L'INTELLIGENCE DES ECRITURES.
Cette
année :
UNE BONNE NOUVELLE SELON
SAINT MATTHIEU
XI - LES DISCIPLES DE
JESUS.
La
questions qui se pose à nous maintenant est celle-ci : comment
le Christ et son enseignement ont-ils été reçus
? Comment Israël a-t-il accueilli son Messie ? Est-ce que la
venue du Christ débouche sur le renforcement des
privilèges d'Israël ou sur leur disparition ? Le Christ
vient-il fonder un nouveau peuple de Dieu ?
Dans tout l'Évangile, on trouve une opposition-clé
entre les deux acteurs principaux : les disciples et les
autorités religieuses d'Israël.
Les disciples sont ceux qui acceptent (malgré quelques
défaillances) l'enseignement du Christ. Matthieu les nomme :
c'est l'Église (16, 18
et 18, 17)
A l'opposé, Israël incarne le refus opposé
à Jésus. Refus qui culmine dans la mise à mort
du Messie. De ce fait, Israël se présente comme le
contre-modèle de l'Église.
On va donc examiner, d'abord les disciples, préfiguration de
l'Église, puis les chefs d'Israël, contre-modèle
de l'Église.
I - LES DISCIPLES.
On pense évidemment, d'abord, aux
compagnons historiques du Christ, en particulier les Douze.
Cependant, l'appellation est plus large. Relisez le "manifeste"
(28, 19 a)
: la condition de "disciple" est la vocation proposée à
chaque homme de chaque époque. Comment est-ce possible ? C'est
que le groupe des premiers disciples, sans perdre son
caractère historique, devient le modèle dans lequel se
reconnaissent et se comprennent les croyants des
générations ultérieures. En lisant
l'Évangile et en s'identifiant aux premiers compagnons de
Jésus, le croyant de chaque époque peut à son
tour se mettre à l'écoute et à la suite du
Jésus terrestre, nouer une relation avec lui. Cette
manière d'envisager la vie dans la foi a de profondes
répercussions sur la vision de l'Église. Pour Matthieu,
la communauté des croyants s'édifie en s'approchant du
Jésus terrestre et en se laissant instruire par lui. Ceci par
le biais de la narration évangélique. Alors, quelles
sont les caractéristiques de la condition du disciple
?
1 A - Ecouter et faire.
Pour Luc, le disciple est avant tout un
témoin. Pour Matthieu, il est en priorité un auditeur.
Il se met à l'écoute de l'enseignement de son
maître. Des éléments typiques illustrent cette
condition d'auditeur privilégié.
- Dans les cinq grands discours , les
disciples sont les auditeurs privilégiés (Chapitres 5 - 10 - 13 - 18 - 23). Dans quatre de ces
discours apparaît la formule
stéréotypée : "et ses disciples s'approchèrent de
lui" ( 5,1 - 13,10-36 -
18,1 -
24,1-3
).
Fondamentalement, ses disciples s'approchent de Jésus pour
se faire instruire par lui. C'est toujours l'intention de Matthieu
: les disciples sont l'auditoire privilégié. Cela
débouche sur des situations cocasses. Au chapitre
10, par
exemple, les disciples, envoyés en mission, ne partent pas,
ne reviennent pas, mais restent à l'écoute du
Maître. Le discours en paraboles du chapitre 13 est
adressé aux foules, mais ce sont les disciples qui sont
déclarés heureux de ce qu'ils entendent
(13,
10-17). Enfin le chapitre 23 est dirigé
contre les scribes et les pharisiens, mais les disciples en sont
les témoins attentifs.
D'autre part , dans les synoptiques, l'évangile de Matthieu
est celui qui compte de plus grand nombre d'instructions
exclusivement adressées aux disciples. Lire 9, 37 - 11, 1 - 13, 10-23 -
16,
24-28 - 17, 10-13 ,19-20 - 19, 23 -
20, 11
- 21,
21-22 - 24, 1-2 - 24, 3 - 25, 46. Cet accent
porté sur l'écoute soulève le problème
de la compréhension. Une catéchèse
fidèle et une vie authentique présupposent une
saisie correcte de la prédication du Jésus
terrestre.
- Il faut comprendre.
C'est là que Matthieu est le
plus original. Il se sépare de la source Marc. En effet, il
réinterprête ou supprime tous les passages de Marc
qui mentionnent l'incompréhension des disciples. Pour lui,
les disciples sont par excellence ceux qui comprennent. Quatre
passages propres à Matthieu le montrent. Dans l'explication
de la parabole du semeur, le disciple est présenté
comme celui qui entend la parole et comprend. Lire la conclusion
du discours en paraboles ( 13, 51 )
"Avez-vous compris tout cela ?
Oui". En 16, 12 et
17, 13
: "Alors les disciples
comprirent."
Les disciples sont ceux qui comprennent. Pourtant, dans quatre
cas, Matthieu maintient leur incompréhension (
13, 36
- 15,
16 - 16, 9 - 17, 13). Matthieu veut ainsi montrer que ce n'est pas
d'emblée et par eux-mêmes que les disciples
comprennent le Christ. C'est par le biais de son enseignement sans
cesse repris que Jésus fait passer ses disciples de
l'incompréhension à la compréhension ( voir
13, 11
) L'écoute compréhensive est un don. Il ne s'agit
pas d'une perspicacité intellectuelle particulière,
ni même d'une récompense pour des prétendues
bonnes oeuvres, mais bien de la grâce de Dieu qui ne peut
être ni méritée, ni revendiquée, mais
seulement accueillie dans la foi (16, 17). Et parce que
cette compréhension est grâce, en elle se joue le
destin de l'homme ( 13, 11-12).
Les disciples comprennent, alors que les foules se
caractérisent par leur incompréhension
(13,
10-17). Il ne s'agit ni d'une ignorance qui pourrait être
comblée, ni d'une déficience intellectuelle. Elle
révèle l'endurcissement du coeur d'un peuple qui
s'est fermé à Dieu ( 13, 13 ). Pour cette
raison elle est la marque du jugement qui commence à
s'accomplir. Matthieu cite Isaïe 6, 9-10.
Peut-on préciser ce que les disciples comprennent pour leur
bonheur, ce que les foules ne comprennent pas pour leur perte ? En
13, 19
("la parole du Royaume"), en 13, 20 ("la parole") :
voilà ce qui est important, l'ensemble de la
prédication de Jésus comme accomplissement de la
volonté de Dieu.
- Faire la volonté de
Dieu.
Il ne suffit pas d'écouter, il faut comprendre.
Il ne suffit pas de comprendre, il faut mettre en pratique.
Pour Matthieu, le "faire" est le lieu où se vérifie
la véritable fidélité ( 12, 46-50 et
7,
13-27)
1 - La vraie famille de
Jésus (12,
46-50). Matthieu dit que Jésus
montre de la main ses disciples pour désigner sa famille.
Marc (3, 31-35), lui, nous dit que ce sont ceux qui sont en
cercle autour de lui. Pourquoi ses disciples constituent-ils la
vraie famille de Jésus ? On avertit Jésus :
"Ta mère et tes frères
se tiennent dehors : ils cherchent à te parler."
Jésus répond de
façon provocante : "Qui est ma
mère et qui sont mes frères ?" Et il explique en deux temps : d'abord, il
opère un déplacement ; les liens d'affection, de
fraternité ne s'appliquent plus à ses parents
naturels, mais à ses disciples. Ce sont eux qui sont les
plus proches, qui entretiennent une relation étroite avec
lui. Mais (et c'est la deuxième partie de la
réponse), au nom de quel principe cette nouvelle famille se
constitue-t-elle ? "Quiconque fait la
volonté de mon Père est mon frère, ma soeur,
ma mère." Donc la relation
d'intimité fraternelle entre lui et ses "frères" est
liée à un comportement moral : il faut
faire.
C'est nécessaire pour appartenir à la
communauté de Jésus.
2 - La conclusion du sermon
sur la montagne ( 7, 13-27 ) :
Nécessité de l'obéissance fidèle.
a - Dire et faire ( 21-23). Il ne suffit pas de dire Seigneur, Seigneur pour
être sauvé. Encore faut-il avoir vécu
concrètement et fidèlement l'exigence du Seigneur
dont on se réclame. Le culte, la prière, c'est tout
faux si elle ne s'incarne pas dans un "faire". Le
"faire"
dont il est question est la soumission résolue et totale
à la volonté de Dieu. En d'autres termes, il ne
suffit pas de fréquenter l'église ou d'être
membre de l'Église pour avoir part au salut. Jésus
défend la volonté de Dieu contre les siens.
Le verset 22 aiguise la critique : même les chrétiens
charismatiques (prophétie, exorcisme, guérisons), ce
n'est pas suffisant ( alors que tout le christianisme antique y a
vu l'oeuvre du Saint Esprit ).
Au verset 23, le Christ se retourne contre les siens et les
rejette. Pour lui, le seul critère qui prévale au
jour du jugement, c'est l'accomplissement fidèle de la Loi.
Le reste, même les actes religieux extraordinaires, ne sont
que des succédanés. Seule l'obéissance
fidèle au Christ compte.
b - Le bâtisseur sage et le
fou ( 7, 24-27 ). C'est la
parabole des deux maisons, qui est une conclusion de toute
l'exhortation à l'obéissance. Jésus oppose
deux comportements possibles: fonder sur le roc ou sur le sable.
Le sens de ces deux images est donné dans la formule
d'introduction ( 24 a et 26 a ) : il y a une relation entre
écouter et faire ( "Celui qui
écoute et met en pratique" - " Celui qui écoute et
ne met pas en pratique" ) De quelle
Parole s'agit-il ? "Les paroles que je viens de dire",
c'est-à-dire le sermon sur la montagne. La tempête
qui survient, c'est le jugement. Seul, le jugement
révélera qui a été sage et qui a
été fou. Le temps présent est vécu
sous le signe de l'ambiguïté. La communauté
chrétienne rassemble aussi bien des fidèles que des
infidèles. D'autre part le jugement portera sur un
critère bien précis : une écoute de la parole
qui ne mène pas à un comportement moral, à un
engagement dans la vie mène au désastre. Le
comportement moral doit être en harmonie avec l'expression
de la foi. Seul le "faire" compte.
La prochaine
fois, nous continuerons notre étude en nous demandant ce
que signifie "suivre Jésus", cheminer avec lui et
partager son destin. Ce sera pour le 7 mai. En attendant, vous
avez du travail (avec l'évangile ouvert) pour
digérer ce qui précède. "Heureux qui
écoute et met en pratique."
23 avril
2002
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