THEOLOGIE "POUR LES NULS" CETTE ANNEE 2005 : La Création. ![]()
"Je crois en un seul Dieu, le Père tout-puissant,
créateur du ciel et de la terre,
de l'univers visible et invisible."oOo 3e séquence : Bible, Création et liberté (suite) Dieu ne fait pas tout.
Qu'en est-il de cette libération d'Israël, événement créateur d'un peuple ? Partons de cette évidence : Dieu ne peut pas libérer Israël sans Israël. Et on ne peut se libérer en allant n'importe où, en faisant n'importe quoi, n'importe comment. Il y a une loi de la libération, qui est aussi loi de l'alliance et en même temps loi de la création. Il y a donc des passages obligés : Israël devra s'engager dans ces passages obligés de la liberté. Parmi les choix possibles, il y a des choses qui me libèrent et qui me font être davantage, et d'autres qui m'aliènent et me diminuent. Des choses qui font vivre et d'autres qui tuent. La Parole qui vient de Dieu est Parole de Vie. Il s'agira donc pour Israël de choisir cette Parole, de lui faire confiance. C'est toute la problématique de l'histoire de la libération et de la longue marche au désert. D'où la nécessité du don de la Loi sur le Sinaï. Il en est de même pour chacun de nous, dans toute notre existence.
Dans le récit de la création (les trois premiers chapitres de la Genèse), nous rencontrons aussi une loi de la vie et de la mort. On veut nous dire par là que ce qui vaut pour Israël en sa création comme peuple (l'Exode) vaut depuis toujours pour tout homme. Loi de vie et de mort, loi d'alliance, c'est-à-dire de l'accord entre l'homme et sa vie, entre l'homme et sa liberté.
Deux textes à comparer.
Pour bien comprendre cela, comparons deux textes : Genèse 1 et 2 et Deutéronome 30, 15-20. Le Deutéronome se présente comme une sorte de testament qu'on met sous la plume de Moïse, à la veille de l'entrée dans la Terre Promise. Il s'agit d'inciter le peuple d'Israël à être fidèle à la Loi qui le constitue comme peuple et lui assure son identité et son avenir. Quant au livre de la Genèse, il nous parle de tout homme, de tous les hommes. Elle parle d'Adam, ce qui est un nom commun. Adam = l'homme. Regardons les deux textes :
*Comme Israël entre en possession d'un pays tout planté (Deutéronome 30, 16-28-20), Adam est introduit dans un jardin planté (Genèse 2, 8...)
* Dans les deux cas, il y a une parole de Dieu qui se prononce sur le bien et le mal, le bon et le mauvais (Deutéronome 30, 15 et Genèse 2, 13)
* C'est une question de vie ou de mort (Deutéronome 30, 15,18,19,20 et Genèse 2, 17 - 3, 3, 4, 19)
* Dans les deux textes nous trouvons le "croître et multiplier" qui est le thème de la "bénédiction (Deutéronome 30, 16, 19 et Genèse 1, 28)
* Adam sera expulsé du jardin comme Israël sera expulsé de la terre promise. Israël lit l'histoire de l'humanité, depuis le commencement, d'après ce qui lui est arrivé à lui-même. Il vit en clair, en terme d'histoire, le mystère caché en l'homme, les avatars de cette alliance primordiale qui se confond avec la création.
Pour vivre, l'homme doit donc choisir ce qui fait vivre. Et c'est cela sa part dans l'alliance. Cela revient à dire qu'il doit faire confiance à la Parole qui lui dit où est la vie. La création passe par cet accueil, cet acquiescement. Croire à l'Amour, dira le Nouveau Testament.
Tout en forme de Pâque
Donc Israël a découvert Dieu comme libérateur avant de le reconnaître comme créateur. L'image première, fondamentale, c'est celle du libérateur. Le créateur sera déduit, en quelque sorte, du libérateur. Pour cela, il faudra nous faire une idée de la création qui non seulement ne contredise pas la libération, mais qui, au contraire, l'illustre. Les chrétiens en viendront ainsi à présenter la Pâque du Christ, qui est libération, comme conduite de la création à son terme. Aussi Jésus parlera de naissance propos de la Pâque. Paul parlera d'homme nouveau, de monde nouveau. L'Apocalypse parlera de cieux nouveaux et de terre nouvelle.
L'utilisation du mythe
Vous pensez bien qu'on n'a pas de noyau historique, ni documents ni témoignages concernant la création. Le noyau historique fondateur concerne la libération de l'Exode et ce qui s'est passé au désert. Donc voilà une situation difficile pour celui qui a rédigé le livre de la Genèse. Du moins de notre point de vue d'hommes du XXIe siècle. L'auteur ne peut affirmer qu'une chose : puisque Dieu a fait passer Israël d'une situation de non-peuple à la situation de peuple, de l'esclavage à la liberté, etc. il a aussi opéré le passage de la non-humanité à l'humanité. Et cela vaut pour toute chose. Alors, pour présenter cette certitude, l'auteur (les auteurs ?) utilisent la forme littéraire de l'histoire poétique, comme le Christ utilisera les paraboles pour annoncer le Royaume. Les auteurs n'ont aucun document, mais ils connaissent les mythes des autres religions et des cultures des peuples voisins. Ils vont donc utiliser ces mythes pour raconter un commencement qui recopie ce qui s'est passé au cours de l'Exode.
En résumé.
En résumé, faisons la liste de ce que ces textes nous apprennent :
* Création et libération sont étroitement liés. Le "processus" créateur est analogue au processus libérateur. Et même il est un processus libérateur.
*La connexion Exode-Genèse, ou plutôt leur filiation, nous apprend que la création est un acte d'alliance, dans lequel Dieu et l'homme sont parties prenantes. La liberté humaine est impliquée dans la création.
* Comme la Loi est constitutive du peuple d'Israël (c'est par la loi qu'il devient peuple), une loi est présente dans l'acte de création. Cette loi est la Parole créatrice même. Expression de la part de Dieu dans l'Alliance. C'est pour cela que la Genèse assortit sa création d'une loi, symbolique d'ailleurs : "Tu mangeras du fruit de tous les arbres du jardin, mais du fruit de cet arbre tu ne mangeras pas, car en manger serait mortel."
* On peut tirer, tant de la Genèse que de l'Exode, un autre aspect de la création : son aspect "progressif". Le peuple met 40 ans à se libérer, chiffre symbolique d'une vie entière. De même il y a tout un aspect de création "en devenir" quand on relit les textes, notamment en remarquant les verbes au futur : "l'homme quittera... s'attachera...ils ne feront..." A partir du germe initial, l'homme accède à sa création à travers un devenir. La création n'est pas du "tout fait" : elle est germe qui se développe. Elle est histoire.
* L'Ecriture nous parle donc de Dieu et de sa relation à l'homme sous forme de paraboles ou d'histoire interprétée. L'histoire elle-même devient parabole. Elle est écrite de façon à mettre en évidence une donnée de foi. Quant à nous, il faudra maintenant nous demander : "La création, qu'est-ce que c'est ?" et encore : "La création, comment cela se passe?"
(A suivre)
(D'après une série de M. Domergue, dans Croire Aujourd'hui 1981)