Article 5
Lettre à Thyatire
Le contexte - Thyatire est une cité au centre de laquelle se trouvait un culte à Apollon, connu comme « le fils de dieu » parce qu’on le supposait être le fils de Zeus. Thyatire est une petite ville qui n’a pas le prestige des autres villes comme Smyrne, Sardes ou Pergame.
18 À l’ange de l’Église qui est à Thyatire, écris : Ainsi parle le Fils de Dieu, celui qui a les yeux comme une flamme ardente et des pieds pareils à de l’airain précieux :
19 Je connais tes actions, je sais ton amour, ta foi, ton engagement, ta persévérance et tes dernières actions surpassent les premières.
20 Mais j’ai contre toi que tu laisses faire Jézabel, cette femme qui se dit prophétesse et qui égare mes serviteurs en leur enseignant à se prostituer et à manger des viandes offertes aux idoles.
21 Je lui ai donné du temps pour se convertir, mais elle ne veut pas se convertir de sa prostitution.
22 Voici que je vais la jeter sur un lit de grande détresse, elle et ses compagnons d’adultère, à moins que, renonçant aux agissements de cette femme, ils ne se convertissent ;
23 et ses enfants, je vais les frapper de mort. Toutes les Églises reconnaîtront que moi, je suis celui qui scrute les reins et les cœurs, et je donnerai à chacun de vous selon ses œuvres.
24 Mais vous, les autres de Thyatire, qui ne partagez pas cette doctrine et n’avez pas connu les « profondeurs de Satan » – comme ils disent –, je vous déclare que je ne vous impose pas d’autre fardeau ;
25 tenez fermement, du moins, ce que vous avez, jusqu’à ce que je vienne.
26 Le vainqueur, celui qui reste fidèle jusqu'à la fin à ma façon d’agir, je lui donnerai autorité sur les nations,
27 et il les conduira avec un sceptre de fer, comme des vases de potier que l’on brise.
28 Il sera comme moi qui ai reçu autorité de mon Père, et je lui donnerai l’étoile du matin.
29 Celui qui a des oreilles, qu’il entende ce que l’Esprit dit aux Églises.
Les symptômes : V 19-20 : « Je connais tes actions, je sais ton amour, ta foi, ton engagement, ta persévérance et tes dernières actions surpassent les premières. Mais j’ai contre toi que tu laisses faire Jézabel, cette femme qui se dit prophétesse et qui égare mes serviteurs en leur enseignant à se prostituer et à manger des viandes offertes aux idoles ».
Jean utilise ici la pédagogie de « la tarte au citron meringuée » : il donne d’abord à goûter la meringue sucrée (le compliment) avant de dénoncer ce qui est plus acide (le reproche). Il ne passe pas de la pommade pour mieux écraser par la suite, mais il veut être juste autant dans le compliment que dans le reproche et a le souci d’équilibrer les deux langages. A ce propos, je conseille souvent cette méthode aux personnes que je reçois dans mon cabinet d’accompagnant spirituel : quand il s’avère utile qu’une personne ait à faire un reproche, je l’invite aussi à souligner une qualité : ainsi la personne qui recevra le reproche n’aura pas le désagréable sentiment qu’on ne lui renvoie que ce qui ne va pas (or c’est souvent ce que nous faisons) et pourra aussi découvrir qu’il y a du bon en elle. Mais revenons au texte de l’apocalypse.
Quelle est la meringue à Thyatire ? Cette communauté a un bel amour, une belle foi, elle est engagée et persévérante et elle est en croissance, (« tes dernières actions surpassent les premières »), bref c’est une belle communauté en progrès, qui possède de grandes qualités sur lesquelles elle pourra s’appuyer lors des moments difficiles. Je vous invite vous aussi, à faire la liste des qualités de votre propre communauté si vous appartenez à l’une d’elles.
Le mal (ou le citron) : il y a dans l’Eglise de Thyatire une personne qui agit comme Jézabel, qui se prétend prophétesse, mais qui est en réalité un danger pour les chrétiens de Thyatire, car ceux-ci se laissent mener par elle comme des moutons. « Ils mangent des viandes immolées aux idoles et se prostituent.» (V14) La prostitution dont il est question ici n’est pas sexuelle mais religieuse : en effet, les chrétiens se tournaient vers d’autres dieux (Apollon par ex), il leur arrivait aussi de consulter des voyantes pour espérer mieux maîtriser l’avenir quand celui-ci leur paraissait sombre.
Il faut bien comprendre qui est Jézabel : elle rappelle la femme du roi Acab (874 – 853 av. J-C) dont il est question dans le livre des rois : « On n’a jamais vu personne se déshonorer comme Acab en faisant comme lui ce qui est mal aux yeux du Seigneur, sous l’influence de sa femme Jézabel. Il s’est conduit d’une manière abominable en s’attachant aux idoles, comme faisaient les Amorites que le Seigneur avait chassés devant les Israélites. » (1 R 21, 25-26). Elle constituait donc un danger de mort pour le peuple juif en les invitant à l’idolâtrie et en discréditant les prophètes. Face à cette fausse prophétesse, Dieu eu une grande colère contre ses méfaits : (2 R 9, 7-10) : « Tu frapperas la maison d’Acab, ton maître ; je vengerai ainsi le sang de mes serviteurs les prophètes et le sang de tous les serviteurs du Seigneur, répandu par la main de Jézabel. Toute la maison d’Acab périra ; j’exterminerai les mâles de chez Acab, esclaves ou hommes libres en Israël. Je ferai à la maison d’Acab ce que j’ai fait à celle de Jéroboam, fils de Nebath, et à celle de Baasa, fils d’Ahias. Quant à Jézabel, les chiens la dévoreront dans le champ de Yizréel, et personne ne l’ensevelira ». Ces paroles semblent dures et même violentes ! C’est le même ton que nous retrouvons dans ce passage de l’apocalypse.
Les remèdes : il y en a deux : V 21 – « Je lui ai laissé le temps de se repentir, mais elle refuse de se repentir de ses prostitutions ». On voit ici la patience de Jésus, mais cela ne suffisant pas, alors il ajoute le V 22 – « Voici, je vais la jeter sur un lit de douleurs, et ses compagnons de prostitution dans une épreuve terrible, s’ils ne se repentent de leur conduite. V 23 – « Et ses enfants, je vais les frapper de mort : ainsi, toutes les Eglises sauront que c’est moi qui sonde les reins et les cœurs ; et je vous paierai chacun selon vos œuvres ». Cette véhémence du Christ est dirigée contre l’idolâtrie : par ses yeux brulants, il va brûler le mal après l’avoir dénoncé. Par ses yeux qui « sondent les reins et les cœurs », il va déceler la moindre parcelle d’idolâtrie dans son Eglise afin de mieux l’éradiquer. La punition dont il est question ici ressemble à celle infligée à la maison d’Acab et à ses descendants. La mort infligée aux enfants est une manière de dire qu’il ne veut pas que ce mal se transmette de générations en générations. On voit ici une attitude qui s’apparente à celle de Dieu dans le premier Testament face au mal et au péché. C’est bien ainsi qu’il faut entendre ces versets : un engagement total et sans concession de Dieu contre tout ce qui blesse l’Homme et qui risque de l’emmener à sa perte. Car Dieu ne nous veut que du bien, et ne veut pas que ses enfants se perdent ou s’abîment. Alors il plonge dans sa création, dans le cœur de chaque créature pour combattre avec nous contre tout ce qui blesse les humains. C’est ainsi que je comprends l’incarnation : une plongée du divin dans l’humain.
Mais tous n’ont pas suivi Jézabel : V 24 – « Quant à vous autres, à Thyatire, qui ne, partagez pas cette doctrine, vous qui n’avez pas connu les profondeurs de Satan, je vous déclare que je ne vous impose pas d’autre fardeau ». Belle délicatesse du Christ qui n’impose pas d’autre fardeau que de ne pas suivre Jézabel ! Voilà encore un bel exemple de pédagogie christique, qui ne place pas la barre trop haute afin que les chrétiens puissent progresser, sans quoi ils risqueraient de se décourager. Le vrai remède est en fait au verset 25 – « Ce que vous avez, tenez-le ferme jusqu'à mon retour ». Jésus leur rappelle à nouveau leur force, leur amour, leur foi, leur engagement, leur persévérance et leur capacité à progresser, afin qu’ils puissent s’appuyer dessus pour la suite. Je trouve ce remède magnifique : en effet, souvent nous n’osons pas affronter les difficultés que nous rencontrons parce que nous pensons que nous n’avons pas les forces pour y faire face, nous nous sous-estimons par ignorance et du coup, nous subissons ce qui nous arrive. Or il suffit, nous dit Jésus, de nous rappeler que nous avons tout en nous pour y arriver, (amour, foi, persévérance, engagement, etc…) et que nous possédons les réponses à nos propres questions, qu’il y a en nous plus que nous même, puisque le Christ y demeure. Je pense à cette citation de Sénèque : « Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas, c’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles ». Ou encore à cette phrase de Mark Twain : « Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait ». Voilà le remède pour faire face à l’adversité : croire en soi et en Celui qui vit en soi !
Enfin la promesse V 26 – 28 : « Le vainqueur, celui qui reste fidèle jusqu'à la fin à ma façon d’agir, je lui donnerai autorité sur les nations et il les conduira avec un sceptre de fer, comme des vases de potier que l’on brise. Il sera comme moi qui ai reçu autorité de mon Père, et je lui donnerai l’étoile du matin ». La promesse est offerte à celui qui reste fidèle à la manière d’agir du Christ : celui-là recevra le don de l’autorité ! L’étymologie du mot « autorité » = se rattache au mot « augerer » en latin qui signifie : « faire grandir, faire croitre, augmenter » ! Celui qui a de l’autorité est donc celui qui a souci d’élever les autres, de les faire advenir à eux-mêmes, bref c’est celui qui est au service de la croissance humaine et spirituelle de ses proches. Cela n’a donc rien à voir avec de l’autoritarisme, qui est un mauvais usage du pouvoir et qui exclue le service. Jésus était quelqu’un « qui parlait avec autorité » nous dit l’Evangile : « On était frappé par son enseignement, car il enseignait avec autorité et non pas comme les scribes ». (Lc 4, 36) Pour le dire autrement et en étant toujours appuyé sur le sens étymologique de ce mot, celui qui parle et agit avec autorité est auteur de sa vie, il autorise les autres à être les propres auteurs de leur vie : une vie choisie et non plus subie ou imposée. Un autre indice d'autorité : c'est lorsque notre parole s'inscrit dans des actes concrets qu'elle devient parole d'autorité. A ce propos, Jésus est un modèle du genre. Pas l'ombre d'un écart entre sa parole et ses actes. Ce qu'il dit il le fait. Mettre en cohérence sa parole avec ses actes, tel est le secret de l'autorité de Jésus.
v27 - C’est avec un sceptre de fer qu’il les mènera comme on fracasse des vases d’argile ! – Là encore, ne lisons pas ce verset comme une violence aveugle mais comme un acte pédagogique de celui qui a autorité : il brise les vases d’argile parce qu’’ils sont en argile, donc fragile, afin qu’ils puissent se reconstruire sur du solide, sur de l’airain. C’est une allusion évidente au psaume 2, 9 : « Tu les détruiras de ton sceptre de fer, tu les briseras comme un vase de potier ».
V 28 - Ainsi moi-même j’ai reçu cette autorité de mon Père. Et je lui donnerai l’Etoile du matin. C’est bien de Dieu que vient l’autorité de Jésus et il veut nous la donner à son tour, afin que nous puissions nous aussi faire grandir ceux qui nous entourent en leur donnant d’être à leur tour, auteurs de leur vie. Pour ce faire, il suffit d’accueillir « L’Etoile du matin » c’est-à-dire Jésus lui-même, comme cela est clairement signifié au dernier chapitre de livre de l’apocalypse : « Moi, Jésus, j’ai envoyé mon ange vous apporter ce témoignage au sujet des Églises. Moi, je suis le rejeton, le descendant de David, l’étoile resplendissante du matin. » (Ap 22, 16). La récompense, c’est donc l’accueil du Christ, lui qui fait lever le jour dans nos cœurs et qui vient en chasser les ténèbres….
Que celui qui a de l’oreille entende ce que l’Esprit dit à chaque membre de l’Eglise …. encore aujourd’hui.
Au mois prochain avec la lettre à l’Eglise de Sardes, où Jean continue à faire le bulletin de santé de cette Eglise et qui là encore, ne ménage pas ses paroles.
Gilles Brocard