Comme des agneaux au milieu des loups
Paix à cette maison !
Parmi ses disciples, le Seigneur en désigna encore soixante-douze, et il les envoya deux par deux devant lui dans toutes les villes et localités où lui-même devait aller. Il leur dit : " La moisson est abondante, mais les ouvriers peu nombreux. Priez donc le maître de la moisson d'envoyer des ouvriers à sa moisson. Allez ! Je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups. N'emportez ni argent, ni sac, ni sandales, et ne vous attardez pas en salutations sur la route. Dans toute maison où vous entrerez, dites d'abord : 'Paix à cette maison.' S'il y a là un ami de la paix, votre paix ira reposer sur lui ; sinon, elle reviendra sur vous. Restez dans cette maison, mangeant et buvant ce que l'on vous servira ; car le travailleur mérite son salaire. Ne passez pas de maison en maison. Dans toute ville où vous entrerez et où vous serez accueillis, mangez ce qu'on vous offrira. Là, guérissez les malades, et dites aux habitants : 'Le Règne de Dieu est arrivé jusqu'à vous.'
Dans toute ville où vous entrerez et où vous ne serez pas accueillis, sortez sur les places et dites : 'Même la poussière de votre ville, collée à nos pieds, nous la secouons pour vous la laisser. Pourtant sachez-le : le Règne de Dieu est arrivé.' Je vous l'affirme : au jour du Jugement, Sodome aura un sort moins dur que cette ville. "
Les soixante-douze disciples revinrent tout joyeux. Ils racontaient : " Seigneur, même les esprits mauvais nous sont soumis en ton nom. " Jésus leur dit : " Je voyais Satan tomber du ciel comme l'éclair. Vous, je vous ai donné pouvoir d'écraser serpents et scorpions et pouvoir sur toute la puissance de l'Ennemi, et rien ne pourra vous faire du mal. Cependant, ne vous réjouissez pas parce que les esprits vous sont soumis ; mais réjouissez-vous parce que vos noms sont inscrits dans les cieux."
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc 10, 1...20 QUATORZIEME DIMANCHE ORDINAIRE (C) oOo Sous-développés ?
Que les temps ont changé ! Qu'en est-il aujourd'hui, dans notre monde " civilisé ", des lois de l'hospitalité qui ont régi la conduite de la plus grande partie de l'humanité pendant des millénaires ? J'en discutais récemment avec une de mes correspondantes africaines : pour elle, nous autres, européens, nous sommes des sauvages ; nos réflexes de " chacun pour soi ", de peur devant l'étranger, de refus de l'hospitalité sont tout simplement incompréhensibles. Chez elle, me disait-elle, il ne viendrait à l'esprit de personne de fermer sa porte à celui ou celle qui passe, s'arrête, demande l'hospitalité. Et, j'en convenais avec elle, c'est vrai que nous avons perdu là une valeur essentielle, qui était et qui demeure celle des ruraux, des Orientaux, des peuples qu'on appelle un peu trop vite " sous-développés " : en comparaison, c'est nous qui sommes sous-développés.
Aujourd'hui.
Quoi qu'il en soit, il faut bien reconnaître que l'envoi en mission, que Jésus adressait à 72 de ses disciples, ne peut pas être pris au pied de la lettre aujourd'hui. Qui d'entre nous partirait ainsi sur les routes, sans argent, sans sac et pieds nus ? Peut-être, l'un ou l'autre, mais comme une exception très rare. J'ai ainsi connu, il y a une trentaine d'années, un jeune prêtre qui allait de village en village, demandant l'hospitalité et offrant ses services pour de menues tâches, en paiement de cette hospitalité. Son témoignage était aussi respectable que rare, certes, mais, dans l'évangile que nous lisons aujourd'hui, Jésus ne s'adresse pas à quelques uns d'entre nous, à des êtres exceptionnels. Il s'adresse à tous. Le chiffre 72 est symbolique : on pensait autrefois qu'il y avait 72 " nations sous le ciel ". Il s'agit donc d'une mission universelle, d'une "moisson abondante", même si les ouvriers (des François d'Assise ou des Benoît-Joseph Labre) sont peu nombreux, du moins pour appliquer à la lettre les consignes du Christ ?
Une bataille.
Alors, dans notre civilisation industrielle où les lois de l'hospitalité ne sont plus en vigueur, comment allons-nous répondre à l'envoi en mission que le Christ adresse à chacun de nous aujourd'hui ? En quoi consiste pour nous, chrétiens de ce nouveau millénaire, cette mission pour laquelle nous sommes mobilisés ? Eh bien, il faut d'abord en saisir l'enjeu et donc bien nous situer au cœur d'un combat où nous avons à prendre résolument parti. Car il s'agit d'un combat inauguré par le Christ pour instaurer le Règne de Dieu là où dominait jusqu'alors Satan, le Prince de ce monde. Jésus est en route vers Jérusalem, vers le lieu de sa mort et de sa résurrection. Le moment où le combat à mort entre Satan et lui va atteindre son paroxysme est proche. Jésus envoie ses disciples avec, pour mission, d'annoncer que " le Règne de Dieu est arrivé ". Donc, Jésus est sûr de sa victoire.Et quand les disciples reviennent, tout joyeux d'avoir réussi leur mission, il leur apprend qu'il " voyait Satan tomber du ciel comme l'éclair ".
Envoyés devant lui.
C'est le combat du Christ. Il nous y associe. Le savons-nous ? J'ai souvent l'impression que, pensant au destin du Christ, nous l'envisageons comme un événement d'un autre âge, qui ne nous concerne pas directement, et auquel nous pensons, admiratifs certes, mais extérieurs à l'événement. Or Jésus nous y associe, car le combat inauguré il y a bien longtemps se poursuit : on ne peut pas dire que Satan ne tire plus les ficelles. Le " père du mensonge " est bien là, et nous pouvons évaluer son influence mortelle aussi bien dans la vie de nos sociétés que dans nos propres comportements personnels.
Jésus nous envoie donc " devant lui ", comme des agneaux dans ce monde où " l'homme est un loup pour l'homme ". Il nous envoie démunis, sans les moyens de la puissance ni de la pub', sans les gadgets du " sensationnel ". Hommes simples, ne cherchant qu'une chose : entrer en communication ; ne demandant qu'une chose : être accueillis comme ils sont, prêts à accueillir eux-mêmes. Hommes de paix, de relations et de réconciliation, hommes de " guérison ", dans cette humanité malade de jalousie, d'envie, de chacun pour soi, de violence subie et causée par chacun.
La santé du monde
Il est banal de déclarer que nous vivons dans un monde malade. Chacun de nous, là où il vit, peut mesurer les malheurs de ce monde. Jésus a inauguré le " salut du monde " (le mot " salut " est le même que le mot " santé ") A nous d'accueillir ce salut inauguré, et de permettre à notre humanité de l'accueillir. Ce qui me frappe dans cet envoi en mission que le Christ nous adresse, c'est la pauvreté des moyens qu'il nous conseille d'utiliser. Pas de grands discours, pas de magnifiques démonstrations. Une simple présence fraternelle, " pacifique ". Si vous continuez l'évangile de ce jour, vous lirez la magnifique action de grâces du Christ à son Père parce qu'il a " caché cela aux sages et aux intelligents et qu'il l'a révélé aux tout petits ".
" Rien dans les mains, rien dans les poches ", c'est ainsi que se présente le disciple. Il part dans l'existence comme un mendiant. Un " mendiant d'amour ", si vous voulez. Comme Dieu lui-même. Et c'est ainsi qu'il fait advenir le Règne de l'Amour. Faites-en l'expérience. Par exemple, quand vous faites vos achats dans une grande surface, au moment de passer à la caisse, faites attention à la caissière. Pas seulement en la considérant comme " la caissière " anonyme, mais en la regardant comme une personne que vous rencontrez, à qui vous allez vous intéresser, en l'appelant, peut-être, par son prénom, si elle porte un badge sur sa blouse. Vous allez voir comment elle risque d'en être transformée, simplement parce qu'on a fait attention à elle. C'est un simple exemple que je prends là, mais que vous pouvez généraliser à longueur de vie. Regarder l'autre, quel qu'il soit, comme un enfant de Dieu, comme une personne aimée de son Père, même si elle ne le sait pas. " Dans quelque maison que vous entriez, dites d'abord : 'Paix à cette maison' ". Votre simple présence amicale fera reculer les forces du mal, envie, divisions, violence etc., et permettra à chacun d'accueillir le Règne de Dieu, qui est (on n'en finira jamais de le rabâcher) un " Règne de paix, de justice et d'amour. "
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