THÉOLOGIE "POUR LES NULS"

 

            

       Cette année 2013 : 
 

 MARIE

 

3e séquence : Marie de Nazareth

 

Dans les deux premières séquences de notre étude sur Marie, nous avons consulté le Nouveau Testament. Nous savons maintenant tout ce qu'il nous apprend sur Marie, la mère de Jésus. Avant de poursuivre notre étude, qui consistera essentiellement à découvrir quels développements la théologie et la spiritualité chrétiennes ont apporté à cette révélation biblique primitive, tout au long des siècles, il nous faut remettre le personnage de Marie dans son environnement historique, géographique, sociétal et culturel : qui était Marie, cette jeune femme de Nazareth, petit village de Galilée, dans les premières décennies de notre ère. Comment vivait-elle, quelles étaient ses tâches quotidiennes, sa vie en société, son style de vie familial, etc. Nous allons donc nous faire de Marie une tout autre image que celle qui nous est présentée par les tableaux de nos musées et les sculptures de nos églises.

 

I - LE VILLAGE DE NAZARETH

L'Ancien Testament ne parle pas de Nazareth. Pourtant c’est à Nazareth, petite cité de Galilée, que Jésus passa son enfance auprès de ses parents, Marie et Joseph. Nazareth était alors une bourgade sans renom et, comme le reste d'Israël, sous domination romaine ; une domination qui faisait suite à celle des généraux du fameux empereur grec, Alexandre le Grand. Les Romains étaient donc présents en Galilée à l’époque de l’Annonciation à Marie par l’archange Gabriel ; ils y demeureront, comme dans le reste d'Israël, jusqu’au milieu du IIIè siècle.

 

A l’époque de Jésus, on trouve en Galilée, appelée aussi "carrefour des nations", une société mêlée, où se côtoient essentiellement Hébreux, Grecs, Romains et même "gallo-romains" et autres ressortissants des peuples soumis à Rome. Les cultures se juxtaposent et s’interpénètrent, mais sans vraiment se mélanger.

 

La ville de Nazareth, surnommée le « jardin de la Galilée », est sise à flanc de colline un peu comme la “gardienne” ("Nasar", "En Nasirah" en arabe) de la région. Entourée d’autres collines, elle se trouve au cœur d’un pays verdoyant. Sur sa bordure ouest, le petit bourg est délimité par un oued aujourd’hui asséché. Le nom de Nazareth apparaît pour la première fois sur une plaque qui date du IVè ou du IIIè siècle avant Jésus Christ, retrouvée parmi des fragments près de Césarée Maritime (ville bâtie au Nord d'Israël par le roi juif Hérode le grand). La population de l’époque ne devait guère dépasser 150 habitants ; parmi eux Marie, Joseph, la parenté de Jésus. Les gens vivaient de la culture (vigne, oliviers, orge, blé, légumes) et de l’artisanat. Du temps de Jésus, il semble, d’après les découvertes de l’archéologie, que les habitations des villes palestiniennes et en particulier à Nazareth étaient construite en prolongement de grottes naturelles.

La maison de l'Annonciation à Marie a bien été, d’après les vestiges archéologiques, l’une de ces grottes naturelles aménagées. Un habitat semitroglodithique. En particulier, la découverte de silos domestiques où les familles conservent les produits alimentaires, le recouvrement des citernes, les petites lampes utilisées pour éclairer le fond des maisons, le recouvrement des céramiques à l’endroit de la cuisine, des traces de foyers retrouvés au pied des murs, ont donné quelques motivations pour démontrer l'authenticité de la « Maison de Marie »

Quoi qu'il en soit, c’est à Nazareth que Marie a entendu l’appel de Dieu ; c'est, ensuite, après ses fiançailles avec Joseph, toujours à Nazareth que la Sainte Famille s'installe et que Jésus a passé son enfance, son adolescence, sa jeunesse et la plus grande partie de sa vie d’adulte (environ 90% de son existence terrestre). Le fait que Marie, fiancée, ait vécu l'Annonciation dans le lieu où elle vivait avant d'habiter avec Joseph (lorsque l'ange dit à ce dernier " ne crains pas de prendre avec toi Marie ton épouse", Mt 1, 20) est non seulement conforme au récit évangélique, mais aussi à l'état des découvertes archéologiques faites à Nazareth.

Dans l'Evangile, Nazareth est appelée une ville, du grec "Polis", et non un village, du grec "Comé ", ce qui suppose déjà une certaine taille, avec quelques centaines d'habitations. Cette idée est confirmée par l'archéologie qui montre des restes du 1er siècle des alentours de la fontaine de Marie au nord, à l'ensemble des sites situés autour de la grotte de l'Annonciation, à plus de 500 m de là vers le sud, où des fouilles très intéressantes ont été réalisées.

 

Les habitations étaient souvent appuyées sur des grottes ou partiellement appuyées sur des rochers aménagés, ce qui permettaient une régulation de la température et on en retrouve de tels restes sous la Basilique de l'Annonciation, dans l'Eglise Saint Joseph voisine, près de la Synagogue de Jésus, et  juste à côté, au Tombeau du Juste, découvert au XIX° siècle chez les Sœurs de Nazareth, où semble se terminer la ville, puisque les tombeaux étaient toujours situés à l'extérieur de la partie habitée.

 

Au niveau de la topographie, les collines n'ont sans doute pas beaucoup changé dans leur forme générale, mais il y a eu aussi quelques changements car on sait que la route qui longe la basilique de l'Annonciation était jusqu'au XVIII° siècle un ravin dans lequel coulait un petit ruisseau.

 

La deuxième chose qui peut nous surprendre concerne la qualité des habitations et des objets retrouvés, qui sont la marque d'une civilisation très accomplie, raffinée, très loin des caricatures que l'on en fait souvent, en assimilant le peuple de Jésus et de Marie à des primitifs vivant dans des taudis sales et à peine construits. Au contraire, les maisons, outils, objets sculptés retrouvés à Nazareth, comme la tombe attribuée à Joseph, le Juste montrent tous une civilisation très sensible à la qualité de son environnement,

La troisième grande correction à apporter par rapport à ce qu'on imagine communément à partir de la réalité d'aujourd'hui concerne la végétation luxuriante qui devait exister à l'époque.

La Bible parle de la Galilée comme d'une contrée très verdoyante au milieu d'un pays ruisselant de lait et de miel.

L'historien juif Flavius Josèphe, en témoigne dans sa relation de la Guerre des juifs :

« La Galilée est, dans toute son étendue, grasse, riche en pâturages, plantée d'arbres variés, sa fécondité encourage même les plus paresseux à l'agriculture. Aussi le sol a-t-il été mis en valeur tout entier par les habitants : aucune parcelle n'est restée en friche. Il y a beaucoup de villes, et les bourgades mêmes sont si abondamment peuplées, grâce à la fertilité du sol, que la moindre d'entre elles compte encore quinze mille habitants » (Guerre des juifs 3,42-43)

Ce chiffre et cette description, qui étaient encore jusqu'il y a peu considérés comme très exagérés sont comme réhabilités par la découverte extraordinaire faite en 2003 à Nazareth, à l'occasion de la rénovation d'une parfumerie, de thermes romaines de grande envergure, à 4,5m en dessous du niveau du sol d'aujourd'hui, près de la Fontaine de Marie. Ces thermes, qui sont assurément de la période romaine et qui comportent même des éléments de la période hellénistique, pourraient peut-être avoir existé du temps de Jésus, même si l'hypothèse la plus probable est qu'ils datent d'après 70 ou des constructions de l'impératrice Hélène. Mais ils supposent quoiqu'il arrive, qu'il y avait de grandes forêts à proximité de Nazareth à cette époque, pour permettre le chauffage régulier de si grande quantité d'eau, et que la végétation était bien luxuriante, et très différente de ce que nous voyons aujourd'hui.
 

A Nazareth aujourd’hui, il est possible de découvrir comment on vivait il y a 2000 ans grâce à « Nazareth village », une heureuse initiative qui reconstitue les lieux et la vie quotidienne…

Il s'agit du site officiel : http://www.nazarethvillage.com/index.php. Je vous invite à l'ouvrir sur Google. Nous allons le visiter ensemble.

La cuisine

La Vierge Marie qui nous a donné « Jésus, le vrai pain du ciel », a aussi travaillé à faire le pain de la terre, avec des cuillères de bois, des plats de terre cuite, un feu dans un coin…

Et tout cela était bénédiction !

Rabbi Me’ir disait: "Chaque homme a l’obligation de dire cent bénédictions par jour" (Menahot 43b).

Grâce à la bénédiction, l’univers devient un sanctuaire immense à pénétrer et à traverser avec vénération et contemplation.

 

Le travail du charpentier

« Joseph avait la haute tâche d’élever Jésus, c’est-à-dire de le vêtir et de lui apprendre la Loi et un métier, conformément aux devoirs qui reviennent au père. »

Le métier de Joseph, c’était charpentier. Un acteur du village de Nazareth mime l’utilisation des outils d’il y a 2000 ans.

« Grâce à son atelier où il exerçait son métier en même temps que Jésus, Joseph rendit le travail humain proche du mystère de la Rédemption. »  Jean Paul II, Redemptoris Custos § 16 et 23

 

Le tissage

Les femmes filaient la laine, la coloraient de pigments naturels et tissaient. La Vierge Marie a fait ce travail durant des heures. Ce travail était une prière.

 Marie savait que Jésus était Fils de Dieu, mais il n’en manifestait pas encore la puissance. C’est pourquoi Marie vivait « une sorte de nuit de la foi - pour reprendre l’expression de saint Jean de la Croix-, comme un "voile" à travers lequel il faut approcher l’Invisible et vivre dans l’intimité du mystère »  Jean Paul II, Redemptoris Mater § 17.

 

       

 

Les rouleaux de la Torah

Jésus a appris à lire dans la Torah. La photo nous montre les jarres de terre cuite où l’on rangeait les rouleaux de la Torah.

 

Le Juif prie avec le « midrash haggadique », sorte d’exégèse spirituelle qui recherche le sens caché de la Bible pour éclairer les événements personnels et communautaires. Marie se conduit ainsi en méditant dans son cœur les événements et en les confrontant ensemble avec la Parole de Dieu pour la comprendre et la réaliser (Lc 2,19.51).

 

Lorsque l’on dit que Dieu s’est fait homme, c’est vrai aussi au plan culturel : Jésus s’est inscrit dans une culture, dans une histoire précise, et c’est ainsi qu’il a sauvé toute l’humanité : il est vrai Dieu et vrai homme pour que l’homme puisse recevoir la vie divine.

 

Nazareth, un village à la campagne

Les champs étaient en terrasse, de sorte que lorsque le semeur jette la semence, la semence tombe aussi sur les pierres de la terrasse et sur le petit chemin qui va d’une terrasse à l’autre…

C’est en contemplant ces humbles réalités que Jésus a mûri sa manière d’enseigner, un manière concrète, imagée.

 

Le pressoir

Les habitants utilisaient la roche naturelle pour faire un pressoir à raisin. Jésus a certainement participé aux vendanges locales, et à la fête des vendanges.

 

La culture de la vigne lui inspire par exemple la parabole de la vigne et des sarments : Jésus est le cep, nous sommes les sarments, si nous ne sommes pas attachés à Jésus, nous ne donnerons pas de fruits. Dieu le Père émonde les sarments qui donnent du fruit : il les purifie pour qu’ils en donnent encore plus (Jean 15).

 

        

 

Le travail des champs et le joug sur les ânes

Pour un juif, le joug, c’est le symbole de Torah et des ses commandements. L’image du joug sur les ânes inspirera Jésus lorsqu’il dira « mon joug est léger et mon fardeau est léger » (Matthieu 11, 30). Pourtant Jésus a souffert. Dans la souffrance, Dieu donne la force. C’est l’amour qui rend la vie légère.

 

Le berger

Le berger était pour Jésus une image familière qui se retrouve donc souvent dans l’évangile. Jésus s’est identifié au bon berger qui donne sa vie pour ses brebis (Jean 10). Il a aussi raconté la parabole d’un berger qui laisse 99 brebis pour aller à la recherche de la brebis perdue (Luc 15)… 

Qu'est-ce que Jésus a mangé

Dans les repas de Nazareth ont toujours été des occasions importantes. L'acte de manger et de boire ensemble forme un lien de famille, l'amitié, et de la communauté. Ce n'est pas un hasard si beaucoup d'histoires de Jésus et les plus importants des rencontres-comme la parabole du banquet de mariage, l'alimentation des cinq mille, et le dernier souper se déroulera autour d'un repas ou fêtes.

Malgré leur importance, les repas étaient assez simple et est venu que deux fois par jour. Pain, légumineuses, de l'huile et des fruits frais ou secs composée d'un repas typique.

Parmi les aliments les plus susceptibles disponibles au cours du premier siècle, Nazareth: Grains : Blé, orge, sorgho légumineuses (légumes secs): lentilles, fèves, pois chiches (impulsions étaient grillées, séchées et utilisées dans les soupes et les ragoûts ou broyés en pâtes et purées) Légumes : concombre, les oignons, l'ail, le poireau Fruits : olives, figues, raisins, melons, grenades, dattes, (fruits des sous-produits: l'huile d'olive, raisins secs, du vin, figues séchées, gâteaux de figues, sirop, miel) Noix : noix, pistaches, amandes épices : cumin, l'aneth, la cannelle, la menthe, l'hysope, la mauve, la chicorée, la moutarde, la coriandre, le sel Lait et produits laitiers par des produits : beurre, leben (lait caillé), le yogourt, le fromage et la viande liées à l'alimentation : les œufs, le poisson (salé), sous-produits de poisson (poisson saumure, sauce de poisson), de l'agneau, du bœuf (sans doute assez rare), volaille (poules, pigeons) 

Nazareth, une ville juive, suivie des lois alimentaires du Écritures hébraïques qui régissent les animaux purs et impurs. Les bovins, les moutons et les chèvres peuvent être consommés. Les porcs ont été interdits. Poisson à nageoires et des écailles ont été autorisés. Crustacés (crabes, homards, crevettes) et mollusques (palourdes, moules) ne sont pas autorisés.

II - LA VIE QUOTIDIENNE

Population et dialecte en Galilée

La plupart des habitants de la province du temps de Jésus étaient juifs, mais l’on trouvait aussi des syriens, des grecs venus après les conquêtes d’Alexandre le Grand et bien sur des romains, puisqu’à l’époque du Christ la Palestine était occupée par les soldats de Rome.

Les galiléens s’exprimaient en araméen. Ce dialecte pouvait paraître rustique aux yeux des étrangers, en particulier vis à vis de la culture grecque, adepte du raffinement. Même à Jérusalem les galiléens étaient regardés par les juifs de la capitale comme des gens frustes, "de la province". Jésus parlait araméen, et sans doute mettait-il un point d’honneur à s’exprimer dans sa langue maternelle ! Cela se retrouve dans son enseignement, lorsqu’il dénonce les hypocrites, ceux qui se croient l’élite et méprisent les autres.

Vie de famille et maison

 La prière accompagne la vie quotidienne : prière au lever, au moment de s’habiller, d’attacher ses sandales ou de se laver les mains.

La maison typique de village est une habitation grossière, faite de brique et de boue, avec une ou deux pièces. Seuls les riches, dans les grandes villes, ont des maisons en pierre et ferment leurs portes à clé. Dans les maisons typiques de la Galilée les portes, faites en bois, sont munies de gonds en cuir... Elles sont donc rarement fermées, seulement par un verrou de bois ou une barre de fer à l’intérieur. De toute façon, sauf chez les riches, les meubles et les lits sont rares et il n’y a donc pas grand chose à voler. Ce que possède une famille peut tenir dans un seul coffre.

Dans la cuisine on trouve un four, de la vaisselle en terre cuite, des ustensiles et une réserve de nourriture. On s’éclaire avec une lampe à huile.

Enfin comme la maison est dépourvue de toilettes, on se lave dans la cour où sont les animaux ou dans la rue ; cela permet à l’eau de s’évacuer sans transformer le sol de la maison en mare de boue !

Les femmes travaillent dans la cour où les enfants peuvent jouer, en compagnie des animaux : moutons et chèvres, qui sont élevés pour la viande, le lait et la laine ; on trouve aussi des poulets pour la viande et les œufs ; l’âne porte des lourds fardeaux.

La famille connaît des moments de détente où elle se retrouve autour du repas, ou même de jeux de sociétés, comme l’ancêtre de notre jeu de dames. Les jouets des enfants attestés par les archéologues sont : sifflets, hochets, animaux à roulettes, cerceaux et toupies.

Vêtements et alimentation

En Galilée les femmes filent la laine, puis la tissent. Les métiers à tisser sont larges dans la province et permettent de réaliser des vêtements d’une seule pièce.

Sur la tunique, comme la plupart des galiléens de son époque, Jésus porte un vêtement ample. C’est une espèce de cape dotée de franges. La tunique et parfois la cape sont maintenues à la taille par une ceinture de cuir ou de tissu d’environ dix centimètres de large. On peut doubler la ceinture de tissu pour l’utiliser comme bourse.

Si un homme porte une ceinture sous la tunique on la désigne du nom de pagne. Lorsqu’il remonte son vêtement entre ses jambes et le rentre dans sa ceinture, pour obtenir une plus grande liberté de mouvement on dit qu’il se ceint : "Yahvé répondit à Job du sein de la tempête et dit : Ceins tes reins comme un brave je vais t’interroger et tu m’instruiras." (Job 40,6-7)

Enfin pour compléter ce tableau, les galiléens étaient chaussés de sandales et portaient sur la tête un linge blanc qui retombait jusqu’au épaules.

Les femmes galiléennes portaient sensiblement la même tunique que les hommes mais la cape était plus grande et les franges allaient jusqu’aux pieds. En travaillant elles remontaient la cape vers la ceinture pour former un tablier ; cela pouvait être pratique pour porter de petits objets. Les femmes se couvraient également la tête avec un voile et portaient comme les hommes des sandales.

Le soin de moudre le grain pour la préparation du pain revenait aux femmes, comme celui de la traite des chèvres pour la fabrication du fromage ou du lait caillé. La farine était obtenue à l’aide d’un pilon, puis on mélangeait cette farine de base avec de l’eau, du sel et un peu de levain. Une fois la pâte à pain réalisée on l’aplatissait légèrement pour la mettre au four en argile dans la cour de la maison. Jésus se sert de cette pratique quotidienne pour comparer, dans une parabole, le royaume de Dieu "au levain qu’une femme enfouit dans trois grandes mesures de farine, jusqu’à ce que toute la pâte ait levé." (Mathieu 13,33) Il avait dû souvent observer sa mère et d’autres femmes dans ce travail.

Le repas galiléen consistait généralement en deux repas quotidiens : un déjeuner léger à emporter dans les champs ou au travail que l’on prenait au milieu de la matinée ou vers midi, et un dîner beaucoup plus conséquent composé de légumes, œufs, fromage, pain, beurre, vin, noix et fruits de saison. Parfois il était accompagné d’un poulet ou d’un gibier sauvage. On consommait rarement de la viande rouge, par contre le poisson accompagnait régulièrement les repas. Et lors des fêtes ou grandes occasions on mangeait le veau gras. Jésus ne manque pas de le souligner dans la parabole de l’enfant prodigue (Luc 15,11-32). Le père décide de festoyer et manger le veau gras pour fêter le retour du fils perdu et retrouvé .

On se lavait toujours les mains avant de prendre le repas. Cela faisait partie des ablutions rituelles avec lesquelles Jésus prend toutefois des libertés, pour ne pas se laisser enfermer dans la lettre de la loi de Moïse (Mathieu 15,20 et Luc 11,37). Mais comme la nourriture provenait d’un récipient commun pour être mangée avec les doigts, il était nécessaire de se laver les mains ; car mis à part le pain, le reste de la nourriture mijotait dans une grande marmite assaisonné d’ail, d’oignons et des nombreuses herbes aromatiques présentes en Palestine : menthe, cumin, aneth, coriandre, rue et moutarde.

Sabbat et jours saints

En plus de nombreux rites religieux liés à la vie quotidienne, les juifs avaient obligation de consacrer un jour par semaine au Seigneur : le fameux sabbat, jour de repos institué par Moïse pour rappeler le "septième jour du repos de Dieu" selon le récit de la Création rapporté dans (Genèse 2,3). Selon la loi de Moïse, le sabbat débutait chaque vendredi au coucher du soleil. Il se terminait dans le soleil couchant du lendemain, soit le samedi.

Ce rite revêtait une grande importance dans la vie hebdomadaire. Ainsi le cultivateur n’allait pas à son champ ni le commerçant au marché, l’artisan ne reprenait pas son travail et la femme dans sa maison ne s’occupait plus du linge ni des autres tâches ménagères. On travaillait donc davantage le vendredi pour tout terminer avant le sabbat : artisans, cultivateurs, éleveurs, tous veillaient à bien achever l’ouvrage de la semaine ; de leur côté les femmes nettoyaient leur maison de fond en comble, remplissaient les lampes à huiles et préparaient le repas du lendemain.

Le vendredi soir, à l’apparition de la première étoile, les villageois étaient appelés à la prière par trois sonneries de trompe en corne de bélier. Le souper consistait en des mets spécifiques et l’on bénissait le vin. D’autres prières suivait le samedi matin à la maison ou à la synagogue avec des lectures bibliques, tandis que la fin du sabbat était annoncée par une nouvelle sonnerie de trompe.

Un impôt écrasant

La population souffrait de lourds impôts établis par le gouvernement d’Hérode, mais aussi par le Temple et les princes de prêtres. A cela s’ajoutait l’impôt impérial dû à César. Il n’était pas plus important que dans les autres province romaines mais, cumulé avec ceux du Temple, la population pouvait à peine subsister avec ce qui lui restait.

Taxes sur les terres, sur les marchandises, sur les esclaves, l’impôt foncier atteignait 20 à 25% du rendement de la terre. Une partie était prélevée par les collecteurs d’impôts, des publicains, qui à l’instar de celui qui deviendra l’apôtre Mathieu, ou même Zachée avant sa conversion, versaient une somme fixe au pouvoir romain, mais sans être contrôlés de ce qu’ils gardaient pour eux. On comprend la méfiance de la population à leur égard. Les percepteurs d’impôts étaient regardés comme malhonnêtes et voleurs.

A l’impôt impérial s’ajoutait celui dû au Temple et aux princes des prêtres, dix pour cent des récoltes : la fameuse dîme. Ces "dons" obligatoires étaient accablants. Qui plus est les paysans devaient donner au Temple les "premiers fruits" de chaque récolte et le "premier-né" du troupeau pour les sacrifices. Les hommes adultes devaient également payer au temple une redevance.

Dans la mesure ou Jésus et ses voisins à Nazareth payaient tous ces impôts, il leur restait peu pour vivre de leur travail.

Terre nourricière

Les cultivateurs moyens à Nazareth possédaient environ deux à trois hectares, mais la plupart du temps les terres étaient séparées : céréales, vignes, oliviers, amandiers, figuiers, grenadiers, pistachiers, palmiers (dattiers), il fallait se déplacer d’un endroit à un autre. Dans le potager on cultivait des concombres, melons, poireaux, oignons, ail, pois et haricots. Ce sont les femmes qui allaient chercher au puits ou à la citerne l’eau nécessaire pour arroser le potager. Les arbres fruitiers étaient assez résistants à la sécheresse et demandaient peu de soins. En Galilée, au temps de Jésus, les paysans étaient majoritairement composés de petits propriétaires. Un nombre restreint de grands propriétaire existait : administrateurs romains, famille d’Hérode et princes des prêtres ; ils utilisaient des métayers et parfois des esclaves.

Les familles possédaient habituellement une chèvre ou deux pour le lait, des moutons pour la laine, un ou deux ânes (ou boeufs) pour servir comme animaux de traits. La vie du paysan dépendait de sa terre et des saisons. Gare aux pluies trop importantes, aux mauvaises herbes qui prolifèrent, aux incendies, au fléau des sauterelles ou encore au vent desséchant qui flétrit les pousses tendres.

La vie, à cette époque comme au temps d’aujourd’hui, a toujours reposé sur un équilibre précaire. Et il est difficile, nous dit Jésus, d’arracher l’ivraie sans déraciner le bon grain (Mathieu 13,24-30).

L’enseignement du Christ repose toujours sur des vérités essentielles, des vérités d’expérience...

Mieux que personne, Jésus savait lire dans le grand livre de la vie, et surtout : en récolter la substantifique moelle !

III - LA CONDITION FEMININE

 La femme juive occupait dans sa maison et près de son mari une place très supérieure même à celle qu'occupait à la même époque la matrone romaine. Il n'y avait surtout aucun rapport entre la femme orientale et la femme israélite. La femme, en Orient, a toujours été méprisée et avilie; elle l'est encore odieusement. Moïse, au contraire, lui a immédiatement donné sa vraie place dans son intérieur et au foyer domestique. Il a protégé sa faiblesse et sauvegardé ses droits. L'homme qui abuse de sa force pour outrager une femme est considéré comme un assassin dans la Loi, le séducteur d'une jeune fille lui doit une indemnité pécuniaire et le mariage si elle l'exige. L'histoire de Déborah nous montre l'influence que la femme pouvait exercer. Si elle était mariée, elle jouissait d'une grande liberté. Le chapitre du livre des Proverbes sur « la femme forte » ne peut avoir été écrit que dans un pays où l'on se faisait une haute idée de la dignité de l'épouse, de ses droits et de ses devoirs. 

La dignité de la femme nous apparaît égale à celle de l'homme. Tous deux sont créés à l'image de Dieu. Dans un passage de la Loi il est dit : « Chacun respectera sa mère et son père ». La mère est nommée ici la première; il n'y a donc aucune différence dans le respect dû par les enfants à leurs deux parents. Au premier siècle, la monogamie était fermement établie sinon par la Loi, du moins par les mœurs, et, dans la Mischna, nous lisons de bien belles paroles sur le respect dû à la femme par son mari. « L'homme doit un grand respect à sa femme, car ce n'est que par la femme que la prospérité vient à l'homme. » « Il faut aimer sa femme comme soi-même et la respecter plus que soi-même ». « Prenez garde de ne pas contrarier votre femme, car ses larmes sont toujours prêtes à couler ». Nous avons dans ces beaux préceptes un écho lointain des développements de saint Paul sur les devoirs mutuels des époux. On disait encore : « La mort d'une femme de bien est pour celui qui l'a perdue un malheur égal à la ruine de Jérusalem. » 

Ces préceptes cependant ne nous donnent pas toute la pensée des rabbins. Ils étaient très convaincus qu'au point de vue religieux, la femme était inférieure à l'homme et ils étaient loin de faire la part aussi belle à celle-là qu'à celui-ci. Les garçons étaient circoncis; à la naissance des filles il n'y avait aucune cérémonie religieuse. A douze ans, les garçons étaient menés au Temple. Aucun âge n'était indiqué pour les filles; on les y conduisait quand on le voulait. Dans l'intérieur du sanctuaire, les femmes avaient leur cour réservée derrière la place où se tenaient les hommes. L'éducation religieuse de la femme était très négligée. Certains rabbins parlaient même de ne lui en donner aucune.  « Quant à faire étudier la Loi à la femme, autant vaudrait lui enseigner l'impiété », disaient-ils, et comme il leur fallait un texte, ils  citaient la parole : « Vous enseignerez vos préceptes à vos fils »; les filles ne sont pas nommées; il n'y a pas à leur enseigner les préceptes de la Loi.

Le Talmud de Babylone met sur le même rang, parmi les fléaux du monde, «la veuve bavarde et curieuse et la vierge qui perd son temps en prières ». Le Pirké Aboth recommande de ne pas entretenir « de discours inutiles avec les femmes », et Hillel avait prononcé cette dure parole : « Les femmes conduisent aux préjugés. »

Elles vivaient, du reste, assez séparées des hommes. Ceux-ci avaient la rue, la place publique, les discussions au Temple. Les femmes restaient dans les maisons. Si les fenêtres de leur appartement donnaient sur la rue, elles étaient fermées par un grillage ou une jalousie. La femme mariée ne sortait que la tête entièrement voilée (25). Il n'était pas convenable de parler à une femme en public.

On ne la saluait même pas. Le salut de l'ange à Marie est tout à fait contraire aux usages juifs. Rabbi Samuel disait : « Il ne faut pas demander de services aux femmes et il ne faut pas les saluer », et nous voyons dans l'Evangile les disciples s'étonner de ce que Jésus parle « à une femme » avant de s'étonner de ce qu'il parle « à une Samaritaine », ce qui aurait dû leur sembler plus grave encore. « Il ne faut pas parler aux femmes sur la place, surtout pas à sa propre femme », lisons-nous encore dans les Talmuds et le Pirké Aboth recommande de ne pas « multiplier les discours avec les femmes » 

Il est positif que la femme était dispensée de tout devoir religieux revenant à jour et à heure fixes; elle n'était pas tenue d'avoir des phylactères, de réciter le schema, d'assister à la lecture de la Loi, de porter des franges a son manteau, d'entendre le son du Schoffar à la fête de Rosch Haschana et d'habiter sous la tente à celle des Tabernacles (30). Ces devoirs ne lui étaient pas interdits, mais elle en était dispensée, et, dans les synagogues, on voyait beaucoup plus d'hommes que de femmes.
Le mari pouvait imposer à la femme un travail manuel rémunérateur. Si elle était riche, elle devait au moins filer de la laine, et son mari ne devait pas la considérer comme remplissant ses devoirs si elle se bornait aux soins du ménage.

IV - MARIE, JEUNE FEMME DE NAZARETH

C'est à partir de toute cette documentation que j'ai puisée ici ou là que vous pourrez maintenant vous faire une image plus réaliste de Marie enfant, jeune fille, jeune épouse, mère de famille. C'est dans ce village de Nazareth qu'elle a vécu la plus grande partie de sa vie.

Peut-être est-elle née dans l'une de ces maisons telles qu'on vient de les décrire. L'Ecriture ne nous dit rien à ce sujet. Ce sont les textes apocryphes qui nomment ses parents, Anne et Joachim ; ce sont eux, également, qui racontent sa présentation au Temple, où elle aurait vécu son enfance : pieuse légende. En réalité vous pouvez vous représenter la petite Marie comme une gamine du village, jouant avec ses copines, apprenant très tôt à aider sa maman pour les tâches ménagères, ne connaissant rien d'une école réservée aux garçons, et dont toute l'éducation religieuse a été faite par sa maman. Sans doute ne savait-elle même pas lire : tout ce qu'elle savait, elle l'avait mémorisé par une simple transmission orale. Mais très tôt sans doute, elle avait appris à filer, à tisser, a faire le ménage et la cuisine.

A Nazareth où elle a sans doute vu le jour et où elle a grandi, elle vient d'être destinée comme épouse, par son père, au charpentier du village, Joseph. Ce n'est pas elle qui l'a choisi. Elle n'a pas eu son mot à dire, pas plus que les autres filles, dès l'âge de la puberté. On les a "fiancés", alors qu'elle n'a pas plus de quinze ans. "Promise" à Joseph, elle sait que, dans un an, il la prendra chez lui, sans autre formalité. Sa mère se charge de la préparer à cette éventualité. Il faut sans doute songer à préparer son maigre trousseau.

Survient inopinément la visite de l'ange Gabriel qui va tout bouleverser. Je ne peux mieux faire que de vous recopier ce beau texte de Pierre Griolet : il vous fera entrer dans le mystère de l'événement qui va faire basculer l'histoire de l'humanité.

" Elle devait avoir quinze ans à peine
Quand son "oui" a porté l'humanité.

Elle devait avoir quinze ans à peine
Quand l'Esprit l'a enveloppée.

A nos yeux elle n'eut été
qu'une petite Bédouine
bonne à photographier.

A nos yeux elle n'eût été
qu'une petite gamine
délaissant à peine ses jouets.

Elle devait avoir quinze ans à peine
quand l'Enfant lui fut donné

Elle devait avoir quinze ans à peine
quand Jésus fut en elle enraciné.

Nous serions passés sans la voir
ou en touristes désabusés ;
une piécette de pourboire
pour se laisser photographier.

Elle devait avoir quinze ans à peine
quand son oui est venu nous concerner.

Elle devait avoir quinze ans à peine
et Jésus Christ entrait en humanité."

(A suivre, début avril)

 

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