L'INTELLIGENCE DES ECRITURES

 

L'EVANGILE SELON SAINT LUC (9)

( 30 mars 2004 )

Le parallélisme hommes-femmes

"Il est évident que Luc semble aimer les paires parallèles. Dans bien des cas, les paires comprennent en premier lieu des hommes et en second des femmes." (Henry Cadbury). Luc semble en effet, être témoin d'un nouveau type de relation hommes-femmes, comme Jésus lui-même. Ce que Paul exprime dans une formule : "Il n'y a plus ni Juif ni Grec ; il n'y a plus ni esclave ni homme libre ; il n'y a plus l'homme et la femme ; car tous, vous n'êtes qu'un en Jésus-Christ." Ce qui ne veut pas dire que Luc est féministe (certains pensent au contraire qu'il rabaisse les femmes en des rôles secondaires). Regardons simplement quelques-uns des nombreux parallélismes.

L'Évangile de l'enfance.

Une double annonce de naissance. L'ange du Seigneur annonce à un homme et à une femme la naissance d'un enfant de l'impossible. Le vieil homme, fonctionnaire du Temple, demande un signe, et devient muet. La jeune femme, elle, demande des précisions. Elle les obtient et apprend que "l'Esprit Saint la couvrira de son ombre." Celui qui va naître d'elle sera saint et sera appelé fils de Dieu. Marie se rend dans la maison du muet et c'est là qu'elle prononce le Magnificat, résumé de tout l'Ancien Testament. La Parole a quitté l'espace sacré du temple pour jaillir dans un lieu profane, une maison.

L'Évangile de l'enfance se termine dans le Temple par une double entrée de Jésus, d'abord comme petit enfant, puis comme adolescent. La première fois, à la Présentation, il est accueilli par un homme, Syméon, et par une femme, la prophétesse Anne. Un homme et une femme, deux témoins pour accueillir Jésus-Sauveur. En présence de Jésus, le Temple redevient le lieu de la Parole, une femme, en même temps qu'un homme, peut y prophétiser.

L'enseignement de Jésus

A la différence de Matthieu et de Marc, dans les mêmes passages des synoptiques, Luc cite souvent des personnages féminins. Comparez Matthieu 24, 49, dans la parabole du bon et du mauvais serviteur, avec Luc 12, 45. Alors que Matthieu écrit : "Et s'il se mettre à battre ses compagnons de service..." Luc, lui, note : "Si ce serviteur se mettre à battre les garçons et le filles de service..." Attention manifeste de Luc aux personnes de l'un et l'autre sexe. De même, quand Jésus énumère tous ceux qu'il faut quitter pour le Royaume, frères, soeurs, mère, père et enfants (selon Marc), Luc n'oublie par de noter qu'il faut également quitter sa femme, au même titre que ses parents. De même "Qui aime son père ou sa mère plus que moi, etc." dans Matthieu ; Luc ajoute "sa femme". Notons simplement que chaque fois, Luc n'oublie pas de mentionner l'épouse dans la liste des êtres chers. Remarquez également que pour signaler l'universalité du salut, Jésus cite non seulement l'exemple du général Naaman, guéri de la lèpre, mais également celui de la veuve de Sarepta.
Dans les paraboles rapportées par Luc, souvent on retrouve ce parallélisme. C'est le cas de la couturière et du vigneron (
5, 36-38), du semeur et de la cuisinière (13, 18-21), du berger qui a perdu une brebis et de la ménagère qui a perdu une pièce de monnaie. Enfin, notez l'exemple de deux "casse-pieds" : l'ami importun et la veuve qui réclame justice.

Récits de guérison et de salut.

Vous trouverez dans cette série : l'homme à la main droite paralysée (6, 6-11) et la femme courbée (13, 10-17) tous deux sont guéris un jour de sabbat, dans la synagogue. Tous deux sont dans l'assemblée et ne demandent rien. Dans les deux cas, Jésus parle de libération, de salut. Lisez également la réanimation du jeune homme de Naïm (7, 11-16) et celle de la fille de Jaïre (8, 49-56).
Deux femmes et deux hommes en situation de détresse : la pécheresse chez Simon, la femme aux pertes de sang, et le dixième lépreux ainsi que l'aveugle de Jéricho. Les deux hommes s'expriment publiquement, alors que les deux femmes ne parlent pas, mais s'approchent de Jésus pour le toucher.

Hommes et femmes, disciples de Jésus.

Comme les autres évangélistes, Luc donne une liste des disciples hommes qui suivent Jésus. Mais il donne également - et il est le seul - une liste des femmes qui font partie de son entourage. Femmes-disciples ? Luc n'emploie pas le mot dans l'évangile, mais il l'emploiera dans les Actes (Actes 9, 36). Certes, il semble bien que les femmes qui marchent avec Jésus jouent des rôles subalternes, des cantinières, au mieux des mécènes. Cependant, elles "suivent Jésus depuis la Galilée", depuis le début, comme les deux hommes qu'on présente au scrutin pour remplacer Judas. On peut donc les considérer comme des "disciples". De même Marie, assise aux pieds de Jésus, dans l'attitude du disciple qui se laisse enseigner, comme, d'ailleurs, l'homme dont Jésus a expulsé les démons "Les gens arrivèrent auprès de Jésus et trouvèrent assis à ses pieds l'homme dont les démons étaient sortis." Préfiguration des futurs disciples, d'origine juive ou païenne, de l'un et l'autre sexe, qui constitueront la première communauté chrétienne. Quant à Marthe, la soeur de Marie, elle préfigure le "service" (la diaconie), test de l'authenticité de la vie chrétienne. "Moi, je suis au milieu de vous comme celui qui sert", déclare Jésus.

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