"Une foule immense de toutes nations"
FETE DE TOUS LES SAINTS
Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 5, 1-12a)
En ce temps-là, voyant les foules, Jésus gravit la montagne.
Il s’assit, et ses disciples s’approchèrent de lui.
Alors, ouvrant la bouche, il les enseignait. Il disait :
« Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des Cieux est à eux.
Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés.
Heureux les doux, car ils recevront la terre en héritage.
Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés.
Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde.
Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu.
Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu.
Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des Cieux est à eux.
Heureux êtes-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute
et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi.
Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse,
car votre récompense est grande dans les cieux ! »oOo
Comme des dieux
Un des rêves, un des désirs qui sont inscrits le plus profondément au cœur de tout homme, c'est le désir d'être «comme Dieu». Rappelez-vous la vieille histoire qui se trouve au chapitre troisième du livre de la Genèse, comme une vieille légende qui n'a jamais cessé d'inquiéter le cœur de l'homme et de raviver son désir. C'est l'histoire du premier homme et de la première femme à qui le serpent vient dire un jour : «Mangez du fruit défendu ! Vous serez comme des dieux !» En cela, la tentation rejoignait ce qu'il y a de plus profond au cœur de l'homme. Tous, nous avons, aujourd'hui même, le désir d'être comme des dieux, c'est-à-dire de tout savoir, d'être éternellement jeunes, d'avoir toutes sortes de pouvoirs. Ce qui veut dire, concrètement, de nous faire, à la force du poignet, par tous les moyens, plus grands que les autres, plus forts que les autres. Cela veut dire : chercher des pouvoirs, sur le plan politique ou sur le plan professionnel, ou sur le plan familial. Et cela, même s'il faut écraser le voisin...
Désir de ressembler à l'image de Dieu que nous portons en nous. Non pas le Dieu de la Bible, mais ces divinités inventées par les hommes depuis le début du monde : divinités toutes-puissantes, qui dominent tout, qui tirent toutes les ficelles, qui ont tous les pouvoirs.
Un Dieu saint
On oublie qu'une grande part de la révélation que Dieu nous fait de ce qu'il est, à travers toute la Bible, ce n'est pas cela. Il y a un mot qui revient très souvent pour dire Dieu, un mot dont on voit se développer l'usage, surtout dans les livres prophétiques, c'est le mot «Saint». Evidemment, pour nous qui entendons ce mot aujourd'hui, ce mot ne dit pas grand chose. Pour nous, est saint celui qui prie, celui qui est bien-pensant. Mais si nous retrouvons l'étymologie du mot «saint», nous découvrons que le Saint, c'est le Tout-Autre, l'inimaginable. Tout-Autre que les divinités adorées chez les autres peuples. Et inimaginable, c'est-à-dire totalement différent de tout ce que les hommes ont pu imaginer quand ils pensent à Dieu. Tu ne peux imaginer qui il est, et surtout, «tu ne feras pas d'images de lui».
C'est très bien, mais c'est une description négative de Dieu. Je sais ce qu'il n'est pas. Mais qui me dira qui il est ? Eh bien, voici que Jésus, dont Saint Paul me dit qu'il est «l'image visible du Dieu invisible», Jésus nous dit : «Tu veux savoir qui est Dieu ? Regarde-moi. Tu auras la seule image vraie de Dieu, mon Père. Regarde-moi vivre et tu sauras. Dieu n'est pas le dieu qui brandit la foudre, comme le Jupiter des Romains, mais il est le «pauvre de cœur» qui se fait le serviteur de tous. Il est un Dieu doux («Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur»). Un Dieu compatissant. Un Dieu qui veut la paix et la justice en ce monde...
Jésus, annonçant le sens de sa mission dans la synagogue de Capharnaüm, le fait en reprenant les termes de la prophétie d'Isaïe : «L’Esprit du Seigneur est sur moi : il m'a envoyé annoncer une bonne nouvelle aux pauvres, dire aux captifs qu'ils vont être libérés, aux aveugles qu'ils vont voir...annoncer une année de grâce pour tout le monde». On ne peut savoir qui est Dieu que si on le décrit en termes de libération.
Ce Dieu-Saint, le Tout-Autre, nous appelle tous à la sainteté. Qu'est-ce que cela veut dire ?
Tous saints
Tout au long des âges, on s'est fait un certain nombre d'images-types du «saint». Aujourd'hui encore, on a un certain nombre de modèles de sainteté : il y a des saints qui sont à la mode et d'autres qui sont passés de mode. Or, ce que je constate, à travers toute l'histoire de l'Eglise, c'est qu'il n'y a pas deux saints qui se ressemblent. Chacun a gardé et amplifié sa propre personnalité. Il n'y a pas un moule, ni un modèle unique. Alors, quand on me dit : «Pour être un saint, il faut travailler à faire un monde plus juste et plus humain», je réponds : «D'accord ! Mais ce n'est pas l'unique chemin de la sainteté». Et si on me dit : «Pour être un saint, il faut prier beaucoup, aller à la messe le dimanche...», je dis : «D'accord, mais ce n'est pas non plus l'unique chemin». Je dirais plutôt : «Tu veux être un saint ? Regarde Jésus-Christ. Tu auras un certain nombre de pistes différentes. Lui les a toutes mises en œuvre, mais c'était Jésus, le «Saint de Dieu» ! Toi, il suffira que tu suives une seule piste.
Tu peux vivre la pauvreté de cœur, comme Jésus...tu peux imiter sa douceur...tu peux travailler à la paix...Suis une seule piste, celle qui te convient. Tu deviendras un saint. Il y a aujourd'hui des saints nombreux sur la terre. Ce sont ceux qui, effectivement, travaillent à faire un monde plus humain, plus vivable. Pour qu'il n'y ait plus la moitié de l'humanité qui souffre de la faim. Et il y a des saints qui travaillent à faire la paix, déjà tout près d'eux. Et il y en a d'autres qui brillent par leur miséricorde, c'est-à-dire qui savent ouvrir leur cœur à toute misère, sans jamais passer indifférents. Vous voyez : autant de pistes différentes, mais il y a quelque chose qui est commun à toutes ces pistes. C'est qu'à l'image du Dieu Tout-Autre, du Dieu totalement différent de ce qu'on peut imaginer, le Chrétien qui veut marcher sur le chemin de la sainteté sera un homme «différent».
Ce qui ne veut pas dire, bien sûr, que nous devons nous comporter comme des originaux, des excentriques, dans nos manières de vivre ou de nous habiller. Mais nous vivons dans un monde de conformisme, où «l'ennui naquit un jour de l'uniformité». Soumis à la pression incroyable de la propagande et de la publicité, il nous faudrait redevenir des «libres penseurs», c'est-à-dire des gens qui tranchent sur le commun des mortels par leurs manières de penser et d'agir. Dans un monde de violence, être des «doux», ce qui ne veut pas dire des «mous». Dans un monde dur, être de ceux qui, sans cesse, ouvrent leur cœur à toute misère. Dans un monde où règne sans partage le pouvoir de l'argent, devenir des «pauvres de cœur», etc.
Alors, autour de toi, on se demandera : «D'où lui viennent cette assurance et cette confiance tranquille ?» Et peut-être ton exemple deviendra-t-il contagieux !
oOo
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Dernière mise à jour : 26 octobre 2015