L'ASCENSION DU SEIGNEUR
Évangile de Jésus Christ selon saint Marc 16, 15-20
J ésus ressuscité dit aux onze Apôtres : " Allez dans le monde entier. Proclamez la Bonne Nouvelle à toute la création. Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé ; celui qui refusera de croire sera condamné. Voici les signes qui accompagneront ceux qui deviendront croyants : en mon nom, ils chasseront les esprits mauvais ; ils parleront un langage nouveau ; ils prendront des serpents dans leurs mains, et, s'ils boivent un poison mortel, il ne leur fera pas de mal ; ils imposeront les mains aux malades, et les malades s'en trouveront bien".
Le Seigneur Jésus, après leur avoir parlé, fut enlevé au ciel et s'assit à la droite de Dieu. Quant à eux, ils s'en allèrent proclamer partout la Bonne Nouvelle. Le Seigneur travaillait avec eux et confirmait la Parole par les signes qui l'accompagnaient.
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Un départ.
Trois événements : la crucifixion, la résurrection et la « montée au ciel ». Ces trois événements constituent trois étapes d’une même et unique réalité : celle du départ de Jésus. La crucifixion, seule était constatable, le reste est du domaine de la foi. Notre foi de Chrétiens nous fait proclamer, en effet, que Jésus « a été crucifié, est mort, est descendu aux enfers, est ressuscité le troisième jour, est monté aux cieux, est assis à la droite de Dieu ». L’Ascension n’est que l’apothéose de la résurrection, un bond dans la vie de Dieu. Voilà ce que nous croyons, nous chrétiens. Qu’est-ce que cela signifie ?
Au-dessus de tout
L’image de Jésus s’élevant au ciel et traversant les nuées au matin de l’Ascension s’inspire d’un épisode célèbre de la Bible : le départ d’Élie, au deuxième livre des Rois : Élie monte au ciel emporté dans un char de feu. L’image est belle. Mais, dans le cas du Ressuscité, elle risque de fausser la perspective. J’aime mieux la réflexion de saint Paul qui nous présente le Christ « élevé au-dessus de tout », ce qui lui donne une tout autre portée. Quoiqu’il en soit du fait lui-même, ce qui m’importe d’abord, c’est de constater que la geste du Christ et tout ce qu’elle apporte basculent en ce moment-là dans l’invisible. A part une poignée de témoins de l’événement, constitués en communauté, il n’en reste plus rien à voir en ce monde. Plus rien à voir. Nous basculons dans le régime du « croire sans voir ». C’est l’épreuve de la foi. Certes, le Christ nous a promis, avant de partir, de ne pas nous laisser orphelins, mais l’Esprit, qu’il nous promet à plusieurs reprises avant de quitter cette terre, est lui-même invisible. Du coup, le monde semble vide. Il n’y aura plus désormais qu’un élément qui permettra aux hommes de croire que Jésus est bien venu de Dieu : c’est la parfaite unité des disciples. Voilà l’unique signe. Tout entier remis entre nos mains. Eh bien, je crois qu’on peut dire que nous sommes bien loin du compte. Il y faudra du temps, pour y parvenir ! Tout le temps de l’Histoire ?
Où est-il passé ?
« Alors, me demanda un petit garçon, un matin d’Ascension, où il est passé, Jésus ? » J’avoue que la question m’a embarrassé. J’aurais pu lui répondre : « en Dieu ». Ou encore, comme il l’avait appris dans le Credo : « il est assis à la droite du Père ». Oui, mais voilà : où est Dieu ? Bref, je me suis perdu dans des explications qui, certainement, n’ont pas convaincu mon jeune ami. Dire que Dieu est « pur esprit », et donc qu’il n’est pas dans tel ou tel endroit, d’accord, mais l’esprit humain, dans sa logique, pense toujours qu’il faut que Dieu soit quelque part. La Bible entière, d’ailleurs, passe son temps à trouver des demeures pour Dieu. Depuis « Notre Père qui es aux cieux ». Mais auparavant – je vous le dis souvent – elle a expliqué que si Dieu a sa résidence principale aux cieux, il a aussi une résidence secondaire : le Temple de Jérusalem. Et voici qu’avec l’Évangile de Jean, c’est le corps de Jésus, sa présence visible, qui devient le Temple (2, 21). Puis, lorsque Jésus annonce son départ, ce sont les disciples eux-mêmes qui deviennent la « demeure ». Et saint Paul explique que le Corps du Christ, aujourd’hui, c’est l’Église. Si nous ne voyons pas le Christ, c’est parce qu’il est passé en nous. Désormais, pour trouver Dieu, il n’y a plus à regarder vers le ciel, mais à regarder vers nos frères. Et, dans sa lettre aux Éphésiens, Paul explique que c’est à nous désormais de bâtir le corps du Christ et de parvenir « dans la connaissance du Fils de Dieu, à l’état d’adultes, à la taille du Christ dans sa plénitude » (4, 8-13). Si le Christ est « monté », nous disent les évangiles, c’est pour que les disciples se dispersent à la surface de la terre, « jusqu’aux extrémités du monde ».
Il a sur-monté
Plus importante, cependant, que cette foi en la présence active du Christ localisée dans le corps de l’Église, c’est la pensée de saint Paul pour qui l’idée d’Ascension est liée à une idée de domination. Il est monté, c’est-à-dire qu’il a sur-monté, dominé. Nous étions dominés, explique-t-il, par des forces qui pèsent sur nous : lois naturelles, puissances astrales (diraient les astrologues), mais aussi lois de l’économie dans un libéralisme incontrôlé, pouvoirs politiques souvent totalitaires, volonté de domination et soif de puissance, etc. Le Christ, libéré des contingences de la condition humaine, prend le pouvoir sur tout cela, sur tout ce qui nous est contraire. Pour nous en soustraire à notre tour. Il a même vaincu « le dernier ennemi, la mort », cet ennemi qui récapitule tous les autres. « Par sa mort, il a vaincu la mort », et il nous accueille dans sa victoire, si bien que désormais rien ne peut nous atteindre, car « ni la mort ni la vie, ni anges ni pouvoirs, ni présent ni avenir, ni puissances ni hauteur ni profondeur, ni quoi que ce soit de créé ne pourra nous séparer de l’amour que Dieu nous témoigne en Jésus-Christ »
Il ne faut donc pas envisager l’Ascension comme une disparition, comme une absence, mais comme une présence plus intime, et surtout plus dynamique, du Christ à son Église et à chacun de nous. Il nous donne l’assurance que, dans ce monde d’aujourd’hui, où les sociologues analysent la crise de l’Église en termes souvent catastrophiques, « nous sommes (cependant) les grands vainqueurs » grâce à Celui qui nous a aimés.
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