Donnez, et l'on vous donnera

Aimez vos ennemis !

  

Jésus déclarait à la foule : " Je vous le dis, à vous qui m'écoutez : aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent. Souhaitez du bien à ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous calomnient. A celui qui te frappe sur une joue, présente l'autre. A celui qui te prend ton manteau, laisse prendre aussi ta chemise. Donne à quiconque te demande, et ne réclame pas à celui qui te vole. Ce que vous voulez que les autres fassent pour vous, faites-le aussi pour eux. Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle reconnaissance pouvez-vous attendre ? Même les pécheurs aiment ceux qui les aiment. Si vous faites du bien à ceux qui vous en font, quelle reconnaissance pouvez-vous attendre ? Même les pécheurs en font autant. Si vous prêtez quand vous êtes sûrs qu'on vous rendra, quelle reconnaissance pouvez-vous attendre ? Même les pécheurs prêtent aux pécheurs pour qu'on leur rende l'équivalent. Au contraire, aimez vos ennemis, faites du bien et prêtez sans rien espérer en retour. Alors votre récompense sera grande et vous serez les fils du Dieu très-haut, car il est bon, lui, pour les ingrats et les méchants.

Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux. Ne jugez pas et vous ne serez pas jugés ; ne condamnez pas, et vous ne serez pas condamnés. Pardonnez, et vous serez pardonnés. Donnez, et l'on vous donnera : une mesure bien pleine, tassée, secouée, abondante, qu'on versera dans votre tablier ; car la mesure dont vous vous servez pour les autres servira aussi pour vous. "

Evangile de Jésus Christ selon saint Luc 6, 27-38

SEPTIEME DIMANCHE ORDINAIRE (C)

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Il y a 2000 ans...

A l'approche de l'an 2000, un peu partout, les hommes ont fait des projets, tous plus grandioses les uns que les autres, pour fêter comme il convenait l'entrée dans le 3e millénaire. Cette manière de compter les années à partir de la date approximative de la naissance du Christ est quasi universelle. Il y a quelque deux mille ans a vécu un homme nommé Jésus que les chrétiens considèrent comme le fils de Dieu. Les évangiles rapportent quelques uns de ses faits et gestes, nous transmettent aujourd'hui encore son message.

Justement, le plus original de son message, celui qui différencie Jésus de tous les sages de l'antiquité, c'est celui que l'évangile nous transmet aujourd'hui : " Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent...Ce que vous voulez que les autres fassent pour vous, faites-le aussi pour eux. " Personne n'a jamais été aussi radical. Enfin du neuf ! Fini de ronronner. Il s'agit de casser le cycle infernal de la vengeance, de la haine, de la violence.

Un commandement.

Lui seul, Jésus, peut se permettre de prononcer de telles paroles et même d'en faire un commandement pour ses disciples. Avant lui, certains hommes, déjà, soucieux de perfection, pratiquaient le pardon. Nous en avons un bel exemple avec l'histoire de David qui, tenant en ses mains la vie de son ennemi mortel , le roi Saül, renonce à se venger. Jésus va plus loin : d'un idéal de vie, il fait un commandement pour ses disciples. Il en a le droit car toute sa vie, en effet, il a mis en pratique ce qu'il enseignait. Rappelons-nous simplement son attitude sur la croix, à l'heure de la plus grande souffrance. Il s'adresse à Dieu : " Père, pardonne-leur ", dit-il. Tout bascule. Le plus fort n'est pas le bourreau, mais celui qui lui pardonne.

Une autre humanité a commencé de naître il y a 2000 ans. Elle est encore toute neuve. C'est l'humanité des fils de Dieu. " Vous serez les fils du Dieu très-haut, car il est bon, lui, pour les ingrats et les méchants. Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux. " Tel père, tel fils, dit le proverbe. 25 ans après la mort de Jésus, l'apôtre Paul, écrivant à la communauté de Corinthe, nous présente le Christ comme le prototype de cette humanité nouvelle. Il est le " nouvel Adam ". Et ses disciples sont sa descendance. A eux de faire surgir l'homme nouveau qui, à la suite de Jésus, manifestera le visage même de Dieu.

" Tel père, tel fils. "

" Tel père, tel fils. " Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'à la fin du 2e millénaire, ce n'est pas très réussi. Le siècle qui vient de s'achever restera dans l'histoire comme celui de la plus grande barbarie, avec deux guerres mondiales, plusieurs génocides, sans parler d'une quantité de conflits plus localisés. La logique du " coup pour coup " qu'il faut rendre à l'adversaire et d'" œil pour œil, dent pour dent " est la loi quotidienne, aussi bien dans les relations internationales que dans les relations interpersonnelles. Pire encore, au nom de la religion, on tue et on massacre. Voir l'Irlande, le Rwanda, pour ne parler que des pays de tradition chrétienne. L'homme nouveau va-t-il un jour émerger de la barbarie ?

2000 ans se sont écoulés. On a fait des progrès incroyables sur le plan scientifique. Par contre, les progrès sur le plan des relations humaines n'ont pas suivi. Je sais bien que Dieu n'a pas la même manière que nous de mesurer le temps. " A ses yeux, mille ans sont comme un jour, " dit la Bible. Ce qui signifie sans doute qu'il est un " Dieu de longue patience. " Quant à nous, n'ayant pas la même perception du temps, nous sommes à juste titre impatients. Nous voudrions bien que le cycle de la vengeance soit enfin cassé.

Laisser passer l'amour.

Impatients, nous le sommes. Et pas résignés. La Loi du Christ n'est pas respectée ? Que faisons-nous pour qu'elle le soit ? Nous qui, souvent, et même dans nos relations les plus intimes, pratiquons la loi du Talion ? Il y a quatre siècles, en avril 1598, le roi Henri IV promulguait l'Edit de Nantes, pour tenter de mettre fin aux guerres de religion. Dans un texte précis, il commandait d'oublier totalement les griefs et les torts réciproques, qu'on " remette tout à plat ", pour qu'on puisse enfin vivre en paix. " Ne condamnez pas, et vous ne serez pas condamnés ; pardonnez, et vous serez pardonnés ", nous répète Jésus aujourd'hui, quatre siècles plus tard. Sera-t-il écouté ? Chacun de nous peut, à sa place, à sa propre mesure, faire le nécessaire. L'amour de Dieu passe par l'homme. Ou bien je retiens, ou bien je laisse passer cet amour. Pour employer une image : je suis comme une artère qui reçoit et fait circuler le sang dans tout l'organisme. Dieu, c'est le cœur. Il envoie l'amour dans toute l'humanité. Si je suis une artère qui se bouche, ou qui se rétrécit, ou qui se sclérose, ça ne fonctionne plus. Il faut que je sois une artère bien vivante, qui laisse passer l'amour et qui le renvoie à tout le corps social. Si j'étrangle cette artère de l'amour, si je mets une vanne, je restreins l'amour qui m'arrive. Nous sommes parcourus par l'amour que nous laissons passer. Le pardon et la miséricorde sont la condition nécessaire pour la survie de l'humanité.

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