Les martyrs de Chine (Icône du XIXe siècle)
RELEVEZ LA TETE !
Certains disciples de Jésus parlaient du Temple, admirant la beauté des pierres et les dons des fidèles. Jésus leur dit : " Ce que vous contemplez, des jours viendront où il n'en restera pas pierre sur pierre : tout sera détruit. " Ils lui demandèrent : " Maître, quand cela arrivera-t-il, et quel sera le signe que cela va se réaliser ? " Jésus répondit : " Prenez garde de ne pas vous laisser égarer, car beaucoup viendront en mon nom et diront : 'C'est moi', ou encore : 'Le moment est arrivé'. Ne les suivez pas ! Quand vous entendrez parler de guerres et de soulèvements, ne vous effrayez pas : il faut que cela arrive d'abord, mais ce ne sera pas tout de suite la fin. " Alors Jésus ajouta : " On se dressera nation contre nation, royaume contre royaume. Il y aura de grands tremblements de terre, et çà et là des épidémies de peste et des famines ; des faits terrifiants surviendront, et de grands signes dans le ciel.
Mais avant tout cela, on portera la main sur vous et on vous persécutera ; on vous livrera aux synagogues, on vous jettera en prison, on vous fera comparaître devant des rois et des gouverneurs, à cause de mon Nom. Cela vous donnera l'occasion de porter témoignage. Mettez-vous dans la tête que vous n'avez pas à préparer votre défense. Moi-même je vous inspirerai un langage et une sagesse à laquelle tous vos adversaires ne pourront opposer ni résistance ni contradiction. Vous serez livrés même par vos parents, vos frères, votre famille et vos amis, et ils feront condamner à mort certains d'entre vous. Vous serez détestés de tous, à cause de mon Nom. Mais pas un cheveu de votre tête ne sera perdu. C'est par votre persévérance que vous obtiendrez la vie. "
L'apocalypse.
Eh bien, voilà une page d'Évangile qui est en pleine actualité. Or, elle fait partie des passages " apocalyptiques " du Nouveau Testament. Cela n'a pas de quoi nous étonner, si on se souvient que le mot " apocalypse " ne signifie pas, techniquement, terreur, événements dramatiques, fin de tout, mais simplement " dévoilement " : comme lorsque le rideau se lève, l'auteur, qui se situe à la fin de l'histoire, lève le voile sur les événements qui se sont déroulés pour en donner le sens. Guerres, soulèvements, tremblements de terre, épidémies, famine : nous avons vécu tout cela cette année. Mais ceux qui vivaient il y a un siècle l'ont vécu également, comme ceux du Moyen Age, comme, probablement les hommes préhistoriques et comme, sans doute, ceux qui vivront dans un siècle ou deux. Disons que tout ce que le Christ décrit, dans cet évangile, c'est le lot quotidien de l'humanité.
Des faits terrifiants ? N'allons pas chercher bien loin : les journaux ont titré, à propos des attentats du 11 septembre 2001 : " L'apocalypse à New York ". Quant à la persécution des chrétiens, elle est de toutes les époques ; et je pense particulièrement à tous ceux qui subissent prison, torture, camps de concentration, mort violente, aujourd'hui même, à cause de leur foi, un peu partout dans le monde.
La fin d'un monde.
Jésus annonçait tout cela en réponse à une remarque de ses disciples, alors qu'ils s'émerveillaient de la splendeur du Temple de Jérusalem qu'ils avaient sous les yeux. Sur l'emplacement du Temple de Salomon, rasé par les Assyriens, reconstruit modestement au retour d'exil, Hérode le Grand, à son tour, avait fait reconstruire un monument grandiose : il avait fallu près de cinquante ans pour le bâtir, et il n'était pas encore achevé au temps de Jésus. Quand celui-ci annonce qu'il n'en restera pas pierre sur pierre, ses auditeurs pensent que si le Temple vient à disparaître, c'est la fin du monde. Jésus va les détromper : ce n'est pas la fin du monde, c'est la fin d'un monde. Ainsi va l'histoire : de mutation en mutation, des civilisations disparaissent, pour faire place à d'autres civilisations. " Plus rien ne sera comme avant ", disent les Américains après les attentats contre les tours du World Trade Center.
Lucidité.
La fin d'un monde, mais le monde continue. Aussi Jésus nous met en garde contre tous les prophètes de malheur qui annoncent la fin du monde pour telle ou telle date, et qui, d'ailleurs, se trompent régulièrement. " Prenez garde de ne pas vous laisser égarer " : gardez la tête froide, le regard lucide, et ne suivez pas ces gourous. C'est le premier conseil de Jésus, et c'est le plus important : savoir lire et interpréter les signes, pour ne pas perdre pied. Prendre du recul, ne pas s'affoler. Et savoir attendre, avec confiance, patience et persévérance.
Car il y aura une fin du monde. " Nul ne sait ni le jour ni l'heure ", dit Jésus, mais c'est une certitude. Comment nous situer dans cette perspective ? C'est ce que Jésus nous indique aujourd'hui : n'ayez pas peur, " c'est par votre persévérance que vous obtiendrez la vie. "
Confiance
Persévérance ? Qu'est-ce à dire ? Essentiellement persévérer, continuer à croire, s'acharner à croire malgré tout ce que nous voyons, malgré tout ce que nous supportons ; à croire que Dieu aime ce monde, que Dieu nous aime, chacun de nous personnellement, et qu'il veut la réussite de notre humanité. Si Jésus, après avoir rappelé dans cet évangile tous les malheurs qui frappent l'humanité, conclut en insistant pour que nous soyons persévérants, c'est parce qu'il sait bien que ce n'est pas facile. C'est parce qu'il sait que tous ses amis, quelques jours plus tard, vont l'abandonner, que Pierre le reniera trois fois, que Judas le trahira. C'est parce qu'il sait bien que ses futurs disciples des premières générations chrétiennes se lasseront d'attendre son retour, après avoir, dans un premier temps, été " affairés sans rien faire ", comme l'écrit saint Paul aux chrétiens de Thessalonique. C'est parce qu'il pressent qu'au cours des âges, tout au long de l'histoire de ces deux millénaires, bien des chrétiens, " tout feu tout flamme " lors de leur conversion, n'auront pas la confiance et la patience nécessaires pour tenir bon dans l'épreuve.
A nous aujourd'hui, comme à tous ceux qui nous ont précédés, Jésus renouvelle cet avertissement. " C'est par votre persévérance que vous obtiendrez la vie " Et il nous déclare que c'est pour nous " l'occasion de porter témoignage ". Regardez autour de vous : ne croyez-vous pas que notre époque a un urgent besoin de notre témoignage personnel et collectif. Comment ? Essentiellement en manifestant notre confiance en l'avenir, notre confiance en la vie. " Redressez-vous ; relevez la tête " : Dieu nous aime.