"De toutes les nations faites des disciples."
Allez donc !
Au temps de Pâques, les onze disciples s'en allèrent en Galilée, à la montagne où Jésus leur avait ordonné de se rendre. Quant ils le virent, ils se prosternèrent, mais certains eurent des doutes. Jésus s'approcha d'eux et leur adressa ces paroles : " Tout pouvoir m'a été donné au ciel et sur la terre. Allez donc ! De toutes les nations faites des disciples, baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit ; et apprenez-leur à garder tous les commandements que je vous ai donnés. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du monde. "
L'origine de la matière.
J'ai été intéressé, il y a quelques jours, par les explications d'un scientifique qui s'entretenait à la radio avec un journaliste à propos de " l'origine de la matière ". Il expliquait que l'hypothèse la plus plausible était que la matière vient d'une " énergie rayonnante ", et que cette métaphore qu'il employait dit bien l'échange, mais sans pouvoir définir clairement ce qui est échangé.
En écoutant cet exposé, je pensais au mystère de la Trinité, que nous essayons d'évoquer aujourd'hui. Ma foi de chrétien me dit que si tout est échange, c'est parce que ce qui nous fonde, et que nous appelons Dieu, est en lui-même échange, d'une manière inaccessible à notre raison, certes, mais quand même ! On ne parle jamais de Dieu que par analogie, et toute analogie est dangereuse. Je dis, par exemple, que " Dieu est amour ", que " Dieu est Père ". Ce sont des images : il ne faudrait pas prendre l'image pour la réalité. De même, si je dis que Dieu est échange, c'est une manière tout humaine de me représenter le Dieu auquel je crois. Et pourtant, cette image peut être éclairante pour mon intelligence. Cela signifie que ce " Dieu-échange " en lui-même (c'est ce qui constitue son identité) veut échanger avec nous. Il est de sa nature de se communiquer. " Au commencement était la Parole " (ainsi commence l'évangile de Jean) c'est-à-dire qu'au commencement est la communication, l'échange.
Communication en réseau.
Le passage du livre du Deutéronome que nous lisons aujourd'hui (4, 32-40) est tout entier centré sur la relation unique que Dieu a voulu instaurer avec son peuple. C'est " l'énergie divine " mise au service d'un peuple. Un peuple, c'est essentiellement un réseau de communication, de relations. Et ce lien social et politique qui fonde le peuple de Dieu est aussi une forme de " l'image et ressemblance ". La relation de Dieu avec nous s'inscrit dans tous nos rapports mutuels. L'échange que Dieu entretient avec nous, que nous appelons " Alliance ", est la source et le modèle de tous nos échanges mutuels. Tu veux connaître Dieu ? Pour cela, il faut entrer dans cette logique divine de l'échange-communication. Nous entrons dans la connaissance de Dieu à la fois en accueillant la Bonne Nouvelle de ce qu'il fait pour nous et en laissant cette révélation modeler nos vies. Nous ne pouvons découvrir le Dieu-Trinité qu'en accueillant et en redonnant le don de Dieu.
S'unifier.
" Le Père et moi, nous sommes un ", dit Jésus. Le Père et lui nous donnent leur Esprit. Cet Esprit n'est ni le Père ni le Fils, puisqu'il faut que le Fils parte pour que l'Esprit vienne et nous autorise à nous adresser au Père du Christ en disant " Notre Père ". Pourtant, cet Esprit n'a rien en propre : il est Un avec le Père et le Fils. Tout ce qui fait Dieu se trouve en chacun, circule de l'un à l'autre et se répand en nous. En nous et entre nous. Ainsi se révèle l'unité de Dieu et son unité avec nous. L'humanité est appelée à s'unifier, peut s'unifier parce que Dieu est unité d'une pluralité. On peut dire que Dieu nous donne son unité : " Comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu'ils soient en nous eux aussi, moi en eux et toi en moi pour qu'ils soient parfaitement Un ".
Une révélation
Il y a, dans l'Evangile, la révélation de la Trinité. C'est Jésus qui nous parle de son Père, de son Esprit. C'est lui qui dit à ses disciples : " Allez, baptisez au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit ". A travers cette révélation, la Bible nous dit d'abord que Dieu n'est pas un " vieux solitaire ", " l'éternel célibataire des mondes ", comme disait un poète, mais celui qui est toute relation, toute communication, toute volonté d'approche, de dialogue, d'amour, de relation vraie et profonde. D'abord à l'intérieur de lui-même, mais, comme l'amour a une chaleur communicative, son amour se répand sur la création tout entière.
C'est à peu près tout ce qu'on peut dire de la Trinité. Je crois qu'on ne peut guère aller plus loin avec des mots. Heureusement, l'Eglise a d'autres moyens pour s'exprimer. Et d'abord la liturgie. Sans cesse, elle nous place sous l'invocation de la Trinité, depuis le premier signe de la croix qui inaugure toute célébration, en passant par le Kyrie Eleison, où l'on invoque le Père, le Fils et l'Esprit ; le Gloire à Dieu, et toutes les prières qui se terminent par l'invocation du Père, du Fils et de l'Esprit. Dans la Prière Eucharistique, on demande au Père d'envoyer son Esprit pour que le pain et le vin deviennent le Corps et le Sang du Christ. Tout, jusqu'au dernier signe de croix de la bénédiction, est placé sous l'invocation de la Trinité.
Il y a également la prière personnelle. Là aussi, il s'agit d'un balbutiement. Nos mots sont trop petits, trop faibles, pour dire l'Amour. Et au fond, qu'est-ce que je peux vous communiquer, moi personnellement ? C'est à chacun de faire la démarche personnelle de l'amour, pour entrer en relation réelle avec ce Dieu tout proche, qui désire et suscite la Rencontre. Parfois nous avons l'impression que le " mystère de la Sainte Trinité " nous demeure lointain, ne nous concerne pas. En réalité, c'est aussi de notre mystère à nous qu'il est question.