Il se mit à enseigner dans la synagogue.

 

          14e DIMANCHE ORDINAIRE B

 

Evangile de Jésus Christ selon saint Marc 6, 1-6

 

 

Jésus est parti pour son pays, et ses disciples le suivent. Le jour du sabbat, il se mit à enseigner dans la synagogue. Les nombreux auditeurs, frappés d’étonnement, disaient : « D’où cela lui vient-il ? Quelle est cette sagesse qui lui a été donnée, et ces grands miracles qui se réalisent par ses mains ? N’est-il pas le charpentier, le fils de Marie, et le frère de Jacques, de José, de Jude et de Simon ? Ses sœurs ne sont-elles pas ici chez nous ? » Et ils étaient profondément choqués à cause de lui. Jésus leur disait : « Un prophète n’est méprisé que dans son pays, sa famille et sa propre maison ». Et là il ne pouvait accomplir aucun miracle ; il guérit seulement quelques malades en leur imposant les mains. Il s’étonna de leur manque de foi. Alors il parcourait les villages d’alentour en enseignant.

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Une construction originale

Je vous le disais récemment : pour répondre à la question centrale de son évangile – qui est Jésus ? – l’évangéliste Marc a construit son livre d’une manière assez personnelle, différente de celle des autres évangélistes. Il l’a fait en un certain nombre de séquences où les événements et les enseignements qu’il rapporte se répondent, comme en miroir, autour d’un événement central. Ici, en trois chapitres (de 3, 15 à 6, 13) qui débutent par l’appel des douze apôtres et qui se termineront, dimanche prochain, par l’envoi en mission de ces apôtres. Au centre de la séquence, le récit de la tempête apaisée  Et, comme en miroir, avant et après ce récit, le mauvais accueil que réservent à Jésus celles et ceux qui lui sont humainement les plus proches : sa famille et ses compatriotes de Nazareth.

Et des nuances

Il ne faudrait pas trop schématiser, comme on l’a fait bien souvent, les réactions des contemporains de Jésus, en opposant une première période, la prédication en Galilée, où il connut un succès facile, à une deuxième période, précisément en Judée, où il rencontra oppositions et contradiction, jusqu’à l’arrestation et la mort. En fait, l’évangile de Marc est plus nuancé. Et s’il nous dit, à plusieurs reprises, que des foules énormes couraient après Jésus pour le voir et l’entendre, il tient également à préciser qu’en certaines occasions, Jésus a rencontré refus et incompréhension. Il en fut ainsi, selon lui, dans son village de Nazareth. Il nous avait dit à deux reprises (3, 21 et 3, 32-35) que « sa mère et ses frères vinrent pour s’emparer de lui, car ils disaient : ‘Il a perdu la tête’ » et que Jésus avait refusé de les voir. Et voici qu’aujourd’hui Marc  nous rapporte comment Jésus, de retour dans son village, le jour du sabbat, se rend à la synagogue, y prend la parole pour enseigner ses compatriotes, et comment cette démarche est cause d’incompréhension et de scandale. Luc, dans son récit du même événement, ajoutera que les gens ont expulsé Jésus et ont voulu le tuer.

Incompréhension

Pourquoi une telle incompréhension ? Je me demande si tout n’a pas basculé dans la vie de Jésus au jour de son baptême. Jusque là, en effet, Jésus n’était, pour ses proches, que  « le charpentier, le fils de Marie, et le frère de Jacques, de José, de Jude et de Simon, dont les sœurs sont ici chez nous » Et voilà que, d’un seul coup, le charpentier du village quitte son métier et devient prophète. Pas étonnant que les gens de sa famille le prennent pour un fou et que les gens du village soient scandalisés. Plus que choqués ; la traduction la plus vraie précise que Jésus devient pour eux « une occasion de chute »  Imaginez que de tels faits se produisent un jour dans votre village, et qu’un brave habitant quitte sa famille et son métier pour se mettre à prêcher : quelle serait votre réaction ?

On connaît !

La réaction de la famille de Jésus et des habitants de Nazareth est une réaction fréquente. Elle consiste à dire et à penser, lorsqu’on parle d’une personne quelconque : on connaît. Or, c’est faux. On ne connaît jamais pleinement une personne humaine. Elle est toujours, pour une grande part, un mystère. On ne connait quelqu’un que de l’extérieur. On peut décrire son aspect physique, préciser son métier, sa situation sociale, familiale, connaître ses habitudes, ses qualités et ses défauts ; mais tout cela n’est que l’extérieur de la personnalité. Si l’on veut bien y réfléchir, on verra que subsistent quantité d’interrogations concernant cette personne. Je pense, disant cela, à un vieil homme qui, après cinquante ans de mariage, disait à sa femme : « Toi, tu m’étonneras toujours ! » Ah, si seulement les gens de Nazareth s’étaient dit : « Ce Jésus qu’on croit connaître, qui est-il, au fond ? » Mais non ! Ils ont répondu « Jésus, on connaît. » Au lieu d’une attitude ouverte à la nouveauté, ils ont fait une démarche de fermeture. De fermeture à la personne de l’autre, qui, subitement, se présentait totalement autre, totalement différent de celui qu’ils croyaient connaître. Reconnaissons à leur décharge qu’il n’était pas facile d’accueillir chez eux, dans leur petit village dont on disait : « De Nazareth, que peut-il sortir de bon ? » l’irruption du divin dans l’histoire de l’humanité en la personne d’un de leurs compatriotes. Nous n’allons donc pas les condamner, mais au contraire, nous interroger.

Nous aussi

« Jésus, je connais ! » Ne nous est-il pas arrivé d’avoir une telle réaction ? On a été au catéchisme, depuis notre enfance nous en avons entendu parler, de Jésus de Nazareth. On a lu les évangiles, on va à la messe, et on connaît les principaux épisodes de sa vie, on le prie, on en parle… Donc, on croit le connaître. Mais de quelle connaissance s’agit-il ? L’intellectuel qui a consacré des années d’études à sa personne peut-il dire qu’il connaît Jésus ? Pas obligatoirement. Jésus peut n’avoir été, pour lui, qu’un sujet d’études. Pour connaître quelqu’un, il faut autre chose. Il faut le fréquenter. Et si on le fréquente vraiment, reviendra sans cesse la question : « Mais qui es-tu, Jésus ? » Autrement dit : la connaissance réelle de Jésus, comme de toute personne, ne peut naître que d’un désir. Comme le désir qui habite un jeune garçon qui commence à « fréquenter » - le mot dit bien ce qu’il veut dire – et qui voudrait tout connaître de celle qu’il commence à aimer. Il lui dit et lui répète : « je veux tout savoir de toi ! ».

Ceux qui l'ont reçu

C’est ce désir qui a animé les gens qui ont rencontré Jésus au cours des années de sa vie publique ? Fréquentation occasionnelle ou assidue ? Pour un certain nombre d’entre eux, cette rencontre a été décisive et les a poussés à tout lâcher pour continuer la route avec Jésus. Des hommes et des femmes, de toutes conditions qui avaient en commun cet unique désir ; ils ne furent certainement pas très nombreux, mais leur désir de connaître le Maître dans son intimité fut plus fort que tout.

« Qui est Jésus ». Tout au long de l’histoire, c’est le même désir qui a poussé des millions d’êtres humains sur cette route de la rencontre, une rencontre qui a bouleversé leur vie. Ils ne se sont jamais enfermés dans leurs certitudes ; tout simplement ils ont cherché à mieux connaître, et pour cela, à le fréquenter dans la prière et dans la rencontre de leurs frères. Et nous ? Aujourd’hui, il nous faut nous poser la question ? Ne sommes-nous pas souvent enfermés dans des certitudes trop faciles ? Si seulement notre foi de chrétiens nous engageait à cette démarche : vouloir devenir l’ami, l’amie de Jésus ; d’une amitié vraiment personnelle.

Rappelez-vous : dans le prologue de son évangile, Jean écrivait, parlant de Jésus : « Il est venu chez les siens, mais les siens ne l’ont pas accueilli. Mais à ceux qui l’ont reçu, à ceux qui croient en son nom, il a donné le pouvoir de devenir (comme lui ?) enfants de Dieu. »

 Puissions-nous le devenir.

 

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