AU COMMENCEMENT
Au commencement était le Verbe, et le Verbe était avec Dieu, et le Verbe était Dieu. Il était au commencement avec Dieu.
Par lui tout s'est fait, et sans lui rien ne s'est fait. Ca qui a été fait en lui était vie, et la vie était la lumière des hommes ;
La lumière brille dans les ténèbres et les ténèbres ne l'ont pas arrêtée...
Le Verbe était la vraie lumière qui éclaire tous les hommes en venant dans ce monde. Il était dans le monde, lui par qui le monde s'était fait, mais le monde ne l'a pas reconnu. Il est venu chez les siens, et les siens ne l'ont pas reçu. Mais tous ceux qui l'ont reçu, ceux qui croient en son nom, il leur a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu. Ils ne sont pas nés de la chair et du sang, ni d'une volonté charnelle, ni d'une volonté d'homme : ils sont nés de Dieu.
Et le Verbe s'est fait chair, il a établi sa demeure parmi nous, et nous avons vu sa gloire, la gloire qu'il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité....Dieu, personne ne l'a jamais vu ; le Fils unique, qui est dans le sein du Père, c'est lui qui l'a fait connaître.
Prologue de l'Evangile selon saint Jean JOUR DE NOEL oOo Cette messe du jour
Vous savez que traditionnellement, l'Eglise célèbre trois messes à Noël : la messe de minuit, la messe de l'aurore et la messe du jour. Même si, aujourd'hui, on ne célèbre plus guère la messe de l'aurore, les deux messes qui subsistent dans nos liturgies sont marquées d'un caractère très différent. Elles reflètent chacune l'un des aspect du mystère de Noël. La première rappelle l'émerveillement naïf, très simple, de l'humanité devant l'enfant de la crèche. La messe du jour, par contre, est comme un moment où l'on s'assied pour essayer de " digérer ", d'accueillir toute la grandeur du mystère. A ce moment-là, on nous lit le prologue de l'évangile de Jean. C'est un passage très fort, très dense, qui a inspiré nombre d'auteurs religieux et profanes. Il est un des textes les plus beaux que je connaisse.
La parole qui construit
Que nous dit ce texte ? Au commencement, il y a la Parole. Et cette Parole est une Lumière dans nos ténèbres. Et pour qu'elle soit vraiment une lumière, il a fallu qu'elle s'incarne, qu'elle prenne chair. Mais les hommes ne l'ont pas reconnue. Ils n'ont pas pu entendre sa voix. Ils ne l'ont pas accueillie. Heureusement, certains l'ont accueillie, cette Parole créatrice, vous, je l'espère, qui êtes venus aujourd'hui dans cette église. Vous avez accueilli la bonne nouvelle d'un Dieu qui s'est fait homme. Essayons de comprendre un peu de quoi il s'agit.
Quand on dit : " Au commencement était la Parole ", il ne s'agit pas de cette parole qu'on entend d'une oreille plus ou moins distraite, à longueur de journée, grâce à la radio. Il ne s'agit pas d'une parole qui informe. C'est un autre mot qu'emploie l'hébreu pour dire la parole créatrice. Une parole qui crée, qu'est-ce que ça veut dire ? Vous le savez, vous qui avez fait l'expérience de l'amour. Un poète contemporain a dit : " Ta parole me construit ". Celui qui vous dit : " Je t'aime " vous construit comme être aimé. Un enfant, de même, a besoin qu'on lui parle, souvent, toujours, pour être construit comme fils d'homme. Il s'agit de cette Parole créatrice, dans le Prologue de St Jean.
La lumière qui illumine
Cette Parole, nous dit l'évangile, s'est fait chair. Et curieusement, elle va devenir un bébé, un enfant. Or, le mot " enfant ", en latin, signifie " celui qui ne parle pas ". Celui qui, d'abord, ne sait pas parler, et celui qui, ensuite, n'a pas droit à la parole (du moins dans les sociétés patriarcales où l'on disait, il n'y a pas si longtemps encore : " On ne parle pas à table "). Or Dieu-Parole se fait enfant. Qu'est-ce que ça veut dire ? Simplement ceci : qu'il va s'adresser à nous dans une espèce de murmure, de gazouillement.
L'Evangile nous dit également que ce Dieu-Parole est lumière. Or, cette lumière dans la nuit n'est pas tellement évidente, pas tellement éclairante. Un petit enfant dans une crèche, ce n'est pas tellement une lumière pour notre humanité. Un condamné à mort sur une croix, on ne peut pas dire que ce soit une lumière pour notre humanité. C'est comme une toute petite flamme au milieu des hommes, que les hommes, vous et moi, sont chargés de faire grandir pour qu'elle puisse éclairer les hommes de ce temps.
Les bergers et les mages
Voilà dans quel sens Dieu-Parole, lumière du monde, n'est pas une réalité évidente, quelque chose qui saute aux yeux et qui éclate à nos oreilles, mais quelque chose de discret, d'humble, de petit. Pas étonnant que les hommes soient passés à côté. En premier les contemporains de Jésus. Mais aujourd'hui encore : le message ne passe pas tellement. C'est encore comme un balbutiement. C'est une petite flamme, aux yeux de nos contemporains. Et pourtant, il y en a, aujourd'hui comme hier, qui accueillent cette Parole et qui marchent à sa lumière. Qui sont-ils ? D'après les évangiles de la Nativité, deux catégories : les bergers et les mages, c'est-à-dire les silencieux et les hommes de désir.
Les bergers, ce sont les silencieux, c'est évident. Seuls dans la montagne, ils n'ont pour toute compagnie que les moutons et les chiens. Ce sont ceux-là qui, en priorité, sont capables d'entendre les balbutiements de la Parole divine. Alors, pour nous, dans ce bruit dans lequel nous baignons, dans ce monde où beaucoup ont un mal fou à supporter le silence, à rester un moment assis, seuls avec eux-mêmes, il nous faut rechercher le silence comme une condition indispensable pour entendre la Bonne Nouvelle.
Deuxième condition indispensable : être, comme les mages, des hommes de désir. Ceux qui ne se résignent jamais, ceux qui ne pensent jamais : " C'est comme çà, on n'y peut rien ". Ceux qui disent qu'on ne peut pas se résigner à une situation telle que celle de notre monde. Ceux qui pensent que le monde a besoin de fraternité, de paix, de justice, de réconciliation, de reconnaissance de l'homme. Ceux-là, ils ne se contenteront pas de dire ; ils se mettront en route comme les mages et avec des gestes très simples, très petits, dans leur famille, à commencer par leur famille, dans leur quartier, dans leur vie professionnelle, ils travailleront à faire advenir ce monde nouveau.
La petite espérance
Lors de la célébration de Noël avec les enfants, ils ont apporté une crèche qu'ils avaient confectionnée. Et près de la crèche, ils ont placé une coupe dans laquelle ils avaient mis, le premier jour de l'Avent, des grains de blé qu'ils ont fait pousser pendant tout le mois de décembre : c'était devenu une touffe de tiges bien vertes, une petite touffe d'espérance.
Saurons-nous être suffisamment silencieux pour entendre les balbutiements de la Parole ? Saurons-nous être des hommes de désir pour faire germer en nous la petite lumière de l'Espérance ? Alors, il nous sera donné de devenir enfants de Dieu, d'entrer dans sa famille, dans son univers. Ce sera pour chacun de nous une nouvelle naissance, un vrai Noël.
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