OBSEQUES - HOMELIE 12

 

Sur Matthieu 18, 1-4

 

Chaque fois que nous voyons un être cher disparaître, passer par la mort, un de nos premiers réflexes est de nous interroger. Le reste du temps, nous n'en prenons pas le temps, mais parce que la mort est pour nous quelque chose de mauvais, de scandaleux, et qu'elle est étroitement liée à la vie, nous en venons à nous demander : La vie, c'est quoi ? Est-ce que ça a un sens ? Et, deuxième question : " Y a-t-il quelque chose après la mort ? Celui que vous pleurez aujourd'hui, qu'est-ce qu'il va devenir ? Et a-t-il seulement un avenir, par-delà la mort ? "

A ces interrogations que tous les hommes font, un jour ou l'autre, Jésus apporte une réponse. Vous venez de l'entendre. Encore faut-il la comprendre. C'est ce que nous essayons de faire maintenant. Voilà donc que les amis de Jésus lui demandent qui, à son avis, est le plus grand dans le Royaume des cieux. Une simple précision, pour pouvoir bien comprendre : Royaume des cieux, c'est la même chose que Royaume de Dieu, parce qu'à l'époque, on n'avait pas le droit de prononcer le nom de Dieu. Donc, les amis de Jésus, qui l'ont entendu parler, très souvent, de ce Royaume, veulent savoir de quoi il s'agit et qui en sera le chef, et qui seront ses lieutenants. C'est une perspective bien humaine, n'est-ce pas ! On veut toujours " se pousser ", chercher à arriver, souvent, d'ailleurs, en passant par-dessus les autres, voire même en les écrasant. Qui est le plus grand ? Jésus répond : le plus grand, c'est celui qui se fait petit comme un enfant. Encore une précision utile, pour nous aujourd'hui : l'enfant, à l'époque de Jésus, n'était pas " l'enfant-roi ", comme de nos jours. C'était ce qui ne comptait pas, véritablement le plus petit, le plus bas dans l'échelle sociale.

Vous voyez donc bien le problème, et sa solution. Il s'agit d'un véritable renversement des valeurs. Il s'agit de substituer à un monde qui met au plus haut, dans l'échelle des valeurs, le pouvoir, l'autorité, le savoir, la force, la richesse, bref, tout ce qui fait qu'un homme est " considéré ", un monde où " les premiers seront les derniers ", comme dit Jésus. Un monde où l'on se fera petit, et où les petits seront considérés, respectés, honorés. C'est ce que vivait Jésus. " De riche qu'il était, dira saint Paul, il s'est fait pauvre pour nous enrichir de sa pauvreté. " Il n'a jamais voulu dominer, mais au contraire il s'est mis au service de tous les hommes, de toutes les femmes qui étaient les exclus de la société de son temps. On en a des témoignages à toutes les pages de l'évangile.

C'est ce qu'ont vécu les premiers disciples. C'est ce qu'ont vécu les premières communautés chrétiennes. Saint Paul ne fait que le constater. S'adressant aux chrétiens de Corinthe, il leur dit : " Regardez qui vous êtes. Il n'y a parmi vous ni beaucoup de sages, ni beaucoup de puissants, ni beaucoup de gens de bonne famille, mais… ce qui est faible, Dieu l'a choisi pour confondre les forts ; ce qui, dans le monde, est vil et méprisé, Dieu l'a choisi pour réduire à rien ce qui est. "

Nous sommes rassemblés aujourd'hui près du corps d'un homme que nous avons connu, que nous avons estimé et aimé. Un homme qui, précisément, a vécu à sa manière ce renversement des valeurs. Il n'a jamais exercé des fonctions de commandement, il n'a jamais été un homme de pouvoir, il n'a pas possédé une grande fortune, et cependant, je crois qu'il a bien vécu. En homme fraternel, sans orgueil ni vanité, capable de rendre quantité de services. Il est grand aux yeux de Dieu. Tous ceux qui cherchent à vivre ainsi sont grands aux yeux de Dieu. C'est cela qu'on appelle le Royaume de Dieu.

Jésus l'a inauguré. Tous ses actes, tous ses gestes, indiquaient le sens, la bonne direction qu'il fallait prendre pour y vivre. Ce Royaume de Dieu ( appelons cela : un monde réussi ) et ses valeurs, chacun peut l'accueillir dans sa vie. Et chacun peut s'y entraîner, comme un bon footballeur n'est valable que s'il s'entraîne quotidiennement. Un jour, au terme de cet entraînement, nous pourrons, nous aussi, nous rejoindre dans l'Amour qui est Dieu. Il nous dira, comme il le dit aujourd'hui à cet homme qui nous quitte : " Viens, bon et fidèle serviteur. "

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