A CONTRESENS
(2013-2014)
107 - PRIX RONDS
A la devanture d’un marchand de chaussures s’affichait cette inscription « Prix ronds à l’intérieur ». Pour qu’on n’ose pas les exposer à l’extérieur, j’ai pensé que les prix devaient être particulièrement bourrés.
En entrant, je m’attendais à voir des prix affalés, malades d’avoir trop absorbés de taxes toxiques, gavés d’impôts trop tassés. Des prix qui après avoir décollé, auraient crevé le plafond de l’euphorie puis chuté lourdement et se seraient cassés en tombant sur les coûts, bref des prix à relever, devenus presque des prix plancher ? Des prix qui auraient flambé, enivrés par le succès, ne contrôlant plus ni leur marche ni leur marge, divaguant et tournant en rond ? Rien de tout cela !
Ces prix pour être ronds n’en étaient pas moins sains et, sans parti pris, c’étaient de bons et beaux prix, certes un peu forts voire légèrement enveloppés pour quelques uns. Des prix de gros en quelque sorte. Comment ces prix sont-ils devenus ronds ? C’est très simple. Au départ, c’étaient des prix carrés en affaires et comme celles-ci ne marchaient pas très bien - ce qui est un comble pour des chaussures - ils ont arrondis les angles et à force de rouler leur bosse, sont devenus ronds. S’il est difficile de suivre les prix courants surtout quand ils s’obstinent à rattraper leurs décimales en cherchant à faire du « 9 » partout, les prix ronds, eux, restent sagement à leur place, ne bougeant pas d’une virgule même pour un centime additionnel.
Et les chaussures ? Elles sont toutes à bout rond ; pourquoi pas ? J’en ai essayé une paire, deux paires, trois paires… j’aurais pu continuer jusqu’à dix, impossible d’entrer dedans sans avoir mal aux pieds : comme son prix, la chaussure est ronde !
Décidément, pour trouver chaussure à mon pied, je peux toujours marcher.
Gérard
108 - LE SCOTCH ET LE POST-IT
Un colis, bardé de scotch, affublé d’un post-il, pour être livré, était en partance.
Vous avez bien sujet d’accuser la malchance,
Dit le scotch au post-it,
Le moindre souffle, pour vous, est un tsunami
Une fenêtre ouverte et vos feuilles s’envolent emportées par la plus faible brise.
Quant à moi, seul un cutter bien mordant me fait lâcher prise
Car non content d’assembler feuilles et dossiers, solidement
Je ferme boîtes, caisses, cartons de déménagement.
Pour accrocher un cadre, je suis aussi à l’aise
Qu’une punaise.
Tout vous est arrachement brutal,
Tout me semble effleurement banal.
Encor si vous étiez marié avec une Superglue ou même si vous viviez à la colle
Vous n’auriez pas tant à souffrir de perpétuels décollements qui vous feront perdre la boussole.
Vous n’êtes qu’un individu volage incapable de vous fixer
Nul ne peut compter sur vous pour durablement exister.
Vos parents, pour avoir pris si peu de peine
Devaient être dans la gêne.
En ce qui me concerne, je sais de qui tenir : mon père, militaire, travaillait au service postal
Collait timbres et contraventions puis obtint en fin de carrière, bâton de colle et de maréchal.
Ma mère, dans un grand hôpital, était sparadrap au service chirurgie
Et, nuit et jour, pansa toute sa vie.
Votre compassion,
Lui répondit le pense-bête, part d’un bon naturel mais quittez cette obsession
J’ai sur vous un avantage :
Je ne crains pas l’usure de l’âge,
Je colle et décolle jusqu’au trépas.
Je tremble mais ne lâche pas.
Comme il disait ces mots, voici que le livreur heurtant une pierre, fit une embardée,
Le paquet roula sur la chaussée
Sous le choc, le scotch se fendit
Et tout le contenu se répandit
Seul le post-it résista avec vaillance
Et dévoila ce texte « ATTENTION, LE SCOTCH ADHÈRE MAL, PRUDENCE !»
109 - UN ŒUF TROP TÉMÉRAIRE
À poule rebelle, œuf effronté. En voici la preuve par l’œuf….
Un jour, les poules pondeuses, pourtant élevées comme des coqs en pâte, ont montré leurs dents. Elles revendiquent plus de respect et de liberté : d’abord, elles n’admettent plus qu’on les interpelle en leur disant « Quoi de neuf ?» et surtout, elles craignent la mise en batterie, elles, qui veulent vivre au grand air pour picorer herbe et vers de terre. Elles se sont assemblées autour de leur clôture qu’elles ont transformée en piquets de grève et ont refusé de rentrer dans leur poulailler. L’aviculteur a essayé la douceur, la persuasion, la fermeté mais n’a pas réussi à étouffer la révolte dans l’œuf. Aidées par de grands pontes, ces contestataires en plumes ont pondu des slogans révolutionnaires : « Désormais, je veux pondre mes œufs quand j’en aurai envie… je peux vivre sans eux ».
Mais puisque la poule est à l’origine de l’œuf (quoi qu’en disent certains), les œufs, rejetons de mères encolérées, sont nés arrogants, impertinents et prétentieux :
- « Je veux rouler ma bosse, sortir de ma coquille, me promener dans la forêt » dit ce sauvageon à sa mère poule.
- Dans la forêt ? Tu n’y penses pas !
- Je ne suis pas une poule mouillée et je n’ai pas peur du loup.
- Ce n’est pas le loup qui est redoutable mais le chaperon rouge : tous les jours il va porter un petit pot de beurre à sa grand-mère, il chaufferait le beurre dans une poêle, te jetterait dedans, et Mère-grand en ferait tout un plat.
- Pas de soucis, si je le vois, je lui dirai : « Va te faire cuire un œuf !»
Chemin faisant, l’œuf rencontra le chaperon rouge. « Oh un œuf, grand maman sera heureuse de manger une omelette » Elle le saisit bien vite. Entendant cela, l’œuf prit peur et durcit sa coquille : de mou, il devint dur, au moins, dit-il, la vieille ne pourra pas me gober. Soudain un craquement de branche, c’était le loup. Voyant le chaperon rouge, il se lécha les babines : « Oh quelle bonne surprise ! J’ai une faim de loup !» Il allait se jeter sur le pauvre chaperon rouge quand il aperçut l’œuf qu’il tenait dans sa main. D’une chiquenaude il s’en empara et partit bien vite en riant : « Ah ! Ah ! Petite fillette rouge, on se retrouvera, en attendant casse-toi. »
Le loup emporta l’œuf, l’engloutit et, comme escompté, cela lui fit un effet bœuf….Etonnant ? Non ! Car qui vole un œuf, vole un bœuf.
Gérard
110 - LIENS
Comment s’attacher à quelqu’un sans se sentir trop lié ?
Il se posait cette question, lui, très attaché à sa maison et à sa liberté. Il se plaisait à créer des liens : un individu passait-il devant sa porte qu’il liait conversation Il aurait bien aimé lier plus ample connaissance avec sa voisine mais quand ils se croisaient, c’était toujours furtivement, cette brièveté le mettait aux abois.
Elle vivait très détachée des biens de ce monde, célibataire endurcie, elle ne s’attachait à personne, se nourrissait chichement ; en revanche, elle savourait cette possibilité de musarder ça et là, au risque de tomber sur un os. Elle semblait heureuse n’ayant jamais exprimé de paroles comme on les entend à l’excès dans ce milieu: « Ah, chienne de vie ! ».
Un jour par hasard, et le hasard fait parfois bien les choses, ils se virent et firent attention l’un à l’autre, eux, qui jusqu’alors, s’étaient regardés en chiens de faïence car ils ne pouvaient pas se sentir. Lui qui spontanément entamait une conservation resta bouche bée comme délié de ses habitudes ; elle, si détachée des choses et des êtres, n’arriva pas à détacher son regard de sa belle gueule qu’elle trouva avenante. Ils échangèrent un vague « bonjour » puis poursuivirent leurs chemins.
Cette rencontre fugace ne laissa ni l’un ni l’autre indifférents. Il se donna un mal de chien afin de revoir sa voisine ; se sentant tellement attiré par elle qu’il en éprouva presque une douleur au point de se dire « laisse tomber »….. Elle sentit son cœur battre peut-être pour la première fois, très éloignée de l’indifférence glacée qui l’étreignait depuis bien longtemps et, parce que nullement attachée, partit le retrouver.
Ils se revirent bien vite se reniflèrent et…. eurent beaucoup de petits chiots.
Gérard
111 - GERBES DE TOUSSAINT
Amis très Chers,
Je vais mourir.
En découvrant cette confidence, vous allez penser qu’il vaudrait mieux que je garde la chambre plutôt que d’écrire une telle platitude. J’admets bien volontiers que cette information est d’une grande banalité et que j’enfonce une porte ouverte et béante : vous connaissez cette définition de mots croisés « En deux lettres : Condamné à mort. » Réponse : « NÉ ».
Bien sûr, je sais que mourir est la dernière chose à faire mais je m’engage à ne rendre l’âme qu’au tout dernier moment. J’espère que mon départ (qui aura lieu vraisemblablement dans le courant des quarante prochaines années) ne vous attristera pas ; s’il n’en était pas ainsi, je vous présente par avance toutes mes excuses pour ce manque évident de savoir-vivre et je vous assure que je ne recommencerai plus jamais.
Les quelques 10 14 cellules de mon organisme provenant de poussières d’étoiles retourneront au firmament avec mon ADN et brilleront d’une clarté d’autant plus forte que cette parenthèse terrestre dans leur cycle de vie les aura fortifiées et embellies à votre contact.
Je souhaite que nous ayons l’occasion, au cours de l’éternité, de trouver un moment pour se rencontrer en vérité et évoquer le bon vieux temps ; il est sûrement prévu des pauses illimitées dans le planning de l’au-delà.
A bientôt…..
P.S. Ne connaissant pas encore avec précision l’adresse de ma future résidence, je vous prie d’envoyer toute correspondance à « Paradis, Bureau des entrées » en spécifiant « Faire suivre ». Ce serait bien le diable si les missives vous revenaient avec la mention « Inconnu au paradis ».
Gérard
112 - L’AIR DU TEMPS
Pardon, Monsieur, savez-vous où est passé le bon moment ?
Le bon moment ?
J’étais avec lui, on discutait, on plaisantait, on riait et tout d’un coup, il a disparu.
Pourquoi ne pas l’avoir retenu ? Je l’ai vu filer, il courait vite, il avait l’air pressé par le temps.
Où s’est-il enfui ?
Le bon moment s’en va sans laisser de traces : le temps présent court au plus pressé, donc à sa perte.
On peut le rattraper ! Je suis certain qu’il n’est pas loin.
Une fois passé, il est vite dépassé et finit par trépasser.
Trop tard ? Que faire alors ?
Il faut se préparer à demain.
C’est ce que j’ai fait hier.
Vous avez eu aujourd’hui un bon moment ; de quoi vous plaignez-vous ?
Mais, à présent, je voudrais retrouver le présent et retrouver ce bon moment
Alors plongez-vous dans le passé ; mais vous serez à l’ombre de vous-même, dans un amas de poussières et des toiles d’araignées…. Vous ne pourrez plus jamais revivre les moments heureux qui furent présents.
Pourtant, je sais que le présent se cache derrière le passé.
Certes, vous comprendrez mieux votre histoire mais quittez vite le passé : il est rempli de regrets et de remords. Profitez de l’occasion pour abandonner vos oripeaux que vous portez comme des vêtements de deuil et qui vous donnent un air triste. Sortez à la lumière vers l’avenir.
En fait, c’est le futur qui me fait peur.
En recherchant le présent dans le passé, vous tournez le dos au futur, vous ne le voyez pas venir, et bien sûr, il vous surprend ; regardez le en face, il n’est pas si terrible.
Pas terrible le futur ?
Ne craignez rien, quand vous le toucherez du doigt, le futur deviendra présent.
Gérard
113 - CALCUL
Bonjour docteur. Avez-vous le résultat de mon échographie rénale ?
Oui, vous avez un gros calcul ; de plus, il a une forme bizarre puisqu’il est carré.
Vous allez l’enlever ?
Ce n’est pas si simple car il s’agit d’un calcul nécessitant une extraction de racine carrée donc il vous faudra monter sur la table non de soustraction mais d’opération.
C’est vous qui interviendrez ?
Non, c’est un jeune chirurgien qui va vous opérer, il veut entrer dans la carrière.
Comment se fait-il que j’aie attrapé ce calcul ?
Ici l’eau est calcaire et il peut y avoir des dépôts…
Mais je ne mets jamais d’eau dans mon vin !
Peut-être votre alimentation….
Je ne suis pas un pique-assiette et je ne mets pas les bouchées doubles !
Êtes-vous stressé ?
Oui, en ce moment, j’ai des soucis.
C’est simple, vous faites un calcul mental, vous rongez trop votre frein…
Pourtant, j’ai des projets, je ne suis pas en roue libre !
Alors votre calcul est idiopathique…
Idiot quoi ?
Idiopathique. Cela veut dire qu’on ne comprend pas les causes de son apparition. En fait vous êtes altruiste.
Quel rapport ?
Vous voulez apporter votre pierre à la construction du monde et n’hésitez pas à payer de votre personne.
Gérard
114 - RAPPORT SUR LA NAISSANCE DE JÉSUS
Lettre envoyée directement à Dieu le Père.
Rappel de mission
Vous avez désiré que l’avènement de votre Fils se déroule dans le plus grand secret. Vous-même avez refusé d’intervenir et coupé toute communication avec la terre pour ne pas être accusé d’ingérence. Vous m’avez chargé de surveiller la venue au monde de Jésus et de vous en rendre compte. Mon rapport, joint, décrit fidèlement la succession des épisodes qui ont entouré sa naissance et présente les acteurs qui ont côtoyé votre Fils durant ses premières semaines. En conclusion, je me permets de faire quelques suggestions si d’aventure vous prévoyiez une nouvelle incarnation.
Ange Héluce. (NDLR Cet ange est peu connu, c’est pour cette raison qu’il a été choisi. Il tremble un peu des ailes car il sait que s’il ne s’acquitte pas correctement de cette charge, il se fera sonner les cloches….)
Rapport sur la naissance de Jésus
Cela a mal commencé. Comme il fallait s'y attendre, les commères de Nazareth ont beaucoup jasé en voyant Marie enceinte alors qu’elle n’avait pas encore habité avec Joseph. Nul doute que l’arrivée de l’enfant aurait été scrutée avec malveillance s’il ne s’était produit un événement qui allait bouleverser la donne. L’empereur César Auguste décida de recenser toute la terre. Cette lubie d’un puissant a priori dérangeante et contraignante va, par la suite, s’avérer bénéfique. Les chefs de famille devaient se faire inscrire dans la ville d’origine de leur ancêtre. Comme Joseph était issu de David, il dut se rendre à Bethléem. Ce fut un voyage difficile et long de quatre jours. Avec d’autres personnes de la région, ils formèrent une caravane : les chemins n’étant pas sûrs, il était préférable de voyager groupé. Au début du périple, le couple intrigua beaucoup leurs compagnons mais au fur et à mesure qu’ils progressaient vers la Judée, plus personne ne fit attention à eux. Arrivés aux environs de Bethléem, alors que Marie était sur le point d’accoucher, ils ne trouvèrent aucun gîte pour les accueillir. Les aubergistes préférèrent louer à de riches voyageurs plutôt qu’à ces pauvres gens, galiléens de surcroît, (leur accent les trahissait) d’autant qu’un bébé est source de perturbation dans le caravansérail. Finalement, un jeune homme les conduisit dans une sorte de grange complètement inhabitée et éloignée de tout. Marie accoucha normalement et dans la plus grande discrétion ; mais c’était trop beau….
Ce ne sont ni le bœuf ni l’âne qui ameutèrent tout le quartier. Un ange, oui un ange, apparut à des bergers pour leur annoncer la nouvelle ! Comme ces derniers étaient sceptiques, voici qu’un chœur, une véritable armée d’anges (mais qui donc les a sonnés ?) se mit à chanter à tue tête : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux ». Quelle catastrophe ! Voilà tout Bethléem, peut-être même Jérusalem réveillé et aux aguets ! Bien évidemment, les pâtres se ruèrent à l’endroit indiqué et ils y virent Jésus. Même s’ils ne sont pas très malins, les bergers devinèrent tout de suite que cet enfant était différent des autres. Comme de bien entendu, ils allèrent tout raconter. Mais, Dieu merci, parce qu’ils n’étaient ni riches ni très instruits, personne ne les crut : on pensa qu’ils avaient inventé cette histoire pour se faire valoir ou se faire pardonner quelques larcins.
Mais qui a donc informé les anges de cette nativité ? Il conviendra de faire une sérieuse enquête pour découvrir l’auteur de cette fuite, il ne peut s’agir que de quelqu’un très haut placé.
Nouvelle frayeur, quelques jours plus tard, au temple, lors de la circoncision. Deux vieillards (poussés par qui….encore un mystère !), un nommé Syméon et une soi-disant prophétesse Anne, le reconnurent. Immanquablement, ils s’empressèrent de divulguer ce scoop à tous ceux qu’ils rencontraient. Heureusement, les interlocuteurs haussèrent poliment les épaules pensant que ces vieillards radotaient, confondant la réalité avec les prophéties d’Isaïe et de Michée.
Depuis, Marie et Joseph ont regagné Nazareth où Jésus grandit et s’épanouit ; il est considéré comme un enfant « normal » du village, un parfait anonyme. Cependant, qu’il ne se déclare jamais Fils de Dieu, sinon il ira au-devant de graves ennuis.
Pour conclure, il me semble nécessaire de tirer le bilan de cette première incarnation afin de prendre des dispositions dans le cas où Dieu aurait l’intention de recommencer.
1/ Une publicité tapageuse même en mobilisant en masse l’armée céleste est non seulement vouée à l’échec mais contre-productive. En effet, les témoins ne sont jamais crus et j’ai l’intuition que leur vie même, peut être menacée.
2/ Si Dieu veut faire passer un message aux hommes, pourquoi envoyer son Fils car cette opération, même pilotée par le Saint-Esprit, est pleine de risques. Pourquoi ne pas utiliser les moyens de communications « modernes » SMS, Twitter, facebook etc. ? Il est facile à Dieu de récupérer toutes les adresses électroniques et comme il « sonde les reins et les cœurs » il peut même personnaliser le message destiné à chaque être humain.
Gérard
115 - JOUR-BONUS
« La société BONEURANPLUS est heureuse de vous offrir ce calendrier 2014. Toutefois, en dépit de nos démarches, 2014 ne sera pas une année bissextile ce qui vous aurait fait bénéficier du surcroît d’une journée. Néanmoins, pour vous remercier de votre fidélité, nous vous offrons ce jour supplémentaire à prendre entre le 1 janvier et le 31 décembre. Il suffit de prévenir 48 heures à l’avance. Description de ce « jour-bonus » à l’intérieur. »
Devant ce cadeau inattendu et étrange, je fus plongé dans la perplexité. Spontanément, j’eus envie de jeter ce paquet, croyant à un canular. Et puis, je réalisai que de multiples enseignes de distribution offrent gracieusement un supplément de produit pour le même prix : 250 g de lessive en plus pour un baril de 1 kg acheté, 3 tubes dentifrice pour le prix de 2, 1 week-end gratuit pour un séjour de 15 jours en hôtel etc. Peut-être, ce jour supplémentaire accordé est-il de la même veine ?
Alors, je lus la notice.
« Vous allez passer une journée extraordinaire, elle ne sera pas décomptée dans votre temps de vie ; ce jour-là, vous vivrez pleinement sans craindre l’accident, la maladie, les tracas, les mauvaises nouvelles. Vive le jour-bonus !
Vous serez guidé, et totalement pris en charge.
D’abord, on vous emmènera sur une haute montagne et vous assisterez au lever du soleil, c’est un spectacle grandiose et extraordinaire. Peu à peu, à vos pieds les rochers et la vallée s’enluminent de reflets jaunes puis oranges et enfin rouges, vous serez subjugué par la beauté du spectacle et votre journée en sera éblouie.
Ensuite, vous partirez en voyage pour visiter des sites exceptionnels.
Vous rencontrerez des scientifiques, des experts, des savants qui vous dévoileront les mystères de la nature, ils répondront très pédagogiquement à vos questions.
Vous serez enthousiasmé par la magnificence de notre planète.
Vous vous livrerez à des activités sportives de votre choix avec un coach remarquable ; vous vous sentirez bien dans votre corps.
Durant deux heures, on vous demandera d’effectuer quelques travaux manuels permettant ensuite de prendre un délicieux repas : apprêts de légumes, travail au jardin, dans les champs nourriture d’animaux de fermes etc. Cette activité se déroulera en musique et avec de charmants compagnons. Vous serez enchanté d’apporter le fruit de votre travail à la communauté.
Le repas sera délicat, équilibré et copieux. Vous mangerez en compagnie de convives adorables.
Vous assisterez à un spectacle mettant en évidence les savoir-faire des artistes et artisans : cirque, tour de chant, orchestre, métiers artisanaux. Vous serez encouragé à faire une démonstration de vos talents, le public sera attentif, intéressé, respectueux. Vous serez fier de mettre en valeur vos aptitudes.
L’heure suivante se passera dans un lieu permettant le recueillement. Vous pourrez prier votre Dieu, ou méditer ; quoi qu’il en soit, vous viderez votre esprit de tout ce qui l’encombre et ferez un pas sur la voie de la sérénité.
Puis, échanges à bâtons rompus avec des interlocuteurs avisés et cultivés sur le sujet qui vous tient à cœur, vos idées seront prises en compte pour améliorer le fonctionnement de la société.
Enfin, la nuit étant tombée vous irez contempler les étoiles du ciel. Alors, vous mesurerez la grandeur de l’univers, vous ressentirez alors le « rien » qui nous caractérise devant tant d’immensité et vous admirerez ainsi la profondeur de l’esprit humain capable de découvrir l’espace infinie. Vous partirez émerveillé.
N.B. Ceci n’est qu’une présentation des occupations possibles du jour-bonus, en réalité, c’est vous qui décidez de votre emploi du temps. »
Malheureusement, je n’ai pas le pouvoir de vous offrir cette journée supplémentaire mais je vous souhaite 365 « jours-bonus ».
Gérard
116 - LA DERNIÈRE SÉANCE
Quand allons-nous commencer, Monsieur le Président ?
Je ne peux pas ouvrir la séance….
Mais pourquoi ?
Elle doit être coincée.
Vous avez la clé ?
Évidemment ! Même avec mon passe, ça ne fonctionne pas.
Pourtant, la dernière fois, vous avez bien annoncé que la séance était close.
Non, justement. J’y suis… les débats étaient houleux, l’atmosphère électrique, les invectives volaient bas, un vrai four, alors, j’ai suspendu la séance et elle est restée pendue.
Une séance doit être ouverte ou fermée ; il n’y a qu’à la dépendre.
Ce n’est pas possible. Cette suspension a jeté un froid et comme de bien entendu, suite à un chaud et froid, le mécanisme est grippé.
Il faudrait faire venir un huissier pour qu’il mette du dégrippant
Non, il ferait un constat de carence et exigerait le huis clos.
Tous ensembles, nous pourrions peut-être prendre la séance en main pour essayer de la fermer et pour cela il faut la lever.
Bonne idée. Mettons-nous y tous !
Quand ?
Hic et nunc.
C’est à dire ?
Séance tenante
Mais encore ?
Sur le champ.
Nous allons donc nous mettre au vert ?
Oui, portons la séance sur le champ et ouvrons-la.
Attention, si l’on met la séance par terre, la zizanie va encore s’introduire.
Alors, nous reportons la séance.
Gérard
117 - PRIS EN GRIPPE
La fête de la lumière, la Chandeleur, a-t-elle tenue toutes ses promesses ? Le jour a-t-il crû de deux heures comme le veut le proverbe, L’hiver est-il mourant ? Les crêpes, reflets du disque solaire, ont-elles rappelé le retour du printemps ?
Hélas non ; le dicton fait chaud au cœur mais la bise, froid dans le dos. Dans ces conditions, le chaud et froid provoquent inévitablement un rhume. Comment soigner efficacement ce rhume ? Il faut laisser tomber sa dernière lettre… afin d’obtenir une boisson, nullement objet de ressentiment….
Mais, ce n’est pas toujours efficace car la froidure s’incruste ; la grippe frappe alors à la porte. Elle arrive, aguichante : « L’an dernier, tu t’es refusé à moi, alors je viens partager ta couche pour quelques jours. Au creux de ton lit, tu éprouveras le grand frisson, peut-être même seras-tu saisi de vertige. Tu connaissais la fièvre du samedi soir, je te ferai découvrir celle qui enveloppe le corps de la tête aux pieds; celle qui caresse jambes et tes bras, celle qui fait tressaillir, celle qui s’élance en vagues d’assaut successives pour monter au front. Quand je te prendrai dans mes bras, tu auras des tremblements, ta respiration deviendra saccadée, tout ton corps sera chaviré au point de délirer, et je t’embrasserai avec tellement de flamme que tu crieras grâce.»
Mais par chance, j’ai un certain cachet et très artistiquement je l’ai touché et avalé ce qui ne lui a pas plu : la grippe s’est mise à me bouder. Et quand la tisane aux multiples arômes s’est invitée chez moi, toute fumante et mielleuse, la grippe a fait une crise de jalousie et m’a quitté.
Gérard
118 - CURIEUSES MULTIPLICATIONS
Deux passages de l’Évangile de Mathieu m’ont laissé très perplexe. Il s’agit des deux récits de la multiplication des pains.
- Avec 5 pains, il nourrit 5 000 hommes et il reste 12 paniers pleins. Mathieu 14, 13-21
- Avec 7 pains, il nourrit 4 000 hommes et il reste 7 corbeilles pleines. Mathieu 15, 32-39
Voilà une anomalie : moins Jésus a de pain, plus il nourrit de personnes et plus les restes sont abondants. Autrement dit, la deuxième fois, les rationnaires ont diminué de 20 % et les restes (si l’on assimile un panier à une corbeille) ont accusé une baisse de presque de 42 % et pourtant, Jésus a utilisé 40 % de matière première supplémentaire Si l’on appliquait pour le second miracle, les règles de proportionnalité, on établirait qu’avec 7 pains il aurait pu nourrir 7 000 hommes ou alors pour alimenter 4 000 affamés, 4 pains auraient dû suffire.
Comment expliquer une telle baisse de rendement ?
Jésus était-il fatigué ?
Avouez qu’il avait des raisons de l’être. En effet; qu’a-t-il fait entre-temps, durant ces trois jours ? Il a marché sur les eaux ; activité entraînant une grande dépense d’énergie (tous ceux qui s’y sont risqués peuvent en témoigner). Il s’est rendu à Génésareth puis dans la région de Tyr et de Sidon, contrées fort éloignées de la mer de Galilée. Il a guéri des estropiés, des boiteux, des aveugles, des muets et bien d’autres encore ; une guérison - tous les spécialistes le disent - est particulièrement harassante surtout quand elle intervient à distance et qu’elle concerne une possession diabolique comme celle de la fille de la Cananéenne. Pendant ce temps, il a dû batailler ferme contre des pharisiens et des scribes venus exprès de Jérusalem pour le réprimander au sujet de ses disciples ne respectant pas la tradition. Et naturellement, quand il voit la foule qui le suit depuis trois jours, démunie de provisions de bouche, il se sent contraint d’agir. Nul doute que le labeur lui pèse : pour nourrir 4 000 hommes, il a besoin de 7 pains alors qu’auparavant, il avait réussi à rassasier 5 000 hommes, avec seulement 5 pains.
Nonobstant, cette contre-performance, il faut quand même saluer l’exploit !
Risquons une autre interprétation.
Mathieu, né à Capharnaüm ville proche du lac de Génésareth, était rentré chez lui pour retrouver ses proches et ses amis. Il n’était donc pas présent au moment des faits. On lui a raconté ce qui s’était passé, mais Mathieu s’est trompé dans la chronologie : il a inversé les deux multiplications des pains. Donc Jésus a commencé à nourrir 4 000 hommes avec 7 pains puis grâce à l’entraînement et à l’amélioration de son savoir-faire, il a comblé 5 000 hommes avec seulement 5 pains, et il a obtenu de beaux restes.
Gérard
119 - LA JUSTICE CONDAMNÉE À L’AUSTÉRITÉ
Comment réduire le déficit budgétaire ? Tous les ministres sont incités à serrer les boulons, à comprimer les dépenses. Contribuable assujetti et fidèle, je me permets de prodiguer quelques conseils à Madame le Garde des Sceaux. La justice est un vaste chantier à explorer car elle recèle d’énormes potentialités d’économies budgétaires.
On distingue traditionnellement la magistrature debout et la magistrature du siège. N’est-il pas possible d’unifier ces deux corps, de rendre la justice debout, comme le faisait St Louis, certes adossé à un chêne, mais debout ? Pourquoi, dès lors, ne pas supprimer tous les sièges des magistrats assis, ce qui ferait de substantielles économies, et par la même occasion, enlever tous ceux des cours d’assises.
Ce qui est fantastique, c’est que la suppression des sièges entraînerait ipso facto celle des dossiers. Que de dossiers s’amoncellent dans les prétoires, les salles d’audience, les palais de justice ! Il y a tellement de dossiers qu’ils encombrent même le parquet, et que dire des dossiers en souffrance… bien sûr, le parquet qui n’est pas de bois mais plein de compassion porte plainte et fait appel. Il donne alors un mémoire au greffier. Le greffier, sans perdre une minute, doit traverser une grande cour (la cour d’appel) et attendre que l’huissier veuille bien lui ouvrir et l’appelle. Que de démarches coûteuses qu’il est possible de supprimer !
Plus de sièges, plus dossiers, et, cerise sur le gâteau, plus de barreaux, il y en a dans tous les sièges des tribunaux. Comme de bien entendu, les ténors du barreau vont protester de leurs fortes voix mais on connaît déjà la chanson.
Reste le cas de la cour de cassation qui casse les jugements. Quelle gabegie : un jugement tout neuf qui n’a pas encore servi, mis hors d’usage, cassé, réduit à néant. Pour occuper les magistrats de la haute cour et en tenant compte de leur savoir-faire, on leur apportera tous les sièges pour qu’ils les cassent, pour qu’ils empilent les dossiers et les mettent derrière les barreaux.
Ainsi grâce à ces mesures, nous nous acheminerons vers une justice simple, sobre, peu dispendieuse. Maniant la hache budgétaire pour faire des coupes sombres, les magistrats de la plus haute juridiction seront ainsi les artisans du redressement de nos finances publiques et suprêmes avantages : à défaut de croiser les doigts, ils toucheront du bois.
Gérard
120 - TRIBULATIONS DE LA PIÈCE D’UN CENTIME
Nous sommes 46 millions, nous résidons dans 20 pays d’Europe et pourtant, nous sommes ignorées, vilipendées, oubliées sur les comptoirs, enrôlées de force dans des fentes de caddies trop larges pour nous, utilisées comme tournevis, posées comme cale sous les pieds des tables branlantes, emprisonnées dans les troncs d’église, lâchement abandonnées dans les pots de yaourt à côté des stylos, trombones, punaises, pâte à gomme. Nous sommes les pièces de 1 centime d’Euro que les commerçants ne daignent même pas nous rendre ou quand ils le font, nous sommes exilées au fond des tiroirs, reléguées dans les boites à gants ou jetées sans vergogne sur le trottoir dans les casquettes des SDF. On nous traite comme des faux-jetons. Recrachées… que dis-je, vomies, oui vomies, par les distributeurs en tout genre, nous ne sommes même pas considérées comme des centimes additionnels.
Pourquoi ce mépris ? Ne sommes nous pas nées en 2002 comme nos sœurs, les pièces nobles de 1 ou 2 € ? Et ne sommes-nous pas aussi sonnantes et trébuchantes qu’elles ? Pourtant, en début de match, ce n’est pas nous qu’on lance en l’air pour tirer au sort le choix du terrain. Qu’avons-nous donc fait au Bon Dieu pour devenir de la monnaie de singe ?
En général, nous n’habitons pas les somptueux porte-monnaie. Personnellement, j’étais enlisée dans la cire d’un cierge et un enfant de chœur m’a dégagée. Je suis restée longtemps au fond de la poche de son survêtement, j’ai subi l’horreur du lave-linge et ne pouvant plus souffrir ce blanchiment, j’ai traversé le tambour et suis restée coincée dans la pompe. J’ai dû attendre plusieurs jours qu’un homme en bleu de travail vienne me délivrer, ce qui m’a valu de lui rendre la monnaie de sa pièce. Une fois par an, nous nous retrouvons très nombreuses au congrès de clôture de l’opération « pièces jaunes ». Là, au moins nous pouvons échanger sur nos destinées qui ne sont pas monnaies courantes. Nous avons envie de voyager, de traverser les frontières d’être le dénominateur commun de toutes les langues : nous sommes européennes côté pile et pour autant n’avons nullement perdu la face qui est républicaine, monarchique, voire papale.
Nous ne voulons plus de cet ostracisme qui nous colle envers et contre tout, à l’avers et au revers, nous ne supportons plus ce dédain de la pichenette du bout des doigts nous faisant rouler comme de vulgaires fifrelins dans les tripots glauques, nous demandons simplement d’être traitées avec dignité. Il paraît que nous coûtons cher à fabriquer… pourtant, un peu de cuivre, quelques grammes d’acier rien de plus, d’autant que les ouvriers sont payés aux pièces. Certains voudraient nous éliminer purement et simplement, nous euthanasier. Se rendent-ils compte qu’ils vont jeter l’argent par les fenêtres ? Si l’on devait arriver à cette solution finale, nous formerons des bataillons internationaux, sortirons notre mitraille crépitante, alors… bonjour les arrondis faussés, salut les dégâts, au revoir la reprise, adieu la croissance. J’en passe et des meilleures car nous sommes loin du compte.
121 - LENDEMAIN D’ÉLECTIONS
ou MUNICIPALO NOX
Oh ! Combien d’audacieux, combien de candidats
Qui sont partis joyeux pour les municipales
A l’assaut des mairies pour briguer des mandats
Ont sombré dans l’oubli des mers électorales.
Combien ont disparu dans le noir océan
De cet amer scrutin. Les désastreux suffrages
En vagues déchainées comme un fol ouragan,
Renversant leurs espoirs, ont causé leurs naufrages.
Ils ont montré pourtant de vraies dispositions :
Embrassé des bébés, visité des écoles,
Serré beaucoup de mains, tenu des réunions
Balayant les griefs sous un flot de paroles.
Stoïquement debout sous la pluie et le froid
Ils ont distribué d’un geste résolu,
Au marché, dans les rues, leur profession de foi
Qu’hélas les électeurs jetaient sans avoir lu.
Ils ont redit cent fois que la sécurité
Trop longtemps négligée par l’équipe sortante
Deviendrait leur bannière et leur priorité,
Que la fiscalité serait moins oppressante.
D’interviews en meetings, leur racoleuse voix,
Surmenée à l’excès, prit un timbre funeste
Et croyant éviter des urnes le renvoi,
Sans vergogne, certains retournèrent leur veste.
Gérard
122 - QUELLE FAMILLE !
- Dis Maman Rébecca, comment il était papy Abram, il avait une grande barbe ?
- Ecoute Jacob, on ne dit pas Abram mais Abraham
- Pourquoi ?
- Parce que Dieu a changé son nom.
- Mais de quel droit ?
- Dieu est tout puissant et il peut faire ce qu’il veut ; il a d’ailleurs changé aussi le nom de ta mamie : de Saraï, elle est devenue Sarah.
- Mais de quoi je me mêle ! En tout cas, pas question qu’il change mon nom, je m’appelle Jacob, je resterai Jacob jusqu’à ma mort.
- Tu sais Dieu est un farceur, il pourrait bien t’appeler autrement, par exemple Israël…
- Je ne veux pas, au besoin je me battrai contre lui.
- Il est redoutable.
- Ce n’est pas cela qui va m’intimider. Qu’il vienne !
- Il est très puissant.
- Ca me fait une belle jambe ! Et Mamie ?
- Sarah, était très belle, elle aussi est restée fidèle à Dieu, elle est enterrée à Makpéla. Dieu a promis une grande postérité à Abraham, il a choisi notre famille pour en faire un grand peuple, nous sommes les bénis de Dieu.
- Mon papy Abram (car je continuerai à l’appeler ainsi) un saint homme ? Engrosser la bonne car il n’a pas cru aux promesses de Dieu, faire passer deux fois sa femme pour sa sœur pour se protéger de Pharaon et d’Abimelekh, penser que Dieu pouvait lui demander de lui sacrifier son fils Isaac ! Et ses cousines, les filles de Loth, plus que des putes ! Tu parles d’une famille !
- Ecoute Jacob tu sais bien que ta Mamie ne pouvait pas avoir d’enfant et ton papy…
- Oui, j’ai compris, Agar, une mère porteuse …vous l’avez bien laissée tomber. Et mon tonton Ismaël, pourquoi on ne l’invite jamais à la maison ?
- Il est venu pour l’enterrement de ton papy mais ton père et lui se sont querellés à cause de l’héritage. Tu sais les rivalités entre frères… je t’ai raconté l’histoire de Caïn et d’Abel.
- Mais rassure-moi, maman Rébecca : mon papa, c’est bien le fils d’Abram et de Saraï ?
- Oui. Dieu, en trois personnes, est venu à Mambré et a annoncé la naissance de ton papa Isaac. Ta mamie n’y croyait plus, elle était stérile, elle s’est moqué de ces messagers en riant aux éclats.
- Ils étaient trois ! Décidément ce devait être sérieux pour que Dieu se mette presque en quatre…..
- Oui et Dieu a fait une alliance avec ton papy et ton papa et tous leurs descendants.
- La suite sera donc pour mon frère Esaü….
- Quelque chose me dit que sera toi, Jacob. Vous êtes des jumeaux ; il est vrai qu’Esaü est le premier venu et velu mais tu lui tenais le talon et - je ne sais pas pourquoi je dis cela - je sens que tu seras en quelque sorte son talon d’Achille…. Ton père - le pauvre il ne voit presque plus clair - aime Esaü car il lui rapporte du gibier, tu pourrais te faire passer pour Esaü quand il donnera sa bénédiction.
- Il est poilu et moi je suis tout glabre et puis Esaü ne se lave pas, il n’a pas encore inventé l’eau chaude, on le sent venir…
- J’ai une idée…. ne t’en fais pas.
- Pour que je reçoive une malédiction ! Merci ! J’aime mieux continuer à cultiver des lentilles et élever des chevreaux. Dieu ne m’intéresse pas.
- Jacob, mon fils, écoute ta maman : Dieu te comblera de ses bienfaits. Tu sais Dieu habite les cieux mais il visite la terre. Le Très Haut se fait tout proche. Elargis tes horizons, tu verras que Dieu se révèle sur une grande échelle.
Gérard
123 - LETTRE À SOI-MÊME
Sans doute, êtes-vous excédé de recevoir des lettres non désirées : avis du percepteur, rappel de factures à régler sous huitaine, sollicitations de dons de la part d’associations diverses, tonnes de pub ; votre boîte à lettres n’en peut mais. Bref, en général, vous ne réceptionnez pas les courriers qui vous feraient plaisir. Pourquoi dès lors, ne pas vous envoyer une missive ? Eh oui, n’avez-vous jamais pensé à vous écrire ? Bien sûr les philatélistes le font pour que les timbres rares soient oblitérés ; mais vous ? Adressez-vous une longue et belle lettre, donnez-vous de vos nouvelles, décrivez vos projets, vos rêves, vos espoirs et vos détresses. Mais dans ce cas, ne vaudrait-il pas mieux tenir un journal intime et devenir ainsi un diariste distingué ? Envoyer un courrier, est-ce seulement donner du travail au préposé ? Non. Après avoir transité dans maints centres de tri, munie d’un cachet qui fait foi, cette lettre aura pour vous, quelques jours plus tard, un goût particulier et inattendu.
Êtes-vous inquiet ? Quel plaisir plus tard, de pouvoir se rassurer à bon compte. Écrivez : « Demain, j’ai rendez-vous chez le dentiste, j’appréhende un peu, toi seul sais ce que je ressens, je penserai à toi ». Le lendemain, bien calé dans le fauteuil, vous vous dites : « il est certainement avec moi. » et vous n’entendez plus le bruit strident de la fraise. Trois jours après, en lisant la lettre, vous serez bien aise d’apprendre que vous n’avez pas été oublié dans ses pensées.
Envoyez une lettre d’invitation : « Dimanche, nous pourrions manger ensemble, (je compte sur toi pour apporter le dessert), nous parlerons du bon vieux temps, de nos souvenirs d’enfance et nous pourrions évoquer nos projets respectifs». Bien sûr, n’oubliez pas de joindre un plan d’accès ou vos coordonnées GPS pour qu’il vous trouve facilement.
Enfin, ayez toujours, une lettre prête à partir : « Mon Cher, ce message va t’apprendre mon décès. Malheureusement, malgré ma bonne volonté, je ne pourrai me rendre aux obsèques, crois bien que c’est à mon corps défendant. Représente-moi auprès de la famille mais je serai avec vous en Esprit. Je suis heureux de t’avoir connu mais quelque chose ou Quelqu’un me fait dire que tant que tu seras vivant, je ne serai pas complètement mort ».
Enfin un dernier conseil, pour éviter que la correspondance ne se perde, (par exemple si le facteur n’arrive à trouver votre boîte à lettres et marque « N’habite pas à l’adresse indiquée »), n’oubliez jamais d’indiquer l’adresse de l’expéditeur.
Gérard
124 - EUROPE : UN MYTHE RÉALISTE OU UNE RÉALITÉ
MYTHIQUE
Connaissez-vous la légende d’Europe ? Europe, jeune princesse phénicienne, d’une grande beauté, fut remarquée par Zeus qui en tomba éperdument amoureux. Celui-ci, pour échapper à la vigilance de sa femme Héra jugea plus prudent de se métamorphoser en taureau. Alors qu’Europe cueillait des fleurs, un magnifique taureau blanc au front orné d’un disque d’argent et surmonté de cornes en croissant de lune, s’approcha d’elle et de ses compagnes, se mêla à leurs jeux et se laissa même caresser. Mais quand Europe nullement effarouchée s’assit sur son dos, il se précipita vers la mer et l’emporta jusque dans l’île de Crète. Puis à Gortyne, Zeus redevenu lui-même, s’unit à elle et lui donna trois fils.
Comment ne pas s’apercevoir que ce mythe est une préfiguration de notre Union Européenne ? Montrons-le à l’aide de quelques remarques.
Un taureau blanc.
Pourquoi Zeus prit-il la forme d’un taureau pour conquérir Europe alors qu’il s’était déjà déguisé en cygne, en pluie d’or ou avait pris les traits d’Amphitryon mari d’Alcmène pour séduire celle-ci ? Sans faire appel au devin Tirésias, nous pouvons y déceler une allégorie de la PAC (Politique Agricole Commune), socle de la construction européenne.
Près de la plage de Sidon où jouaient Europe et ses suivantes, le taureau blanc paissait dans une prairie fertile couverte de fleurs embaumantes et multicolores et de graminées si foisonnantes qu’un petit bétail de vaches maigres serait devenu très vite un troupeau de vaches grasses. Pareillement à cette terre d’abondance, la PAC, crée par le traité de Rome en 1957, offre la sécurité des approvisionnements alimentaires. Ainsi, nos campagnes verdoyantes et emblavées sous l’effet des subventions communautaires rappellent-t-elles ce pacage féerique.
Le taureau est un ruminant donc un animal doté d’une fonction physiologique provoquant le retour des aliments du rumen vers la bouche pour y être mâchés et imprégnés de salive. Les marathons budgétaires de Bruxelles ne s’apparentent-ils pas à une rumination politique ? Les décisions déjà entérinées, régurgitent année après année de la panse de Bruxelles, siège de la commission européenne, pour y être à nouveau mastiquées, transformées, améliorées avant de gagner le feuillet et la caillette du Parlement européen de Strasbourg.
Le taureau blanc mâchonnait un crocus, ce qui fit tomber Europe sous son charme. Précisons qu’il ne s’agit pas du banal crocus vernus ni même du crocus alatavicus mais du crocus sativus dont on extrait le safran auquel on prête des vertus aphrodisiaques. Notre Europe enivrée par des lendemains enchanteurs est tombée sous le charme de l’union, les multiples traités qui la régissent sont autant d’épousailles richement dotées.
Zeus s’unit à Europe sur un lit de gazon près de la grotte du Mont Dictée sous un platane. Naturellement, l’herbe se mêla aux cheveux d’Europe, preuve de la frénésie de leurs étreintes. Par un artifice dont Zeus avait le secret, il fixa définitivement cette teinte verte à la chevelure d’Europe. Zeus accomplit ce prodige peut-être pour garder un éternel souvenir de la verdeur de leurs ébats, plus prosaïquement pour que les frères d’Europe lancés à sa recherche ne la reconnussent point. Désormais, dans l’île de Crète et bien au-delà des mers, cette princesse, cheveux au vent, est surnommée « Europe verte ».
Le front orné d’un disque d’argent et surmonté de cornes en croissant de lune.
Le taureau blanc présente sur son front un disque d’argent ; celui-ci n’est-il pas une sorte de cassette, une tirelire remplie d’espèces sonnantes et trébuchantes ? Ne voit-on pas apparaître dans l’or du soir couchant, la symbolique de l’euro entre les cornes ? D’ailleurs, l’avers de la pièce grecque de 2 € immortalise cette scène, devenue ainsi monnaie courante depuis le traité de Maastricht.
Europe emportée
Europe a caressé le taureau dans le sens du poil et contrairement a ce que dit la légende, elle n’a pas été enlevée mais libérée. Le taureau blanc qui symbolise l’espoir de paix et de fraternité vient en aide à l’Europe et l’épouse, lui permettant d’échapper aux démons de son passé. La libre circulation étant la règle, il l’emmène vers un futur rayonnant. L’Europe, confortablement installée sur cet idéal, loin de naviguer en eaux troubles, reprend ainsi du poil de la bête.
Gérard
125 - COMMENT FAIRE DES RONDS DANS L’EAU ?
Françoise Hardy, dans sa chanson « Des ronds dans l’eau », fustige l’énergumène qui ne sait faire que des ronds dans l’eau. Cette occupation revêt pourtant un passe-temps noble, un moment d’intense plaisir. Néanmoins, faire des ronds dans l’eau n’est pas à la portée du premier venu. Cette activité, d’ailleurs enseignée nulle part, (contrairement à la pétanque qui est une option au baccalauréat) nécessite un apprentissage, un savoir-faire que bien peu de personnes maîtrisent.
Comment faire des ronds dans l’eau ?
Et d’abord, qu’est-ce qu’un rond ? Monsieur Larousse nous précise qu’un rond est une forme sphérique ou courbe. Par exemple, un cercle est un rond qui a bien tourné ; un carré : un rond qui prend ses virages à angle droit ; un point : un rond qui tourne dans un seul sens, on l’appelle rond-point.
Le rond étant défini, il s’agit maintenant de chercher de l’eau pour y faire des ronds. Le cercle nautique est donc tout indiqué.
J’ai demandé au gérant : « Je voudrais louer un cercle, c’est pour faire des ronds dans l’eau ».
Il m’a regardé avec des yeux ronds me suspectant de ne pas être à jeun.
- La mer est toute proche, allez plutôt jeter des cailloux dans l’eau vous ferez ainsi une série d’ondulations circulaires.
- Je ne jetterai la pierre à personne et surtout pas à la mer qui est un peu ma mère.
- Alors, louez un voilier avec un moniteur et dites-lui de tourner plusieurs fois autour des balises en faisant des huit, vous dessinerez ainsi des cercles doubles.
- Surtout pas, je n’ai pas envie qu’on me mène en bateau.
- La mer est à marée basse, allez sur la plage, tracez des figures dans le sable ; à marée montante, l’eau recouvrira votre ouvrage et l’on distinguera vos ronds dans l’eau.
- Non, je ne veux pas écrire sur le sable.
- Prenez cette bouée, mettez-la autour de votre taille et tournez sur vous-même.
- Non, je vais finir par faire mon trou dans l’eau et couler à pic.
- Vous commencez à m’énerver ! Vous savez ce que vous allez faire ? Vous prenez un petit bassin que vous emplissez d’eau. Vous jetez dans le bassin toute votre monnaie. Vous aurez des ronds dans l’eau !
- Je n’ai pas d’argent à perdre.
- Pourquoi tenez-vous tellement à faire des ronds dans l’eau ?
- Cela ne vous regarde pas. Vous dirigez un cercle nautique et vous devez m’initier à faire des ronds dans l’eau.
- Depuis un quart d’heure, vous n’arrêtez pas de faire des ronds dans l’eau ! Vous êtes enfermé dans un cercle vicieux, vous êtes tellement entêté que vous tournez en rond et de plus, vous nagez complètement.
Gérard
126 - CONSEILS AUX JARDINIERS
Comment éviter que la salade ne soit mangée la nuit par les limaces ?
Prenant modèle sur la protection des châteaux-forts, vous êtes tenté de creuser un fossé autour de vos salades et de le remplir d’eau, mais n’oubliez pas que les limaces peuvent emprunter des barques. Non, le plus simple et le plus efficace, c’est de déraciner vos salades le soir et de les replanter le matin. Pour les transporter sans n’en perdre aucune, adressez-vous à Monsieur le Ministre de l’intérieur, il loue à prix modique des paniers à salade.
Comment hâter la pousse des carottes ?
Certains pensent qu’il faut les faire rougir et ils passent sur les tiges un fer à repasser voire un chalumeau. C’est une erreur car par réflexe, les carottes ont tendance à adopter le comportement de l’autruche.
Installez une puce électronique à chaque fane de carotte. N’arrosez pas pendant quelques jours. Quand les carottes menacent de dépérir, branchez votre émetteur et dites « Allo ! » puis vous arroserez. Recommencez plusieurs fois ; à chaque « Allo » vous observerez qu’elles se redressent, qu’elles s’étirent, qu’elles grossissent à vue d’œil pour recevoir l’eau bienfaitrice. Vous cultiverez ainsi des carottes pavloviennes.
Comment faire quand vous n’avez plus un radis ?
Bien sûr on pourrait conseiller de planter du blé ou de l’oseille mais c’est à la portée du premier jardinier venu. Pas question non plus de déverser des excédents de beurre dans les épinards. ! Repiquez des choux, par une nuit entrelardée d’étoiles quand la mer est bien huileuse ainsi vous ferez vos choux gras qui remplaceront aisément les radis.
Comment obtenir de beaux légumes ?
Il faut solliciter un maximum de notables locaux ; rien de plus facile il suffit d’organiser une course à l’échalote, ils y excellent. A l’arrivée, ramenez votre fraise et faites défiler vos légumes en rang d’oignons devant ce parterre de personnalités. Parce que les patates, les cornichons et les courges sont très influençables, ces légumes, en symbiose avec les sommités présentes vont les imiter, quitte à perdre leur genre masculin pour augmenter, grandir, se développer et devenir par mimétisme de grosses légumes.
Gérard