L'INTELLIGENCE DES ECRITURES
L'évangile selon saint Marc (4)
Le lion de saint Marc4 - JESUS ET SES DISCIPLES. Nous avons déjà fait deux lectures de l'évangile de Marc : une lecture "géographique", à partir des lieux où se déroule l'action ; et une lecture en fonction du drame qu'a vécu Jésus. Voici aujourd'hui une dernière lecture possible : elle va permettre de suivre les rapports qui s'instaurent entre Jésus et ses disciples, Jésus et la foule, Jésus et ses adversaires.
Le portrait de Jésus chez Marc, c'est "Jésus avec ses disciples." Mais en face il y a la foule, cette foule que Jésus aime ; il y a aussi les adversaires, aussi bien la parenté de Jésus que les chefs d'Israël. Si on lit l'Evangile de Marc en s'intéressant à ce rapport entre les personnes, on peut le voir progresser en six étapes, qui se regroupent, deux par deux, en trois grandes parties.
Première partie : Jésus et ses disciples, la foule, les adversaires.
* Première étape : Marc met en place les acteurs.
Jésus appelle les quatre premiers disciples (1, 16-26). Désormais, Jésus ne sera plus jamais seul, sauf lors de l'envoi des disciples en mission. Il commence d'ailleurs tout de suite à les former pour cette mission. Les disciples restent inactifs aux côtés de Jésus, mais lui se montre solidaire d'eux face aux critiques suscitées par leur attitude à l'égard des observances juives. (2, 18-28)
* Deuxième étape : Rupture avec les adversaires et la parenté.
Parmi les nombreux disciples (2, 15), Jésus en choisit douze qu'il appelle apôtres, c'st-à-dire envoyés (en vue de la mission 3, 13-19). L'évangile oppose désormais à Jésus et à ses disciples, d'une part la famille de Jésus, d'autre part les autorités religieuses d'Israël.
Sa famille l'attaque (3, 20-21). Jésus riposte : sa vraie famille, ce sont ceux qui font la volonté de Dieu (3, 31-35). Les autorités religieuses l'attaquent : il est possédé du démon ! Jésus riposte : Votre péché, le péché contre l'Esprit est le seul qu'on ne peut pas remettre (3, 22-30).
Jésus prend souvent à part ses disciples. Ils sont sa vraie famille. Distincts de la foule, ils sont bénéficiaires d'un enseignement particulier (4, 10-20) et ils sont témoins privilégiés de miracles étonnants (tempête apaisée, possédé de Gerasa, résurrection de la fille de Jaïre (4, 35 à 5, 43). C'est alors la rupture définitive avec Nazareth et sa parenté (6, 1-6)
Deuxième partie : une faille entre Jésus et ses disciples.
* Troisième étape : les disciples ne comprennent pas sa mission et la leur.
Les Douze sont envoyés en mission. Pendant cette mission, l'évangile ne parle plus de Jésus. Comme un intermède. L'évangile raconte le meurtre de Jean-Baptiste (6, 14-29). Les Douze reviennent. Jésus les charge de nourrir la foule. Ils sont interloqués. D'ailleurs, ils reçoivent des révélations qui les dépassent (6, 45-52 et 7, 17-23). Ils se font traiter d'abrutis, à plusieurs reprises, par Jésus (4, 13 ; 6, 52 ; 7, 18 ; 8, 14-21). Jésus fait alors des signes qui ont pour eux valeur exemplaire : il guérit un sourd-muet (7, 31-37), puis un aveugle (8, 22-26). D'ailleurs, il guérit l'aveugle progressivement, comme s'il voulait montrer tout le mal qu'il a pour ouvrir ses disciples à l'intelligence de son message.* Quatrième étape : les disciples ne comprennent pas son chemin et le leur.
Ils ne comprennent rien au chemin que Jésus veut suivre pour accomplir sa mission. Et ce chemin, celui de la croix, devra être aussi le leur. Voilà Pierre qui proclame ! "Tu es le Messie" et par trois fois Jésus va annoncer son chemin et le leur : la Passion-Résurrection (8, 31-33 ; 9, 30-32 ; 10, 32-34).
Cette annonce se heurte à l'incompréhension des disciples. Aussi, par trois fois, Jésus va leur faire des déclarations d'une rude franchise :
- Il faut, vous aussi, passer par la Croix (8, 34-38).
- Il faut vous faire petits et humbles (9, 33-37)
- Il faut être les "serviteurs" de vos frères (10, 35-45)
Mais ils restent cependant sans intelligence. De nouveau, cette étape se termine par un signe : la guérison d'un aveugle qui se met à suivre Jésus (10, 46-52)Troisième partie : Jésus et ses disciples face à ses advensaires à Jérusalem.
* Cinquième étape : Affrontement de Jésus à Jérusalem.
Tandis que Jésus affronte toute l'hostilité des autorités religieuses d'Israël, il continue à former ses disciples. Mais ceux-ci n'ont toujours pas l'air de comprendre.
Après l'épisode des vendeurs chassés du Temple, Jésus va mener un combat incessant contre tous les tenants du pouvoir juif : Grands-prêtres (11, 27-33), Pharisiens et Hérodiens ( 12, 13-17), Sadducéens (12, 18-27) scribes (12, 28-40). Mais en même temps, il prend le temps d'instruire ses disciples. Il les invite à compredre la pussance de la foi et de la prière (11, 20-25) et les avertit de la conduite à tenir en vue de l'avènement du Fils de l'homme (13, 1-37)* Sixième étape : la Passion-Résurrection.
Nous sommes maintenant à quelques heures de l'arrestation de Jésus. Il va préparer ses disciples, dans l'intimité, à accepter l'idée de sa mort. Il les éclaire sur le sens de cette mort dans l'attente du Règne de Dieu (14, 22-25). Il les prévient de leur défection et les met en garde contre la tentation (14, 26-40)
Mais ils ne sont pas assez courageux pour entendre ce langage et y adhérer. Et c'est leur fuite au moment de l'arrestation. C'est le triple reniement de Pierre. Ils n'étaient pas prêts à suivre Jésus sur le chemin. Jésus sera seul devant ses juges, comme il sera seul sur la croix.
Tout n'est pas fini cependant : l'ange annonce aux femmes que Jésus ressuscité leur donne rendez-vous en Galilée. C'est là qu'ils le "verront".oOo Ainsi, tout au long de son Evangile, Marc insiste sur la lenteur à croire, la continuelle inintelligence, les carences des disciples. La manifestation de Jésus comme Christ, Fils de Dieu, a donc été limitée par l'incompréhension des disciples. Celle-ci met en valeur le mystère de Jésus, qui est indéchiffrable hors de la foi pascale.
Et nous ? Notre foi n'est-elle pas toujours en retard sur la révélation divine ? La croix ne demeure-t-elle pas pour nous un scandale ? De même qu'il faudra aux premiers disciples l'expérience de toute une vie missionnaire après Pâques pour le "voir", de même, pour le chrétien, il ne suffit pas de dire : "Je crois en Jésus mort et ressuscité." Il faut encore apprendre à témoigner de notre foi par toute notre vie. Il faut apprendre à "suivre Jésus."
(à suivre, le 21 janvier 2003)
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