L'INTELLIGENCE DES ECRITURES

 

L'EVANGILE SELON SAINT JEAN

9 - Bethzatha : guérison et controverse (Jean 5 )

1 - Une guérison.

On a fait des fouilles considérables sur ce site de la piscine située près le la porte des brebis, quartier Nord de Jérusalem, au Nord-Est du Temple, à l'endroit où s'élève l'église Sainte Anne. On lit le nom indifféremment Bethzatha ou Bethesda. Il y avait là, d'après les fouilles les plus récentes, tout un ensemble balnéaire dont les eaux curatives attiraient le petit peuple. D'après les fouilles les plus récentes, il est impossible de localiser les cinq portiques dont parle l'évangile. On a retrouvé deux bassins séparés par une digue centrale. Les fragments de colonnes retrouvés ne suffisent pas à démontrer l'existence des portiques. Par contre ces fouilles révèlent la présence de grottes naturelles dont certaines étaient aménagées pour de petits bains. Au IIe siècle, alors que Jérusalem détruite est devenue la ville païenne d'Aelia Capitolina, il existe là un sanctuaire dédié aux dieux guérisseurs.

Des eaux qui guérissaient de l'arthrose, à cette époque-là, c'était attribué à des puissances surnaturelles. C'est à cette croyance que fait allusion le verset 4, verset très discuté par les critiques (la TOB le met simplement en note) : "car à certains moments l'ange du Seigneur descendait dans la piscine ; l'eau s'agitait et le premier qui y entrait après que l'eau avait bouillonné était guéri quelle que fut sa maladie." Beaucoup de manuscrits parmi les plus anciens omettent ce verset. Mais il explique pourquoi l'eau bouillonnait. En fait, l'agitation de l'eau pouvait peut-être provenir de nouvelles arrivées d'eau en provenance de la source. Ce lieu était peu orthodoxe et suspecté par les autorités officielles, surtout les rabbins responsables du Temple. Or Jésus n'hésite pas à fréquenter ce lieu douteux et va se manifester à cet homme infirme depuis 38 ans comme le guérisseur qui opère par la puissance de sa Parole. Il prend la place de tous les guérisseurs. On trouve quatre fois dans le récit (v. 4-6-9-14) l'expression "recouvrer la santé" ou "être guéri". L'expression ne se trouve nulle part ailleurs dans le Nouveau Testament.

2 - Une controverse.

v. 8-9 : Jésus dit au paralysé : "Lève-toi, prends ton grabat et marche." Et aussitôt, l'homme fut guéri ; il prit son grabat, il marchait.

Voilà l'origine de la controverse. Le scandale est provoqué par le fait que Jésus a guéri le jour du sabbat. Ce jour-là, il était interdit de porter le moindre fardeau. On a ici, sans doute, un reflet de la polémique sur le sabbat entre le judaïsme et la première communauté chrétienne. "Qui est cet homme qui se permet, de sa propre autorité, de prescrire un acte interdit par la loi ?"

Jésus répond, au verset 17. "Mon Père travaille sans cesse, et moi aussi je travaille." L'argument employé par Jésus répond très exactement à l'argumentation rabbinique. Selon cette argumentation, l'homme doit imiter le repos de son créateur. Or Jésus déclare lui aussi imiter le Père, mais le père travaille toujours ; il est toujours à l'oeuvre. Le scandale vient de ce que Jésus est le seul juge de la façon dont on doit imiter le Père en vérité, car le Père lui montre tout ce qu'il fait. En Marc 2, 28, Jésus avait déjà déclaré que "le Fils de l'homme est maître même du sabbat." Ce verset 17 est développé et expliqué parle discours qui suit (v. 19-47) C'est un discours sur le mystère de l'activité de Jésus. Trois parties :

* v. 19-30 : Il y a unité d'action entre Jésus et Dieu en ce qui concerne le don de la vie et le jugement.
*
v. 31-38 : Le témoignage du Père à l'égard de Jésus.
*
v. 39-47 : Les motifs de l'incroyance des Juifs à l'égard de Jésus.

Première partie. Examinons quelques versets de plus près :

v. 20 : il y est question des "oeuvres", terme propre à l'évangile de Jean. Ce mot désigne tous les actes de puissance et toutes les formes que prend l'activité de Jésus pour accomplir "l'oeuvre" du Père, le salut du monde. Le Père montre au Fils ce qu'il fait, et il lui montrera des oeuvres plus grandes encore : les guérisons qui font "vivre" les malades ne sont que le signe du pouvoir que possède Jésus, comme le Père, de faire passer de la mort à la vie. Lire versets 21 à 29.

Ensuite, on met en parallèle v. 21 et 26, puis 22 et 27, enfin 24-25 et 28-29. Remarquez que le thème de ce discours, c'est la toute-puissance que le Père a confiée au Fils en matière de vie, de jugement et de résurrection.

La 2e partie (v. 31-38), où il est question de témoignage.
Il y a eu Jean-Baptiste qui a rendu témoignage à la vérité. mais, dit Jésus, pour moi, c'est un autre témoignage. (verset 32 : un Autre) Jean-Baptiste était la lampe. La formule rappelle le texte du Siracide
48, 1 : "Puis se lève Elie, prophète semblable au feu, et sa parole brûlait comme un flambeau." Les Juifs (v. 35) ont vu dans la prédication de Jean-Baptiste un spectacle dont ils n'ont voulu retenir qu'un plaisir éphémère. En Luc, Jésus le leur reproche, en citant le proverbe : "J'ai joué de la flûte et nous n'avez pas voulu danser..." Quant à son propre témoignage, ce ne sont pas des paroles, mais ses oeuvres. Bien plus, c'est le Père qui témoigne à son sujet. Cette Parole est d'enseignement divin, agissant comme une force dans le coeur des hommes pour les attirer au Père et les faire croire en Jésus (voir v. 40)

Dans la 3e partie (v. 39-47) Jésus reproche aux Juifs leur incroyance. Au v. 39 : la vie éternelle n'est pas dans les Ecriture, mais dans la foi au Christ, lequel est annoncé par les Ecritures. Au v. 41 : la gloire de Jésus lui vient directement du Père. Au verset 42, il est question de l'amour de Dieu, ce qui peut être interprété de deux manières : soit l'amour de Dieu pour les hommes, soit l'amour que les hommes ont pour Dieu. Le v. 43 : "au nom de mon Père" . Jésus déclare : je viens de sa part et je suis en étroite union avec lui. "Un autre" : peut-être allusion à de faux messies. v. 45-47 : Moïse, qui représente la Loi, et la Loi, c'est-à-dire la Bible, sont des témoins fiables. Jésus les présente ici comme des témoins contre Israël.

3 - Quelques remarques.

A - A propos de la guérison elle-même. Une fois de plus, nous voyons Jésus dans un lieu largement contesté par les autorités religieuses et les bien-pensants. Jésus y va, lui, pour chercher et sauver ce qui était perdu. Notons la première réponse du paralysé : "je n'ai personne". Comprenons que l'homme seul ne peut pas se sauver. Il a besoin d'un sauveur. Puis Jésus disparaît aussitôt après le miracle. C'est dans le Temple du vrai Dieu, son Père, qu'il se fera reconnaître, et non sur les lieux du miracle.

B - "Mon Père travaille sans cesse". C'était un sujet de discussion entre les docteurs de la Loi : Dieu est-il au travail dans le monde, s'il s'est repose après la création ? Pour certains, c'était fini, pour d'autres, Dieu travaille, non pour la création, qui est achevée, mais pour le jugement. Jésus se prononce : Dieu n'est jamais absent du monde. Et lui, le Fils, imite son Père au lieu de se reposer comme les autres hommes. Ses adversaires ne se trompent pas sur ses prétentions : ils veulent le tuer parce qu'il se fait égal à Dieu.

C - Cela fait 38 ans que le malade attend. Sans doute évocation des 38 ans que le peuple hébreu a passé dans l'oasis de Qadesh avant de pouvoir entrer dans la Terre Promise. Il y a toute une symbolique des chiffres dans cet évangile. Ainsi, sabbat et Moïse s'y trouvent 7 fois, et le Père, quatorze fois. Peut-être simplement parce que Jean veut opposer la religion juive instituée par Moïse et dont l'un des préceptes essentiels était le respect du sabbat, à la religion des temps nouveaux que Jésus inaugure en nous révélant le Père.

D - Le Fils, le Père, la Résurrection. Les livres de l'Ancien Testament parlaient de Dieu comme d'un être unique. Mais maintenant Jésus nous révèle un autre aspect de Dieu : il est Père et il a envoyé son Fils compléter son oeuvre. Par tout ce qu'il fit, Dieu donne la vie, mais la résurrection est sa plus grande oeuvre. Attention : ressusciter, pour un chrétien, ce n'est pas revenir à la vie, mais commencer une vie nouvelle, transformée. Naturellement les morts ressusciteront, mais on peut aussi parler de résurrection dans la vie de ceux qui commencent à croire. Une parole de Jésus accueillie avec foi nous donne la vie. Elle s'enracine en nous et nous transforme. Ainsi Jésus, homme-Dieu, nous révèle l'autre visage de Dieu. Il n'est pas un Dieu jaloux et paternaliste. L'évangile nous révèle le Père donnant toute son autorité à un homme, le Christ. Ici, Jean nous présente Jésus, non comme "le fils de l'homme", mais comme "un fils d'homme" (v. 27), c'est-à-dire simplement un être humain. Jésus se présente comme le Fils : tout ce que fait son Père, il le fait ; tout ce qui est au Père est à lui ; il ne peut rien faire de lui-même.

E - Le témoignage. Pour nous orienter dans la vie, il nous faut comprendre le monde et les hommes. Cette compréhension nous vient en partie de la raison et de la science. Mais nous sommes encore plus fréquemment influencés et guidés par le témoignage des autres : leurs paroles et leur exemple. Jésus nous parle des témoignages qui l'accréditent : ses oeuvres et ses miracles, le témoignage de Jean-Baptiste, les paroles de la Bible qui s'appliquent à lui. Ce qui ne veut pas dire que l'on n'a pas besoin d'autre chose que la Bible. Au verset 38, Jésus s'en explique : il s'agit de croire en Celui que Dieu envoie. Dieu nous instruit à sa façon. Les événements de la vie du monde, comme ceux de notre vie personnelle, sont à lire à la lumière de l'enseignement du Christ et à la lumière de l'inspiration du Saint-Esprit. Comment distinguer le vrai du faux ? Comment reconnaître ceux qui parlent des chemins de Dieu à partir de leur propre expérience ? Jésus dit que ceux qui aiment la vérité reconnaissent ceux qui la disent. En croyant en Jésus, nous nous montrons dignes de la confiance divine et nous devenons ainsi enfants de Dieu.

(à suivre, le 15 février)

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