L'INTELLIGENCE DES ÉCRITURES
La Première Lettre aux
Corinthiens (9)
Résumé des séquences précédentes
(aux archives)
1e séquence :
INTRODUCTION : L'HISTOIRE DE PAUL ET DE CORINTHE, UNE HISTOIRE D'AMOUR
2e séquence :
a - L'adresse et la salutation (1, 1-9)
b - Introduction. La division est un scandale. - 1, 10-17
c - Le plan paradoxal de Dieu : le discours de la Croix ( 1, 18-25)3e séquence :
Folie de la croix et Sagesse de Dieu (1, 26 à 3, 4)
Les prédicateurs édifient l'Église (3, 5 à 4, 21)4e séquence :
Du passé faisons table rase (5, 1 à 6, 20)
5e séquence :
Vie sexuelle - mariage - célibat (7, 1-24)
6e séquence :
Chapitres 7, 25 à 10
7e séquence :
Chapitre 11 à 14
8e séquence :
Chapitre 15 , 1-28
9 - Christ est ressuscité (chapitres 15, 29-58 et 16)
C - Progression de l'argumentation (v. 29-34)
Trois exemples :
1 - Le baptême pour les morts n'a de sens que si le Christ est ressuscité. Le texte est clair, mais de quoi s'agit-il ? Cette pratique (encore en usage chez les Mormons) nous choque. Certains, à Corinthe, se faisaient baptiser à la place des morts. On ne sait pas très bien de quoi il s'agissait. Saint Jean Chrysostome en fait une coutume hérétique des Marcionites. Pour d'autres, c'est une cérémonie qui aurait eu lieu au cimetière, sur les tombes. Ou encore (selon Calvin) on baptisait les catéchumènes qui risquaient de mourir avant la fin de leur catéchuménat. Ou encore : des incroyants se font baptiser pour ne pas voir se briser leur amitié avec des croyants déjà morts ; ou encore, à cause de ces amis disparus. Ici, bien que le contenu paraisse bizarre, le sens est clair : une telle pratique n'a de sens que si le Christ est vivant. C'est sur ce point que Paul veut insister.
2 - "Combattre les bêtes" (v. 30-32). Paul reviendra plusieurs fois sur les dangers qu'il a courus. En Asie, il avait même désespéré de la vie (2 Corinthiens 1, 8-10), mais Dieu l'a arraché à une telle mort et l'en arrachera encore. Paul risque sa vie pour les Corinthiens, et ça n'a de sens que par la résurrection du Christ. Quant aux "bêtes" (v. 32) : est-ce le péril couru en Asie ? Fait réel ou image, pour désigner un grave danger ? Mais u citoyen romain ne pouvait pas être condamné aux bêtes. Paul a-t-il été déchu de sa citoyenneté ? Alors comment comprendre son appel à César à Césarée ? Il a dû y avoir une épreuve réelle : c'est la raison pour laquelle Paul ne reviendra pas à Éphèse (il enverra chercher les Anciens à Milet)
3 - Si le Christ n'est pas ressuscité, c'est Ménandre qui a raison (v. 33-34). Au verset 33, nous avons un vers de Thaïs, du poète Ménandre, qui était peut-être passé en dicton populaire. Conclusion de Paul : Reprenez-vous, revenez au bon sens et cessez de pécher !
D - Le corps des ressuscités (v. 35-58)
Avant tout, faisons quatre remarques :
1-La résurrection, c'est différent du retour temporel à la vie comme à Naïm, Jaïre, Lazare. Ce n'est pas une revivification matérielle.
2-Elle n'est pas non plus une immortalité, ni une immortalisation de l'âme.
3-Elle marque une transformation complète de l'être humain qui échappe au domaine de la psyché. Il n'est plus l'homme animal (l'homme selon Paul).
4-La résurrection corporelle, ce n'est pas une "ombre" qui survit. C'est ce qui fait que je suis moi, et pas un autre, qui ressuscite.Maintenant, lisons le texte pas à pas :
1 - Une question (v. 35) : En quel corps les morts viennent-ils ? Il faudrait pouvoir nous sortir de toutes les mentalités qui nous encombrent, de toutes les conceptions philosophiques : platonicienne, existentialisme, rationalisme... En disant : "En quel corps les morts viennent-ils ? ", Paul pose la question de la même manière que s'il disait : "En quels vêtements viennent-ils ?" De même il n'envisage pas le processus de transformation, mais seulement le résultat.
2 - Une proposition (v. 36-38) : mort et vie de la semence. Paul souligne l'initiative de Dieu. Dieu donne à la semence un corps tel qu'il l'a décidé et voulu. Il n'est pas seulement créateur du corps à l'origine, mais il est encore et toujours créateur, maintenant. Il n'est pas seulement créateur du premier homme, mais il est le créateur du corps de tout homme. Le corps n'est donc pas une guenille, il a la noblesse de ce qui est une création de Dieu. Le rapport entre le simple grain de blé semé et la plante adulte illustre cette affirmation. Même si on ignore ce qui se passe entre le moment où la semence est jetée en terre et celui où la croissance va s'opérer de manière visible, Dieu apparaît comme le créateur du type de développement, du genre de croissance, du mode de devenir. Rappelez-vous 3, 6 : "J'ai planté, Apollos a arrosé, mais c'est Dieu qui fait le développement". Ici, nous avons : "Dieu lui donne un corps comme il veut " (v. 38). Il y a continuité dans le changement et la différence.
3 - Narration de type poétique (v. 39-41). Pour montrer les différentes possibilités, Paul se lance dans une énumération des différents corps : une série de différences pour mieux faire ressortir la continuité.
4 - Application (v. 42-44). Enfin, après ces considérations, Paul en arrive à la réponse à la question du v. 35. Il évoque l'avant et l'après par une simple et belle affirmation en quatre points. Il y a continuité et changement, constante et variation. Continuité et constante sont exprimées par le corps, variantes et changements par quatre antithèses :
a - Corruption et incorruptibilité. Corruption : on dirait aujourd'hui dégradation, lent processus de détérioration qui transforme un être sain en un être ruiné, dégradé, lamentable, détourné de son intention véritable. Romains 8, 20 parle d'un esclavage, d'une aliénation. Lente mortalité sur tous les plans, même sur celui des relations, qui s'infiltre en nous. A l'opposé, incorruptibilité exprime liberté retrouvée, proximité possible avec Dieu, donc élimination de la mort sous toutes ses formes.
b - Misère et gloire. Rappelez-vous le sens biblique du mot "Gloire" = présence de Dieu lumineuse, réalisatrice, créatrice, conductrice, ce qui exprime ici la puissance de résurrection de Dieu. La "gloire" appliquée à l'homme, c'est le rétablissement d'une relation complète avec Dieu (comme Jésus). A l'opposé, misère (et non déshonneur, comme dans certaines traductions), exprime la situation qui résulte de la destruction par l'homme de la relation vivante avec Dieu. Au fond, Dieu se fait proche, on peut communier avec lui, il nous communique sa présence.
c - Faiblesse et puissance. C'est équivalent à faiblesse de l'homme sans Dieu et puissance de Dieu communiquée à l'homme dans la résurrection. La faiblesse, c'est ce penchant irrésistible de l'homme à vivre séparé de Dieu, en marchant sans lui, si ce n'est contre lui. Au contraire, puissance de Dieu, c'et l'initiative souveraine de Dieu donnant à l'homme "malade" sans Dieu, pleine santé avec Dieu.
d - Psychique et spirituel. Difficile à saisir pour nous. Psychique (et non animal, qui vient du mot latin anima - c'est le mot grec psyché), c'est notre personne humaine, ce qui fait que je suis moi, corps animé par la psyché (à la fois vie et âme). Exprime la spécificité de chaque homme. Opposé ici à pneuma (spirituel), mot grec qui signifie "esprit". Voir Genèse 2, 7 : Adam devient une âme vivante, une psyché vivante = un être vivant.Donc, il y a continuité de la personne dans la résurrection. C'est la même personne - moi - qui est sous le contrôle et l'animation de l'esprit-pneuma, après avoir été sous le contrôle et l'animation de la psyché (vie). Le corps est le lieu de la continuité. C'est sur lui que s'exercent les initiatives de Dieu. Et la résurrection c'est cela : une transformation radicale, profonde, définitive de l'être humain.
5 - Conclusion (v. 45-49) : de l'homme d'argile à l'homme d'esprit.
Verset 45 - Thèse : le dernier Adam, esprit vivifiant, vient après le premier Adam, âme (psyché) vivante. D'où deux conséquences :
- toute l'histoire de l'humanité débute et se déroule sous le régime du psychique (âme-vie) : c'est la personne "adamique". Ensuite vient le régime du corps animé par l'esprit.
- cette histoire ne nous est pas étrangère : c'est la nôtre. Nous avons une personnalité psychique (donc adamique), puis dans l'humanité renouvelée, nous aurons une personnalité spirituelle, christique.Paul se réfère à la traduction de la Septante de Genèse 2, 7 ("âme vivante") et au premier Adam il ajoute "le dernier Adam devient un esprit vivifiant. Ce dernier Adam prend toute l'importance et dévalorise le premier. Peut-être avons-nous là un emprunt à Philon qui voyait dans les chapitres 1 et 2 de la Genèse la création de deux être humains, le premier créé à l'image de Dieu, incorporel, ni homme ni femme, et pas situé dans la durée du temps, et le deuxième créé corps et âme, homme et femme, mortel par nature. Pour Philon, le premier est Idée, le céleste, le deuxième argileux, le terrestre. L'ordre est inverse de celui de Paul. Peut-être Paul réfute-t-il Philon (v. 46). Plus vraisemblablement, Paul ne regarde pas vers le passé, vers le premier homme. Ce qui l'intéresse c'est l'homme de la résurrection. L'important, c'est le Christ, le second Adam esprit vivifiant.
Versets 47-49. Paul montre comment cette succession s'opère dans notre propre histoire et nous concerne : Adam et le Christ sont chefs de file de deux lignées, celle de la mort et celle de la vie. Au v. 49, le mot "image", ou plutôt "icône" = pas seulement ressemblance, mais reproduction du destin de celui dont on porte l'image.
LE CORPS DANS LES DEUX LETTRES AUX CORINTHIENS;Le mot corps (en grec soma) revient 46 fois dans la 1ère et 45 fois dans la 2e aux Corinthiens.
Ce n'est pas seulement une composante matérielle de l'être vivant.
Le corps, c'est : ce qui rend possible l'existence humaine
.............................ce qui réalise les possibilités de vie de l'homme.
.............................ce qui permet l'union sexuelle, expression de la vie, d'une manière qui engage tout l'être.C'est l'ensemble de la personne humaine. Décrit l'homme en situation. Exprime ses possibilités de relation et de solidarité.
Pas seulement l'être humain réduit à lui-même, mais l'homme dans sa dynamique et sa durée, responsable de ses actes et de ses pensées, de sa vie, de son tout. L'homme est un corps animé, et non pas une âme incarnée. Ce corps, ce moi est sous l'animation de la psyché (âme, vie, soi-même). Après la mort, il est sous l'animation du pneuma-esprit. C'est alors qu'il recevra sa réalité et sa forme définitives.
Le corps exprime la permanence vivante de l'homme dans son identité profonde. A travers tous les changements qui se produisent en lui et par lui. C'est l'homme dans sa proximité possible avec Dieu, alors que "la chair" (sarx), c'est l'homme dans son éloignement d'avec Dieu.
C'est donc totalement différent de l'anthropologie moderne. L'équivalent le plus proche aujourd'hui serait la notion de personne,comprise sous son aspect visible et en même temps lieu d'un combat entre des forces opposées. Ainsi le corps est habité (il est temple de Dieu) ou corps de péché.
On pourrait traduire corps par un pronom personnel : moi, toi, lui, nous, vous, eux.
Offrir son corps, c'est s'offrir soi-même.
La Résurrection finale (v. 50-58)
v. 50 : notre homme ordinaire (psychique) ne peut pas participer directement au Royaume de Dieu.
v; 51 : "mystère" : connaissance du dessein de Dieu. Paul le connaît et désire le faire connaître à ses lecteurs. Il y aura résurrection (des morts) et transformation (des vivants).
v. 52 : reprise du même scénario avec insistance sur sa rapidité : en un instant, un clin d'oeil. Les hommes deviendront incorruptibles.
v. 53 : processus nécessaire (il faut). Paul ne répond pas à la question "Quand", mais à la question "Comment ?"
Paul emploie le langage apocalyptique. La trompette y joue un rôle primordial. Paul souligne la continuité entre notre être actuel et notre être transformé. D'où le terme de "revêtir".
v. 54-56 : Paul reprend les mêmes termes, appuyés par deux citations combinées :
- Isaïe 25.8, dans un texte qui n'est ni celui de l'hébreu ni celui de la Septante, mais un texte proche de la version grecque de Théodotion, texte déjà utilisé dans le judaïsme pour indiquer que la mort aurait une fin.
- Osée 13.14, en l'harmonisant avec Isaïe et en substituant le mot victoire au mot justice.
Ces deux citations affirment le triomphe final de la vie. Elles sont commentées au v. 56. L'aiguillon, c'est le dard de l'insecte ou le bâton pour exciter les bêtes. Le sens est le même : le péché laisse à la mort le champ libre pour assujettir l'homme à son pouvoir.
v. 57-58. Action de grâce au présent : la victoire est donnée aujourd'hui en Christ. La foi en la résurrection est mobilisatrice.La finale : le chapitre 16. Dernières recommandations
v. 1-12 : où il est question de la collecte en faveur des pauvres de l'Église de Jérusalem, puis d'un échange de nouvelles. Paul répond peut-être à une question écrite : qu'en est-il du partage entre les Églises d'origine païenne et l'Église judéo-chrétienne. Pour Paul, c'est d'une très grande importance. C'est le signe d'une communion nécessaire entre toutes les Églises.
v. 13-20. La lettre se termine par quelques consignes et des salutations diverses.
FIN