"Demeurez dans mon amour."
Fraternité, Egalité, Liberté.
A l'heure où Jésus passait de ce monde à son Père, il disait à ses disciples : " Comme le Père m'a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez dans mon amour. Si vous êtes fidèles à mes commandements, vous demeurerez dans mon amour ; comme moi, j'ai gardé fidèlement les commandements de mon Père, et je demeure dans son amour. Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous, et que vous soyez comblés de joie. Mon commandement, le voici : aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande. Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ignore ce que veut faire son maître ; maintenant, je vous appelle mes amis, car tout ce que j'ai appris de mon Père, je vous l'ai fait connaître.
Ce n'est pas vous qui m'avez choisi, c'est moi qui vous ai choisis et établis afin que vous partiez, que vous donniez du fruit, et que votre fruit demeure. Alors, tout ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous l'accordera. Ce que je vous demande, c'est de vous aimer les uns les autres ".
Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 15, 9-17. SIXIEME DIMANCHE DE PAQUES (B) oOo Les plus beaux mots.
La mode est aux sondages. A un tel point qu'on finit par s'en lasser. Mais il y a quelques mois, j'ai été intéressé par les résultats d'un sondage original. On a demandé aux écoliers du primaire de classer les plus beaux mots de la langue française. Et en numéro un, ils ont choisi, à une très forte majorité, le mot " amour " (Venait, en deuxième position le mot " vacances " et en troisième position, je crois, le mot " paix ".)
Le plus beau mot, dans toutes les langues de la terre, certes, mais tellement banalisé ! On le met à toutes les sauces. Les textes que nous lisons ce dimanche emploient 21 fois les mots " amour ", " aimer ", amis ". Trop c'est trop ! A un tel point que l'amour, même si c'est le plus beau mot, n'est plus une valeur qui paye. Voyez comment chez nous les hommes s'invectivent, se déchirent, à la recherche du pouvoir. Et voyez comment, en Afrique et ailleurs aujourd'hui, des peuples en large partie christianisés en viennent à se massacrer au nom d'appartenances à des ethnies différentes.
Le plus beau mot, mais à condition de bien préciser les réalités qu'il recouvre dans la bouche de Jésus et de ses disciples. C'est ce que nous allons essayer de faire. En premier lieu, en reconnaissant l'origine de l'amour, et ensuite en déterminant trois caractéristiques de l'amour selon Jésus : (dans l'ordre) Fraternité - Egalité - Liberté.
A l'origine de l'Amour.
L'origine de l'amour, c'est Dieu. " Dieu est amour " (on le chante) et " l'amour vient de Dieu ", nous dit saint Jean. Et Jésus nous dit d'une manière plus précise encore : " Ce n'est pas vous qui m'avez choisi, c'est moi qui vous ai choisis". Donc notre première démarche consiste à reconnaître l'amour, à accepter de dire " Dieu est Amour ", ce qui est difficile, tellement nous sommes habitués à nous faire des images totalement différentes de Dieu. Regardons un instant en nous : pouvons-nous dire " Père " à Dieu en pleine confiance, sans réticences ? Nous y croyons si peu, à ce Dieu-Amour, qu'il a fallu qu'il " se tue " littéralement à nous le dire, en mourant sur une croix. Par contre si nous reconnaissons Dieu comme l'Amour et l'origine de tout amour humain (si nous connaissons Dieu, pour employer l'expression très forte de saint Jean) , nous pourrons entrer dans des conduites d'amour vrai. Nous pourrons aimer COMME Dieu, COMME Jésus. Pour savoir ce qu'est l'amour, regardons le Christ. Par lui nous apprendrons que pour Dieu, aimer, c'est aimer le premier. Nous ne pouvons qu'aimer en second. Toute la création est un geste d'amour qui nous fait arriver à l'existence. Donc, la première condition pour aimer, c'est de prendre conscience que nous sommes aimés, gratuitement, sans raisons.
Fraternité ?
Nous pouvons faire maintenant trois tests qui nous permettront de répondre à la question : " Est-ce que j'aime vraiment ? Comme le Christ ? " Premier test : la fraternité. Est-ce que je regarde les autres comme mes frères ? Tous les autres sont-ils vraiment mes " frères humains " ? En effet, si je crois que Dieu est " notre Père ", en toute logique je dois avoir des comportements fraternels à l'égard de tous ceux que je rencontre. Cela ne veut pas dire qu'il n'y aura pas de conflits (il y en a dans toutes les familles, entre frères et sœurs), mais ces conflits ne doivent pas détruire la réalité plus fondamentale, plus existentielle : l'autre est mon frère, et mon regard sur lui ne peut pas être un regard d'indifférence ou de mépris : nous sommes de la même famille, " nous sommes tous de la race de Dieu ", dira saint Paul dans son discours aux Athéniens.
Egalité ?
Deuxième question qu'il nous faut nous poser : à mes yeux, est-ce que tous ceux que je rencontre sont mes égaux ? Cette question peut vous choquer. En effet, il n'y a entre nous égalité ni de fonctions, ni de richesse, ni d'intelligence, ni de culture...Et pourtant, j'affirme : pour qu'il y ait amour, il faut qu'il n'y ait ni supérieur, ni inférieur. " Maintenant, je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ignore ce que veut faire son maître ; maintenant je vous appelle mes amis, car tout ce que j'ai appris de mon Père, je vous l'ai fait connaître ", nous dit Jésus. L'amour, en effet, commence quand on n'accepte plus que l'autre soit vis-à-vis de nous dans un état d'infériorité ou de supériorité. Il en doit être ainsi, aussi bien dans le couple humain que dans toutes les formes de relations entre les personnes. On ne peut pas dire qu'on aime quelqu'un si on le considère comme inférieur (ou supérieur) à soi-même. " Le malheur de l'homme est de se comparer. " Vous m'avez souvent entendu redire cette parole.
Liberté ?
Enfin, troisième test nécessaire pour vérifier la qualité de l'amour : la liberté. Il en est ainsi de l'amour du Dieu créateur qui nous a donné dès le premier jour la liberté de l'accepter ou de le refuser, de l'aimer, de le caricaturer ou même de le nier. Pas d'amour possible si on ne fait pas à l'autre une place où il pourra exister tel qu'il est. Un espace en nous et autour de nous, où il sera chez lui. Dieu est un " mendiant d'amour ", il ne force pas, ne contraint jamais à l'aimer. Simplement, Jésus nous le fait connaître tel qu'il est : nu, sur une croix. Dans la situation du " Très-Bas ". Parce qu'il veut être bien sûr que c'est en pleine et totale liberté que nous l'aimons. Nous qui, souvent, recherchons l'amour des autres comme une possession de l'autre, saurons-nous apprendre la gratuité du don ? Alors, nous dit-il, " ma joie sera en vous et vous serez comblés de joie. "