L'INTELLIGENCE DES ÉCRITURES

 

 

La Première Lettre aux Corinthiens (4)



Résumé des séquences précédentes

(aux archives)

 

1e séquence :

INTRODUCTION : L'HISTOIRE DE PAUL ET DE CORINTHE, UNE HISTOIRE D'AMOUR


2e séquence :

a - L'adresse et la salutation (1, 1-9)
b -
Introduction. La division est un scandale. - 1, 10-17
c -
 Le plan paradoxal de Dieu : le discours de la Croix ( 1, 18-25)

3e séquence :

Folie de la croix et Sagesse de Dieu (1, 26 à 3, 4)
Les prédicateurs édifient l'Église (3, 5 à 4, 21)



 

 Du passé, faisons table rase (5, 1 à 6, 20)

    A - L'Église a-t-elle besoin d'une discipline ? (5, 1-13)

* Que faut-il entendre par "discipline" ?
Il s'agit de la réaction de l'Église contre toute manière de vivre contraire à la foi. Dans les évangiles, il y a des recommandations de Jésus, des avertissements sévères même, mais pas encore une discipline. Il n'y a pas de mesures concrètes. Le premier cas de règlement disciplinaire apparaît à la suite de l'incident d'Antioche (Galates 2, 11); Voir Actes 15, 1-29. Une règle semble avoir été édictée pour les Églises de Syrie-Cilicie : les païens convertis doivent se soumettre à certaines règles d'origine juive.

* Notre passage (5, 1-13) est sans doute le premier document pénal de tout le Nouveau Testament. En tout cas, c'est le plus net. Il s'agit d'une discipline curative. Elle veut protéger la communauté et l'amener à rompre avec les pécheurs (5, 13). Le coupable dout être "dévoué" à Satan, mais de telle sorte qu'il puisse être sauvé plus tard.

* La passivité de la communauté amène Paul à proposer une épreuve salutaire (1-5). Paul est surpris par la passivité de la communauté. Au lieu de s'émouvoir et de prendre le deuil sur u homme qui est comme mort à la ie nouvelle proposée par l'Église, elle tolère et  laisse faire. Quoi ? Un cas d'inconduite que même les païens n'auraient pas admis : un membre de l'Église vit avec la femme non-chrétienne de son père, donc avec sa belle-mère, la seconde femme de son père. Puisqu'il n'est pas question du mari, elle est sans doute veuve. Si elle était divorcée, il y aurait eu une allusion à cette difficulté supplémentaire. Or le mariage entre beau-fils et belle-mère était interdit chez les Juifs et chez les Romains. Sans doute également chez les Grecs. Paul a déjà jugé, mais il ne peut pas se rendre à Corinthe. Il ne sera donc présent que "spirituellement" au milieu de la communauté qui doit exclure cet homme, "le livrer à Satan". Mais cette peine est "médicinale"; Les souffrances consécutives à l'action de Satan doivent amener le pécheur à la conversion et donc au salut, au jour du Seigneur, c'est-à-dire au jugement dernier.

* Le levain et la pâte (v. 6-8). Il faut d'abord faire remarquer la différence de conception entre l'antiquité et nous à ce sujet. Les anciens ignorent le processus de fermentation. Pour eux, le levain est symbole de corruption et d'impureté (sauf dans l'Évangile, Matthieu 13, 33 et Luc 13, 21) Pour les gens, le levain a toujours un sens défavorable : il suffit de peu de choses pour contaminer le tout. C'est pourquoi le pain azyme (a-zumos = sans levain) devient symbole de pureté et de vérité. Donc, quand au v. 7, Paul dit "Purifiez-vous du vieux levain pour être une pâte nouvelle, puisque vous êtes sans levain", il invite à devenir des êtes neufs, déjà purs en Christ. Telle est la dynamique du devenir qui rend plus réel ce qui est déjà = deviens celui que tu es, sois ce que tu es déjà, puisque c'est le Christ qui te fait devenir (il est notre avenir). La fête de Pâques est proche et le Christ est le véritable agneau pascal : il faut donc entrer dans cette atmosphère pascale qui marquait le renouvellement par l'élimination du pain fermenté resté dans chaque maison, par l'immolation de l'agneau et par le partage des pains sans levain.

* Les relations avec les débauchés (9-13). Au verset 9 : "dans ma lettre". Sans doute s'agit-il d'une lettre perdue. Les "débauchés", en grec "pornoï (d'où nous vient pornographie), ce sont tous les types de désordres dans le domaine sexuel. Pas tous "les débauchés de ce monde", car alors il faudrait sortir du monde. Il n'e est pas question, car le chrétien doit vivre dans le monde. Non, ici, il s'agit d'un "frère", un chrétien. Le mot "frère" existait déjà dans le judaïsme, mais en Église, il prend une plus forte réalité : le frère, comme chacun de nous, est enfant de Dieu en Christ. Et pas seulement le débauché, le déviant sexuel, mais, ajoute Paul, le rapace, idolâtre, calomniateur, ivrogne, filou . Pas de relations avec ces gens-là. Même pas pour manger avec eux. Paul n'a pas à juger les non-chrétiens. Dieu les jugera, mais pour les Chrétiens, Paul cite le Deutéronome : "Ôtez le méchant du milieu de vous."

B - Non aux procès entre frères (6, 1-11)

* Les procès entre frères (6, 1-8)

Les Corinthiens ne sont pas parfaits (3, 1-3). Leurs oppositions ne sont pas seulement d'ordre doctrinal, ou ne portent pas seulement sur les personnes, Paul, Céphas, Apollos. Elles se traduisent aussi par l'avidité, la passion du gain, l'affirmation de ses propres droits au détriment de ceux des autres. Conséquence : ils s'intentent des procès devant les tribunaux (païens). De ce fait, l'amour entre frères et l'entraide qui devrait en résulter sont inexistants. Personne n'est prêt à respecter le frère comme tel, dès qu'il traite avec lui des questions d'affaires (v. 7-8). Paul, alors, va affirmer que l'Église est compétente, pour traiter des affaires, voire des procès qui peuvent naître entre ses membres. Paul a déjà dû en parler, comme le laissent entendre les cinq fois où l'on trouve "ne le savez-vous pas ?". Mais ça n'a  pas eu d'effet. Alors Paul revient à la charge : Réglez vos affaires entre vous. La pensée de Paul est nette : les chrétiens ne devraient pas avoir de procès du tout, et surtout pas entre frères. Et s'ils en ont, c'est entre eux qu'ils doivent régler leurs affaires. Alors, au verset 1, on trouve l'opposition entre "injustes", traduit par la TOB par "païens",  et "saints". Comprenons bien. Les "injustes", ce sont ceux qui ne sont pas "justifiés par la foi" et les "saints", ce sont, non pas ceux qui le seraient en raison d'une perfection morale ou religieuse, mais simplement les membres de la communauté, justifiés en vertu d'une vocation par laquelle Dieu les appelle comme membres du peuple saint. Il y a ici un jeu de mots de Paul : c'est un comble de se faire rendre justice par des injustes.

Pourquoi les croyants doivent-ils avoir leur propre juridiction ?
a - les associations grecques et la synagogue avaient leur propre juridiction. Alors, pourquoi pas la communauté chrétienne, composée de grecs et de juifs ?
b - Paul a une motivation plus profonde. Le verbe "juger" revient 7 fois dans ce passage. Les chrétiens sont destinée à devenir les associés du Christ en gloire lors de son retour. Donc, "si vous êtes destinée à juger le monde et les anges (déchus), alors pourquoi ne pas prendre le moindre des membres de la communauté pour en faire un juge et l'arbitre de vos causes.
c - Paul ne méprise pas les tribunaux romains. Lui-même en usera plusieurs fois personnellement (cf. Actes 16, 36-39 - 22, 25-29 - 25, 10-12). Il connaît leur compétence et leur valeur dans les affaires de ce monde.
d - Mais Paul veut faire apparaître dans ce passage ce que les Corinthiens n'ont pas compris : les implications profondes de leur appartenance au Christ. Eux qui appartiendront au tribunal du Christ doivent mener une vie telle qu'ils ne se rendent en fait devant aucun tribunal.

   * Lavés, sanctifiés, justifiés (6, 9-11)

Avec la double mention du Royaume de Dieu, Paul cite une formule qu'il a reçue de la toute première Église et qui se trouve largement attestée dans toutes les couches de pensée du christianisme primitif : "les injustes n'hériteront pas du Royaume de Dieu". Paul développe la formule en mentionnant un catalogue de vices. De telles listes étaient courantes dans la philosophie populaire grecque, chez les stoïciens et les gnostiques. On trouve de telles listes dans le Nouveau Testament, sauf dans Jean. Mais jamais dans l'Ancien Testament. Par contre, dans les écrits de Paul, il y a 11 catalogues de vices - et 10 catalogues de vertus.
Cette conclusion un peu sombre n'en est pas une : elle est destinée à faire ressortir par contraste l'oeuvre déjà réalisée par le Christ parmi les Corinthiens. Ce contraste est vigoureusement souligné par trois "mais" : "mais vous avez été lavés (baptisés), mais vous avez été sanctifiés (communion), mais vous avez été justifiés (entrés dans la vie de l'Esprit). C'est le deuxième emploi du verbe "justifier" (cf. 4, 4). La formule "au nom du Seigneur Jésus Christ et par l'Esprit de notre Dieu" rappelle qui sont les auteurs du salut.

  C -  Corps, sexualité, liberté (6, 12-20)

"Tout m'est permis" : sans doute une phrase de Paul dont les Corinthiens dénaturent le sens. "Tout ne me convient pas" : dans cette phrase il y a un résumé de toute la morale de Paul. On n'est plus dans la problématique du permis et du défendu. Il s'agit vde savoir simplement ce qui est en accord ou non avec la vie nouvelle du chrétien transformé par l'Esprit.

v. 13-14 : les Corinthiens n'établissaient aucune différence de nature entre les besoins alimentaires et la vie sexuelle. Paul réplique : les besoins alimentaires sont liés au monde présent et disparaîtront avec lui. Par contre la vie sexuelle engage le "corps", c'est-à-dire la personne toute entière, présente à autrui par son corps.

Sôma et Sarx.
Le corps et la chair

Dans 1 Corinthiens, on trouve 46 fois le mot sôma.
Il ne s'agit pas du corps comme composante de l'être animé,
comme dans la distinction du corps et de l'âme.
Sôma, c'est l'ensemble de la personnalité humaine,
l'homme en situation, l'homme en relation, l'homme responsable de ses actes et de ses pensées, de sa vie.
Ce corps, ce moi, se trouve sous l'animation de la psychè (l'âme).
Après la résurrection, il sera placé sous le contrôle,
sous l'animation du pneuma (l'Esprit).
Il recevra alors sa forme et sa réalité définitives.
Donc, pour Paul, le corps (sôma) exprime la permanence vivante de l'homme dans son identité profonde,
 à travers tous les changements qui se produisent en lui.
Par contre, la chair (sarx), c'est l'homme dans son éloignement d'avec Dieu.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Donc, pour Paul, la personne humaine a partie liée avec le Christ ressuscité, et sa vie sexuelle doit être  celle qui convient à un membre du Christ.

v. 15 - Il y a opposition absolue entre l'union au Christ et l'union sexuelle illégitime, donc, par opposition, l'union conjugale des chrétiens doit les engager dans l'union au Christ.

v. 17 - On s'attend à "un seul corps", Paul dit "un seul esprit". Sans doute, pour éviter que le réalisme physique de l'union au Christ (v. 15) soit compris de manière grossière.

v. 18 - L'impureté est en contradiction avec la destinée du corps du chrétien, membre du Christ.

v. 20 - "Quelqu'un a payé". Idée de rachat, de rédemption. Signifie avant tout que le chrétien appartient à Dieu et est délivré de l'esclavage et de la captivité du péché. Cela a coûté cher à Dieu : il a donné son fils. C'est le sang de Jésus, c'est-à-dire sa vie livrée par amour, qui est le prix de ce rachat.

En résumé : Le comportement du croyant doit découler de la vie nouvelle en Christ déjà commencée. Le corps engage la personne entière. Les relations sexuelles sont le signe de cette unité. Il n'y a pas une âme sauvée et un corps pour lequel tout serait permis. Tout est création de Dieu. D'où la conclusion : votre corps est le temple de l'Esprit. Vous ne vous appartenez pas à vous-même, quelqu'un a payé le prix de votre rachat. Glorifiez donc Dieu dans votre corps.

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