Le monde de la Résurrection.

 

Des sadducéens, - ceux qui prétendent qu'il n'y a pas de résurrection - vinrent trouver Jésus, et ils l'interrogèrent : " Maître, Moïse nous a donné cette loi : si un homme a un frère marié, qui meurt sans enfant, qu'il épouse la veuve pour donner une descendance à son frère. Or, il y avait sept frères ; le premier se maria et mourut sans enfant ; le deuxième, puis le troisième épousèrent la veuve, et ainsi tous les sept : ils moururent sans laisser d'enfants. Finalement, la femme mourut aussi. Eh bien, à la résurrection, cette femme, de qui sera-t-elle l'épouse, puisque les sept l'ont eue pour femme ? " Jésus répond : " Les enfants de ce monde se marient. Mais ceux qui seront jugés dignes d'avoir part au monde à venir et à la résurrection des morts, ne se marient pas, car ils ne peuvent plus mourir : ils sont semblables aux anges, ils sont fils de Dieu, en étant héritiers de la résurrection. Quant à dire que les morts doivent ressusciter, Moïse lui-même le fait comprendre dans le récit du buisson, quand il appelle le Seigneur 'le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac, le Dieu de Jacob'. Il n'est pas le Dieu des morts, mais des vivants, car tous ont par lui la vie. "

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc 20, 27-38

TRENTE-DEUXIEME DIMANCHE ORDINAIRE (C)

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La question.

Depuis qu'il y a des hommes, tous se sont posé la question : " Qu'y a-t-il après la mort ? " Toutes les civilisations, toutes les philosophies, toutes les religions ont donné des réponses. La religion égyptienne est bien connue, de même que la pensée grecque ou les mythologies des pays nordiques. Toutes nous donnent des images plus ou moins variées de ce que sera l'éternité. Les bouddhistes, de même que les Hindous, parlent de réincarnation. Tous disent la mort comme la séparation de l'âme et du corps, le corps finissant en poussière et l'âme demeurant immortelle. Seule parmi toutes les écrits de l'antiquité, la Bible (plus précisément l'Ancien Testament) n'envisage pas un au-delà de la mort. Elle ne fait qu'évoquer un vague lieu de ténèbres, le shéol, où reposent ceux qui sont morts. Le mot " paradis " n'existe pas dans la Bible juive.

Au temps de Jésus, il y avait plusieurs écoles de pensée. Le parti dominant était celui des sadducéens. Non seulement ses membres, composés des plus riches familles, monopolisaient le pouvoir religieux, mais en matière de religion, ils étaient ultra-conservateurs. Ils s'en tenaient aux cinq premiers livres bibliques (ce qu'on appelle la Torah), le reste, écrits et prophètes, n'étant tenu qu'en médiocre estime, puisque seule la Torah jouissait de l'autorité de Moïse. Et puisque la Torah ne parle jamais de ce qui se passe après la mort, ils considéraient qu'après la mort, il n'y a rien. " Les morts ne savent rien du tout ; pour eux, il n'y a plus de rétribution " écrit Qohelet.

Résurrection ?

Mais voilà qu'environ deux cents ans avant Jésus Christ, naît un nouveau courant de pensée, celui des pharisiens, plus populaire, plus fervent que les sadducéens. Et la pensée religieuse juive se développe. On ne parle pas d'immortalité, parce que chez les sémites, l'homme est un, corps et âme inséparables (l'âme, c'est la vie, la pensée, qui dépendent du bon fonctionnement du corps) Ils parleront de résurrection, corps et âme ne faisant qu'un. Et nous avons aujourd'hui un beau témoignage de cette foi naissante dans le témoignage des sept jeunes garçons martyrisés sous les yeux de leur mère : tous, à des degrés différents, croient en la " résurrection de la chair ". Mais ces opinions nouvelles étaient rejetées par les autorités religieuses d'Israël, d'où des querelles sans fin. D'où, également, la question-piège posée à Jésus par les sadducéens pour ridiculiser cette doctrine nouvelle : s'il y avait résurrection, de qui la veuve en question serait-elle l'épouse ?

Jésus et les pharisiens.

Jésus va affirmer fortement sa foi en la résurrection, et il le fait en s'appuyant, lui aussi, sur la Torah, dont l'autorité ne peut être contestée : si Dieu s'est fait l'ami des patriarches, c'est pour toujours. Il se place donc clairement du côté des pharisiens. Mais parce que ceux-ci ont souvent une conception trop matérielle du monde de la résurrection, parce qu'ils sont, pratiquement, des fondamentalistes, Jésus va poursuivre son argumentation. N'essayez pas, dit-il en substance, d'imaginer ce qu'est le Paradis. C'est totalement différent de tout ce que vous pouvez imaginer. Lui-même pourtant, évoquera le " ciel " avec des images de fête, de festin, de noces éternelles, mais il ne faut pas prendre ces images à la lettre. Sinon, on se trompe radicalement.

L'Islam

Tenez, on va prendre un exemple. L'Islam, comme le christianisme, enseigne la résurrection. Mais sa conception du Paradis est essentiellement matérielle (et masculine) : les élus auront droit à de nombreuses femmes vierges (les houris) toutes plus belles les unes que les autres, pour une félicité éternelle. C'est ainsi qu'ont été endoctrinés les auteurs des attentats du 11 septembre aux USA. Heureusement, il y a des musulmans plus cultivés (ou plus critiques) qui envisagent la félicité éternelle en termes plus spiritualisés.

Ne critiquons pas ! Nous aussi, nous avons souvent en tête quantité d'images et de représentations d'un bonheur éternel, et Jésus se charge de nous détromper. Relisez attentivement ce qu'il nous dit, et beaucoup d'entre vous seront scandalisés. Jésus, en effet, détrompe toutes celles et tous ceux qui pensent qu'ils retrouveront leur mari ou leur femme décédés, dans un au-delà éternel. Il déclare péremptoirement : " Dans ce monde-ci, on se marie ; mais ceux qui sont jugés dignes d'avoir part au monde à venir et à la résurrection des morts ne prennent ni femme ni mari car ils ne peuvent plus mourir : ils sont pareils aux anges ". Et nous voilà déçus. Alors, on ne se retrouvera jamais ?

Un autre type de relations

Jésus ne dit pas qu'on ne se retrouvera jamais, mais simplement que ce sera dans un autre type de relation que celui qui nous unit ici-bas. Tous les spécialistes des sciences humaines vous le diront - et vous le sentez bien, instinctivement - l'amour conjugal, le sexe, la procréation sont des réalités étroitement liées à la perspective de la mort. Jésus dit : dans le monde de la résurrection, vous ne pouvez plus mourir, donc, pas besoin de couple. Vous êtes pareils aux anges. Je ne sais pas si la question du sexe des anges vous passionne. Personnellement, je comprends très bien que vous restiez sur votre faim. Par contre, ce que je retire de cette Parole de Dieu pour nous aujourd'hui, c'est une grande espérance, une grande confiance dans l'avenir. Ma vie n'est pas limitée aux dimensions terrestres. Elle a une dimension d'éternité. Il y a une continuité, en ce sens qu'actuellement je m'entraîne à vivre l'Amour éternel ; et en même temps, il y a une telle discontinuité entre l'actuel et ce que je serai demain dans l'éternité, que je vais suivre le conseil de Jésus : ne pas me perdre en considérations oiseuses et vivre simplement ma vie terrestre, le mieux possible, pour " être jugé digne d'avoir part au monde à venir ".

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