LE CREDO
(Gilles Brocard)
Article 7 : « Je crois à la
sainte Eglise catholique »
J’écris cet article alors que je suis en vacances à Barcelone, hébergé chez un ami qui habite un appartement avec une vue imprenable sur la célèbre et magnifique basilique « la Sagrada Familia ». En la regardant surplombée de ses 3 grues, je me sens invité à vous parler de l’Eglise « semper reformanda » c’est-à-dire toujours en construction, en constante capacité de se réformer. Malgré ses nombreux échafaudages et quelques filets de protection sur l’une ou l’autre tour, cela ne l’empêche pas d’être toujours aussi majestueuse (cf photo ci-contre) et visitée par des milliers de personnes chaque jour.
Oui l’Eglise est visitée et c’est tant mieux ! Elle attire encore, elle intrigue, elle questionne l’Homme d’aujourd’hui et c’est bien là son rôle me semble-t-il : faire signe pour les hommes et les femmes de ce temps ! Tous ces visiteurs savent qu’ils ne font là qu’une halte pour prier, se ressourcer, admirer, s’élever un peu, regarder vers le haut, bref nourrir leur vie spirituelle. Inutile de chercher à les garder à l’intérieur, car ils ne font là qu’une halte. Ils passent ! Ils « passent par l’Eglise », au grand dam de ceux qui voudraient qu’ils prennent part à la construction de l’Eglise en s’engageant dans l’Eglise, mais il y a ceux dont la construction est la vocation (les maçons, les grutiers = les ministres de L’Eglise, clercs ou laïcs en mission pastorale) au service de ceux qui viennent y faire halte pour reprendre souffle. Il me semble important d’accepter que les gens ne fassent que « passer par l’Eglise ».
La révolution du Concile Vatican II
Cette prise de conscience que l’Eglise ne doit pas mettre la main sur les gens mais être signe de plus grand qu’elle, a eu lieu il y a 50 ans au concile Vatican II : en effet, avant 1965 (date de la fin du concile), l'Eglise étant assimilée au royaume de Dieu sur terre, pensait qu’elle devait convertir le monde en l’intégrant en son sein, afin que le monde (tout le monde) devienne chrétien. Lors du concile Vatican II, les 2500 évêques présents ont effectué un déplacement important en différenciant l’Eglise et le royaume de Dieu : voici les termes de la constitution sur l’Eglise « Lumen Gentium » : « Le Christ est la lumière des peuples : réuni dans l’Esprit saint, le saint Concile souhaite donc ardemment(…) répandre sur tous les hommes la clarté du Christ qui resplendit sur le visage de l’Eglise. L’Eglise étant, dans le Christ, en quelque sorte le sacrement c'est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain ». (LG 1)
On passe donc d'une Eglise en face à face avec le monde à une Eglise « signe de salut » au milieu des Hommes. La mission de l’Eglise est donc d’être un signe parlant (= sacrement) de l’Amour de Dieu pour le monde, de ce royaume que Dieu promet A TOUT HOMME. Le but n’est donc plus que tout le monde devienne chrétien, mais que tout le monde entre dans le royaume. Ce qui est très différent ! Le rôle de l’Eglise est donc d’être un signe lisible, visible, parlant qui rappelle l’existence de Dieu et son projet de royaume offert à tout Homme. La MISSION DE L'EGLISE consiste donc à révéler la partie du royaume déjà présente dans la vie des Hommes, et à rappeler au monde que sa vocation, c'est le ROYAUME.
Mgr Coffy en 1973 disait cela très clairement : « L’Église est cette part d'humanité qui est signe efficace du Christ parce qu’elle vit non une autre vie, mais elle vit autrement la vie ordinaire ». L’idée est de faire signe, comme le fait superbement la Sagrada familia, aussi merveilleuse à l’intérieur que majestueuse à l’extérieur. Le concile a permis une ouverture circulaire sans précédent vers tous les Hommes, et grâce à lui, l’Eglise s’est ouverte en profondeur vers tout ce qui est humain. C’est comme si au concile Vatican II, l’Eglise avait enfin compris le vrai sens du mot « catholique ».
Je crois à l’Eglise « pour tous »
Lorsque l’on proclame dans le credo que nous croyons à l’Eglise « catholique », ce n’est pas pour affirmer notre différence avec les protestants ou les orthodoxes, mais pour dire que nous croyons en l’universalité de l’Eglise qui est a pour mission d’être signe du salut POUR TOUS ! Vraiment tous. En fait l’Eglise est catholique au sens grec du terme (catholicos) quand elle est ouverte à tous, quand elle propose ses services à tous et qu’elle veut le salut de tous ! Ainsi quand je récite le credo, je change simplement le mot « catholique » et je dis que je crois à l’Eglise « universelle » ou pour tous. Cela me permet de ne pas oublier cette mission essentielle de l’Eglise et de comprendre cette phrase entendue parfois dans le passé : « hors de l’Eglise, point de salut » ! Cette phrase est bien sûr fausse si on entend l’Eglise au sens restreint du terme, (l’Eglise catholique romaine) mais elle est juste si nous l’entendons au sens large du terme : « ecclésia » en grec signifiant « rassemblement » ! Alors je peux affirmer qu’il n’y a pas de salut pour l’humanité hors du rassemblement de tous, hors de notre capacité à nous rassembler, à être ensemble, à agir collectivement. Nous en avons un bel exemple aujourd’hui avec la question écologique : on ne réussira qu’ensemble à lutter contre le réchauffement climatique ! Idem pour la question des migrants. En ce sens, l’Eglise (l’ecclesia) joue un rôle prophétique quand elle rassemble les gens, et qu’elle annonce qu’il n’y aura de salut qu’ensemble et pas tout seul.
Un regard critique nécessaire
L’ecclésiologie de Vatican II a fait jaillir un réel dynamisme et une réelle inventivité dans les communautés locales. De nombreux laïcs sont devenus responsables de leur Eglise locales dans les conseils pastoraux, paroissiaux, diocésains, épiscopaux, et dans les synodes diocésains. Ministres ordonnés et ministres laïcs collaborent à la même mission dans une coresponsabilité féconde. Mais tout n’est pas aussi beau ! En effet, il faut reconnaitre qu’un certain mal-être ecclésial persiste. Bon nombre de chrétiens souffrent - souvent en silence - d'être engagés par une parole publique d'Église, définie d'en-haut, parole dans laquelle ils ne reconnaissent pas toujours l'Esprit de l'Évangile. Parole qui verrouille institutionnellement la parole croyante plurielle. Il y a aussi beaucoup de chrétiens qui s'en vont sur la pointe des pieds ne reconnaissent plus cette Eglise, le signe visible d'un Père de tendresse aux bras grands ouverts.
La critique quand elle vise à édifier est bonne et même nécessaire comme le dit très bien J.C. Guillebaud dans sa lettre aux catholiques troublés paru dans La Croix en mars 2009, « Sans la protestation venue des marges, le message se serait affadi ou même éteint. Mais sans l’Église, il n’aurait pas été transmis. Dissidence et institution sont comme l’avers et le revers d’une même vérité en mouvement. L’Église reste pourtant notre maison commune. Fût-elle rébarbative, disciplinaire, elle est aussi une académie où s’apprivoise et s’éduque notre foi. Elle a été mille fois confrontée aux tentations sectaires, hérétiques ou intolérantes. Notre foi a besoin d’elle. Faute de cela, le croire n’est plus qu’une passion incertaine qui sautille et batifole avant de courir vers l’abri d’une secte, d’une tribu ou d’un groupuscule. L’Église, parfois, nous déconcerte ou nous révolte, mais nous restons ses enfants ».
Une Eglise sainte ?
On entend de plus en plus : Jésus-Christ, oui. L’Eglise, non ! Cela dit quelque chose que l’Eglise doit entendre car ce qui me parait grave : c’est de ne plus reconnaitre Jésus-Christ dans l’Eglise ! En fait, l’Eglise est le Temple de l’Esprit Saint, le Corps du Christ et en même temps, inséparablement, elle est une société humaine, avec les exigences humaines de toute société, un droit canon, un langage, des symboles qui lui sont propres, une autorité, des structures, des finances... etc. Tout ce que l’on appelle familièrement « la boutique ». Beaucoup de chrétiens veulent une Eglise sainte, sans tache, ni ride, bref, sainte et immaculée. Ils ont raison : n’est-ce pas le vœu du Christ lui-même ? Mais l’Eglise est composée de ses membres, les hommes avec leurs talents, leur grâce, leur sainteté, mais aussi leurs limites, leurs faiblesses et leurs péchés, depuis le Pape jusqu’au plus humble des fidèles. Jusqu’à la fin des temps, l’Eglise de la terre sera, en même temps, sainte de la sainteté du Christ et de la part de sainteté de ses membres, et en même temps marquée par nos limites et nos péchés. L’Institution ne serait qu’humaine, si elle n’était pas habitée par l’Esprit. Et l’Esprit ne serait pas en prise sur le monde selon la logique de l’Incarnation s’il n’agissait pas par et dans l’Institution visible, le Corps du Christ. Bref, comme le dit Mgr Jullien Archevêque de Rennes « il n’y a d’accès au Temple que par la boutique ».
C’est ainsi que j’entends cet adjectif « sainte » que nous proclamons dans le credo. « La sainteté, c’est moi en toi, dit Dieu » voilà ce qu’est la sainteté ! Je tiens cette définition de Madeleine Delbrel. Le Christ n’a cessé de combattre une conception pharisienne de la sainteté qui séparait le divin et l’humain, le sacré et le profane, le pur et l’impur, le temporel et le spirituel. Or Jésus n’a cessé de vouloir réintégrer ceux que l’on disait impur, pour inviter chacun à la sainteté. Voilà ce que le Christ est venu faire en se compromettant avec le monde, en mangeant avec les pécheurs, en parlant avec les étrangers et les femmes, il est venu réconcilier l’être humain avec Dieu ! Ainsi la sainteté de l’Eglise, c’est sa capacité à lier l’humain et le divin, et c’est bien là son rôle ! Sanctifier, c’est unifier l’humain et le divin, en travaillant à l’humanisation de l’Homme tout en sachant que Dieu ne peut diviniser que ce que nous humanisons.
Les saints sont les interprètes de la symphonie divine
Etre saint, c’est laisser notre espace intérieur être suffisamment envahi par la lumière et l’amour de Dieu, et qui nous révèlent sur cette terre ce que c’est qu’un humain accompli, achevé, un fils de Dieu. Et cela est donné à tous. Pour moi les saints sont les interprètes de la symphonie divine ! En effet, à part un génie comme Mozart qui entendait la musique à mesure qu’il la composait, il est difficile au commun des mortels que nous sommes, de nous rendre compte, à partir d’une partition, de ce que donne l’ensemble des instruments qui jouent ensemble. Il nous faut passer par l’orchestre, par l’audition des instruments pour voir la beauté d’une œuvre musicale. De la même manière, le royaume de Dieu pour être rendu visible, (= la mission de l’Eglise) a besoin d’être orchestré par des hommes et des femmes qui connaissent la musique, qui savent déchiffrer la partition (la bible) et qui essaient de la jouer de la façon la plus juste possible pour que les humains puissent entendre la symphonie de l’amour de Dieu.
Nous sommes tous appelés à la sainteté, c'est-à-dire à jouer la partition de notre vie de la façon la plus juste possible pour que le monde croie à la symphonie de l’Amour de Dieu. Dieu, c’est le compositeur, la partition c’est la bible, le Christ, c’est le chef d’orchestre et l’Esprit saint, c’est le souffle dans les instruments à vent, ou l’archer sur les instruments à cordes. Le notes se sont les vertus chrétiennes, avec les trois plus hautes notes que sont la foi, l’espérance et la charité, les deux plus basses que sont l’humilité et la maîtrise de soi, et celles intermédiaires que sont la bienveillance, la bonté et la douceur.
Dans l’Eglise, nous avons eu de grands interprètes, vous savez ces gens qu’il suffit de voir vivre pour nous dire qu’ils sont saints : il y a les connus, St Paul, st Augustin, st François d’Assise, st Vincent de Paul, Maximilien Kolbe, Ste Thérèse de l’enfant Jésus, l’abbé Pierre, etc. Mais il y a tous les saints inconnus, qui ne cessent de jouer cette symphonie de l’amour au cœur de leur vie quotidienne. Nous en connaissons tous, (je pense à ma maman par ex). Vous le voyez, la sainteté n'est pas réservée à une élite qui arriverait à grimper au plus haut des marches. La sainteté, est la sœur jumelle de l'humilité. C'est la vocation de tous les baptisés qui malgré leurs faiblesses, ne se découragent pas et continuent à vouloir jouer dans leur vie, en s’appuyant sur la partition de l'Evangile.
L’Eglise, un hôpital de campagne
Je ne peux pas parler de l’Eglise sans citer ces merveilleuses paroles du pape François : « Nous devons être une mère et non une ONG bien organisée. Cela est nécessaire, mais pour aider la maternité de l’Eglise ». L’évangélisation ce n’est pas le prosélytisme, faire remplir des fiches d’adhésion car (le pape François cite alors Benoît XVI) : « L’Eglise ne croît pas par prosélytisme, mais par attraction maternelle ».
Ailleurs le pape François ose critiquer l’Eglise : « Quand l'Église ne sort pas d'elle-même pour évangéliser, elle devient «autoréférente» et alors tombe malade. Les maux qui, au fil du temps, ont touché les institutions religieuses ont leurs racines dans l'autoréférence, une sorte de narcissisme théologique ». Alors il invite l’Eglise à s’ouvrir, ces paroles sont particulièrement importantes à un moment où la tentation est forte de se replier sur le petit reste : au contraire dit la pape, « L'Église est appelée à sortir d'elle-même pour aller vers les périphéries, non seulement géographiques, mais aussi les périphéries existentielles : celles du mystère du péché, celles de la douleur, celles de l'injustice, celles de l'ignorance et de l'absence religieuse, celles de la pensée, celles de toute misère ».
Mais pour moi, les plus belles paroles du pape à propos de l’Eglise sont les suivantes : « Je vois avec clarté que la chose dont a le plus besoin l’Église aujourd’hui c’est la capacité de soigner les blessures et de réchauffer le cœur des fidèles, la proximité, la convivialité. Je vois l’Église comme un hôpital de campagne après une bataille. Il est inutile de demander à un blessé grave s’il a du cholestérol ou si son taux de sucre est trop haut ! Nous devons soigner les blessures. Ensuite nous pourrons aborder le reste. Soigner les blessures, soigner les blessures… Il faut commencer par le bas. L’Église s’est parfois laissé enfermer dans des petites choses, de petits préceptes. Le plus important est la première annonce : “Jésus Christ t’a sauvé !”[...]
Superbes paroles qui sonnent si justes, qui sentent si bon l’Evangile et qui disent si bien son rôle : soigner, aider, servir l’Humain. C’est le même ton que celle que j’ai pu lire (à défaut de les avoir entendue car j’étais trop petit) chez le pape Paul VI, le 7 décembre 1965, lors du discours de clôture du concile Vatican II :
Discours du pape Paul VI pour la clôture du concile Vatican II, le 7 décembre 1965
« On dira que le Concile, plus que des vérités relatives à Dieu, s'est occupé surtout de l'Eglise, de sa nature, de sa structure, de sa vocation œcuménique de son activité apostolique et missionnaire. Cette société religieuse qu’est l'Église s'est efforcée de réfléchir sur elle-même pour mieux se connaître, pour mieux se définir et pour régler en conséquence ses sentiments et ses préceptes. C'est vrai. Mais cette introspection n'a pas été une fin pour elle-même. L'Église s'est recueillie dans l'intimité de sa conscience spirituelle, non pas pour se complaire dans de savantes analyses mais pour retrouver en elle-même la Parole du Christ, vivante et opérante dans l'Esprit Saint, pour scruter plus à fond le mystère, c'est-à-dire le dessein et la présence de Dieu au-dessus et au-dedans de soi, et pour raviver en soi cette foi, qui est le secret de sa sécurité et de la sagesse, et cet amour qui l'oblige à chanter sans cesse les louanges de Dieu. « Chanter est le propre de celui qui aime » dit saint Augustin.
Mais notre Concile s'est très vivement intéressé à l'étude du monde moderne. Jamais peut-être comme en cette occasion, l'Église n'a éprouvé le besoin de connaître, d'approcher, de comprendre, de pénétrer, de servir, d'évangéliser la société qui l'entoure, de la saisir et pour ainsi dire de la poursuivre dans ses rapides et continuelles transformations. Nous voulons plutôt souligner que la règle de notre Concile a été avant tout la charité. L'Église du Concile, il est vrai, ne s'est pas contentée de réfléchir sur sa propre nature et sur les rapports qui l'unissent à Dieu : elle s'est aussi beaucoup occupée de l’homme, de l’homme tel qu’en réalité il se présente à notre époque : l'homme vivant, l'homme tout entier occupé de soi, l'homme qui se fait non seulement le centre de tout ce qui l'intéresse, mais qui ose se prétendre le, principe et la raison dernière de toute réalité. Tout l’homme phénoménal, c'est-à-dire avec le revêtement de ses innombrables apparences s'est comme dressé devant l'Assemblée des Pères conciliaires.
L'humanisme laïque et profane est apparu dans sa terrible stature et a, en un certain sens, défié le Concile. La religion du Dieu qui s'est fait l’homme s'est rencontrée avec la religion (car c'en est une) de l’homme qui se fait Dieu. Qu'est-il arrivé ? Un choc, une lutte, un anathème ? Cela pouvait arriver ; mais cela n'a pas eu lieu. La vieille histoire du Samaritain a été le modèle de la spiritualité du Concile. Une sympathie sans bornes l'a envahi tout entier. La découverte des besoins humains a absorbé l'attention de notre Synode. Un courant d'affection et d'admiration a débordé du Concile sur le monde humain et moderne. Des erreurs ont été dénoncées. Oui, parce que c’est l'exigence de la charité. À l’adresse des personnes, il eut que rappel, respect et amour. Au lieu de diagnostics déprimants, des remèdes encourageants, au lieu de présages funestes, des messages de confiance sont partis du Concile vers le monde contemporain : ses valeurs ont été non seulement respectées, mais honorées; ses efforts soutenus, ses aspirations purifiées et bénies.
Mais, vénérables Frères et vous tous, Nos fils ici présents, si nous nous rappelons qu'à travers le visage de tout homme spécialement lorsque les larmes et les souffrances l'ont rendu plus transparent, Nous pouvons et devons reconnaître le visage du Christ (cf. Matt. 25, 40), le Fils de l'homme, et si sur le visage du Christ nous pouvons et devons reconnaître le visage du Père céleste, alors nous pouvons également affirmer : pour connaître Dieu, il faut connaître l’homme. Aimer l’homme, disons-Nous, non pas comme un simple moyen, mais comme un premier terme dans la montée vers le terme suprême et transcendant, vers le principe et la cause de tout amour. Et alors, le Concile tout entier se résume finalement dans cette conclusion religieuse : il n'est pas autre chose qu'un appel amical et pressant qui convie l'humanité à retrouver, par la voie de l'amour fraternel, ce Dieu dont on a pu dire : S'éloigner de lui, c'est périr,- se tourner vers lui, c'est ressusciter; demeurer en lui, c'est être inébranlable; retourner à lui', c'est renaître; habiter en lui, c'est vivre. (St Augustin)
Voilà ce que Nous espérons au terme de ce second Concile œcuménique du Vatican et au début de l'entreprise de renouvellement humain et religieux qu'il s'était proposé d'étudier et de promouvoir, voilà ce que Nous espérons pour nous-mêmes. Frères et Pères de ce même Concile, voilà ce que nous espérons pour l'humanité tout entière qu'ici nous avons appris à aimer davantage et à mieux servir.
Génial non ? L’Eglise n’a aucune raison d’être pour elle-même, elle n’est là que pour servir les humains. J’aime aussi cette belle comparaison du cardinal Marty, ancien archevêque de Paris, qui compare L’Eglise à une barque, une barque qui transporte les gens d’une rive à l’autre… de l’existence : « L’Eglise est faite pour passer sur l’autre rive. Elle est faite pour le monde. Lorsque Jésus invite ses disciples à traverser le lac, il les envoie vers le monde, vers ceux qui ne le connaissent pas encore. L’Eglise est une barque. Elle est faite pour traverser les tempêtes. Certains sont tentés de rester au port, de ne pas se mouiller. Ils se contentent de commenter ce qu’ils croient voir de loin, à travers les prismes de leurs jumelles. C’est une vieille tentation qui nous guette tous mes frères… La barque Eglise est faite pour les grandes traversées. N’ayons pas peur. Celui qui l’envoie fait partie de l’équipage. Et c’est même sur sa demande que les disciples ont embarqué ».
Et pour vous qu’est-ce que l’Eglise ?
Vous pouvez aussi tenter de faire votre propre credo ecclésiologique : pour vous y aider, voici le credo de don Elder Camara : « Je crois en Dieu qui est le Père de tous les hommes et qui leur a confié la terre. Je crois en Jésus-Christ qui est venu pour nous encourager et pour nous guérir, pour nous délivrer des puissances et pour nous annoncer la paix de Dieu avec l'humanité. Il s'est livré pour le monde. Il est au milieu de nous le Seigneur vivant. Je crois en l'Esprit de Dieu qui travaille en tout homme de bonne volonté. Je crois en l'Eglise, donnée comme signe pour toutes les nations, armée de la force de l'Esprit et envoyée pour servir les hommes ».
et voici celui d’Yvette Chabert, théologienne à Lyon :
« Je crois en une Église, don de Dieu mais aussi tâche d'homme pécheurs.
Je crois en l'Église une, reçue du Christ ; à construire une, non monocolore mais bigarrée.
Je crois en l'Église sainte, inspirée de l'Esprit Saint ; à construire moins infidèle.
Je crois en l'Église catholique, reçue d'un Autre, à vocation universelle ; à construire sans esprit de clocher.
Je crois en l'Église apostolique, à la suite des douze ; à construire dans la diversité des ministères autour du ministère épiscopal ».
A vous de faire votre propre credo ecclésiologique maintenant !
Je vous donne rendez-vous dans un mois pour une dernière réflexion sur le credo à propos de « la communion des saints et du pardon des péchés ».
Gilles Brocard