LE CREDO
(Gilles Brocard)
Credo : Article 3 : « Je crois en Jésus-Christ, son fils unique notre Seigneur »
1. « Qui est Jésus ? »
Voilà une question qui a reçu bien des réponses depuis 2000 ans ! À chaque génération, il est bon de se redire : qui est Jésus pour moi aujourd’hui ? C’est ce que je vous propose dans ce premier article d’une trilogie consacrée à Jésus.
Pour nous y aider, je vous invite à regarder ce que disent les Evangiles. La première chose qui saute aux yeux quand on lit les Evangiles, c’est de constater qu’il n’a pas été facile pour Jésus de se faire comprendre, tant par les autorités religieuses, que par la foule et même par ses propres disciples. Ah si ! Il y a une exception : il semble bien que les petits, les exclus, les pécheurs aient plus davantage compris qui était Jésus (« Je te rends grâces Père, car ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits »). Cela n’est pas anodin pour moi ! Cela veut dire qu’on ne peut saisir Jésus qu'en se laissant saisir par lui. Et pour cela, il faut avoir un cœur de pauvre, un cœur ouvert, avec si possible quelques failles et fêlures nécessaires au passage de la lumière. C’est le cas des Evangélistes du Nouveau Testament qui nous parlent de Jésus à partir de leur expérience de rencontre avec Lui. Voilà pourquoi nous aurons 4 regards différents sur Jésus (et même 5 si on lit les lettres de Paul), et c’est tant mieux, car cela nous donne à voir plusieurs facettes de Jésus.
Pour Matthieu par exemple, Jésus est celui qui a réveillé son désir profond et ranimé la flamme de son espérance en l’appelant à quitter sa position de collecteur des impôts pour suivre Jésus comme disciple (Mt 9, 9). Cette expérience fondatrice d’avoir été appelé par Jésus alors qu’il ne figurait pas parmi les gens les plus recommandables va forcément colorer sa perception de Jésus : pour Matthieu, Jésus est avant tout le ressuscité qui nous ressuscite aujourd'hui ! Il est le sauveur, l’Emmanuel, c'est-à-dire « Dieu avec nous ». Il est le Fils bien aimé du Père, le Messie, celui que tout Israël attendait, en ce sens, il est le nouveau Moïse, le libérateur qui donne la loi nouvelle et enseigne comment vivre selon la justice du royaume de Dieu.
Pour Marc, (sans doute un certain Jean-Marc, disciple de Pierre), qui se fait porte-parole de l’expérience de Pierre, (lui aussi sait qu’il a lâché Jésus au moment difficile de la passion, qu’il l’a renié publiquement, mais qu’il est aimé inconditionnellement même après ce reniement) Jésus est très humain et souvent déconcertant. C’est un homme incompris, qui est progressivement abandonné par les siens, mais qui veut annoncer coûte que coûte, par ses actes et ses paroles, l’Amour immense de son Père. Il est tout à la fois le fils de l’Homme et le fils de Dieu.
Pour Luc, sans doute médecin grec, Jésus est celui qui révèle la tendresse du Père et son pardon, il est l'ami des petits, des pécheurs, des malades avec une attention particulière pour les femmes. Pour Luc, Jésus est surtout celui qui guérit, soigne, relève, apaise, soulage, pour que l’homme retrouve la joie.
Pour Jean, qui fut le seul à être resté au pied de la croix et qui a vécu cette expérience de voir Jésus mourir par Amour, ce dernier est pour lui essentiellement un être de relation, avec son Père et avec les Hommes. Très sensible, le « Jésus de Jean » connait bien le cœur humain. Il est le révélateur de Dieu au point que « le voir, c'est voir le Père ». Il est le serviteur, le bon berger, la lumière du monde et le pain de Vie pour tous ceux qui croient en lui.
Enfin pour Paul, ce juif converti, qui a fait sa rencontre avec le Christ au moment même où il allait persécuter les chrétiens, découvrant à en tomber par terre, le visage du Crucifié dans le celui de ses propres victimes, Jésus est vraiment celui qui fait du neuf dans la vie ! Paul n’a eu de cesse de dire le nom de Jésus et de proclamer que le salut ne vient pas de l’observance de la loi, mais de la grâce de Dieu, offerte gratuitement, par amour et à tous ! Pour Paul, Jésus est le Seigneur de l'histoire, l'Image du Dieu invisible, le créateur de l'univers, par qui et pour qui tout a été fait et qui fait toute chose nouvelle.
Ces quelques touches suffisent à montrer que Jésus est toujours Celui dont on a fait l’expérience. Et parce qu’une expérience de rencontre est toujours personnelle, unique, il ne s’agit pas de réduire ces différents visages de Jésus, ni de gommer leurs accents, encore moins de vouloir les réunir en un seul. Cette diversité de regard sur Jésus est une merveilleuse richesse. A vous maintenant de continuer à dire avec vos mots à vous, à la suite de Matthieu, Marc, Luc, Jean et Paul, quel est le visage de Celui en qui vous croyez, à partir de votre propre expérience.
Pour ma part, Jésus est celui qui m’a mis debout, qui dit « va-s’y, vit à fond, non pas à 100Km/h, mais à 100 %, en abondance, car c’est le désir de mon Père que tu sois vraiment heureux ». Il est aussi celui qui est présent dans mes ténèbres et qui me dit : « Aussi bas qu’on puisse tomber, on ne peut pas tomber plus bas que dans les bras de Dieu ! » (P. Paul Baudiquey). Il me révèle qui est Dieu et quel est son Amour pour moi. Il est mon compagnon de route, un guide et un ami, mon frère sur qui je peux m’appuyer solidement, Celui qui m’humanise et me donne d’aimer comme Lui-même m’aime.
Après avoir regardé quelques visages qui se dégageaient des expériences de rencontres décisives avec Jésus le Christ et tenté de dire personnellement qui Il est pour moi aujourd’hui, je vous propose de nous attarder à la 2ème partie de la phrase : « Jésus, le Fils unique du Père ».
2. Les conséquences de la venue du Christ en notre chair :
Parler de Jésus le Fils unique et de sa relation à son Père, m’invite à réfléchir sur le rôle de Jésus : Pourquoi Dieu s’est-il incarné un jour de notre temps ? Quelle idée lui a pris de devenir Homme en la personne de Jésus Christ ? J’évacue d’emblée les théologies réparatrices qui ont voulu nous faire croire que Jésus était venu pour apaiser le courroux de son Père ou pour réparer ce que les Hommes avaient abimé par leur péché. Non, merci de mettre de côté une bonne fois pour toutes ces théologies sacrificielles qui n’ont fait que défigurer Dieu et qui ont servi à faire peur aux Hommes ! Vous pouvez tourner ces idées dans tous les sens, ça ne colle pas avec un Dieu qui n’est qu’Amour dont parle Jésus dans les Evangiles et dont je vous parlais dans le précédent article.
Si Dieu s’est fait chair en la personne de son Fils unique, je crois que c’est avant tout pour nous parler de son Père, du cœur de son Père, pour nous faire entendre le cœur de Dieu qui bat amoureusement pour chacun de nous ! C’était le rêve le plus cher de Dieu, depuis toute éternité, que de se dire à l’Homme. C’est ce que dit l’auteur de l’épître aux Hébreux : "Après avoir, à bien des reprises et de bien des manières, parlé autrefois aux pères dans les prophètes, Dieu, en la période finale où nous sommes, nous a parlé à nous en un Fils qu'il a établi héritier de tout, par qui aussi il a créé les mondes. Ce Fils est resplendissement de la gloire de Dieu et expression parfaite de son être." (Lettre aux Hébreux 1, 1). Voilà la première raison de la venue de Dieu en notre chair : pour nous manifester concrètement, par des gestes et des paroles humaines, l’immense Amour de Dieu pour toute l’Humanité.
Mais il y a plus : Jésus nous dit au ch. 10 de St Jean : « Je suis venu pour que les hommes aient la vie en abondance », idée magnifiquement développée par St Irénée : « Jésus s’est fait Homme pour que l’Homme soit fait Dieu. Voici la raison pour laquelle le verbe s’est fait chair : c’est pour que l’Homme en se mélangeant au Verbe et en recevant ainsi sa filiation adoptive devienne à son tour, Fils de Dieu ». Voilà pourquoi Jésus s’est incarné : pour nous donner d’accéder à la nature divine, par adoption, par grâce, par Amour, puisque c’est le grand vœu de Dieu que de nous faire partager ce qu’il est. Nous étions incapables de réaliser par nous-mêmes cette ressemblance avec Dieu. Alors Dieu l’a réalisé pour nous en la personne de son Fils unique qui continue de vouloir s’incarner encore aujourd’hui en chaque être humain. St Irénée dira aussi que « le verbe de Dieu a habité dans l’homme et s’est fait fils de l’homme pour accoutumer l’homme à Dieu et habituer Dieu à habiter dans l’homme. » Superbe phrase que Mgr Renaudin, ancien évêque de Pontoise, reprendra autrement dans son livre « La vie entrée libre » : « le salut n’est pas par essence être sauvé du péché, mais devenir en Christ, enfant du Père, à son image ».
Parce qu’en fait, quand on y regarde bien, le grand apport de l’incarnation se situe du côté de l’humanité. C’est l’homme qui ne percevait pas au-dedans de lui-même, la Présence amoureuse du Père et qui cherchait à acheter ses faveurs par des sacrifices de toutes sortes ! Et voilà que l’incarnation permet non seulement à l’Homme de découvrir le vrai visage de Dieu, mais davantage encore, « le changement de la divinité en chair a provoqué l’Assomption de l’humanité en Dieu. » (St Athanase). Voilà le renversement total, cet anoblissement de l'Homme, qui par l’incarnation, devient le partenaire à égalité de Dieu, qui veut partager ce qu’il est lui-même.
Mais cette participation à l’être même de Dieu ne se fera pas sans notre consentement, ou plutôt sans que nous consentions au travail de l’Esprit-Saint en nous. St Irénée (encore lui), nous l’explique très bien : « Comment donc, d'ailleurs, serais-tu Dieu, alors que tu n'as pas encore été fait homme ? ... car ce n'est pas toi qui te fais Dieu, mais Dieu qui te fait. Si donc tu es l'ouvrage de Dieu, attends patiemment la Main de ton Artisan, qui fait toutes choses en temps opportun. Présente-lui un cœur souple et docile et garde la forme que t'a donnée cet Artisan, ayant en toi l'Eau (de l’Esprit) qui vient de lui et faute de laquelle, en t'endurcissant, tu rejetterais l'empreinte de ses doigts. En gardant cette conformation, tu monteras à la perfection, car, par l'art de Dieu, va être cachée l'argile qui est en toi. Sa Main a créé ta substance ; elle te revêtira d'or pur au dedans et au dehors, et elle te parera si bien, que Dieu lui-même sera épris de ta beauté » (Contre les hérésies 4, 39, 2).
Superbes paroles, vous ne trouvez pas ? L'être humain n'est donc pas créé tout fait, mais il est en voie d’achèvement, en possibilité de devenir ce qu’est Dieu lui-même et dont Jésus-Christ est l’image. Pour ce faire, l’Homme doit se laisser faire par les mains du potier (Dieu le Père), qui, grâce à l’eau de l’Esprit Saint, veut faire de nous une œuvre d’art, à l’image de son Fils unique, qu’il a pris comme modèle pour nous façonner à son image. La vocation de l’Homme est donc de ressembler à Jésus-Christ, grâce à l’Esprit Saint, et aux mains du potier.
J’en conclus que le mystère de l'Homme, ce qui le caractérise le plus, c'est l'aptitude essentielle à devenir ce qu'est Dieu. Car si un homme est Dieu, (Jésus-Christ) c'est pour nous dire que tous peuvent le devenir. Toute la bible et la tradition (les penseurs, théologiens, saints et philosophes évêques et pasteurs, conciles) nous disent que l’homme possède 2 dimensions : humaine et spirituelle, et qu’il claudique quand il ne vit que sur une seule de ses 2 dimensions. Olivier Clément, théologien orthodoxe, aime à dire que l’homme doit ressembler à un arbre : à la fois bien enraciné dans la terre et tout tendu vers le ciel. Si ce que je vous dis-là ne vous laisse pas indifférent, alors je me dois d’en tirer les conséquences concrètes pour nous aujourd’hui. J’en vois au moins trois :
3. Les conséquences de l’humano-divinité de Jésus-Christ pour nous aujourd’hui
a) Si Jésus est vraiment Homme et vraiment Dieu et que nous avons vocation à Lui ressembler, alors, nous n'avons plus à choisir entre « devenir pleinement Homme » et « devenir ce qu'est Dieu ». Devenir ce qu'est Dieu ne peut se faire qu’en devenant pleinement Homme. Regardez Jésus : En lui, son humanité ne fait pas écran à Dieu, au contraire : sa divinité le rend plus humain que jamais. Jésus est Dieu parce qu’il est Homme et non bien qu’il soit Homme. C’est donc par notre humanité que nous devenons divins. François Varillon dont je vous ai déjà parlé la dernière fois, dit que « Dieu ne peut diviniser que ce que nous humanisons ». Moi, je ne sais pas ce que signifie être Dieu. En revanche, je sais ce que signifie devenir plus humain avec ceux qui m’entourent. Voilà le chemin que Jésus nous a montré pour lui ressembler.
b) Si Dieu a pris soin de prendre notre chair, je pense que ce n’est pas pour la détester et la rejeter. Il n’a pas fait la création en pensent qu’elle était mauvaise, au contraire, il n’a eu de cesse de dire « que cela était bon » (Gn 1). Cela doit nous inviter à aimer notre humanité, notre dimension humaine, aimer jusqu’à notre corps, qui devient un sacrement, c'est-à-dire un signe pour dire Dieu aujourd’hui. Tertullien au 3ème siècle disait que « la chair est la charnière du salut ». Je ne peux pas ne pas dire cela en réfléchissant à l’incarnation, en regardant Jésus-Christ vivre. Il buvait, mangeait, il était traité de glouton, etc… Or, jamais, comme en Jésus-Christ, l’Homme dans tout son être, n’a été élevé à une telle noblesse. Victor Hugo disait qu’ « aimer, c’est savourer auprès d’un être cher, la quantité de ciel que Dieu a mis dans sa chair ». J’aime beaucoup cette citation qui lie superbement notre double nature humano-divine grâce à l’amour.
c) Enfin troisième conséquence et non des moindres : depuis l’incarnation de Dieu en Jésus-Christ, où Dieu s’identifie à l’Homme, ou Dieu se lie à l’Homme de façon indélébile, nous savons que si l’on touche à l’Homme, on touche à Dieu ! C’est tout simplement prodigieux ! Désormais, Dieu se dit à fleur de visages humains. « Tout ce que vous aurez fait à l'un de ces petits qui sont les miens, c'est à moi que vous l'aurez fait » nous dit Jésus en st Mathieu (ch. 25). Cela revient à dire que Dieu est concrètement lié à la promotion de la dignité humaine. Finalement, c’est l’Homme que nous deviendrons, l’Homme que nous choisissons d’être qui est pour tous ceux qui nous entourent, la condition même de leur approche de Dieu. Vous voyez l’immense responsabilité des hommes et des femmes qui connaissent le Christ ? Oui, pour que Dieu apparaisse dans toute sa grandeur, il faut que l'Homme atteigne toute sa stature.
Conclusion : Jésus-Christ
Jésus, est un nom propre très répandu chez les juifs de l’époque. En hébreux, cela signifie « Dieu sauve, libère, désengorge, dénoue », c’est le nom de son humanité quotidienne.
Christ, est la traduction grecque de l’hébreu « Messie » qui signifie « le choisi, celui qui a reçu l’onction d’huile » rite par lequel on consacrait un prophète, un prêtre ou un roi. Christ, c’est le nom de sa divinité quotidienne.
Ainsi, en disant Jésus-Christ, nous disons l’humano-divinité de Jésus, nous affirmons son identité profonde. Mais en même temps, nous affirmons aussi ce que nous sommes : en effet, si Jésus est « le 1er d’une multitude de frères » (St Paul aux Romains 8, 29) alors il ouvre le chemin, comme un premier de cordée, à tous ses frères et sœurs que nous sommes, encordés à Lui par le baptême et la confirmation, invités à aimer le plus humainement possible pour donner à tous, la chance de rencontrer le seul et unique vrai Dieu !
Christ, tu n'as pas d'oreille...
Tu n'as que nos oreilles pour entendre le cri de nos frères.
Christ tu n'as pas d'yeux...
Tu n'as que nos yeux pour rayonner ta présence en nos vies.
Christ tu n'as pas de lèvres...
Tu n'as que nos lèvres pour parler de toi aux humains d'aujourd'hui.
Christ, tu n'as pas de main...
Tu n'as que nos mains pour faire ton travail aujourd'hui.
Christ tu n'as pas de pied...
Tu n'as que nos pieds pour conduire les humains sur ton chemin.
Nous sommes la seule bible que le public lit encore,
Nous sommes le dernier message de Dieu écrit en actes et en paroles.