Quand Jésus vit toute la foule qui le suivait...
HEUREUX !
Quand Jésus vit toute la foule qui le suivait, il gravit la montagne. Il s'assit, et ses disciples s'approchèrent. Alors, ouvrant la bouche, il se mit à les instruire. Il disait : "Heureux les pauvres de cœur : le Royaume des cieux est à eux ! Heureux les doux : ils obtiendront la terre promise ! Heureux ceux qui pleurent : ils seront consolés ! Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice : ils seront rassasiés ! Heureux les miséricordieux : ils obtiendront miséricorde ! Heureux les cœurs purs : ils verront Dieu ! Heureux les artisans de paix : ils seront appelés fils de Dieu ! Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice : le Royaume des cieux est à eux ! Heureux serez-vous si l'on vous insulte, si l'on vous persécute et si l'on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi. Réjouissez-vous, soyez dans l'allégresse, car votre récompense sera grande dans les cieux."
Evangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 5, 1-12 LA TOUSSAINT (B) oOo Le bonheur.
" Heureux " : c'est le premier mot que l'évangile de Matthieu met dans la bouche de Jésus, le jour où il commence sa prédication en Galilée. Et neuf fois de suite, le voilà qui annonce que non seulement le bonheur est possible, mais qu'il est là, aujourd'hui, à la portée de chacun de ses auditeurs. A notre portée, à nous aussi. Alors, vient à mon esprit une première question : pourquoi a-t-on fait de notre religion quelque chose de triste, d'ennuyeux. Une religion à base d'interdits et d'obligations ? Une religion de l'effort ? Ce que Dieu vient nous annoncer en Jésus Christ, c'est le bonheur, la bonne nouvelle du bonheur donné à l'homme, de sa libération. Donc, pour commencer, il faudrait nous débarrasser de cette image d'une foi austère, pleine d'obligations désagréables. Tous les textes de cette fête de la Toussaint rayonnent de joie. Apprenons donc à accueillir cette joie, à la faire nôtre.
Il faut distinguer.
Encore faut-il, d'abord, bien nous entendre sur ce qu'on appelle " bonheur ". Pour faire simple, je vais faire la distinction entre ce que j'appelle le " bonheur-évasion " et le " bonheur-réalisme ". Bonheur-évasion : pour beaucoup de nos contemporains, le bonheur est dans la satisfaction immédiate de tous nos désirs. Survient un contretemps, une maladie, une souffrance, une rupture, tout cela nous apparaît comme anormal, injuste, indu. Nous pensons instinctivement que l'homme heureux est celui qui a tout ce qu'il veut. Or, à la réflexion, on se rend compte que ce n'est pas vrai. Avec un peu de lucidité, on remarque que notre vie, aussi bien notre vie personnelle que la vie de nos sociétés, s'insère dans un contexte de conflits. Nous vivons dans un monde de méchanceté, de compétition pour dominer. Un monde de prédateurs. Il y a tellement de gens qui poursuivent le rêve d'être plus que les autres, de dominer, de pouvoir faire n'importe quoi, de soumettre toute chose et tous ceux qui les entourent à leur désir ! Toutes nos sociétés sont bâties là-dessus.
Soyons réalistes.
C'est de ce constat réaliste qu'il faut partir pour ne pas faire de notre recherche du bonheur une simple évasion. C'est à partir de ce constat réaliste que Jésus nous propose dans les Béatitudes un chemin (des chemins ?) de bonheur. Que nous dit-il ? Que le bonheur vient à travers nos attitudes concrètes, dans notre vie de tous les jours. Paradoxalement, est heureux celui qui manque, c'est-à-dire celui qui n'est pas satisfait du monde tel qu'il est, celui qui cherche, celui que la richesse sous toutes ses formes ne comble pas. Est heureux celui qui prend ses distances vis-à-vis de la volonté de posséder, de la volonté de dominer. Celui qui est insatisfait devant le monde injuste, violent, plein de mensonge, dans lequel nous vivons. Celui qui est " miséricordieux ", c'est-à-dire qui comprend et accepte les autres. Cela va nécessairement se traduire par un combat. La race des " pacifiques " sera à peu près certainement traquée et persécutée. Cela se vérifie encore de nos jours, aux quatre coins du monde ! Mais dans ce combat, dans ces persécutions, demeure une certitude : même la défaite apparente n'empêche pas le bonheur. C'est cela, la Bonne Nouvelle. Les messagers de paix déclenchent contre eux la guerre et les voici logés à la même enseigne que Jésus, l'Agneau de Dieu qui ne fait de mal à personne et que tout le monde dévore.
Le portrait-robot.
J'ai souvent expliqué comment le programme des Béatitudes représentait, pour moi, le portrait-robot du Christ. Relisez tous les Evangiles et vous verrez quantité de faits qui nous présentent Jésus comme le pauvre " qui n'a pas une pierre où reposer sa tête ", l'homme " doux et humble de cœur ", qui ouvre son cœur à toute misère, qui pardonne et prend pitié, qui donne sa paix ; contredit, harcelé, calomnié, "persécuté", " mis au rang des malfaiteurs "… c'est lui qui nous invite à partager sa joie !
" Les petits, les obscurs, les sans grade "
Eh bien, ils sont des millions - tous ceux que nous fêtons aujourd'hui - qui ont pris au sérieux ce programme de bonheur à chercher dans les contradictions d'une vie qui, comme la nôtre, n'a certes pas toujours été facile, mais où ils ont bien vécu. Pas dans une fuite en avant, pas dans une évasion plus ou moins adolescente, mais avec le réalisme de l'adulte. Ils sont dans la joie et nous partageons leur joie. C'est pour nous un grand motif d'espérance. C'est vrai : tous les jours de l'année, l'Eglise nous présente comme modèles des saints dont les " vertus " nous paraissent totalement inaccessibles. Mais aujourd'hui, elle nous invite à regarder vers des gens " ordinaires ", qui n'ont jamais fait parler d'eux ; " les petits, les obscurs, les sans grade " de la sainteté. C'est réconfortant, non pas pour nous ancrer dans une certaine médiocrité, mais pour nous redonner espoir. " Si tu veux, nous dit Jésus, tu peux marcher sur le même chemin, et tu peux trouver le bonheur. "
Car sur cette route, nous ne sommes pas seuls. Environnés par la multitude des morts et des vivants, portés dans notre marche par cette multitude. Foule immense d'hommes, de femmes, d'enfants, de jeunes et de vieillards. Nous faisons partie de la même grande famille, que saint Paul appelle " le corps du Christ ". " Environnés que nous sommes par une telle nuée de témoins, rejetons tout fardeau…et courons avec assurance, les regards fixés vers celui qui est l'initiateur de notre foi, Jésus. ". (Hébreux 12, 1)
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