L'INTELLIGENCE DES ECRITURES

 

 L'évangile selon saint Marc

 
Le lion de saint Marc

Il y a quatre évangiles. Pourquoi ? Parce que les témoins furent nombreux. Ces témoins ne se sont pas souciés d'écrire, mais de raconter. Pendant des dizaines d'années, ils ont sillonné le monde connu de leur époque, racontant Jésus, sa vie et son message, créant partout des petites communautés. Ce n'est qu'ensuite que certains témoignages ont été mis par écrit. Et c'est vers les années 65-75 que Marc, Matthieu, Luc ont rédigé leurs évangiles à partir des documents écrits en leur possession. Un peu plus tard, un quatrième évangile a été rédigé, celui de Jean.

Quatre évangiles : c'est comme quatre caméras de télévision dirigées sur une personne. Les angles de prise de vue sont différents. Mais l'ensemble des images permet de mieux percevoir la personne filmée.

Cette année, nous lisons dans toutes les églises l'évangile de Marc. Nous allons donc consacrer quelques séquences de cette page "Intelligence des Ecritures" à entrer progressivement dans l'esprit de cette bonne nouvelle qui nous est adressée, la Bonne Nouvelle de Jésus, Christ.

 1 - Qui est Marc ?

Cet adolescent qui se faufile jusqu'aux premiers rangs de la foule des auditeurs de Jésus, c'est Marc. Ce n'est pas un apôtre, ni même un disciple. Il est, disons, un sympathisant. Cela fait déjà quelque temps qu'il suit Jésus. A certains jours, il semble attiré par la personnalité du Maître, mais à d'autres, il est rebuté par ce que ses paroles ont d'abrupt. Tantôt il est prêt à aller jusqu'au bout, mais lorsque le danger menace, il ne faut plus compter sur lui. Il suit, mais de loin.

Ainsi, au moment de l'arrestation de Jésus au Jardin des Oliviers, il est là. Il dort, enroulé dans un drap. Les policiers du Sanhédrin veulent l'arrêter, lui aussi. Tous les disciples se sauvent, et Marc, pour échapper à la police, n'a qu'une issue. Il rejette le drap que les soldats saisissent et s'enfuit, tout nu. Qui est-il ? On sait peu de choses sur lui. Sa mère s'appelle Marie. Elle doit être assez riche, puisqu'elle possède à Jérusalem une maison suffisamment grande pour que la communauté des chrétiens puisse s'y réunir. Comme beaucoup de gens, il a un double nom. Son nom hébreu est Jean, son nom latin est Marc. Quelquefois, dans le Nouveau Testament, on l'appelle Jean-Marc.

Sa mère et lui ont donc fait partie de la toute première communauté de Jérusalem. Ils ne sont sans doute pas nombreux. Une partie d'entre eux est originaire de Galilée, les autres sont de Jérusalem même. Marc est sans doute de ceux-ci. A cette époque de sa vie, il est tout près de Simon-Pierre. C'est chez lui, dans la maison de sa mère, que Pierre est venu se réfugier et retrouver la communauté lors de sa libération miraculeuse, après son deuxième emprisonnement. Marc a un cousin qui est une des figures marquantes de cette première communauté : c'est Joseph, que les apôtres ont surnommé Barnabas ( l'homme du réconfort ) .

C'est dans ce milieu extraordinaire que Marc grandit. Comme tous les "frères", il est assidu aux réunions où les apôtres parlent de Jésus, de sa vie et de son message, où l'on partage un même repas, où l'on célèbre l'Eucharistie, où l'on prie en commun. Comme tous les frères, il est invité à partager. Il voit son cousin Barnabas, par exemple, vendre un terrain et en apporter le prix aux apôtres pour qu'on puisse subvenir aux besoins des plus nécessiteux de la communauté. Marc est fier d'appartenir à ce petit groupe. Souvent il en parle à ses copains. Ceux-ci le respectent et l'admirent. Il parle d'aller, un jour, annoncer la Bonne Nouvelle.

Pour le moment, il se contente d'écouter Pierre, Jacques et les autres. Il vit au rythme des événements qui marquent la communauté : l'arrivée des jeunes intellectuels qui s'appellent Etienne, Philippe, Nicolas ; l'hostilité du pouvoir juif, et au contraire, la faveur dont jouit la communauté parmi la population de Jérusalem, la mort d'Etienne, la fuite précipitée de tous à la campagne. Bref, il apprend sur le tas que ce n'est pas de tout repos d'être vraiment disciple de Jésus.

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Mais que c'est passionnant, cette aventure ! Il entend de la bouche même de Pierre le récit de sa rencontre avec le premier païen converti : un capitaine nommé Cornélius, qui est en garnison à Césarée. Lui qui, au début, pensait, comme tous les autres, que la Bonne Nouvelle ne s'adressait qu'aux Juifs, réalise peu à peu qu'en fait, c'est au monde entier qu'il faut aller parler de Jésus, puisque c'est à tous que le salut est proposé.

Et puis, un jour, il entend parler de Paul. Beaucoup, dans son entourage, se méfient de ce nouveau venu qui, hier, persécutait les chrétiens et qui, aujourd'hui, trouve que les chrétiens sont trop timides dans leurs engagements. Son cousin Barnabas, par contre, fait entièrement confiance à Paul. C'est lui qui l'a présenté aux Apôtres et à la communauté. C'est lui qui a conseillé à Paul de se retirer à Tarse, dans sa famille, en attendant le moment propice.

C'est donc dans ce milieu exceptionnel où il a grandi, et à partir de ce milieu, que Marc s'essaie, lui aussi, à être missionnaire. Car, à cette époque-là, on ne pouvait pas concevoir un chrétien qui ne soit pas missionnaire, qui ne fasse pas connaître Jésus et son message. C'est là aussi que Marc, chaque jour, entend parler des progrès de l'évangélisation. Ainsi, un jour, Barnabas rentre d'Antioche, une des plus grandes villes de l'empire romain, où il est allé en tournée d'inspection. Il en revient émerveillé et raconte à tous comment les païens deviennent en garnd nombre disciples de Jésus. Ils sont si nombreux qu'ils sont repérables dans la grande métropole et qu'on les appelle "chrétiens". Jusqu'ici, l'Eglise n'avait pas de nom. Désormais, le sobriquet va demeurer et devenir le titre de fierté des nouveaux convertis : ils sont chrétiens, c'est-à-dire "du Christ".

Et quand Barnabas propose à Marc de partir avec Paul et lui-même pour une grand tournée missionnaire, le jeune homme n'hésite pas un instant. Mais sans doute a-t-il trop présumé de ses forces. A la deuxième étape, quand on aborde les côtes de la Turquie actuelle, Marc "lâche" Paul et Barnabas et retourne chez sa mère. Là aussi, la vie n'est pas de tout repos. Il n'est pas nécessaire d'aller bien loin pour rencontrer hostilité, contradiction et persécution. Mais les communautés tiennent bon, se fortifient et même s'agrandissent. Marc, lui aussi, se fortifie. Quand Barnabas le rencontre quelques mois plus tard, Marc est un autre homme, et Barnabas décide de le reprendre avec lui pour le travail missionnaire. Mais Paul refuse : on n'a pas à s'encombrer d'un "lâcheur". Les deux apôtres s'en vont chacun de leur côté : Paul avec Sylvain en Turquie, Barnabas avec Marc à Chypre.

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On sait peu de choses sur la suite de la vie de Marc. Les documents nous manquent. Mais à travers les trois textes de Paul et de Pierre qui nous sont parvenus, on peut dire ceci :
* Quelques années plus tard, Marc se retrouve à Rome, dans l'entourage de Paul, avec qui il s'est réconcilié : Paul est en prison et envoie Marc continuer son travail missionnaire en Asie Mineure.
* Plus tard encore, Paul demande à Timothée de revenir vers lui avec Marc dont il a grand besoin.
* Enfin, à Rome, Marc retrouve Pierre, son premier "initiateur" dans la foi. Des textes très anciens nous disent que c'est là que Marc a écrit son Evangile en essayant de se souvenir dans tous les détails de tout ce que Pierre disait de Jésus, de sa vie et de son message.

(a suivre, le 10 décembre)

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