THEOLOGIE "POUR LES NULS"

 

CETTE ANNEE 2004 :

 

Le mystère de la Rédemption.

 

Colmar : Retable d'Issenheim

 

Résumé des premières séquences : (Toutes ces séquences sont à la page "Archives")

1 - La lutte pour la vie, contre la nature hostile, puis pour s'organiser en société. L'homme rencontre des obstacles capables de ruiner tous ses efforts. (janvier 2004)

2 - Dans cette lutte s'enracine le mal humain : essentiellement mal de la relation, né de la défiance, engendrant la jalousie et le meurtre. (février 2004)

3 - La Bible nous révèle la profondeur de ce mal : tout homme, en venant au monde, participe à cette mentalité collective, porteuse à la fois de soupçon destructeur et d'espérance constructrice (mars 2004)

4 - Jésus, par sa mort sur la croix, nous révèle tout l'amour de Dieu. Tout ce qui était à l'envers, il le remet à l'endroit. (avril 2004)

5 - Nous commençons une démarche historique : toutes les civilisations, toutes les religions présentent le salut comme une nécessité. Commençons par la Grèce et ensuite le Judaïsme. (mai 2004)

6 - Dans le Nouveau Testament, si les textes les plus anciens ne parlent guère du salut, par contre, les textes les plus récents élaborent toute une amorce du salut en Jésus Christ. (juin 2004)

7 - On parle de "justification", de "rédemption" ! Mots dont il faut préciser la signification, et dont il faut essayer de donner une traduction qui nous soit accessible aujourd'hui. (juillet 2004)

8 - Les sacrifices sont parmi les rites les plus anciens de toute l'histoire de l'humanité. On en trouve dans toutes les religions. Mais chez les Juifs (nos ancêtres dans la foi) ils avaient une tout autre signification que dans les autres religions. (août 2004)

9 - C'est toute la vie de Jésus qui est sacrifice, don de soi. Sa mort sur la croix est dans la suite logique de tous les actes d'amour de sa propre vie. ( septembre 2004)

10 - La croix, objet de scandale pour les contemporains de Jésus, devient l'instrument du triomphe du Christ sur le mal et sur la mort. (octobre 2004)

11 - Le salut consiste en une incorporation à la vie du Christ. Encore faut-il bien s'entendre sur cette expression "Vous êtes le corps du Christ."

 

12 – Aujourd’hui : Salut et Evangélisation

 

En Jésus, tout est accompli. Et cependant, tout reste à faire. Tout homme est concerné par le salut en Jésus Christ. Mais chacun de nous est invité à accueillir ce salut offert, et donc à nous incorporer au Christ dans son mouvement vers le Père. Il s’agit d’une adhésion libre, par la foi et les sacrements de la foi. Voilà la Bonne Nouvelle que nous avons à transmettre.

Dans l’Eglise, les pratiques pastorales, les façons de vivre et de concevoir l’évangélisation sont diverses ; et même parfois elles s’opposent. Chacune d’elles semble bien être en lien avec une certaine compréhension du salut. On peut, en schématisant légèrement, distinguer plusieurs courants.

1 – Sauver le monde.

Depuis la fin du XIXe siècle et pendant une grande partie du XXe, travailler pour le salut, c‘est essentiellement travailler à la propagation de la foi. Le catéchisme expliquait d’ailleurs qu’il s’agissait de transmettre les vérités que Jésus Christ nous a enseignées, les secours qu’il nous a préparés, en particulier la prière et les sacrements, et les commandements qu’il nous a donnés.

Le salut est envisagé comme un sauvetage, une urgence qui relève de notre responsabilité. Dans un monde qui se perd, il faut, d’urgence, propager la doctrine et la morale chrétiennes. On baptise les enfants le plus tôt possible après leur naissance, car le baptême est essentiellement considéré comme un sauvetage : on veut arracher l’enfant au pouvoir du mal.

Il y a en effet deux camps, et le salut ne peut se vivre que dans un combat ; le salut, c’est la victoire sur le mal. Aussi, il faut préserver les baptisés des agressions du monde. Cette conception est liée à la conception qu’on se fait de la société . On veut instaurer la chrétienté, une société où les croyants s’organisent entre eux pour être autant que possible à l’abri des assauts du monde. D’où une floraison d’institutions catholiques, crèches, écoles, patronages, syndicats, cliniques et hospices, qui prennent en charge l’individu de la naissance à la mort. Dans la même optique, ceux qui sont appelés à devenir prêtres ou religieuses sont maintenus dans une double distance, et vis-à-vis des fidèles, et vis-à-vis du monde. Ils sont des « séparés » pour être préservés ( ?)

Missionnaires.

Et, dans le même temps, cette « chrétienté » est fortement travaillée par une générosité missionnaire, dont nous récoltons encore aujourd’hui le fruits. La question, c’est : comment atteindre « les autres » ? On parle d’un mur qui sépare l’Eglise de couches entières de la société. Il y a le mur de l’incroyance, certes, mais il y a aussi un mur érigé par l’Eglise elle-même. Si bien que la mission apparaît un peu comme ces sorties qu’on tente depuis une forteresse. Ou encore un délègue, on « mandate » ceux qui sont en contacts nécessaire avec cette société, de par leur travail notamment : les laïcs. Les premières intuitions de l’Acton Catholique reflètent bien ce souci de rejoindre ceux avec lesquels les clercs ont perdu tout contact. Le pape Pie XI insiste particulièrement sur cet aspect. Il écrit, el 1929 : « le clergé actuel ne suffit malheureusement plus aux besoins de notre temps…Des groupes entiers se sont délibérément soustraits à son influence, masses auxquelles ne parviennent même pas sa voix et ses exhortations. Aussi est-il nécessaire que tous se fassent apôtres ; que le laïcat ne se cantonne pas dans une indifférence boudeuse, mais prenne sa part dans la lutte sacrée. ». Il s’agit donc d’une conception de l’Eglise, dans laquelle l’évangélisation se fait par la catéchèse et les sacrements, et dont on sort pour aller annoncer la Bonne Nouvelle aux autres et les amener à entrer dans l’Eglise. L’Eglise est un peu comme une arche de Noé, avec cette différence que ceux qui sont dans l’arche essaient de pêcher, de repêche ceux qui risquent de se noyer.

Hors de l’Eglise ?

« Hors de l’Eglise, pas de salut ». Mais alors, pourquoi dire que Jésus a donné sa vie « pour le salut du monde » ? En fait, on a souvent mal compris l’adage de saint Augustin. Pourtant, les Pères de l‘Eglise ont toujours bien précisé qu’il ne s’adressait qu’aux chrétiens qui quittaient l’Eglise, et non pas à tous les non-chrétiens. Origène écrit, par exemple : « Hors de cette maison, c’est-à-dire l’Eglise, personne n’est sauvé. Si quelqu’un en sort, il se rend coupable de sa propre mort. » Et saint Cyprien : « Qui se sépare de l’Eglise et se joint à un adultère se sépare des promesse de l’Eglise… Il ne peut avoir Dieu pour Père celui qui n’a pas l’Eglise pour mère. » En réalité il s’agit d’une mise en garde adressée à tous ceux qui veulent se constituer en sectes hors de la « grande Eglise ». Il n’est donc pas question de rejeter la grande masse des non-chrétiens.

2 – Vivre l’Incarnation.

« Nous referons chrétiens nos frères. » A partir des années 50, on se rend compte que cela n’a pas tellement réussi, que la problématique est tout autres, et qu’il faut abandonner cette perspective d’une Eglise-citadelle (assiégée ou conquérante), et donc laisser tomber un vocabulaire militaire. On va prendre le vocabulaire de l’Incarnation. Les chrétiens semblent redécouvrir la fraternité universelle.

Se faire proche.

On constate d’ailleurs qu’il n’y a pas tant « déchristianisation » que « non-christianisation » de classes entières de la société. C’est le choc de « France, pays de mission », le livre de Godin qui parait en 1943. Tout alors, dans l’Eglise de France, veut devenir missionnaire : paroisse communauté missionnaire, missionnaires du travail, mission de Paris, mission de France, frères missionnaires des campagnes… et bientôt, les prêtres-ouvriers qui franchissent les barrières pour rejoindre ceux que l’Evangile n’atteignait plus. La volonté de tous est de se faire proches, « au plus près des plus loin».

Le modèle, la référence, c’est l’Incarnation du Christ. Paul parlait du Christ, « lui qui s’est fait pauvre pour vous enrichir de sa pauvreté » : on retient le premier membre de phrase : il s’est fait pauvre. De même, relisant Philippiens 2, 6-8, on ne retient que la première partie de l’hymne : le Christ devenant semblable aux hommes, se dépouillant même (pour certains) de sa condition divine. On insiste moins sur le second mouvement : l’exaltation de Jésus, le dynamisme dans lequel il nous entraîne.

C’est ainsi qu’on voit l’Eglise, enfouie « au cœur des masses », pour être la présence même silencieuse d’un salut. Un salut qui se vit comme par contagion. Nous avons là la source d’une nouvelle catéchèse, d’une nouvelle pastorale, d’une conception du ministère : l’importance d’être là, d’être « avec ». L’Eglise doit « aller au monde ». C’est même une sorte de naissance. Toute l’Eglise se fait mouvement : il ne s’agit plus seulement d’accueillir, d’inviter, mais « d’aller vers ». « N’ayons pas peur de vivre au monde, Dieu nous a devancés », dit un cantique. Au nom de l’Incarnation, l’Eglise exorcise sa peur du monde.

L’Incarnation est la clé de l’histoire. C’est un dynamisme qu’il faut prolonger. On parle de « mettre Jésus dans notre vie », « d’incarner notre foi ». On va de la foi à la vie ; plus tard on ira de la vie (du travail ou du politique) à la foi.

Dieu avec nous.

Dieu se fait proche, un peu comme le Samaritain qui s’approche de l’homme blessé. On semble partir de l’idée d’une distance qu’il faudrait combler. La distance de l’Eglise par rapport au monde est vécue comme une distance de Dieu lui-même, une distance qu’il vient combler ; il y a eu une première alliance, puis aujourd’hui une deuxième. Le Dieu transcendant est devenu l’Emmanuel, Dieu avec nous.

Cette pratique de la proximité peut aller jusqu’à une volonté d’enfouissement. De la discrétion, on passera au silence, de la sympathie à l’identification, au risque que n’apparaisse plus la différence chrétienne, ni l’objectif de cette présence : Dieu s’est fait homme, non pour se perdre avec nous, mais pour nous sauver en lui. Une des dérives de ce courant ira jusqu’aux théologies de « la mort de Dieu » dans les années 60 aux Etats-Unis. « Dieu est mort en Jésus-Christ » n’est plus alors sa présence aimante, mais son absence.

3 – Discerner le Ressuscité.

Et voilà qu’à partir des années 70 commence à s’opérer une sorte de retournement, du moins en Occident. On prend conscience du fait que les chrétiens sont minoritaires sur la planète, que les réalités démographiques sont là, pour nous conduire à une visée plus globale de la situation. Des continents entiers, ceux qui prennent le plus de poids dans l’équilibre mondial, restent largement étrangers à l’Evangile.

Dieu nous précède.

En même temps, devant cet échec relatif de la mission, les chrétiens refusent la mauvaise conscience. Le Christ est plus grand que son Eglise. D’où un changement de regard sur le monde dans son rapport au Christ. Ce monde n’est pas seulement un monde à conquérir, ni même à sauver comme si c’était notre tâche, mais un monde qui est le fruit de la Création divine, le lieu de l’incarnation, l’enjeu de la Rédemption. Une rédemption qui est à l’œuvre réellement, objectivement, et qui nous précède.

Karl Rahner, dans son livre « Mission et Grâce », exprime cela très bien lorsqu’il écrit, par exemple : « Toute transmission du christianisme est la transmission de quelque chose qui est déjà dans l’intime de l’homme de manière vitale. » Effectivement, nous croyons que l’homme n’est pleinement lui-même que lorsqu’il s’ouvre au don de Dieu. Jean-Paul II, à la suite du Concile, parlera de « salut intégral », « d’humanisme authentique », de « pleine vérité de l’homme. » L’homme ne se comprend qu’à la lumière du projet de Dieu de se faire homme en Jésus Christ. Urs von Balthasar écrit que « Dieu fait de l’homme son alphabet ». Dieu se dit avec une vie d’homme, avec ce que nous sommes. Personne donc n’est étranger au Christ.

Le discernement.

Cette théologie nouvelle du salut est à l’origine d’une sorte de retournement dans la démarche des mouvements d’Action Catholique en France. Plutôt que de vouloir « faire pénétrer les principes chrétiens dans les institutions et les mœurs », comme le préconisait Pie XII, on passe à une volonté de discernement dans une vie avec d’autres : reconnaître, accueillir, célébrer les signes de Dieu, l’œuvre de son Esprit au cœur des hommes. L’Eglise est le lieu de ce discernement. Elle n’est pas l’arche de Noé, le seul lieu de salut ; elle en est la visibilité, le sacrement. Elle est le lieu où ce salut peut être accueilli et célébré.

Cette intuition a marqué la génération des catéchismes qui ont paru en France dès les années 70 (Amis de Dieu, par exemple) où la préoccupation de « partir de la vie » des enfants n’est pas seulement un moyen pédagogique, mais la conviction que dans l’existence des enfants, dans ce qu’ils vivent entre eux, il y a quelque chose qui n’est pas neutre par rapport à l’Evangile ; il y a déjà là tout un travail de l’Esprit qu’il leur faut apprendre à reconnaître et qui est condition de possibilité pour que la Parole puisse prendre corps dans leur vie. Les parents ont du mal à comprendre cette démarche, où ils ont l’impression qu’on n’apprend rien aux enfants.

A la base de cette annonce du salut en Jésus Christ, il a la « foi en une présence salvifique universelle prévenante » du Christ ressuscité au cœur de tout homme. Non pas l’affirmation du salut de tous, mais un regard de foi et d’espérance sur le monde pour y reconnaître, plus radicalement que tous nos refus et nos péchés, l’œuvre de Dieu qui sauve.

Vatican II

Telle est la théologie du concile. L’Eglise, contemplant en Jésus Christ la vocation intégrale de l’homme, doit regarder avec discernement ce monde dont elle fait partie. C’est là qu’on trouve la véritable rupture avec le jansénisme qui avait tellement marqué notre Occident chrétien. C’est clair dans cette déclaration : « Puisque le Christ est mort pour tous et que la vocation dernière de l’homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir que l’Esprit Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’être associé au mystère pascal. » L’enjeu est bien là : un monde, lieu de perdition, auquel l’Eglise risque de « se rendre », ou un monde travaillé par l’Esprit, au cœur même de ses pesanteurs et de ses refus. C’est là, dans cette volonté de reconnaître un Christ enfin plus grand que le projet des Eglises, que se trouve la source des affirmations conciliaires sur la liberté religieuse ou sur l’œcuménisme.

4 – Partager.

Sans rien perdre de l’espérance de Vatican II, il semble que nos communautés sont aujourd’hui plus marquées par le réalisme et par l’humilité. Là encore, les événements se chargent de nous convertir.

Chercher ensemble.

Certaines communautés même, aujourd’hui, vont jusqu’à récuser l’idée de « mission » en se démarquant à la fois de la catéchèse traditionnelle et de l’Action Catholique. Ainsi, certaines communautés dites « de base », visent moins à annoncer Jésus Christ, à le découvrir au cœur de la réalité humaine, ou à discerner le travail de l’Esprit, qu’à s’interroger fondamentalement sur Jésus Christ lui-même et à remettre en cause le contenu même de la foi. On y conteste un certain impérialisme de la mission. L’important n’est pas d’exporter la foi, mais de vivre entre nous Jésus Christ et d’essayer de nous le dire, tout en respectant ce que vivent les autres. L’essentiel n’est pas la mission, mais la communion entre frères. Peut-être cette communion sera-t-elle appelante pour les autres.

Sans aller jusque là, beaucoup de communautés chrétiennes aujourd’hui, paroisses, mouvements, groupements spirituels se sentent moins portées à proclamer ce qu’elles savent qu’à chercher ce qu’elles pressentent. Et si on invite des non chrétiens, c’est pour une recherche commune. On se fait « chercheurs de Dieu ». Certes, l’Ecriture, la Tradition restent des repères. Mais on est surtout soucieux du chemin, des « avancées ». Les chrétiens, ensemble, se font itinérants, pèlerins, et même catéchumènes, car beaucoup se rendent compte qu’ils n’ont pas fini de ratifier leur baptême.

Dès lors, le salut n’apparaît pas comme un seuil à franchir, avec des gens qui sont au-delà et d’autres en deçà. Il ne relève plus de la performance morale, d’une sorte de réussite personnelle. Il redevient itinéraire : c’est un Autre qui prend l’initiative de nous entraîner et de nous accompagner. Le Christ n’est plus le Pantocrator des basiliques byzantines, mais le Jésus de Nazareth, le compagnon tout proche, marchant vers son destin, qui a le souci d’initier progressivement ses disciples, dans un chemin ardu. Un Christ pédagogue, qui nous ouvre à l’intelligence des Ecritures. Un Christ lui-même inséré dans une culture donnée, un peuple, une histoire. Plus qu’à ses paroles, on s’intéresse à ses gestes, ses attitudes, ses comportements.

Ce retour au réalisme de l’Incarnation vient de façon opportune corriger ce qui aurait pu être un excès du courant précédent. On évite ainsi une gnose, une connaissance abstraite, la traduction religieuse de la vérité de l’homme. La Résurrection est salut, non pas parce qu’elles est symbole de tout homme surmontant l’adversité, mais parce qu’elles est inscrite dans un événement unique de l’histoire : la mort et la résurrection de Jésus.

Pour les disciples de Jésus, l’évangélisation devient rencontre, accueil, dialogue. L’autre existe dans sa différence. Pas question de l’annexer, de le récupérer. Il s’agit de l’entendre, d’accueillir sa part de vérité, si partielle qu’elle soit. Une sorte de réciprocité s’instaure où, sans rien renier de la vérité qui le fait vivre, celui qui était parti pour évangéliser se retrouve lui-même enrichi et renouvelé. Laisser exister l’autre dans sa différence peut être un chemin vers Dieu. Au point qu’à la limite certains en viendront à n’insister que sur la communication, quel qu’en soit le contenu. Le salut ne serait alors que la relation qui s’instaure et qui me libère.

La nouveauté chrétienne.

Mais précisément, cette dynamique du dialogue et du partage mène plus loin. Le souci de rencontrer l’autre dans son altérité nous pousse à manifester notre propre identité. Le Christ est dialogue avec chacun d’entre nous parce qu’il ne s’identifie avec aucun de nous. Quand il se manifeste, il ne peut être que radicale nouveauté. Même s’il est attendu, il ne peut être qu’inespéré. Il se présente toujours comme l’Etranger.

C’est l’expérience de tout converti. Certes il peut dire comme Jacob à Béthel : « Le Seigneur était là et je ne le savais pas. » Mais pourtant quelque chose d’inattendu et d’absolument nouveau lui est advenu. Une relation s’est instaurée. Beaucoup plus qu’une prise de conscience. Une possibilité de dialogue. Accepter d’exister par l’Autre. C’est une nouvelle naissance. L’homme s’ouvre, comme fils dans le Fils, à la vie même de Dieu.

La joie du Père.

Bien sûr, parler de la joie du Père, c’est un anthropomorphisme. Mais dans l’Evangile, les paraboles de la miséricorde divine sont d’abord des paraboles de la joie de Dieu. Et lorsqu Jésus dit à Zachée : « Aujourd‘hui le salut est venu dans cette maison », c’est, certes, un événement pour Zachée et tous les siens, mais c’est aussi un événement pour Jésus, un accomplissement. Et certainement aussi pour le Dieu dont Jésus incarne la présence, dont il se veut le geste et le visage. Le salut, ce n’est pas seulement l’homme qui s’ouvre à la Vie. C’est aussi permettre à Dieu en nous d’être pleinement lui-même, celui qui aime et qui sauve, celui qui relève et qui res-suscite, celui qui crée et qui fait vivre. Celui que nous nommons Père, c’est-à-dire celui qui trouve sa joie en donnant vie.

FIN

(Ces diverses séquences se sont largement inspirées, entre autres, d‘une série d’articles rédigés par Jean-Noël Bezançon et intitulés « Sauvés en Jésus-Christ »)

 

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