Colmar : Retable d'Issenheim6e séquence : Le Nouveau Testament ! ( juin 2004 ) Résumé des premières séquences :
1 - La lutte pour la vie, contre la nature hostile, puis pour s'organiser en société. L'homme rencontre des obstacles capables de ruiner tous ses efforts. (janvier 2004)
2 - Dans cette lutte s'enracine le mal humain : essentiellement mal de la relation, né de la défiance, engendrant la jalousie et le meurtre. (février 2004)
3 - La Bible nous révèle la profondeur de ce mal : tout homme, en venant au monde, participe à cette mentalité collective, porteuse à la fois de soupçon destructeur et d'espérance constructrice (mars 2004)
4 - Jésus, par sa mort sur la croix, nous révèle tout l'amour de Dieu. Tout ce qui était à l'envers, il le remet à l'endroit. (avril 2004)
5 - Nous commençons une démarche historique : toutes les civilisations, toutes les religions présentent le salut comme une nécessité. Commençons par la Grèce et ensuite le Judaïsme. (mai 2004)
6-JESUS SAUVEUR On se heurte de prime abord à quelques problèmes quand on essaie de dégager la doctrine du salut dans le Nouveau Testament. Sans doute, à plusieurs reprises, Jésus est désigné comme Sauveur. Mais tous les passages qui le désignent ainsi sont les plus récents : dernières épîtres de Paul, évangile de l'enfance chez Luc, et évangile de Jean. Dans le reste des évangiles de Matthieu, Marc, Luc, il n'y en a pas trace. D'autre part, je vous disais que la religion grecque populaire attribuait ce titre de sauveur non seulement aux dieux, mais aux princes. Titre souvent lié à l'idée de manifestation.
Or, curieusement, on rencontre le même lien (Sauveur-manifesté) pour parler du Christ, dans les épîtres pastorales. Ainsi dans l'épître à Tite : "En attendant la glorieuse manifestation de notre grand Dieu et Sauveur le Christ Jésus (2, 13). Voir également la 2e épître à Timothée : " Dieu nous a manifesté (cette grâce) par l'apparition de notre Sauveur Jésus-Christ" ( 1, 10) Sans doute y a-t-il eu influence du paganisme sur la pensée de Paul.
Mais l'originalité du Nouveau Testament, notamment dans la pensée de Paul, n'est pas là. Elle est sur deux points essentiels : d'une part le titre de Sauveur est donné dans une perspective eschatologique ; d'autre part, Paul le fait dans un contexte de rédemption : Jésus est dit "sauveur" parce qu'il s'est livré en personne pour nous, afin de mieux racheter nos péchés. Nous allons regarder cela d'un peu plus près.
1 - La révélation du salut.
A - Jésus sauveur des hommes.
* C'est d'abord par des actes significatifs que Jésus se révèle comme sauveur. Il sauve les malades en les guérissant ; il sauve Pierre marchant sur les eaux et les disciples pris dans la tempête. L'essentiel est de croire en lui : c'est leur foi qui sauve les malades, et les disciples se voient reprocher d'avoir douté. Il y a d'abord cela. Mais il faut regarder plus profond, plus loin que le salut corporel. Jésus apporte un salut bien plus important : la pécheresse est sauvée parce qu'il lui remet ses péchés, et le salut entre dans la maison de Zachée. Pour être sauvé, il faut donc accueillir avec foi la bonne nouvelle du Royaume. Quant à Jésus, le salut est le but de sa vie : il est venu "chercher et sauver ce qui était perdu", "sauver le monde, et non pas le condamner". S'il parle, c'est pour sauver les hommes. Il est la Porte : celui qui entre par lui sera sauvé.
* Donc, le salut des hommes est la grande affaire. Le péché les met en danger de perdition. Satan est là, prêt à tout tenter pour les perdre et pour empêcher qu'ils soient sauvés. Ce sont des brebis perdues, mais Jésus a justement été envoyé pour elles. Mais le salut n'est pas automatique : il faut en saisir la chance, l'accueillir, sinon, on est perdu. C'est pourquoi il est indispensable de se convertir, de se retourner. Il s'agit d'entrer par la porte étroite, puis persévérer jusqu'à la fin. "Mais alors, qui sera sauvé ?", demandent les disciples. Effectivement, répond Jésus, aux hommes c'est impossible, mais pas à Dieu. Finalement le salut qu'offre Jésus se présente sous la forme d'un paradoxe : Qui veut sauver sa vie la perdra, qui accepte de se perdre se sauvera pour la vie éternelle. Telle est la loi, et Jésus s'y soumet lui-même : lui qui a sauvé les autres, il ne se sauve pas lui-même à l'heure de la croix. Le Père pourrait certes le sauver de la mort, mais c'est pour cette heure-là qu'il est venu ici-bas. Qui cherchera le salut dans la foi en lui, devra donc le suivre jusque là.
B - L'Évangile du salut.
* Après la résurrection et la Pentecôte, le message de la communauté apostolique a pour objet le salut réalisé selon les Ecritures. Par sa résurrection, Jésus a été établi "chef et Sauveur" (Actes 5, 31). Les miracles qu'opèrent les apôtres confirment le message : des malades sont guéris par le Nom de Jésus, ce qui prouve qu'il n'y a "aucun autre Nom par lequel nous pourrions être sauvés". L'Évangile, c'est "la Parole du Salut", adressée d'abord aux Juifs, puis aux autres nations. En retour, les hommes sont invités à croire "pour se sauver de cette génération dévoyée". La condition du salut, c'est la foi en Jésus Christ, l'invocation de son Nom. Juifs et païens sont, à cet égard, en position identique. Ils ne se sauvent pas par eux-mêmes : c'est la grâce du Seigneur Jésus qui les sauve. Les Apôtres apportent donc aux hommes l'unique "voie du salut".
* Cette importance du thème du salut dans la prédication primitive explique que les évangélistes Matthieu et Luc aient voulu souligner dès l'enfance de Jésus son futur rôle de Sauveur. Matthieu met ce rôle en rapport avec son nom, qui signifie "Yahweh sauve" (Matthieu 1, 21). Luc lui donne le titre de Sauveur (Luc 2, 11) : rappelez-vous le chant de Zacharie qui salue l'aube prochaine du salut promis par les prophètes. Ensuite, c'est le vieillard Syméon qui accueille l'enfant Jésus : "Mes yeux ont vu ton Salut, que tu as préparé pour tous les peuples, dit-il à Dieu. C'est la lumière pour éclairer les nations païennes et la gloire de ton peuple Israël." Enfin Jean Baptiste préparera les voies du Seigneur pour que "toute chair voie le Salut de Dieu" (3, 2-6). Cette manifestation du salut culminera dans la croix et la résurrection.
2 - Une théologie du salut.
Bien que les écrits du Nouveau testament recourent à un vocabulaire varié pour décrire l'oeuvre rédemptrice de Jésus, on peut essayer une synthèse de doctrine chrétienne autour de l'idée de salut.
A - Sens de la vie du Christ
"Dieu veut le salut de tous les hommes" (1 Timothée 2, 4). C'est pourquoi il a envoyé son Fils comme Sauveur du monde (1 Jean 4, 14). Ainsi est apparue "la gracieuse bonté de Dieu à notre égard". Par sa mort et sa résurrection, le Christ est devenu pour nous "principe de salut éternel" (Hébreux 5, 9) , Sauveur du Corps qui est l'Église (Ephésiens 5, 23). Le titre de Sauveur convient aussi bien au Père qu'à Jésus. C'est pourquoi l'Evangile qui rapporte tous ces faits est une "force de Dieu pour le salut de tout croyant" (Romains 1, 16) En l'annonçant, l'apôtre n'a pas d'autre but que le salut des hommes, qu'il s'agisse des païens ou des Juifs.
B - Sens de la vie chrétienne.
Une fois l'Évangile proposé aux hommes par la parole des apôtres, ceux-ci ont un choix à faire, qui déterminera leur sort : le salut ou la perte, la vie ou la mort. Ceux qui croient et confessent leur foi sont sauvés, leur foi étant d'ailleurs scellée par la réception du baptême qui est une véritable expérience du salut. Dieu les sauve par pure miséricorde, sans tenir compte de leurs oeuvres, par pure grâce, en leur donnant l'Esprit-Saint. A partir de ce moment, le chrétien doit garder avec fidélité la Parole qui peut sauver son âme ; il doit nourrir sa foi pare la connaissance des Ecritures, et la faire fructifier en bonnes oeuvres. Il doit travailler "avec crainte et tremblement" à accomplir son salut. Cela suppose un exercice constant des vertus salutaires (1 Thessaloniciens 5, 8), grâce auxquelles il croîtra en vue du salut. Aucune négligence n'est permise. Le salut s'offre à chaque instant de la vie, "c'est maintenant le jour du salut."
C - L'attente du salut final.
Nous sommes pleinement justifies, et cependant, nous ne sommes pourtant encore sauvés qu'en espérance. Dieu nous a réservés pour le salut, mais il s'agit d'un héritage qui ne se révélera qu'au temps du temps. L'effort de la vie chrétienne s'impose parce que chaque jour qui passe le rapproche de nous. Le Salut, au sens fort du terme, est donc à considérer dans la perspective eschatologique du Jour du Seigneur. Déjà réconciliés à Dieu par la mort de son Fils et justifiés par son sang, nous serons alors sauvés par lui de la Colère (Romains 5, 9). Aussi attendons-nous cette manifestation finale du Sauveur qui achèvera son oeuvre en transformant notre corps. C'est en cela que notre salut est objet d'espérance. Alors nous serons sauvés de la maladie, de la souffrance,, de la mort. Tous les maux dont nous demandions dans les psaumes à être délivrés, et dont Jésus, par ses miracles, nous délivrait, seront définitivement abolis. L'accomplissement d'une telle oeuvre sera la victoire par excellence de Dieu et du Christ.
(à suivre, début juillet 2004)
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