Je suis le Bon Pasteur

Quelle assurance !

 

Jésus avait dit aux Juifs : " Je suis le Bon Pasteur (le vrai berger). " Il leur dit encore : " Mes brebis écoutent ma voix ; moi je les connais, et elles me suivent. Je leur donne la vie éternelle ; jamais elles ne périront, personne ne les arrachera de ma main. Ce que le Père m'a donné vaut plus que tout, et personne ne peut rien arracher de la main du Père. Le Père et moi, nous sommes UN. "

Evangile de Jésus Christ selon saint Jean 10, 27-30

QUATRIEME DIMANCHE DE PAQUES (C)

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Une remarquable assurance...

Nous sommes au milieu du mois de décembre. Jésus est monté à Jérusalem pour Hanoukka, la fête juive des Lumières, ou fête de la Dédicace. Le conflit entre le Christ et les autorités religieuses juives prend un tour de plus en plus violent, et Jésus ne fait rien pour l'apaiser. Bien au contraire, sa déclaration, aujourd'hui, signe son arrêt de mort : " Le Père et moi, nous sommes UN. " Trois mois plus tard, en effet, on le mettra à mort pour cette unique raison : il s'est proclamé fils de Dieu. Il lui fallait une remarquable assurance, une totale confiance en l'amour de son Père, pour aller ainsi au-devant des contradictions, de la souffrance et de la mort horrible qui l'attendait et qu'il prévoyait.

Vingt ans plus tard, Paul et Barnabé rencontrent la même opposition lors de leur annonce de l'Evangile à Antioche, en Turquie. Le livre des Actes, dont nous lisons aujourd'hui un extrait (Actes 13, 14-52), nous rapporte leur réaction. Injuriés par des Juifs " remplis de fureur ", ils gardent toute leur assurance et déclarent tranquillement : " Vous rejetez la parole de Dieu ? Eh bien, nous nous tournons vers les païens. " Ce qui remplit de joie les intéressés et permet à la mission de continuer et de s'amplifier.

On ne lit pas souvent le livre de l'Apocalypse ! Dommage. Bien que difficile d'accès, ce dévoilement du sens de l'histoire (le mot " apocalypse " signifie lever un coin du voile) nous permet de nous situer dans une attitude de confiance et d'assurance pour affronter la conjoncture présente. Pensez donc ! L'Apôtre Jean est déporté dans les mines de Pathmos quand il a cette vision qu'il nous rapporte. Entre autres, la révélation de l'humanité sauvée, d'un monde réussi, d'un monde qui est " passé " à travers toutes les souffrances d'une histoire, oh combien douloureuse, pour ressurgir avec le Christ dans le triomphe définitif. " Foule immense que nul ne pouvait dénombrer, de toutes nations, races, peuples et langues…L'Agneau sera leur Pasteur pour les conduire vers les eaux de la source de vie. Et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux ". (Apocalypse, 7, 9…17). Et c'est un déporté qui écrit cela !

...fondée sur une Parole

L'assurance dont font preuve Paul et Barnabé alors qu'ils sont traqués par leurs ennemis, l'assurance de l'auteur de l'Apocalypse alors qu'il est un pauvre déporté à Pathmos sont à l'image de l'assurance de Jésus face à ses contradicteurs. Pas tout à fait, certes, pour les mêmes raisons. La confiance de Jésus est fondée sur la parole de Dieu qu'il a entendue le jour de son baptême (on ne le redira jamais assez !) : " Tu es mon fils bien-aimé, en toi j'ai mis tout mon amour. ", ce qui lui permettra de déclarer que " le Père et moi, nous sommes un. " La confiance et l'assurance manifestées par Paul, Barnabé, Jean se fondent sur une parole de Jésus. Parlant de " ses brebis ", il déclarait, lors de la fête de la Dédicace : " Jamais elles ne périront, personne ne les arrachera de ma main. Mon Père, qui me les a données, est plus grand que tout, et personne ne peut rien arracher de la main du Père ".

Ils ont pris au sérieux cette parole, eux et tous leurs contemporains qui avaient mis leur foi en Jésus, Christ et Seigneur. Mais pas seulement les chrétiens de la première génération. Tout au long de ces vingt siècles d'histoire, que d'hommes, de femmes, enfants, jeunes et vieux, ont manifesté pareille assurance, fondée sur la Parole de vie, au milieu des pires tragédies. Une assurance exprimée par Paul dans cette brève déclaration (je traduis très librement) : " Si Dieu est pour nous, qu'est-ce qu'on nous peut ! "

L'image du berger

Encore faut-il bien s'entendre sur la signification de cette assurance tranquille, de cette confiance absolue qu'ils ont manifestées dans leur vie. Ils se disaient " brebis du Seigneur ", mais pour eux, l'image n'était pas démobilisatrice. En effet, l'image du berger et des brebis est ambiguë. Elle risque de nous faire passer pour des " moutons ", et c'est péjoratif, tout ce qui est " esprit moutonnier ". Elle risque, mal comprise, de nous rendre passifs, vivant dans une molle béatitude, endormis par de vagues assurances. Non, l'assurance chrétienne qui a animé Paul et Barnabé, Jean et leurs contemporains et qui anime combien d'hommes aujourd'hui, est basée sur une tout autre idée du berger et du troupeau. Une visée dynamique. Celle qu'exprime le psaume 22 : un peuple en marche, guidé et protégé par son berger, manifestant sa confiance, traversant " des ravins de ténèbres ", c'est-à-dire tous les aléas de l'existence, marchant vers le but, car sa vie a un sens et se fonde sur une promesse.

L'image du berger et de son troupeau fait penser entre autres à la longue marche du peuple hébreu, pendant quarante ans, à travers le désert, sous la conduite de Moïse. De Moïse ? Non. Bien plutôt sous la conduite de Yahveh. Moïse n'est que " pasteur-délégué ". Rien ne sera épargné à ce peuple, au cours de cette marche : ni la faim, ni la soif, ni les combats ni les errances, ni les doutes ni les rébellions, les enthousiasmes et les découragements. Image de nos propre vies. Rien non plus ne nous est épargné. Et pourtant, notre foi (notre confiance) en celui qui est notre Berger nous invite à marcher avec assurance. Et à manifester cette assurance, non par des paroles, mais par des attitudes concrètes.

Eliminer nos peurs.

En d'autres termes : nous ne pourrons manifester concrètement notre assurance que si nous éliminons les peurs qui souvent nous obsèdent, comme elles obsèdent notre humanité en ce début de millénaire. Prenez donc le temps d'analyser toutes les peurs qui vous paralysent plus ou moins, vous personnellement. Peur de ce qu'on mange, de ce qu'on boit, de l'air qu'on respire ; peur de la " mondialisation ", peur de l'autre, surtout s'il est différent ; peur des jeunes si vous êtes adulte, et peur des adultes si vous êtes jeune. Peur d'un groupe si vous êtes seul. Peur pour le présent et peur pour l'avenir… Je n'en finirais pas d'énumérer ces peurs, qui sont les nôtres, qui sont celles de nos civilisations vieillissantes.

Mais, me direz-vous, comment éliminer nos peurs, alors que la réalité est là, bien là. Faut-il, pour cela, se boucher les yeux ? Certes pas. Le " berger " ne nous demande pas de nous retirer du monde, mais d'agir dans ce monde avec lucidité et, encore une fois, avec assurance. De " combattre le bon combat ", écrivait saint Paul pour résumer sa vie. Je prends un exemple. Récemment, je lisais une déclaration du Pape, qui expliquait que la mondialisation, certes, est un fait, mais qu'il faut éviter qu'elle devienne une colonisation. Donc, il y a là une invitation à combattre. C'est dans ce sens-là qu'il nous faut envisager notre vie. Il y aura - il y a déjà eu - des jours d'affrontements, des jours où l'on gagne et des jours où l'on est battu ; des jours de joie et des jours de deuil. La vie n'est pas " un long fleuve tranquille ". L'essentiel, c'est que, dans ce combat, on ne perde pas pied ; que l'on ne s'affole pas ; que l'on ne démissionne pas ; que l'on ne se résigne pas. Soyons des hommes qui tiennent debout. Quinze fois, dans le Nouveau Testament, on nous parle de la première génération chrétienne comme de gens qui manifestaient leur " assurance " dans toute leur existence. C'était sans doute ce qui frappait le plus leurs interlocuteurs. Puissent nos contemporains en dire autant de nous.

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