Ils le menèrent jusqu'à un escarpement de la colline
Peuple de Prophètes.
Dans la synagogue de Nazareth, après la lecture du livre d'Isaïe, Jésus déclara : " Cette parole de l'Ecriture que vous venez d'entendre, c'est aujourd'hui qu'elle s'accomplit. " Tous lui rendaient témoignage ; et ils s'étonnaient du message de grâce qui sortait de sa bouche. Ils se demandaient : " N'est-ce pas là le fils de Joseph ? " Mais il leur dit : " Sûrement, vous allez me citer le dicton : 'Médecin, guéris-toi toi-même ; nous avons appris tout ce qui s'est passé à Capharnaüm : fais donc de même ici dans ton pays !' " Puis il ajouta : " Vraiment, je vous le dis, aucun prophète n'est bien reçu dans son pays. "
En toute vérité, je vous le déclare : au temps du prophète Elie, lorsque la sécheresse et la famine ont sévi pendant trois ans et demi, il y avait beaucoup de veuves en Israël ; pourtant Elie n'a été envoyé vers aucune d'entre elles, mais bien à une veuve étrangère, de la ville de Sarepta, dans le pays de Sidon. Au temps du prophète Elisée, il y avait beaucoup de lépreux en Israël ; pourtant aucun d'eux n'a été purifié, mais bien Naaman, un Syrien. " A ces mots, dans la synagogue, tous devinrent furieux. Ils se levèrent, poussèrent Jésus hors de la ville, et le menèrent jusqu'à un escarpement de la colline où la ville est construite, pour le précipiter en bas. Mais lui, passant au milieu d'eux, allait son chemin.
Evangile de Jésus Christ selon saint Luc 4, 21-30 QUATRIEME DIMANCHE ORDINAIRE (C) oOo Un prophète !
Si je vous demandais de m'annoncer ce qui se passera dans huit jours, je suis certain que chacun de vous répondrait : "Je l'ignore, je ne suis pas prophète !" Eh oui, dans l'esprit de chacun, le prophète, c'est celui qui dit l'avenir. J'ai consulté plusieurs dictionnaires. La plupart, au mot "prophète", donnent cette définition : "Personne qui prédit l'avenir, devin." Un seul m'a donné comme réponse : "Personne chargée de transmettre la parole divine." Et c'est la bonne réponse. Le mot, d'origine grecque, signifie littéralement "celui qui parle au nom de Dieu." On dirait, aujourd'hui, "le haut-parleur de Dieu." Et effectivement, relisant toute cette partie de la Bible qu'on appelle les "livres prophétiques", on peut déterminer les traits communs à tous ces hommes, choisis par Dieu pour porter un message à leurs contemporains, en des périodes diverses de l'histoire d'Israël. Appelés et choisis par Dieu, on les voit poussés par une force qui les domine ; ils ne se contentent pas de parler, mais ils font des gestes symboliques. La plupart d'entre eux prennent nettement leur distance par rapport aux idées et aux coutumes de leur temps. Ils ne se gênent pas pour attaquer violemment les autorités civiles et religieuses, pour remettre en question toute la vie sociale et toutes les mentalités de leur époque. Ils inquiètent les pouvoirs publics, dérangent des habitudes, contestent des situations bien établies, mettent en pièces les traditions les plus anciennes. Libres à l'égard du pouvoir, du poids des habitudes, de la pression de l'opinion publique, ils ne font qu'obéir à Dieu. Quand tout va bien dans le pays, ils adressent à tous de sévères mises en garde ; par contre, aux jours de malheur, ils délivrent un message d'espérance. Comme ils sont toujours à contre-courant, ne nous étonnons pas de les voir sans cesse en butte à la malveillance, à la haine, à la persécution de toute la population. C'est pourquoi "nul n'est prophète en son pays."
Jérémie
Prenons l'exemple de Jérémie. "Le Seigneur m'adressa la parole, écrit-il au début de son livre. Il me dit : 'Avant même de te former dans le sein de ta mère, je te connaissais ; avant que tu ne sortes de son ventre, je t'ai consacré. Je fais de toi un prophète ...pour faire face à tout le pays, aux rois de Juda et à ses chefs, à ses prêtres et à tout le peuple." Ainsi commence sa mission, dans une période particulièrement troublée de l'histoire d'Israël. Au début de cette mission, alors que le pays jouit de la paix, que tout le monde, dirigeants et dirigés, sombre dans la corruption, il annonce que bientôt des envahisseurs vont surgir, une puissante armée qui ravagera tout. On se moque de lui. Mais voici que subitement, Nabuchodonosor surgit à la tête de l'armée assyrienne, soumettant tous les peuples du Moyen Orient, puis, après la prise de Jérusalem, déportant ses habitants à Babylone. C'est à ces malheureux déportés que Jérémie adressera des messages d'espoir et de réconfort. Si on ne sait rien de la fin du prophète, on sait qu'il a connu la prison, la haine, la violence de tous les bien-pensants.
Jésus.
Jésus aujourd'hui se présente à nous comme un prophète, dans la lignée de Jérémie, et surtout d'Elie. A ses compatriotes qui, d'abord, ont été séduits par son message libérateur, puis se sont repris ("Celui-là, on le connaît, c'est le fils de Joseph, c'est le charpentier du village, sa famille habite chez nous, alors comment peut-il se présenter comme LE PROPHETE ?" Il y avait en effet un proverbe qui disait : "De Nazareth, que peut-il sortir de bon ? "), à ses compatriotes étonnés, puis méfiants, il dit qu'il est dans la ligne du prophète Elie. Or, Elie, c'était pour les Juifs le plus grand des prophètes, dont on disait qu'il reviendrait à la fin des temps. Elie, le champion du Dieu unique, porteur d'un message universel ; Elie, d'abord écouté, puis rejeté aussi bien par les autorités que par le peuple, et enfin échappant de justesse à la mort. Le destin de Jésus lui-même, calqué sur celui d'Elie, est présenté comme en raccourci dans notre passage d'évangile d'aujourd'hui. Après avoir attiré les foules par sa prédication en Galilée et par les miracles qui accompagnent cette prédication, il sera de plus en plus lâché, contredit, persécuté par tout ce qui possède un pouvoir en Israël, jusqu'à ce que la foule le conduise hors de la ville (de Jérusalem) pour le crucifier. Luc termine ainsi : "Mais lui, passant au milieu d'eux, allait son chemin." Allusion, sans doute, au "passage", mort et résurrection de Jésus, qui surviendra quelques années plus tard, et au "chemin" qu'il poursuit avec tous ses disciples, aujourd'hui encore.
Peuple de prophètes
Car aujourd'hui plus que jamais, notre monde a besoin de prophètes. Aussi bien pour réveiller ceux qui s'endorment sur leurs lauriers que pour donner une espérance à ceux pour qui la vie n'a plus de sens. Voulez-vous être prophètes ? Tous les baptisés y sont appelés depuis le jour de leur propre baptême. Le prêtre, en faisant sur eux une onction de saint chrême, leur a dit: "Vous êtes marqués de l'huile sainte pour que vous demeuriez éternellement les membres de Jésus Christ, prêtre, prophète et roi." Comment être prophète aujourd'hui, concrètement ? A chacun de faire preuve d'imagination. Quelques pistes cependant. D'abord, il s'agit de regarder le temps présent avec lucidité, sans se laisser berner par toutes les propagandes, les publicités, sans gober tout ce qu'on vous dit, sans adopter systématiquement les idées reçues. Ensuite, il s'agit de se comporter, dans toutes nos relations, à contre-courant des manières d'être habituelles de nos contemporains. "Là où il y a la haine, apporter l'amitié ; là où se trouve la tristesse, susciter la joie ; là où nous trouvons la discorde, bâtir la paix ; là où règne la violence, apporter le pardon." (François d'Assise) Enfin, prendre le temps de la prière. De la seule prière, peut-être, nécessaire aujourd'hui, pour discerner comment faire la volonté de Dieu. "La gloire de Dieu, c'est l'homme vivant." Soyez les prophètes de notre temps.