LES ETONNEMENTS DE CATHERINE
(du 4 janvier au 9 avril 2006)
Mercredi 4 janvier 2006
Amis de Murmure,
Bonjour et BONNE ANNEE !
Je vous souhaite à tous une très belle année 2006 remplie de moments de joie, de rencontres, de découvertes, une année pleine de petits bonheurs et de grands aussi !
Je ne sais pas vous, mais moi, j’aime bien ces premiers jours de janvier où tout le monde se souhaite les meilleurs vœux du monde. C’est comme une période de trêve où l’on renoue avec des personnes éloignées et avec des proches aussi, je pense à ces moments de convivialité dans les entreprises ou les administrations, où les collègues, un verre à la main et y compris ceux qui se détestent, se souhaitent tout à coup tout plein de bonnes choses…Hypocrisie penseront certains, mais moi je ne crois pas, je vois plutôt des visages qui enfin se détendent un peu, et c’est une bonne chose, qui, hélas, n’arrive qu’une fois par an…
Je suis également soulagée que les fêtes soient finies. Enfin, je parle des fêtes du Nouvel-an, car l’autre fête, Noël, n’est pas finie, elle. Noël, la venue de Dieu parmi nous, n’est pas un événement ponctuel, nous sommes bien d’accord, c’est constamment que l’événement se reproduit, enfin j’espère…
Oui, alors je suis soulagée car les fêtes de Nouvel-an ont été particulièrement intenses pour moi. Ils sont tous venus dans ma maison au bord de la Loue. Le jeune couple tout d’abord avec sa petite fille, puis les parents de Metz, puis ceux de la ville lorraine rivale, Nancy et enfin les cousins de Paris. Nous étions 16 (âgés de 2 à 94 ans) dans une maison faite pour 6/8 personnes, pendant plusieurs jours. Puis c’est la neige qui a fait son apparition, 40 cm en quelques heures, et enfin, la cerise sur le gâteau, l’invité surprise dont on reparlera lors des prochains nouvel-ans : Le verglas ! A cause de lui, l’acte le plus simple de la vie quotidienne (chercher du bois au bûcher, du pain à la boulangerie) se transforme en défi. Nous avons bien glissé tous, skié aussi, beaucoup mangé, ri et chanté, mais peu dormi. Les derniers invités sont partis ce matin, la tête pleine de bons souvenirs (c’est ce que j’imagine…) quant à moi, il me reste à me reposer et à reprendre (avec bonheur), mes activités habituelles comme celle de vous écrire.
A propos de la Lorraine, j’ai entendu parler pendant ces fêtes d’un lorrain pas ordinaire. Il s’agit de Jacques ARNOULD. Jacques Arnould travaille au sein du très sérieux CNES, le centre national d’études spatiales. Jusque là rien d’étonnant. Sauf qu’en plus il est religieux, dominicain pour être précise et a pour mission au CNES d’étudier la dimension éthique mais aussi sociale et culturelle de l’activité spatiale. J’ai trouvé intéressant et surtout rassurant que le célèbre centre d’étude sur l’espace développe en parallèle des recherches technologiques, une réflexion éthique et la confie à un dominicain.
J’aime aussi écouter ces religieux qui restent en prise avec la société et le monde en conservant une activité professionnelle disons, ordinaire. Leur analyse est souvent très perspicace et riche.
Alors, justement, pour en revenir à Noël, je voulais vous communiquer ce que dit cet agronome, historien des sciences et théologien qu’est Jacques ARNOULD à propos du mystère de l’Incarnation, c’est dense, je vous préviens :
"Noël, c’est une brèche dans l’histoire. C’est un événement unique au regard de notre histoire humaine. Ce jour là Dieu se fait homme, et cela nous invite à relier création et rédemption. Cela nous invite aussi à voir que la création est en état de cheminement. Elle n’est pas un événement du passé, une chiquenaude initiale. Nous venons de quelqu’un d’autre, d’une parole et nous sommes en chemin, avec notre part de liberté."
Voilà de quoi inspirer ceux qui parmi vous doivent préparer prochainement un credo christologique…Ils se reconnaîtront je pense.
Et pour les liens entre Noël, la création, la rédemption et la liberté, consultez donc les archives de Murmure…
A la semaine prochaine.
Amicalement comme toujours,
Catherine
oOo
Mercredi 11 janvier 2006
Amis de Murmure, bonjour
C’est Frédéric, mon mari, qui a choisi le thème de mon billet d’aujourd’hui.
« Il faut que tu fasses un message là-dessus » m’a-t-il dit. Alors « là-dessus », c’est sur Galilée et son procès devant l’Inquisition.
N’imaginez pas surtout que j’ai des connaissances particulières sur le sujet. Il ne me reste que de vagues repères datant du collège… J’ai simplement regardé le téléfilm diffusé sur France 3 samedi dernier intitulé « Galilée ou l’amour de Dieu ».
Je suis incapable de juger si cette reconstitution est fidèle, mais j’ai trouvé cette histoire écrite par Claude Allègre remarquable (je me suis demandée s’il s’agissait de l’ex-ministre, vous savez celui qui voulait « dégraisser le mammouth »…). Ce téléfilm, qui restitue principalement les plaidoyers de Galilée et des inquisiteurs, est à la limite de deux genres, la fiction et le documentaire. J’aime bien ce nouveau genre, le documentaire-fiction. C’est plus vivant qu’un documentaire classique, et plus pédagogique qu’une fiction ordinaire. Dans le cas présent, c’est l’histoire, la science et la religion qui seront intelligemment servies et les travaux de Galilée mis à la portée de tous.
Bon, l’histoire, en quelques mots : Enthousiasmé par les travaux d’astronomie de Galilée, le futur Pape Urbain VIII (nous sommes au tout début du XVII) lui commande un livre : Dialogue sur les deux plus grands systèmes du monde, le ptoléméen et le copernicien. Ce recueil, qui cautionne les thèses de Copernic, à savoir que la terre tourne sur elle-même et autour du soleil, jugées hérétiques, conduit son auteur devant l’Inquisition.
S’en suit un long et terrible procès durant lequel Galilée (remarquablement interprété par Claude Rich) va, en vain, tenter de défendre sa thèse devant trois inquisiteurs redoutables, savants également, un dominicain, un jésuite et un « grand » inquisiteur (interprété lui par Daniel Prévost, inattendu dans le rôle).
Et là, ce qui m’a le plus étonné, c’est la teneur des débats qui ont eu lieu au cours du procès.
De l’amour de Dieu, il a été peu débattu en fait, contrairement à ce que le titre du film pouvait laisser pressentir. Si ce n’est au travers de la foi fervente et sincère que Galilée manifestait à tout moment du procès et durant son emprisonnement. Ce qui est déjà quelque chose…
Du message évangélique, il a été encore moins question. Étonnant pour des personnes qui s’affichaient toutes chrétiennes et agissantes au nom de l’Église. A une reprise je crois, Galilée a employé le mot « miséricorde », initiative immédiatement réprimée par les inquisiteurs, certes peu réputés pour leur mansuétude.
Je m’attendais aussi à un débat disons, théologique. Or, de théologie, il a été relativement peu question finalement. Le débat a surtout porté, et c’était là tout son intérêt, sur les découvertes scientifiques de Galilée concernant la rotation de la terre sur elle-même, sur la rotation de la terre autour du soleil et sur la gravité. Par moment, les inquisiteurs, des scientifiques aussi, se sont visiblement laissés convaincre. Par contre, et c’est ce qui transparaissait dans tout le procès, ils ne supportaient pas d’être remis en question dans leur fonction, leur statut d’homme détenant le savoir parce que de là émanait leur POUVOIR. Enfin, c’est ce qui m’est apparu et ce qui m’a le plus étonnée (enfin, pas tant que ça…). C’est une RIVALITE, un bras de fer, qui transparaissait dans le procès, une rivalité entre scientifiques religieux et scientifiques laïcs (Galilée et ses élèves). Détenir les connaissances et donc une part de la vérité, c’était (c’est encore) avoir le pouvoir. Pour les religieux de l’époque, reconnaître les thèses de Galilée comme vraies, impliquait de renoncer aux thèses auxquelles l’Église avait adhérées et de perdre une forme de pouvoir. L’enjeu étant finalement de « montrer » qui détenait la vérité.
Urbain VIII l’exprimera d’ailleurs clairement à Galilée dans sa cellule, ce qu’il craignait par dessus tout avec la divulgation de ses thèses, c’est la déstabilisation de l’Église, déjà lourdement ébranlée à l’époque par la montée du protestantisme et les querelles entre les royaumes.
C’est finalement une sorte de « péché d’orgueil » que commettent les inquisiteurs en condamnant Galilée, renforcé par de la jalousie vis à vis du scientifique qui bénéficiait de l’appui et de l’amitié de certains hommes influents dont le Pape.
L’une des seules dimensions véritablement théologiques du débat concerna la place de l’homme, créature de Dieu dans l’univers. Le fait que l’homme soit sur une planète en orbite autour du soleil, le décentrait de la création. Cette idée était insupportable apparemment pour les hommes d’Église de l’époque. Il fallait que l’homme, créé par Dieu et à l’image de Dieu soit au centre de l’univers.
Je me suis dit qu’heureusement, aujourd’hui, l’homme n’était plus perçu comme étant au centre du monde, ni le centre du monde (enfin, j’espère…). La grande « révolution » des idées galiléennes finalement, concerne autant les planètes, que la place décentrée, de l’homme. Or, il en va de sa liberté d’agir d’une part car il est difficile d’accueillir l’autre (l’Autre ?) quand on est le centre du monde, et de l’image qu’il se fait de son Dieu créateur d’autre part…
Enfin, il me semble.
A la semaine prochaine
Catherine
oOo
Mercredi 18 janvier 2006
Amis de Murmure, bonjour
Je vous l’ai déjà dit je crois, je dois avoir l’air d’une bonne catholique, car à peine arrivée dans une nouvelle communauté catholique, immédiatement on me confie ou me propose toutes sortes d’activités comme, lire les textes le dimanche à la messe, donner la communion, faire de la catéchèse ou même devenir responsable de la catéchèse ?!?!
Plus fort encore, samedi dernier, on m’a carrément prise pour une religieuse !
Je vous raconte. J’arrivais dans le hall du foyer Saint-Anne pour participer à Théofor, j’enlevais mon manteau, et là un monsieur s’est avancé vers moi en me disant « vous êtes la sœur euh, euh… ». Le temps que je réalise et comprenne la situation, Gilles le prêtre responsable de Théofor volait à mon secours, la main sur le cœur, en disant « Oui, Catherine est notre sœur de cœur (j’ai aimé le geste et la formule) mais elle n’est pas religieuse, vous la confondez avec Sœur Marie-Pascal ». Ce qui est plutôt flatteur pour moi, car Marie-Pascal en question est une adorable femme. Sur ces entrefaites, Sœur Marie-Pascal (la vraie) arriva, enleva son manteau elle aussi, et là, surprise, nous étions habillées toutes les deux de la même façon : même longue jupe en velours côtelé (exactement le même vêtement), chaussures noires quasi semblables, sous-pull blanc, gilet de laine identique mis à part la couleur, verte pour moi, bleue pour elle. Effectivement, il y avait de quoi nous confondre. Nous avons bien ri toutes les deux et avons plaisanté au sujet de notre « nouvel uniforme ». Je me suis dit simplement que c’était la preuve que nous appartenions bien au même monde, elle la religieuse catholique, et moi la protestante mariée et mère de famille.
Quelqu’un a ajouté qu’il me manquait juste la croix, en faisant référence au bijou que portait la religieuse. Or je pense le contraire, que c’est à cause de la croix justement que nous nous sommes rencontrées et que nous sommes amies aujourd’hui, même si je ne porte pas de bijou en forme de croix…moi je portais ce jour là autour du cou, des diamants (eh oui…n’en concluez pas trop vite que je vis dans le luxe), un très joli bijou que ma marraine m’a offert pour mes quarante ans et qui a énormément de valeur pour moi car c’est un bijou qu’elle a porté elle-même et qui est aussi, certes d’une autre manière que la croix, un signe d’amour.
Bon, pour en revenir à Théofor, samedi dernier, il a été question de Jésus-Christ. Le matin, c’est Jésus-homme qui était au cœur du débat, avec en fil rouge de la matinée l’idée qu’il était avant tout un homme libre. Puis l’après-midi, il a été question de Jésus-ressuscité, avec comme fil rouge l’idée que la résurrection concernait toute la création et qu’elle commençait dès aujourd’hui lorsque, en tant qu’homme (ou femme) bien vivant, on tricotait des mailles d’éternité chaque fois qu’on posait un acte d’amour.
La journée s’est achevée par un temps de prière où chaque sous-groupe a pu proclamer sa foi en Jésus-Christ. On nous a en effet demandé de rédiger notre propre credo christologique. Or, j’avais très envie de vous communiquer celui de mon groupe.
Une dernière remarque au préalable, il s’agit d’une expression de foi personnelle même si elle s’est faite en groupe, et spontanée, pas d’un exercice théologico-littéraire…
Ça donne :
J’ai envie de dire,
Jésus est présent au cœur de ma vie, de mes espérances mais aussi de mes échecs,
Jésus-Christ est une thérapie gratuite.
J’ai la responsabilité de croire et de transmettre la bonne nouvelle à ceux que j’aime,
Jésus fait partie de ma vie, c’est tout.
Pour moi, Jésus, c’est fou,
Jésus est mon guide,
Jésus, c’est perturbant, c’est bouleversant.
Je me dis que même si Dieu n’existait pas, ça vaut le coup de suivre Jésus.
Jésus, c’est une rencontre authentique,
Jésus, c’est le chemin.
A la semaine prochaine.
Amicalement,
Catherine
oOo
Jeudi 26 janvier 2006
Amis de Murmure, bonjour,
Vous le saviez peut-être, moi je l’ignorais : on peut devenir prêtre sans obligatoirement suivre de longues études au séminaire, mais « simplement » en faisant valoir son expérience professionnelle et personnelle.
Étonnant, non ?
Dans d’autres secteurs d’activité, on appelle ça la « validation des acquis de l’expérience », qui permet d’obtenir un diplôme, par exemple, sans nécessairement refaire un parcours complet de formation. C’est ce dont a bénéficié le Père Daniel Duigou qui a été ordonné prêtre en 1999 à l’âge de 51 ans. « Ton parcours vaut séminaire » lui a dit un jour Mgr Gaillot à qui il avait exprimé son désir de devenir prêtre.
Je ne peux rien vous dire du parcours personnel, de la formation religieuse ou théologique de Daniel Duigou, car j’en ignore tout, en revanche, je trouve intéressant que l’Église ait pris en compte (et à son compte) sa double expérience de journaliste et de psychanalyste et l’ait reconnue comme lui ayant donné des connaissances intéressantes dans la perspective de la prêtrise. Car il est clair que lorsqu’on est journaliste et psychanalyste, on développe des compétences comme on dit aujourd’hui, c’est à dire des savoir-faire, qualités et capacités, tout à fait transposables dans le « métier » de prêtre. Enfin, il me semble…
Autre originalité: quand Daniel Duigou a été ordonné prêtre, l’Église ne lui a pas demandé de cesser ses activités professionnelles, mais au contraire, l’a encouragé à poursuivre ses deux autres métiers. « Tu restes là où tu es, pour qu’on comprenne que le prêtre n’est pas hors du monde ».Je trouve que c’est une bonne initiative de la part de l’Église vis à vis du monde médiatique qui a très bien perçu la démarche d’ailleurs. Le milieu du journalisme y a vu comme une sorte de bénédiction de ses activités, une forme de reconnaissance de la part de l’Église, de plus la présence d’un prêtre dans ce milieu est perçue comme un signe d’ouverture de l’Église.
Espérons que la présence de Daniel Duigou fera évoluer les représentations souvent caricaturales que certaines personnes du monde médiatique véhiculent sur l’Église, sur l’institution tout du moins.
Pour en revenir au parcours de ce prêtre pas ordinaire, on peut se demander comment on peut mener de front trois activités aussi différentes. J’ai eu l’occasion de rencontrer des personnes qui successivement ou simultanément, ont exercé plusieurs métiers. Je me suis rendu compte qu’en général, il y avait « un fil rouge » entre les différentes activités. Dans le cas de Daniel Duigou, le fil rouge saute aux yeux : le point commun entre les trois fonctions, c’est la Parole. Avec un grand « P ». Pas la communication, ou le discours, ou le langage mais bien la parole.
La parole, explique le « jeune » prêtre, « c’est ce qui permet de lier les individus les uns aux autres. Cela se vérifie chez le journaliste, c’est vrai aussi au niveau du psy : c’est l’accès à la parole qui permet de délivrer un individu de ses blocages. Et puis, il y a l’origine de la parole. L’origine de la parole, c’est Dieu. Dans la Genèse, c’est Dieu qui dit, c’est la Parole qui crée. (…) c’est bien la parole, et pas n’importe laquelle, celle qui vient de Dieu, qui articule la vie »
Ce matin, en écoutant la radio, bloquée dans ma voiture (une fois de plus) sur les routes enneigées, je n’ai pas pu m’empêcher de faire un lien entre ces paroles de Daniel Duigou et celles du psychiatre qui était interviewé sur les ondes et qui affirmait que la parole était, à elle seule, « un véritable miracle ».
Je n’avais jamais pensé que la parole (le propre de l’homme, comme le rire) pouvait être « un miracle », mais un don de Dieu, ça oui sûrement, que Dieu nous laisse utiliser totalement librement d’ailleurs, c’est ça qui est bien…non ?
Qu’est-ce que vous en pensez, vous?
Amicalement, comme toujours,
A la semaine prochaine
Catherine
oOo
Mercredi 1er février 2006
Amis de Murmure, bonjour,
C’est l’effervescence, dans ma paroisse, depuis quelques temps.
L’arrivée de Dominique au sein du Conseil paroissial n’est pas étrangère au phénomène, je pense.
Dominique est une jeune femme très dynamique. Elle est mariée et maman de trois adorables petites filles. Il y a peu de temps qu’elle habite dans la région où elle vient d’acheter une maison, mais elle a déjà noué tout un tissu de relations et fait partie de plusieurs associations locales.
Depuis que ses filles sont scolarisées, elle a pu reprendre une activité professionnelle, à temps partiel, à la paroisse justement où elle fait du secrétariat. Deux matinées par semaine, elle seconde notre prêtre dans des tâches administratives. Pour ce travail, l’Église la rémunère, ce qui est tout à fait normal.
Seulement Dominique ne se contente pas des tâches administratives. Elle profite de sa présence régulière auprès du prêtre et auprès du Conseil paroissial où elle a été élue, pour insuffler un nouveau souffle et diffuser ses idées.
Dominique fait partie de ces croyants qui ont vu, un jour, « la lumière ». Et qui, à partir de ce moment-là, se sont convertis. Un peu comme saint Paul, si vous préférez. Vous voyez le genre ?
Ils sont terribles, ces convertis là. D’abord parce qu’ils ont une foi inébranlable. Jamais ils ne doutent. Ensuite, « la lumière » en question, visiblement leur a ouvert les yeux, si je puis dire. Rien ne leur échappe ou presque, ils voient tout : ce qui va, ne va pas, ce qu’il faut faire, comment faire évoluer les choses, et ils n’ont pas leur langue dans leur poche. Ça leur attire des ennuis, des remarques déplaisantes de l’entourage mais auxquelles ils sont complètement imperméables. Aucun obstacle de toute façon ne peut les arrêter.
Bon, pour en revenir à Dominique, elle trouve que nos célébrations du dimanche sont mornes et tristes, que les chrétiens (dont je fais partie) manquent d’entrain et d’enthousiasme, qu’ils font peur aux nouveaux arrivants, ne font pas assez de place aux enfants et aux jeunes etc…
Alors un jour, elle a lancé l’idée d’organiser un dimanche un peu particulier, « un dimanche pour la foi ». Elle a suggéré une formule : une conférence-débat suivie d’un moment de convivialité et d’une célébration, les enfants étant pris en charge pendant la conférence, par des catéchistes pour des activités adaptées à leur âge. Elle a proposé un conférencier, et un thème : la Résurrection !
Le prêtre l’a suivie dans son idée et a pris les choses en main : organisation d’une réunion, brainstorming général autour du thème de la Résurrection, chacun y est allé de sa profession de foi sur le sujet, c’était pas triste…puis organisation matérielle de l’événement qui n’est pas achevée d’ailleurs, le brainstorming ayant été gros consommateur de temps…Il va nous falloir au moins deux autres réunions.
Croyant faire avancer les choses, et parce que les mots me venaient, j’ai rédigé la lettre d’invitation destinée aux paroissiens. Elle commençait ainsi : Parce qu’il est bon de se retrouver, parce qu’il est bon de cheminer ensemble et d’approfondir sa foi, nous avons le plaisir de vous inviter au 1er dimanche de la Foi. Je précisais le thème : Comment croire en la Résurrection aujourd’hui ?, puis le programme, le lieu, date et heure bien-sûr. J’ai fait une mise en page soignée, et ensuite, j’ai soumis la lettre au « groupe projet » pour avis. Je me doutais bien que la lettre allait être l’objet de discussion, sur la formulation du thème surtout, c’est normal mais je ne m’attendais pas à ce qu’on trouve « mon accroche » insuffisamment incitative et qu’on propose comme entrée en matière ceci : « Parce que vous avez permis à votre enfant de suivre le catéchisme et que nous avons besoin de votre aide, nous vous invitions à une conférence-débat suivie d’une célébration etc. »
?!?!
S’en est suivi tout un débat sur le degré d’incitation que l’on devait manifester vis à vis des parents dont les enfants suivaient le catéchisme.
J’ai défendu l’idée que l’invitation devait être perçue comme une proposition et pas une obligation liée à l’inscription des enfants au catéchisme, qu’elle devait susciter la curiosité et l’envie de venir, qu’elle devait laisser la possibilité de dire oui ou non, et qu’elle devait être relayée par une invitation orale qui elle aussi devait obéir aux mêmes règles.
C’est parce qu’on sentait que ça allait être bien, ce dimanche pour la foi, et qu’on voulait partager ce moment avec le plus grand nombre qu’on lançait les invitations et surtout pas pour « piéger » les parents des enfants catéchisés-qui-ne-vont-pas-suffisamment-à-la-messe. Je force un peu le trait, mais on en était là par moment.
J’ai obtenu finalement, non sans mal, que la lettre commence de manière « soft » par le « parce qu’il est bon de se retrouver…etc »
J’ai bien fait, vous croyez ?
A la semaine prochaine,
Catherine
oOo
Jeudi 9 février 2006
Amis de Murmure, bonjour,
Pour vous - je veux dire pour vous personnellement - la Résurrection commence quand ?
Pourquoi je vous pose cette question ?
Je vous raconte.
Il y quelques temps déjà, deux ans peut-être, les évêques ont lancé ce mot d’ordre : Aller au cœur de la foi. La directive a pris la forme d’un petit livret diffusé dans les paroisses. L’écrit a donné suite à quelques réunions mais qui finalement n’ont engendré que peu d’initiatives, dans ma paroisse en tout cas. J’ai eu, à l’époque, l’impression qu’on avait effleuré le sujet, ce qui est déjà pas mal, mais sans plus.
Et puis, tout à coup, entraînés par Dominique (voir mon courrier de la semaine dernière), j’ai eu comme l’impression qu’on y plongeait au cœur de la Foi. Je fais allusion à cette réunion à laquelle j’ai assisté dernièrement et où il était question d’organiser « ce dimanche un peu particulier » comme nous l’avons appelé, où avant la traditionnelle célébration, on allait proposer aux gens, une conférence avec débat suivi d’un temps en carrefour et d’un moment de convivialité.
Pour une fois, ce n’était pas une réunion organisationnelle mais une véritable discussion avec temps d’écoute et d’échanges. Autour d’un thème proposé par le prêtre (par Dominique en fait) : la Résurrection. On ne pouvait pas être plus au cœur de la foi chrétienne, effectivement (sauf à l’aborder par la voie du service, ou du témoignage en acte bien sûr…). Durant cette fameuse réunion donc, chaque participant y est allé de sa profession de foi sur le thème de la Résurrection. Les gens se sont découverts le soir là je crois. C’était un moment rare, plein de surprises aussi pour moi.
Certains, beaucoup en fait, s’interrogent surtout sur ce qui va ressusciter d’eux : corps ? âme ? cœur ? chair ? personne toute entière ? relations d’amour ?
Moi, je n’ai aucune idée précise mais j’aime bien l’idée que c’est la « personne » qui ressuscite. Mais là n’est pas le plus surprenant.
Ce qui m’a le plus étonnée, c’est que pour beaucoup de participants, la Résurrection ne commencera qu’après leur mort, dans une sorte d’autre monde, et restera indéfiniment un grand mystère durant leur vie. Certes, il n’est pas simple de se représenter ce qu’est la résurrection, ceci dit, elle n’a rien de mystérieux, c’est plutôt quelque chose qu’on ne finit jamais de découvrir. Et c’est surtout quelque chose que l’on commence à vivre du temps de son vivant, sinon je ne vois pas bien l’intérêt d’y croire ! Non ?
Le fait de savoir que Jésus-Christ a pu maintenir sa relation avec nous malgré et par delà sa mort, et la maintient encore chaque fois que nous aimons, suffit à changer notre rapport à la mort, nous fait voir la vie et les gens avec un autre regard, nous rend libre au moins au niveau de la pensée, et nous permet de traverser les épreuves. La résurrection change donc notre façon d’être au présent.
Un jour on m’a fait faire cet exercice (salutaire) : on m’a demandé de repérer comment, dans ma vie, j’ai pu vivre des passages de la mort à la vie, des morts-résurrections ?
Je n’en revenais pas de tout ce que j’ai découvert.
Essayez…
A bientôt,
Catherine
oOo
Jeudi 23 février 2006
Amis de Murmure, bonjour,
Je vous écris, assise dans le train. Je suis en compagnie de mon fils. Nous rentrons de vacances. Ce voyage à deux par le train est un moment rare de complicité, car habituellement nous voyageons en voiture et sommes toujours accompagnés au moins par ma fille et très souvent par mon mari. Ce n’est que la seconde fois que mon fils prend le train, il est tout joyeux, manifeste sa joie, se dit satisfait du confort des wagons « corail ». Il lit un Super Picsou Géant en mangeant des cookies à la nougatine. De temps en temps, il me pique l’ordinateur portable pour faire une BD avec le logiciel PowerPoint ( ?). Il me tend parfois un écouteur de son lecteur MP3 et nous écoutons ensemble Mickey 3D.
Pendant ce temps, je pense à ce que je vais vous raconter. Les idées se bousculent car ça fait longtemps que je ne vous ai pas écrit, et les sujets d’étonnement ne manquent pas en ce moment.
Je me demandais il y a quelques minutes, si le diable existait. Vous en pensez quoi vous ?
Mon fils, qui lit ce que j’écris, un œil dans son DragonBall (tout le monde sait ce que c’est selon Arthur, mais pour ceux qui ne sauraient pas, c’est un manga, c’est à dire une BD japonaise) l’autre oeil sur mon écran, me dit que j’écris n’importe quoi… Évidemment, le diable, on n’en parle plus aujourd’hui…bon, ce qui n’est pas un mal.
Mais moi, je trouve la question intéressante.
Il y a quelques jours, j’aurais encore répondu « non » catégoriquement à la question mais aujourd’hui, franchement, je m’interroge.
Depuis cette mauvaise surprise que j’ai eue en lisant l’article de presse que ma mère avait découpé pour me le montrer et qui s’intitulait : « Du rififi chez les pasteurs ». Le titre m’a fait sourire mais je n’ai pas ri longtemps. Une sombre affaire était dévoilée : l’ancien pasteur à la retraite de ma paroisse était traduit en justice par un jeune homme, l’un de ses derniers catéchumènes, fils d’un couple d’amis du pasteur, pour agressions sexuelles. Jusque là rien d’étonnant pour moi, car les agissements pervers du pasteur (un homme brillant et influant, marié, père de famille, qui était très respecté et apprécié par beaucoup de personnes) étaient connus dans la paroisse. L’Église protestante, en plus haut lieu et à plusieurs reprises, avait tenté de régler le problème à l’amiable comme on le faisait autrefois mais elle n’a pu l’empêcher de nuire. Il aurait fallu lui interdire le contact direct avec des enfants, ce qu’avait fait le directeur de l’orphelinat protestant de la ville…
La justice, elle, a été clémente avec le pasteur (le bénéfice de l’âge peut-être…) car elle l’a relaxé, un 24 décembre au soir, tout en ayant reconnu comme crédible la plainte du jeune homme.
Si les choses s’étaient arrêtées là, mais non. L’ancien pasteur, justement accusé mais relaxé par la justice, s’est retourné contre le jeune homme, sa victime en fait, et contre le pasteur actuel de la paroisse qui avait courageusement soutenu le garçon devenu gendarme entre-temps, convaincu de sa bonne foi, compte-tenu de toutes les confidences de jeunes garçons qu’il avait recueillies dès son arrivée dans la paroisse, il y a dix ans maintenant. Les deux hommes se sont retrouvés accusés de calomnies, l’ancien pasteur leur réclamant en plus des dommages et intérêts (45 000 euros tout de même).
J’ai rendu visite au pasteur actuel. J’ai rencontré un homme fatigué, usé par cette affaire, malade d’un cancer qui s’est brutalement aggravé la veille du second procès, comme par hasard. Comme il a longtemps habité à l’étranger et qu’il n’a pas le charisme de l’ancien pasteur qui lui est resté 33 ans dans la même paroisse (comment est-ce possible ?) il a moins de relations, surtout « bien placées », bénéficie de peu de soutien et se retrouve souvent seul pour faire face aux attaques des paroissiens qui soutiennent son prédécesseur.
Pendant ma visite j’ai osé cette question : l’ancien pasteur, a-t-il fait référence à un moment ou à un autre des procès, à l’Évangile (celui qu’il m’a enseigné…) ?
Et là, surprise, encore une, j’apprends qu’il est devenu agnostique, n’a plus mis les pieds dans un temple depuis le jour de sa retraite après 45 ans de service en tant que pasteur, et se dit sympathisant des bouddhistes. C’est difficile à croire ? oui, je sais.
Bon, l’histoire ne se termine pas trop mal : la justice ne suivra pas l’ancien pasteur et relaxera le jeune homme et le pasteur qui le soutenait. Pourvu que le pasteur ne fasse pas appel maintenant…
Je ne sais toujours pas si le diable existe, mais des hommes sans foi ni loi, oui ça existe…
Et vous, qu’en dites-vous ?
A la semaine prochaine,
Catherine
oOo
Mercredi 1er mars 2006
Amis de Murmure, bonjour,
Je suis tombée des nues, lorsque Florence m’a annoncé, tout à l’heure au téléphone, que son mari l’avait quittée. Un 31 décembre au soir, il y a un peu plus d’un an maintenant, la laissant seule avec deux adolescents pour rejoindre une autre femme.
Nous ne sommes pas très proches, Florence et moi, en revanche nous nous voyons souvent aux réunions de la paroisse, pour la catéchèse surtout. J’étais à mille lieux d’imaginer qu’elle vivait un tel drame. Cette jeune femme dynamique, infirmière de métier, a toujours le sourire aux lèvres (y compris l’année passée). Elle est aux antipodes de la femme qu’on imagine abandonnée par son mari. Florence est très belle, elle est toujours élégante, sa taille mannequin lui permet de s’habiller jeune et de suivre la mode. Les idées qu’elle exprime en réunion sont souvent intéressantes et elle n’hésite jamais à s’engager dans des projets. Elle semble toujours à l’aise dans ce qu’elle fait.
Seulement, aujourd’hui, elle souffre, beaucoup. Lorsque je l’ai appelée au sujet d’une réunion de parents, je pensais en avoir pour 5 minutes, or je n’ai raccroché que 45 minutes plus tard, après l’avoir longuement écoutée.
Elle a tout essayé pour sauver son mariage. Sans succès. Aujourd’hui, c’est son tempérament et sa foi en Dieu qui l’aident à tenir debout, m’a-t-elle dit. Du coup, elle a multiplié ses engagements dans l’Église mais elle rencontre des difficultés dans la conduite de certains projets et elle semble s’épuiser un peu. Elle appréhende les tours de table au début des réunions, quand il faut se présenter. Et puis, elle se plaint de l’accueil que l’Église réserve aux divorcés ( ?).
Elle m’a fait penser à Sylviane, une personne que j’ai rencontrée à l’EDM, un professeur de mathématiques depuis peu à la retraite. Sylviane aussi a été abandonnée par son mari et « a été divorcée » comme elle dit. Elle aussi déplore l’accueil qui est réservé aux divorcés, abandonnés par le conjoint, puis mal jugés par l’Église du fait de leur statut de séparés ou de divorcés..
Florence et Sylviane ont l’une et l’autre beaucoup prié pour que leur époux revienne. Et maintenant elles se plaignent que leurs prières n’ont pas été exaucées…
Moi je pense qu’elles ont bien fait de beaucoup prier, même si, comme nous l’a rappelé un jour le Père Gilles, il ne faut pas prendre Dieu pour une béquille ou un cachet d’aspirine quand quelque chose ne va pas ou quand on n’a plus de « chances » dans la vie. Je pense simplement que Dieu ne peut rien « faire », et sûrement pas là où il n’y a pas de relations « vraies » d’amour. Par contre, leurs prières ont été entendues, il me semble, en Église, car l’une et l’autre disent avoir bénéficié d’un véritable élan de soutien et de générosité dans les moments difficiles…
Du coup, grâce à la prière, ou peut-être au soutien d’amis chrétiens, Sylviane a retrouvé le chemin de l’Église. C’est elle, qui dans une expression de foi spontanée, a dit un jour que Jésus-Christ avait été « une thérapie gratuite » pour elle. Cette expression a fait sourire certains et a provoqué quelques réactions vaguement ironiques de la part de l’entourage. Moi, j’ai entendu simplement la formulation actuelle de ce que les pères de l’Église exprimaient déjà, au tout début du christianisme, comme Synésios de Cyrène, par exemple, un écrivain et poète né en Libye vers 370 qui disait ceci dans sa deuxième hymne chrétienne : A l’aurore, à la montée, au milieu et au déclin du jour sacré et de la nuit divine, c’est toi que je chante, ô Père, médecin des âmes, médecin du corps, donateur de la sagesse, protecteur contre les maladies, donateur, pour les âmes, d’une existence sereine que ne traverse pas l’inquiétude terrestre, mère des douleurs, mère des passions ! …
Certes, c’est plus poétique …
Bon début de carême à vous et à la semaine prochaine,
Catherine
oOo
Samedi 11 mars 2006
Chers amis de Murmure,
Bonjour,
Je ne sais pas ce qu’il en est pour vous, mais moi, j’ai passé une excellente semaine.
J’ai reçu plein de « bouquets de merci » à mon travail, et c’était plutôt agréable.
C’est la période des jurys de diplômes, et les candidats que j’ai suivis pendant leur préparation reçoivent les uns après les autres leur résultat. Quand ils réussissent, ils m’associent à leur joie en général et me font un tas de remerciements par mail, en envoyant une carte, une lettre ou en me téléphonant. Obtenir un BTS, un CAP ou un BAC à 35, 40 ou 50 ans, c’est toute une aventure, croyez-moi… Au début, j’étais un peu gênée par toutes ces manifestations de gratitude, mais maintenant j’accueille tous ces mercis, prends le temps d’écouter, remercie à mon tour pour ces gestes de sympathie. Et je passe ainsi de très bons moments. On devrait se dire merci plus souvent, ça rend vraiment heureux.
J’écoute aussi les plaintes, les regrets de ceux qui ont échoué. C’est moins facile bien sûr mais nécessaire…Heureusement, à cette session dite de printemps (il faudra qu’on la nomme autrement car pour le moment c’est toujours le plein hiver dans l’Est de la France…) il y en a très peu.
Je n’ai eu qu’un seul regret cette semaine, ne pas avoir pu écouter Gilles nous parler, comme il sait si bien le faire, de la résurrection.
J’aurais bien « forcé le passage », dimanche dernier pour aller écouter sa conférence. Ce n’était pas bien compliqué, il fallait juste faire un effort physique pour déblayer les 45 cm de neige qui était tombés dans la nuit et qui avait recouvert l’allée de la maison, ce que mon fils avait entrepris de faire d’ailleurs avant même de déjeuner. Le chasse-neige était passé exceptionnellement tôt dans le village ce matin là, nous pouvions donc descendre sans trop de difficulté au bourg tout proche. Gilles, de son côté, était prêt à mettre les chaînes sur les roues de sa voiture pour parcourir les 25 Km qui nous sépare de chez lui. Mais voilà, aux chutes de neige se sont ajoutées les chutes d’arbre sur la route puis les inondations…ça faisait trop, et Paul, qui est un homme raisonnable, a annulé notre 1er dimanche pour la foi.
Mais patience, nous attendrons le printemps pour parler de la résurrection. Gilles reviendra en avril, la période sera plus appropriée finalement…
Du coup, en famille, une fois n’est pas coutume, nous avons passé notre dimanche matin devant la télévision à regarder un DVD qu’un ami prêtre nous avait gentiment prêté. Nous avons regardé « Papillon » un film de Philippe Muyl, avec Michel Serrault. Un film formidable, que mes enfants ont adoré, une histoire d’amitié entre un vieux monsieur collectionneur de papillons et une espiègle petite rouquine prénommée Elsa.
J’ai profité de ce temps mort aussi pour enfin ouvrir la thèse de Doctorat de mon amie Mylène. Et là, je suis tombée en arrêt dès la page 6, devant cette étonnante citation de P. Sloterdijk, un philosophe allemand (inaccessible m’a prévenue mon amie, au cas où j’aurais été tentée de lire ses ouvrages) : « Il ne faut jamais oublier que les gens ne veulent pas vivre. Ils veulent vivre davantage. La vie nue n’intéresse personne. » Comme c’est vrai ! me suis-je dit. J’ai immédiatement foncé 170 pages plus loin pour savoir ce que mon amie avait fait, elle, de cette pensée originale et ça donne : « la transformation du donné en créé représente pour les sujets une lutte permanente ». C’est la dernière phrase de sa thèse. Ah oui, j’allais oublier de vous dire quel était l’objet d’étude de cette thèse, il s’agit des organisateurs du mouvement dialogique, dit plus simplement, il s’agit de la parole échangée qui devient source de développement de la personne.
C’est comme si j’entendais tout à coup, en écho, ce que j’avais entendu la veille lors de ma journée à ThéoFor où il avait été question de cette vieille ( ?) intuition chrétienne que je partage complètement selon laquelle l’homme est co-créateur avec Dieu, et que c’est une nécessité vitale pour lui cette co-création.
Certes, il n’est pas question de Dieu dans la thèse de Doctorat en psychologie de mon amie bien sûr, mais de co-création et de développement grâce à la parole échangée, à chaque page ou presque, un peu comme dans la Bible…
C’est vraiment très étonnant ce point de convergence du philosophe, de la psychologue et du croyant autour de l’idée de la nécessité que ressent l’homme de co-créer avec d’autres, et/ou avec Dieu, en se donnant tour à tour la parole (mais sans chercher à avoir le dernier mot…).
Mais pour commencer, il faut avoir confiance en ses capacités de développement. Et ça, c’est une autre histoire.
A la semaine prochaine,
Catherine
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Samedi 18 mars 2006
Amis de Murmure,
Bonjour,
J’ai eu une fois de plus la preuve, mercredi dernier, non pas de l’existence de Dieu, mais que pour parler de Lui, il fallait parler doucement. Et avec passion ! Et là, comme par miracle, les gens écoutent.
Parler doucement de Dieu, c’est ce que le Père Axel a fait plus de deux heures durant, au Musée des Beaux-Arts de Besançon, pendant une leçon de catéchisme pas ordinaire.
Lorsque j’ai annoncé à mes amis de la paroisse que j’emmenais 2 groupes d’enfants au Musée des Beaux-Arts pour une séance de caté, ils étaient très sceptiques sur l’intérêt de la démarche.
Il a été plus facile pour moi de convaincre les enfants et ensuite les mamans (en grand nombre…) qui nous ont accompagnés.
Je vous rassure, il n’était pas question de rester planté devant un tableau à écouter un expert discourir. C’est toute une activité interactive sous forme de jeu que le Père Axel nous a proposée, délicatement guidée par ses soins. Nous avons parcouru les galeries, contemplé et commenté les tableaux, lu des passages dans Ta parole est un trésor, parfois debout, parfois assis par terre.
Puis il a fallu retrouver dans toutes les galeries, les tableaux dont nous avions juste une petite partie en photos. Les enfants sont très doués pour ce type d’exercice…La partie «réflexion » était abordée sous forme d’un jeu de questions-réponses (jeu pour lequel le Père Axel a beaucoup de talent…). Tout s’entrecroisait, mais sans confusion aucune : le thème biblique, l’histoire du tableau, l’histoire du peintre, le sens des couleurs, les attitudes des personnages, la place de la lumière. Les moindres détails prenaient sens tout à coup : la couleur rouge des rubans cousus sur le vêtement du disciple d’Emmaüs, la position de la main du garçon qui cueille une fleur dans « la Leçon de catéchisme » de Jules Alexis Muenier, le regard plongé dans le vague de la fillette à la natte, toujours dans le même tableau, ou encore la flamme de la bougie dans le « Saint Joseph Charpentier » de Georges de la Tour.
Nous avons vu Saint Joseph rajeunir aussi, au fil du temps, et au travers des représentations que les peintres ont fait de lui aux différentes époques, c’était très étonnant, ce rajeunissement.
Marie, Emmanuelle et Kelly ont longuement contemplé le visage féminin de l’Enfant-Jésus peint par Georges de la Tour…
L’attention de ces enfants, âgés de 11 à 12 ans, ne s’est pas relâchée une seconde pendant toute la duré de la visite. Il ne faut pas croire ceux qui disent que les enfants d’aujourd’hui ne sont plus attentifs au catéchisme…
Et puis il y a eu pour finir, ce moment un peu exceptionnel. Le Père Axel a osé un temps de prière avec les enfants, devant « La leçon de catéchisme », dans ce lieu public qu’est le Musée des Beaux-Arts. Nous avons tous fait le signe de croix, nous avons lu (les enfants avec enthousiasme) un passage de l’évangile, et le Père Axel a béni les enfants puis les a remerciés.
Cela se fait dans les pays anglo-saxons je crois, et ça ne surprend personne. En France, où l’on sépare vie publique et vie religieuse, c’est audacieux de proposer un temps de prière dans un lieu public.
Un prêtre londonien donne une leçon de catéchisme dans un Musée de Londres toutes les semaines, paraît-il.
Le Père Axel devrait en faire autant au Musée des Beaux-Arts de Besançon.
Si tel était le cas, je veux bien être son élève.
J’allais oublier de préciser, tout cela nous a été donné totalement gratuitement, et de la part du Musée et de la part de l’Église…
Bonne semaine à vous,
Catherine
La leçon de catéchisme - Jules Muenier
Saint Joseph charpentier - G. de la Tour
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Dimanche, 25 mars 2006
Amis de Murmure, bonjour,
La meilleure pédagogie étant encore la « redite », nous avons fait mémoire mercredi dernier, de notre leçon de catéchisme au Musée des Beaux-Arts. (Voir ma lettre de la semaine dernière au bas de cette page).
Les enfants étaient enchantés de leur sortie au Musée et de la leçon de caté pas ordinaire du Père Axel. Leur contentement s’est manifesté au travers de la richesse de leurs commentaires « à froid » et par leur enthousiasme à raconter ce qu’ils avaient vécu. Une seule question de ma part a suffi pour les lancer dans toute une discussion, parfois profonde et étonnante.
Les enfants se souvenaient de tous les tableaux qu’ils avaient commentés avec le Père Axel. Tableaux qu’ils ont rebaptisés au passage, avec des formules souvent plus évocatrices que le titre donné par le peintre. C’est ainsi que le « Saint-Joseph charpentier » de G.de la Tour est devenu « Jésus qui tient le cierge allumé pour son père (Père ?) », ce qui est très juste il me semble ; il s’agit bien de cela : Jésus qui porte la lumière au milieu des ténèbres de ce monde, c’est ce que les enfants m’ont expliqué d’ailleurs avec leurs mots et en insistant beaucoup sur l’opposition lumière- ténèbres.
« La leçon de catéchisme » de Jules Muenier est devenue « le catéchisme dans la nature ». Un garçon m’a dit que « ça changeait, parce que nous, on le faisait toujours dans une salle ». Ce à quoi j’ai répondu que nous pouvions, nous aussi, nous réunir dehors, que c’était une excellente idée. Un troisième a proposé de manger aussi pendant « le caté dehors », un peu comme dans le tableau représentant les disciples d’Emmaüs partageant le pain avec le Christ ?!?! Je sens qu’il va falloir programmer un pique-nique au bord de la rivière et inviter Axel, heureusement les beaux jours sont de retour…
A propos du tableau représentant Jésus partageant le pain et le vin avec les disciples d’Emmaüs, Kelly, 11ans, a eu cette réflexion étonnante : « c’est un miracle, qu’après sa mort, Jésus partage encore son pain avec ceux qui l’ont trahi, car le monde l’a un peu trahi puisqu’il l’a tué. Il partage encore malgré ceux qui lui ont fait du mal. Il a de bonnes actions…. »
Il n’y a qu’une œuvre qui ne les a guère inspirés : c’est l’ « Adam et Eve » de Cranach. La lecture de Genèse 3 non plus ne les a pas emballés. Il faut dire que ce passage de la bible est bien énigmatique. Je me demande toujours ce que peut bien être cet arbre, de la connaissance du bien et du mal pour certains traducteurs et de la connaissance totale pour d’autres. Les enfants ne sont pas les seuls, n’est-ce pas, à se demander ce que les anciens ont bien voulu dire au travers de ce texte. ..
Je leur ai dit qu’il manquait un élément essentiel pour comprendre, qu’un peintre aussi doué soit-il ne pouvait restituer : le son, de la voix manipulatrice et mensongère du serpent. S’ils avaient pu entendre le son de la voix du « diviseur », ils auraient peut-être mieux compris la situation dans laquelle Adam et Ève se trouvent.
Le mensonge, l’une des pires choses dans ce monde. Je ne parle pas là des histoires, fables ou inventions des enfants ou des adultes mais du faux-témoignage ou de la parole malveillante prononcée avec l’intention de nuire ou de manipuler et qui divise.
Je suis toujours étonnée qu’au milieu de toutes ces recommandations qui nous sont faites au moment du carême, moins manger, prier plus, partager plus, être moins matérialiste et j’en passe, ne figure pas celle de moins parler et de n’ouvrir la bouche que pour parler en vérité sans relayer le mal, sans manipuler l’autre ou l’information.
Pourtant, le monde s’en porterait immédiatement mieux, ne croyez-vous pas ?
A la semaine prochaine,
Catherine
oOo
Samedi 1er avril 2006
Chers amis de Murmure,
Il était 19 heures 30, la journée de travail avait été intense, je terminais tant bien que mal d’éplucher les légumes pour le repas du soir entre 2 coups de téléphone, quand ma fille (10 ans bientôt) s’est adressée à moi avec cette question : Tu crois, toi, que ça existe les anges ?
????
Je suis restée quelques instants face à elle, le couteau de cuisine entre les mains, l’esprit vide.
« Écoute, ma chérie, tu demanderas à Paul (c’est notre prêtre) ce qu’il en pense, quand tu le verras », me suis-je entendu répondre. C’est ce qu’on appelle « botter en touche », je crois.
A la sortie de la messe, le dimanche suivant, alors que je cherchais ma fille partout, je l’ai retrouvée plantée au milieu de l’allée centrale dans l’église vide. Patiemment, elle attendait Paul pour lui demander si les anges existaient. C’est ce qu’on appelle avoir de la suite dans les idées. Paul a fini par arriver, s’est arrêté devant elle, de toute façon il ne pouvait pas faire autrement, et elle lui a posé SA question à propos de l’existence des anges.
Le problème est qu’il n’a pas eu le temps de répondre, c’est son aréopage féminin qui s’en est chargé. L’une des dames présentes s’est mise à raconter comment quelqu’un de son entourage avait eu la vie sauve en voiture grâce à son ange gardien ?!?!
Catastrophe, me suis-je dit, ma fille va faire le lien avec la fameuse série télévisée « Joséphine, ange gardien » qu’elle adore regarder, et en conclure bien évidemment, que les anges n’existent pas. Ariane a un esprit très cartésien, aime les chiffres et les sudokus, et ne croit pas au surnaturel…
Heureusement, Paul a pu reprendre la parole entre deux épisodes de sauvetage par les anges gardiens et lui glisser à l’oreille que les anges étaient des messagers.
« C’est quoi un messager ? » m’a-t-elle demandé dans la voiture.
Alors j’ai pu lui dire que les messagers étaient ceux qui apportaient des messages de la part de Dieu, et qu’ils avaient toujours le sourire, ce qui permettait de les reconnaître. Comme toi, ai-je pensé. Ma fille sourit beaucoup. Ceux qui la croisent lui font souvent la remarque qu’elle a un « beau sourire », ses grands cousins, déjà, qui voient dans ce sourire un futur moyen de séduction, les maîtresses stagiaires de son école aussi, qui lui ont écrit en réponse à un message qu’elle leur avait adressé, qu’elles espéraient avoir plein d’élèves ayant un beau sourire comme le sien.
Quand elle sera plus grande, je lui dirai qu’elle reconnaîtra les messagers de Dieu à leur sourire qui annonce un projet non pas pour Dieu mais à cause de Lui, et à la nature de la proposition qui lui sera faite et qui devra être « sur mesure », pour elle. Quand Dieu demande, sa demande est toujours en exacte résonance avec l’être de la personne à qui il s’adresse et avec ce qu’elle peut faire.
Mais pourquoi l’ange sourit-il allez-vous me demander maintenant ?
Écoutez la réponse de l’Abbé Pierre : « alors l’ange sourit peut-être parce qu’il se sait aimé. Aimer, se sentir aimé, c’est probablement une des raisons que l’ange a de sourire à la vie. Oui, la vie, c’est un peu de temps donné à des libertés pour, si tu veux, apprendre à aimer ».
Je souhaite à mon jeune enfant, de connaître beaucoup de ces libertés-là…
A la semaine prochaine
Catherine
"L'ange au sourire" - Cathédrale de Reims
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Dimanche 9 avril 2006
Amis de Murmure, bonjour,
Au milieu du livret de catéchisme que j’ai remis aux enfants dernièrement, figure la représentation d’une croix, avec comme titre « l’amour fou de Dieu » et ce célèbre passage de la 1ère lettre de Paul aux Corinthiens : « alors que les juifs réclament les signes du Messie, et que le monde grec recherche une sagesse, nous, nous proclamons un Messie crucifié, scandale pour les juifs, folie pour les peuples païens » et pour les chrétiens aussi… avais-je envie de rajouter !
En lisant ce verset, je me suis dit que j’avais été longtemps comme ces Juifs du nouveau testament qui attendent un signe, une preuve, une manifestation extraordinaire du Messie qui permettraient de Le reconnaître et qui consisteraient en une grande lumière, un événement singulier ou un miracle. Mais de tels faits ne se sont jamais produits, en ce qui me concerne en tout cas. Dieu merci, car j’aurais arrêté de penser et de cheminer et je crois que ça aurait été vraiment dommage.
J’ai eu l’attitude des Grecs aussi je pense, en considérant la vie du Christ comme un modèle de conduite, une philosophie, un art de vivre.
La résurrection, elle, restait une abstraction.
Et puis un jour, j’ai rencontré Lucas, un étudiant en théologie, mon formateur lorsque je débutais comme catéchiste qui m’a dit ceci : « si on ne croit pas en la résurrection, on ne peut pas se dire chrétien ». Parce que je me croyais chrétienne mais je ne l’étais pas…et Lucas s’en était rendu compte. Il m’a aiguillonnée et il a bien fait.
Puis, heureusement, sont advenus les moments, où enfin, grâce à une place plus grande laissée à Dieu, grâce à une relecture des Écritures et une communion vécue au travers de relations authentiques, la pensée change d’optique, sur les sujets délicats que sont le mal et la mort surtout. Car notre Dieu nous signifie qu’il l’a subie et l’a surmontée. Alors, la mort change de signification. … Et la vie ressurgit sous une autre forme, elle a une autre valeur. La résurrection devient alors une conviction. Et une expérience qui commence avant la mort. Elle devient enfin, intéressante.
Il est bon de vivre en ressuscité dès cette vie-là, sur terre, et normalement ça doit se voir, même en période de carême. C’est ce que Gilles nous a expliqué lorsqu’il a répondu à notre invitation et est venu inaugurer notre premier dimanche de la foi par une conférence sur le thème : Comment croire en la résurrection aujourd’hui ?
Ils étaient venus, étonnamment nombreux, pour l’écouter, contrairement à ce que certains prédisaient, beaucoup étaient même tout joyeux en arrivant à l’Église. Il faut croire que le sujet passionne toujours, y compris ceux qui ne vont pas souvent, voire jamais, à la messe et qui étaient venus ce jour là… Sans parler de ceux qui ne voulaient venir qu’à la conférence et surtout pas à la célébration, et qui, entraînés par le mouvement sont restés, avec plaisir apparemment, à la messe qui suivait. « Les gens ont faim", me disait Gilles en préparant son intervention. Je ne sais pas si les invités avaient des têtes de ressuscités en sortant de l’église ce jour là, mais des têtes de rassasiés, oui. Et ça se voyait.
Je pense simplement que le Christ ressuscité, aujourd’hui, c’est d’abord son Église. Je parle de l’« événement » qu’elle constitue, pas des édifices bien sûr…
Je vous souhaite de vivre une belle semaine sainte,
Amicalement,
Catherine
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