THEOLOGIE "POUR LES NULS"

CETTE ANNEE 2005 : La Création.

"Je crois en un seul Dieu, le Père tout-puissant,
créateur du ciel et de la terre,
de l'univers visible et invisible."

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1ère séquence : De fausses pistes

Il me paraît important de consacrer cette année les 12 séquences de notre "Théologie pour les Nuls" (que nous sommes tous, n'est-ce pas !) à cette affirmation : Dieu est créateur. Vous allez vous demander pourquoi ? Je ne vous répondrai pas aujourd'hui. Mais vous constaterez, au fil des mois, que nous sommes tous concernés au premier chef, et jusque dans les détails de notre vie. Et que, sans doute, nous nous faisons de fausses images de Dieu Créateur. En effet :

* Selon l'idée qu'on se fait de la manière dont Dieu crée, il est proche de nous ou irrémédiablement lointain.
* Nous sommes des êtres libres ou programmés, enfermés dans un destin.
* Le mal est un scandale ou une question qu'on ne se pose plus.
* Le conflit de la foi et de la science dépend de l'idée qu'on se fait de la création.
* Bref, la question de la création, qui est celle de l'origine, commande tout.

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INTRODUCTION

Question : ce qu'on nous a appris au catéchisme sur Dieu créateur doit-il être remis en question ? Est-ce que des générations de chrétiens se sont trompés ? Et d'abord, les Ecritures nous ont révélé définitivement un Dieu Créateur ! Alors ?

D'abord, l'Ecriture. Elle ne nous donne pas des définitions, mais seulement des approches de la vérité de Dieu à travers des expériences que les hommes ont fait de Dieu dans sa relation avec eux. Des types d'approches, des itinéraires. Donc, ne pas court-circuiter la démarche pour aller directement au résultat tout-fait. Le Petit Prince explique cela très bien : l'eau du puits a la saveur de la route qui a conduit jusqu'à elle. Il s'agit toujours d'une démarche : croire est un voyage.

Donc ce que l'Ecriture dit de Dieu reste fermé, inaccessible si l'on ne refait pas soi-même le parcours. Par conséquent il ne s'agit pas d'une recherche simplement intellectuelle : il faut également une relation personnelle avec Dieu, sinon la Parole reste morte. Elle devient un dogme desséché ; elle risque d'engendrer une idéologie,

La Bible est déconcertante. Par exemple, parlant de la création, elle nous présente deux récits. Dans le premier l'homme est créé après tout le reste, alors que dans le second il est créé en premier et tout le reste est fait pour lui. Qu'est-ce qui est vrai ? Les deux, mais à condition de se bien comprendre. Ne pas nous imaginer que la Bible veut nous raconter comment les choses se sont passées. Elle veut nous dire autre chose ? On verra plus loin son intention. Donc, à partir de la Bible, on peut entendre diverses choses sur Dieu. Elle est écrite de façon à ce que nous puissions à chaque époque, dans chaque civilisation, atteindre Dieu.

Est-ce à dire que l'image de Dieu peut changer ? Oui, certainement. Depuis le Christ, nous savons que Dieu est amour. D'accord. Mais comment est-il amour ? Et comment cela se manifeste dans nos existences ? Comment agit-il ? Comment est-il créateur ? La réponse à ces questions peut et doit se nuancer au fil des temps. Pourquoi ? Parce que l'image que nous nous faisons de nous-mêmes, de notre rapport au monde change. Devant l'orage ou les éléments déchaînés, un primitif attribue ces manifestations à l'action d'un Dieu. Tout en restant primitif, si j'entends les traditions bibliques, je saurai que Dieu prend soin de nous, mais je continuerai à voir dans l'éclair, l'arc-en-ciel, la peste et la guérison son action directe. Je serai donc coincé entre une expérience de la vie assez traumatisante et la foi en Dieu amour. Je m'en tirerai par une foule d'explications : le péché, l'épreuve, la valeur rédemptrice de la souffrance. Toutes ces explications pour essayer de justifier ma confiance en Dieu malgré tout. Cela dans le contexte d'une science toujours plus ou moins déficiente. Mais si ma science se perfectionne, ces images changeront , mon attitude prendra des nuances nouvelles, mais ma confiance en Dieu demeurera la même. Saint Paul déclare que "notre connaissance est partielle" : elle le restera toujours.

Notre connaissance est partielle, ce qui ne nous dispense pas de modifier notre image de Dieu et de ses rapports à l'homme pour l'accorder à l'ensemble de notre expérience actuelle. Il ne s'agit pas de "changer la foi", mais de l'approfondir pour nous retrouver en cohérence avec nous-mêmes, avec nos conceptions de la vie, avec notre culture du XXIe siècle. Travail nécessaire, et toujours provisoire. D'autres, après nous, verront les choses autrement. N'empêche que l'image que je me fais aujourd'hui vaut pour aujourd'hui, puisqu'elle me permet de chercher et de trouver Dieu. Elle est le support de ma foi. Notre façon de voir Dieu créateur change au fil des siècles. Par exemple les progrès de la génétique nous obligent à concevoir l'homme tout autrement. Quand nous disons "Dieu créateur du ciel et de la terre", nous n'avons pas dans l'esprit la même chose que nos ancêtres, même si nous croyons comme eux qu'il y a une origine absolue à tout ce qui existe et si nous appelons cette origine "Dieu". Mais notre vision du ciel et de la terre a changé.

1 - ORIGINE ET COMMENCEMENT

"Je crois en Dieu créateur du ciel et de la terre, de l'univers visible et invisible". C'est la formule du Credo. Elle est indiscutable. Mais comment la comprenons-nous ? En général, on pense immédiatement en un Dieu qui existait de toute éternité et qui, un beau jour, s'est mis à créer. D'abord l'univers, puis l'homme. Il devient donc ce qu'il n'était pas encore : il n'était pas créateur, il devient créateur. Cette représentation a un grand mérite, c'est de nous faire découvrir la création comme une démarche libre de Dieu, et nous pouvons commencer à entrevoir que Dieu est amour, partage.

Temps et éternité.

Pourtant, cette image repose sur une méprise à propos de l'éternité, qui est en quelque sorte "le temps de Dieu". On se la représente à partir de notre temps à nous, c'est-à-dire comme un temps indéfini. Mais l'éternité n'a rien avoir avec le temps. On ne peut pas parler, par exemple, d"avant le temps", ni d'"avant la création". L'éternité surplombe chacun de nos instants ; elle est leur source, leur matrice. Eternité et Dieu peuvent être pris comme synonymes. Si l'on veut à tout prix parler en terme de temps, il faut dire qu'en Dieu la création existe de tout temps. Les théologiens disent simplement que, dans la pensée de Dieu, nous existons de toute éternité.

Dieu changeant ou immuable ?

Mais au fait, Dieu peut-il changer ? Celui qui change devient différent. Dieu est-il différent après la création de ce qu'il était avant ? En d'autres termes, Dieu est-il immuable ? Selon la Bible, il change sans cesse : il est en échange, en dialogue avec une autre liberté, celle de l'homme. En fait, s'il change, c'est pour rester, en face de notre liberté changeante, ce qu'il est de façon immuable : amour.

Nous sommes bien obligés de dire que le monde a commencé. Pourtant, nombre de scientifiques refusent cette question. Et même saint Thomas admettait qu'on peut concevoir la matière éternelle, ajoutant que cela relève de la connaissance, mais que par contre, la foi nous indique que la création a eu un commencement. Seulement, si on choisit l'hypothèse d'un commencement, on pose tout de suite la nécessité d'une origine. En fait, que l'on croie à un commencement ou à une matière éternelle, une idée de Dieu créateur ne dépend pas de cela.

Attention aux formules. On dit : "Je crois en Dieu créateur". Mais si on pense que "Dieu a créé le ciel et la terre", on situe immédiatement la création dans le passé. Ce qui est lourd de conséquences. Un tas de questions surgissent. En voici quelques-unes ;
* Dieu a-t-il créé un monde achevé, fini une fois pour toutes, ou bien a-t-il semé des germes, laissant aux êtres la possibilité de parvenir par eux-mêmes à leur maturité ?
* Pourquoi Dieu a-t-il créé un univers imparfait, mêlé de bien et de mal. S'il est parfait, ses oeuvres ne doivent-elles pas être parfaites ?
* Dieu nous a mis sur orbite, avec mission de nous débrouiller. Comment, dès lors, est-il présent à sa création ?

Dans cette hypothèse d'une création au passé, on est porté à concevoir une création parfaite au début, qui a ensuite été détériorée par le "péché". Mais puisque Dieu n'est pas dans le temps, essayons plutôt de concevoir une création au présent. Ne plus penser "Dieu a créé le monde", mais "Dieu crée le monde."

La création au présent

Et d'abord, formulons un présupposé : je pense que la nature entière est relative à l'homme, est ordonnée à l'homme. En l'homme nous trouvons le minéral (des sels minéraux) mais aussi le végétal et l'animal : nous ne pourrions vivre sans une flore et une faune. Bref l'homme récapitule tout ce qui existe. Donc, je change de formule et j'annonce, non pas "Dieu crée le monde", mais "Dieu crée l'homme", tout le reste étant inclus sans cette création de l'homme. On peut même aller jusqu'à cette formule : "Dieu me crée". Création : acte de relation. La Bible donne un nom à l'homme et à la femme que Dieu a fait surgir de la terre.

La création relation d'origine.

Nous partons donc de la création dans ce qu'elle a de plus perfectionné, de plus achevé. On verra plus tard que ce qui vaut pour l'homme vaut pour le reste. Dieu me crée. Du coup la question du commencement est (pour l'instant) éliminée. La création est un fait actuel. Elle est une relation entre Dieu et moi. Dieu est mon origine. Je suis en quelque sorte en train de jaillir de Dieu. Dieu est en moi comme ma source. "En lui nous avons la vie, le mouvement et l'être" (Actes 17, 28) et Jean écrit : "Tout ce qui vit est vie en lui." (Jean 1, 4). Une simple comparaison : le soleil est l'origine de la lumière et de la chaleur de notre planète. On peut calculer quand cela a commencé, cela ne change rien au fait que le soleil est actuellement origine. Ce n'est qu'une comparaison, qui est nécessaire pour nous faire comprendre la différence entre origine et commencement.

Dieu dynamisme intérieur.

Dieu m'apparaît donc d'abord comme une force, un dynamisme qui me fait être et me pousse en avant. il est vie de ma vie. Principe vital. Eh bien, cette force est "personne", c'est-à-dire lieu de connaissance, de liberté, d'amour. Et pourtant elle m'est intérieure, intime. On peut redire cela en termes de causalité. Principe de causalité : "Rien n'existe sans cause." Présentation simpliste : qui est premier : l'oeuf ou la poule ? D'où vient l'oeuf ? De la poule. D'où vient la poule ? De l'oeuf? etc. En finale, on fait intervenir Dieu comme créateur. Aristote le nomme "cause première", les autres causes, qui en découlent sont des "causes secondes". Beaucoup de scientifiques rejettent une telle utilisation du principe de causalité.

On peut cependant utiliser cette distinction cause première - causes secondes, à condition de ne pas mettre les deux causalités sur le même plan. Dieu n'est pas le premier d'une série. Il est hors-série, il est d'un autre ordre. Il ne faut donc pas le chercher à l'extrémité de la chaîne horizontale mais, si l'on veut,à sa verticale ou en sa profondeur, et ce, tout au long de la série des oeufs et des poules, des végétaux, des hommes...

En résumé : Dieu n'est pas dans le temps. Ma création est un fait contemporain. Dieu n'est pas une cause comme les autres. Il est en moi comme ma source. Il faut en finir avec l'image du Dieu extérieur, disons, du "Grand Horloger" de Voltaire. Cependant nous n'avons pas encore essayé de comprendre le "comment" de la création. Là, tout reste à faire. En attendant, il nous faut bien comprendre le sens et la portée de notre démarche

Bilan

On vient d'essayer de déboulonner l'image que la plupart des chrétiens se font de Dieu créateur. Cette image n'est pas celle de la Bible. Elle vient de la religiosité instinctive de l'homme. Affronté à la nature, l'homme a toujours eu conscience d'être dépassé par quelque chose de plus fort que lui. Derrière ce qu'il voyait, il a pressenti un invisible fondateur. Il l'a imaginé comme la cause de tout ce qui existe. Et voilà que tous les athéismes contestent cette manière de répondre à la question. Un Dieu-artisan, un être qui fabrique ? Ce Dieu-là ne leur convient pas. D'accord. Alors, prenons un autre chemin pour découvrir Dieu en vérité. On vient de dire ce qu'il n'était pas. Mais immédiatement, on a posé une affirmation fondamentale : Dieu est notre source permanente. D'où me vient cette foi ? de la Bible. Elle me dit que Dieu n'est pas une cause-comme-les-autres. Alors, qui est-il ? On continuera notre recherche la prochaine fois.

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