'unité. Et pour bien enfoncer le clou, c'est par quatre fois qu'il répète : " Je donne ma vie pour mes brebis ".

Cela nous rassure.

Cela nous rassure. Pas question, pour les chrétiens, de se comporter en moutons bêtes et disciplinés. Ils ont, simplement, à accueillir l'Amour , à " connaître " ce Dieu-Amour et, par conséquent, à vivre concrètement de cette vie divine dans toute sa grandeur puisque " dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu. " (Saint Jean) Cela nous rassure, mais aussi cela nous engage. " Les chefs de ce monde commandent en maîtres et font sentir durement leur pouvoir, nous dit Jésus. Mais pour vous, il n'en sera pas de même. Celui qui veut commander se comportera comme un serviteur. " La page d'évangile que nous lisons aujourd'hui a été écrite par Jean à la fin du Ier siècle pour des communautés dont l'unité était menacée. L'auteur du quatrième évangile tenait à rappeler fortement l'origine et la source de l'unité chrétienne : l'amour concret de Dieu pour son peuple.

Quels pasteurs ?

Quelques jours après sa résurrection, Jésus retrouve Pierre au bord du lac de Tibériade. Par trois fois, il lui demande s'il l'aime, et par trois fois, il transmet à Pierre le titre de pasteur : " Sois le berger de mon troupeau ", lui dit-il. Et c'est vrai qu'on désigne par cette image du berger tous les " pasteurs de l'Église ", pape, évêques, prêtres, aussi bien que les " pasteurs " de l'Église protestante. Mais le titre n'est pas réservé aux ministères ordonnés. On parle de " pastorale de la santé ", de " Conseils Pastoraux ": Tout le peuple de Dieu est donc convoqué pour participer activement à l'œuvre pastorale du Christ. En effet, par le baptême, chacun de nous est devenu " membre du Christ, prêtre, prophète et roi. " Serons-nous de " bons pasteurs " ?

Ni indifférence ni cynisme.

Jusqu'où la parabole du bon pasteur peut-elle s'appliquer dans nos relations avec autrui ? Notre Évangile nous offre deux possibilités : l'amère parole du prophète : " Tous tes pasteurs, le vent les enverra paître ", et le cynisme de l'empereur qui se proclamait " bon pasteur ". Les premiers régnaient avec indifférence, le second gouvernait par la force. Dans nos relations, nous sommes constamment exposés au danger de tomber dans l'un ou l'autre de ces travers : soit dicter des ordres proprement tyranniques, soit nous détourner d'autrui en ne daignant pas lui accorder la moindre considération.

Pourtant, tout l'art de notre vie consiste à savoir accéder au plus profond du cœur de l'autre, afin de gagner ainsi le centre du monde, le cœur de Dieu. Essayons d'incarner un tant soit peu, la figure du bon pasteur, le divin berger qui nous précède et que nous suivons dans chaque geste d'amour fraternel.

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