A CONTRESENS

 

(de septembre 2011 à juillet 2012)

 

 

 

86 - REPOS

 

Durant la période qui s’ouvre, beaucoup de nos concitoyens vont prendre des vacances. En effet, le corps, après une année de labeur bien remplie, demande un temps de récupération. D’ailleurs, le droit au repos est inscrit en quelque sorte dans nos pratiques sociales et quotidiennes : l’automobiliste empruntant une autoroute trouve des aires de repos, la maison de repos accueille le malade convalescent, le médecin prescrit un repos forcé à celui qui est à bout ; bref, chacun, un jour ou l’autre, est appelé à interrompre momentanément son activité habituelle. Le repos a assurément un fondement biblique puisque Dieu lui-même, après avoir travaillé six jours s’est octroyé une journée de repos (qui apparemment n’est pas terminée), il se repose sur l’homme, ce qui, avouez-le, n’est peut-être pas sa meilleure décision mais c’est une autre histoire…

 

Pourtant, certains ne savent pas comment se reposer. Je parle de tous ceux dont le métier est de penser, tous ceux qui travaillent avec leurs méninges. Ils sont nombreux : écrivains, étudiants, chercheurs, ingénieurs, candidats aux élections qui ont écrit des milliers de discours, etc. Mais le repos est-il possible, lorsque l’activité principale consiste à penser ? Rien de plus simple, me direz-vous, le délassement d’une fatigue musculaire se produisant quand cesse toute activité physique, la matière grise, en quête de repos, peut suivre un cheminement parallèle : il suffit de penser à rien. Penser à rien, croyez-vous que ce soit facile, avez-vous déjà essayé ? C’est pratiquement impossible. Penser à rien, c’est déjà penser car rien n’est pas rien, en effet, on peut trouver « moins que rien » ; donc, rien, c’est déjà quelque chose ; rien, ce n’est pas le néant. Penser à rien, c’est laisser vagabonder son esprit à la recherche de rien mais alors, mille images surgissent, occasionnant par là, une fatigue supplémentaire. L’esprit ne peut-il donc jamais connaître le relâchement ? Pourtant, le repos de l’âme est une réalité ; qui peut le plus, peut le moins, n’est-ce pas ?

 

Comment sortir de cette contradiction : pour reposer ses méninges, il faut penser à rien ; or, ne pas penser est illusoire. La solution existe cependant, elle est à la fois simple et complexe. Puisque l’esprit ne peut se fixer sur rien, le remède réside à l’occuper à penser à des riens, à l’alimenter de néant, ce qui, vous en conviendrez, est une toute autre démarche que celle d’essayer de penser à rien. Comment faire ? La voie est toute tracée : rechercher la déficience, la néantise et la nullité ; rien de plus accessible ; par exemple, regarder la télévision (inutile de jeter un œil sur les programmes, il suffit d’ouvrir le poste), parcourir des magazines, des journaux, des livres (ce serait trop long d’en donner une liste qui ne serait jamais exhaustive).

 

En conclusion, l’homme qui travaille du cerveau, pour se défatiguer doit nourrir sa pensée de rien, c’est à dire absorber son esprit à des futilités, à des balivernes, à des niaiseries, à des sornettes, à des brimborions, à des vétilles, à des babioles, en quelque sorte lire des sottises.

 

Vous sentez-vous, à présent, reposés ? Alors, ce billet a pleinement atteint son but.

 

Gérard 

 

85 - NE JETEZ PLUS VOTRE DÉVOLU, RECYCLEZ LE !

 

 

Malgré les incitations à la protection de la nature, la pollution ne cesse de se répandre. Il faudra encore beaucoup d’insistance, de persuasion et de pédagogie pour que l’on ne trouve plus de papiers jonchant le sol, de plastiques en tout genre balancés n’importe où, d’objets inertes abandonnés par de promeneurs inconvenants. Bien qu’à ma connaissance les écologistes ne l’aient pas encore déploré – il serait temps – vous avez certainement remarqué que le premier venu, le quidam moyen, l’olibrius de service (c’est ainsi que je les nomme) jettent leur dévolu, ici ou là, sans état d’âme, sans même avoir conscience de l’incivilité d’une telle attitude.

 

En se promenant dans la campagne la plus reculée, sur le sentier de forêt le plus secret, sur une route tranquille, sur un chemin vicinal, dans un musée paisible, ou encore dans une église classée monument historique bref tout ce qui peut guider des pas hésitants ou résolus, des coups de cœurs ou des itinéraires soigneusement préparés, on se heurte à une montagne de dévolus jetés sans vergogne, à la va-comme je te pousse, sans se soucier des nuisances occasionnées. Certes, nul ne peut empêcher quiconque de jeter son dévolu parce qu’il n’en a plus besoin mais que ce geste, à défaut d’être auguste comme celui du semeur, soit au moins la manifestation d’une conscience guidée par le respect de l’environnement.

 

Le dévolu, s’il doit se faire jeter, mérite un sort plus reluisant que celui d’une simple peau de banane : il doit être recyclé car la pollution engendrée est importante. En effet, que se passe-t-il sur les amoncellements de dévolus ? Très rapidement, l’altération du sens civique, l’oxydation de la pensée, la fermentation et la putrescence de la moralité font leurs œuvres : le dévolu se transforme en déchet, décrépitude, puis détritus.

 

Par contre, s’il est recyclé, le dévolu peut faire sortir de l’ornière les hésitations paralysantes, ajuster les désirs chimériques aux projets réalistes, battre le rappel des cœurs récalcitrants pour un nouveau départ. Assurément, à l’instar des déchetteries recyclant les déchets verts en compost, le dévolu soigneusement déposé dans les récupérateurs prévus à cet effet, devient, après traitement, « force vive ».

Ainsi, après avoir jeté votre dévolu, vous pourrez récupérer des forces.

 

Gérard 

 

84 - L’ARGENT FOU.

 

Plaignons de tout cœur, l’homme qui gagne un argent fou, il n’obtient nul repos. En effet, - manifestation peu connue mais cependant assez courante - l’argent peut être frappé de démence.

 

Quels sont les premiers signes qui doivent alerter le possesseur de fonds ? Si l’argent n’arrête pas de passer de main en main, de voyager de marchés financiers en places boursières, s’il se dépense sans compter, s’il profite du plus petit dessous de table pour s’y blottir, soyez vigilant car la folie commence par un grain. L’argent n’a pas d’odeur mais dès qu’il est atteint d’aliénation, il dégage une senteur de soufre et s’il se met à travailler au noir, il devient sale et son blanchiment peut coûter cher. Quelquefois l’argent fou cherche à crever le plafond des taux usuraires et, afin d’éviter de retomber sur les taux plancher, il fait le mur et tous les hommes politiques vont alors se casser les dents sur le mur de l’argent.

 

L’argent fou peut devenir dangereux quand il menace de se jeter par la fenêtre ; dans cette extrémité, il n’y a plus qu’une seule solution efficace : l’enfermer à double tour dans un coffre-fort.

 

Quand il meurt, l’argent fou, va directement au paradis….fiscal.

 

Gérard 

 

 

 

83- faire bonne mesure.

 

Quel que soit le vainqueur du scrutin 6 mai (cette chronique est écrite fin avril), il devra prendre des mesures de rigueur pour faire face à la situation économique. Il ne m’appartient pas de soutenir ici un programme politique spécifique mais il est indéniable que les efforts demandés pour qu’ils soient efficaces, doivent être compris, admis et surtout partagés par tous. Pour que ces dispositions aient un impact psychologique suffisant, je suggère au futur président, de ne pas les limiter au seul champ économique mais de les étendre à d’autres domaines.

 

La première décision à prendre - et elle requiert du courage – sera de s’attaquer au mètre étalon ! Eh oui, pourquoi serait-il exempt d’efforts, pourquoi continuerait-il à déployer toute sa longueur et sa langueur pendant que d’autres se serreraient la ceinture ? Pour faire bonne mesure, je propose donc un prélèvement de 2 % sur toutes les longueurs, le mètre étalon doit se contenter de 98 cm. Et pour éviter les accusations de faire deux poids deux mesures, les poids doivent eux aussi, dans la mesure de leur masse, contribuer à l’effort de redressement : le poids de 1 kg sera donc ramené à 980 grammes. Les conséquences sont évidentes : les surfaces des appartements augmenteront et par conséquence, le prix du mètre carré de la surface habitable diminuera, ce qui démontre bien que cette politique aura un effet bénéfique. Par contre, nous prendrons tous quelques kilos supplémentaires bien vite oubliés car nous subirons un régime sévère.

 

Soulignons d’autres répercussions très positives de cette généralisation de la rigueur : le coiffeur ne coupera plus les cheveux en quatre mais en trois ; sonnés, nous ne verrons plus que trente cinq chandelles ; finis les cent pas, ils se réduiront à quatre-vingt dix huit ce qui diminuera le temps d’attente. Innovation importante dans le domaine religieux : les péchés capitaux ne seront plus au nombre de sept mais de six, nous serons donc pardonnés plus largement. Par contre, en amour la situation va s’aggraver : plus question d’atteindre le septième ciel, on devra se contenter du sixième et pour une de perdue, hélas, seulement neuf de retrouvées…

 

Restent plusieurs questions non résolues à ce jour, par exemple : comment, en période de restriction alors que tout diminue, repartir de zéro surtout si l’on n’est pas un moins que rien et comment ne pas dépasser la mesure quand celle-ci est à son comble ?

 

Gérard 

 

82 - Le vent SE LÈVE.

 

Le soir tombait. Devant le feu qui les réchauffait, quatre membres d’une famille parlaient de la pluie et du beau temps. « Lézintempéries » c’était le nom de cette famille un peu particulière dont tous les membres portaient des prénoms originaux et expressifs : « Tonnerre » pour le père « Eclair » pour la mère, le fils se prénommait « Vent » et la fille « Grêle ».

Soudain, le vent s’est levé de sa chaise en disant :

 

-          « Je vais prendre l’air ».

 

-          « Je t’accompagne », dit la grêle,

 

-          « Non pas maintenant, je reviens de suite, je vais juste faire un tour en coup de vent. »

 

Sa mère lui faisant une bise ne put masquer son inquiétude :

 

-          « Ne prends pas froid. A quelle heure rentres-tu car pour le repas, j’ai prévu un soufflé ?

 

-          Je n’étais pas au courant ; laisse tomber, fais plutôt des vol-au-vent.

 

-          Ne t’aventure pas vers la côte car les éoliennes sont très mal signalées, tu pourrais t’empaler.

 

-          Maman ! Ça m’amuse de jouer avec leurs ailes, j’aime me battre contre des moulins à vent.

 

-          Attention, en arrivant en ville, ralentis sinon tu iras droit dans le mur.

 

-          Ecoute, d’abord je souffle où je veux ! Si je veux voir les roseaux plier et les chênes trembler, cela me regarde ! Je ne suis plus un gamin. Tu me crois brise, sache que je peux souffler en tempête ! Mets-toi bien cela dans la tête et ne m’appelle plus zéphyr mais aquilon ! Etre pris pour un simple courant d’air, de quoi, ai-je l’air !

 

-          Ne fais pas le malin, ce que tu racontes, c’est du vent. Allez, je ne te retiens pas, bon vent !

 

Gérard  

 

 

81 - MAIS OÙ EST DONC PASSÉ MON CORPS ?

 

Mon corps a disparu. Je ne me souviens plus dans quelle circonstance. Eh oui, il s’est détaché de moi sans raison apparente (peut-être a-t-il voulu se prendre en main pour voler de ses propres ailes mais c’est assurément une vue de l’esprit) ; alors, je me suis lancé à corps perdu à sa recherche et, en désespoir de cause, à mon corps défendant, j’ai poussé la porte du bureau des objets trouvés.

 -          Personne ne nous a signalé de corps errant. Comment cela vous est-il arrivé ?

 

-          J’ai d’abord perdu pied et le reste a suivi.

 

-          Quel âge avait votre corps ?

 

-          Soixante cinq ans et des poussières.

 

-          Des poussières….voilà une précieuse indication pour localiser votre corps. Et votre âme ?

 

-          Mon âme ?

 

-          Oui, votre âme et votre corps s’entendaient-ils bien ?

 

-          Ils se sont séparés. Pourtant, j’avais l’âme chevillée au corps. Bien sûr, ils se chamaillaient souvent, ils se traitaient de tous les noms : « Ote-toi de là, espèce de corps étranger ! Eh ! Vas donc, avec ton vague à l’âme ». Un jour, ils en sont venus aux mains dans un corps à corps brutal et fatal : l’âme a saisi le corps à bras le corps et mon corps a rendu l’âme qui, depuis, est condamnée au repos.

 

-          Au fait, avez-vous vraiment besoin de votre corps ?

 

-          Non. Paradoxalement, c’est comme si je m’étais débarrassé de tout ce qui m’empêchait de voir, d’entendre, de goûter, de sentir, de toucher. Je n’ai pas perdu les sens, bien au contraire, ils sont décuplés : en un sens, je retrouve toute ma curiosité et mon ingénuité d’enfant, mon enthousiasme d’adolescent, ma puissance et ma fécondité d’adulte et ma sagesse de senior. Je me souviens de tout ce que mon corps a vécu.

 

-          En somme, vous avez encore toute votre tête ?

 

-          Oui, et même mon cœur ; j’aime encore plus fort celles et que ceux j’ai croisés et je converse avec tous les autres humains qui ont peuplé la terre : les génies (Einstein, Léonard de Vinci, Mozart, Cléopâtre, Confucius etc.) et les milliards et milliards d’inconnus, tous, merveilleusement éblouissants et prodigieusement fascinants. J’entre en communication avec chacune et chacun d’eux, sans aucun obstacle, comme s’il n’y avait plus de séparation entre nous, sans me préoccuper du temps qui passe. Au fait, quel jour sommes-nous ?

 

-          Nous sommes hier, aujourd’hui et demain ; tout est présent ; tout est un présent.

 

-          Mais, où suis-je ?

 

-          Nulle part et partout. Vous êtes dans la lumière.

 

-          Pour toujours ?

 

-          Toujours est banni à jamais. Le temps et l’espace qui emprisonnaient votre vie ont volé en éclat ; désormais, vous êtes libre, heureux, éternellement vivant.

 Gérard

 

80 - LE CERF

 Je suis un cerf.

 

J’ai un cor et je crie et je crie encore et encore. A cor et à cri, je crie car mon cor s’incorpore et j’ai peur de me retrouver avec un pied déformé comme un meuble, en pied-de-biche.

Je n’aime pas le son du cor le soir au fond de mes bois, il me met aux abois.

Je dois rester dans la harde sous le regard de la bréhaigne, la vieille veille, je dois suivre et si je veux voler de mes propres ailes en empruntant des voies dérobées, elle me prend pour un cerf volant, en quelque sorte un faux cerf mais je lui rendrai la monnaie de sa pièce.

Quand l’automne arrive, c’est la saison du rut, je suis tout excité et si une biche brame au clair de lune, je fonds des yeux, en lui disant, faisons l’en-faon. Mais avant, je dois me battre, je brame, l’on me nargue : « alors ça biche ? ». C’est le drame car souvent mon combat se réduit à un bas rut d’honneur. Je suis épuisé, je suis un « cer vidé ». J’en perds mes bois et voici qu’au printemps, me poussent de nouvelles cornes.

 

Je ne suis qu’un pauvre cerf ; au moyen-âge, on m’aurait qualifié de vilain (il est vrai qu’à l’époque, on n’y allait pas de main morte…) ; néanmoins, je me demande à quoi je sers.

 

Gérard 

 

79 - ECHELLE DE RICHTER 

 

La police d’Altadena, petite ville de Californie, est sur les dents : on a volé l’échelle de Richter. Sur le mur, derrière l’entrée de la maison de Charles Francis Richter était appuyée cette longue échelle qu’il avait confectionnée en 1935. Elle était l’objet de curiosité : parfois sans raison, elle se mettait à trembler mais elle ne tremblait que sur la partie basse. Autre particularité étonnante, ses barreaux étaient inégaux : très rapprochés en bas et de plus en plus éloignés à mesure que l’on montait, certains humoristes parlaient même d’une échelle logarithmique… on avait écrit en face de chaque barreau une graduation et quand elle tremblait on pouvait voir jusqu’où, un peu comme on repère le niveau d’une rivière en crue. En général, les tremblements n’affectaient que les premiers barreaux, de temps en temps, elle tremblait jusqu’à quatre, particulièrement spectaculaires mais rares apparaissaient les tremblements jusqu’à six et quelques-uns se souvenaient d’avoir vu un tremblement jusqu’à neuf, à l’époque, on avait même évoqué la possibilité d’agrandir (« d’ouvrir »  avaient précisé les experts) l’échelle.

 

Qui a bien pu voler cette échelle et dans quel but ? Les voisins interrogés n’ont rien vu, cela s’est sans doute passé la nuit, les chiens n’ont pas aboyé, bizarre…. Serait-ce un familier des lieux ? D’autre part, les propriétaires, le fils de Charles Francis, sont absents, injoignables. La police n’a pas relevé d’empreintes ou elles ont été effacées par le vent qui soufflait en rafales cette nuit là.

 

Cette échelle faisait l’attraction de la ville d’Altadena, on y venait nombreux à pied, en voiture, en train, espérant voir l’échelle trembler et pouvoir ainsi raconter : « Moi, je l’ai vu trembler jusqu’au cinquième barreau »…même si l’on en rajoutait un peu... Evidemment, les hôteliers et les restaurateurs sont furieux, l’économie locale est menacée. L’opposition municipale ne manquera pas d’ironiser sur l’économie qui repose sur deux morceaux de bois tremblotants : «Un gaspillage à grande échelle ! Qui nous fera la courte échelle maintenant ? » Ces titres feront sans doute les choux gras des journaux d’opposition.

 

La police est perplexe. Normalement, une échelle est utilisée pour monter sur le toit ou sur un arbre fruitier. Cette échelle avec ses barreaux inégaux, ne présente aucun intérêt, ne faisant que trembler. Certains plaisantins suggéraient d’aller explorer le tribunal : une opportunité pour les ténors du barreau de gravir les échelons plus rapidement…

 

C’est par hasard, à plus de 100 miles que la police l’a retrouvée. Un passant avait été intrigué par un ravalement de façade réalisé en discontinu comme s’il avait manqué à l’échelle de l’artisan certains barreaux, des pans entiers de murs n’avaient pas été peints. Interrogé par la police, le peintre, un peu simplet, sans nier avoir dérobé cette échelle, se refugia derrière les conseils donnés par son expert comptable : « Monsieur, il faut étendre votre activité, il vous faut désormais travailler sur une grande échelle».

 

Gérard

 

78 - PÂTISSERIE

 

-          Bonjour Madame je voudrais une pâtisserie mais je ne sais « cake » je vais prendre, cela ne va pas être de la tarte de choisir, que me proposez-vous, je suis pressé.

 

-          Eh bien, prenez un éclair.

 

-          Bof, c’est un peu banal ; je reçois une personne respectable.

 

-          Il vous faut donc un saint-honoré ou un florentin.

 

-          C’est pour une dame.

 

-          Alors, une religieuse.

 

-          Après un croque-monsieur, une religieuse peut rester sur l’estomac et l’on pourrait croire que l’on a avalé un pet-de-nonne. Avez-vous une pâtisserie au rhum ?

 

-          Non

 

-          Non ? J’en reste baba.

 

-          Pourquoi pas un mille feuille ?

 

-          Non, je ne voudrais pas qu’elle tourne la page.

 

-          Si c’est pour une dame, je vous conseille une charlotte.

 

-          Elle s’appelle Amandine, c’est un chou et si le dessert ne lui convient pas, elle va pleurer comme une Madeleine.

 

-          Justement, j’ai une amandine, elle sera ravie.

 

-          Non, elle va croire que je fais amende honorable.

 

-          Vous ne voulez pas une forêt noire, un bavarois, un mont blanc et pourquoi pas un chinois ou encore un marron glacé ! Il y a d’autres clients, choisissez ; dépêchez-vous ou vous courrez demander à la lune de vous vendre un croissant !

 

-          Vu les circonstances, je prends un Paris-Brest.

 

-          Uniquement l’aller, pour le retour, vous vous adresserez ailleurs.

 

Gérard

 

 

77 - QuIconque, CE n’est pas n’Importe quI.

 

 

Un quidam quelconque peut-il se faire passer pour n’importe qui ?

 

C’est une question, ô combien passionnante….. Autrement dit, le premier individu venu est-il susceptible de faire n’importe quoi, sans qu’on le remarque, sous prétexte qu’il serait n’importe qui ? Comment éviter de croiser ce zigoto ? Où se cache-t-il ? N’importe où. C’est à dire ? Ici, par exemple ; mais, ici, c’est chez moi ! Et je suis perçu comme quelqu’un de respectable donc je ne suis pas l’olibrius en question. Si ce gaillard-là ne se trouve pas ici et s’il existe, il faut le chercher ailleurs.

Comment le repérer si l’on ne sait pas où se niche, cet ailleurs ? Sans quoi, cet énergumène est capable de faire n’importe quoi. Ne nous y trompons pas, faire n’importe quoi, c’est faire quoi que ce soit - et honni soit qui mal y pense - car celui qui fait quoi que ce soit, quoiqu’il soit en présence de qui que ce soit, a de quoi ; il n’est donc pas n’importe qui, même s’il reste coi, quoi qu’on en dise ! Grâce à quoi, (il n’y a pas de quoi) ce à quoi l’on aboutit, c’est qu’un sieur civilisé, ne peut pas faire n’importe quoi. En effet, si n’importe qui fait n’importe quoi, n’importe où, quelles qu’en soient les circonstances, ce ne peut être qu’un ostrogoth sans foi ni loi donc jamais un quidam quelconque.

 

Moralité : qui que tu sois, où que tu sois, quoi que tu fasses, même si tu passes pour un je-ne-sais-quoi, sache que tu n’es pas n’importe qui.

 

Gérard

 

 

76 - COCOTTE-MINUTE

 

 

Fini le temps où il fallait poser la marmite sur le feu de la cheminée et patienter de longues heures pour concocter de bons petits plats. En 1675, Denis Papin, l'inventeur de la machine à vapeur, avait bien imaginé un "digesteur d'aliments" pour ramollir les os et les cuirs de viande, mais il fallut attendre le début des années 50 pour la mise au point du premier autocuiseur. Ce sont les frères Lescure qui fabriquèrent ce produit révolutionnaire pour la ménagère. La cocotte-minute fut fabriquée, et commercialisée en 1953 par la société SEB (Société d'Emboutissage de Bourgogne). Mais peut-être ignorez-vous comment fut trouvé le nom « cocotte-minute » ? C’est une belle histoire.

 

Frédéric Lescure était à table avec son épouse; des pommes de terre mijotaient sur le feu

Il avait l’air absent, l’esprit occupé à chercher un nom pour sa nouvelle invention. Sa femme, lasse de le voir perdu dans ses cogitations, bouillant intérieurement, lui dit :

 

-          Frédéric, apporte la marmite.

-          Minute.

-          Je suis pressée. Dépêche-toi !

Et puis énervé, il s’écria : « J’arrive » et dans sa demi-conscience prenant la marmite par les deux anses, s’imaginant qu’il sortait sa jument qui s’appelait Cocotte pour faire les livraisons, s’écria  « Allez, hue, Cocotte !». Goûtant une pomme de terre, sa femme lui dit : « Elles ne sont pas cuites, remporte la marmite ». Alors, des vapeurs de colère s’amoncelèrent dans sa tête et il explosa.

 

Plus tard, se remémorant cet incident et se souvenant parfaitement du premier et du dernier mot qu’il avait prononcés, il les adjoint et, en signe de réconciliation avec son épouse, leur mit un trait d’union, ce qui donna : « cocotte-minute ».

 

Gérard

 

 

75 - BONNE ANNEE …. EN TOUTE RIGUEUR !

 

 

Nous voici entrés dans la récession, l’austérité, le dépouillement : plus question de rire à gorge déployée : « Ah ! Ah ! Ah ! », tout juste est-il toléré, un petit rictus poussif et plaintif « Ha, Ha».

 

Les Grands Manitous nous mettent à la diète ; ils ont raison ! Eh, oui ! Nous avons grand besoin de rigueur :

-          Rigueur de jugement. On nous serine, on nous bassine, on nous morphine : « La crise ! La crise ! La crise ! » Débarrassons-nous de ce couvercle médiatique démoralisant, oppressant, paralysant… comme si le rossignol pouvait taire sa chanson, la rose perdre son éclat et la neige, ses cristaux.

-          Rigueur de comportement. Les places financières seraient-elles devenues des sanctuaires ? Les agences de notation, les inspirateurs d’un Nouvel Evangile ? Les banques, des tabernacles et l’argent, les Saintes Espèces consacrées par les pontifes du culte du veau d’or, imposant l’adoration perpétuelle ?

 

Si les temps sont durs, c’est parce qu’il y a trop de mou dans la corde raide de notre vigilance. Entrelaçons les fils du désir pour enrubanner nos projets, entrecroisons les liens de fraternité afin d’amarrer celui qui part à la dérive, ourdissons la trame du quotidien sur le métier de notre humanité.

 

Aucune bourse des valeurs, aucun impératif économique, aucune règle d’or, d’argent ou de bronze ne nous empêchera de contempler les étoiles, de guetter un sourire sur les lèvres du nouveau-né, d’asperger le présent de notre joie de vivre.

 

Pour 2012, souhaitons une année pleine de crises… de fous rires.

 

Gérard

 

74 - L’INCARNATION N’EST PLUS UN MYSTÈRE

 

Les théologiens se sont disputés durant des siècles pour savoir pourquoi Dieu s’est-il incarné, pourquoi est-il venu habiter chez nous en la personne de Jésus. C’est pourtant simple : tout a commencé au paradis à cause d’une omission. Dieu, vous l’avez sans doute remarqué, a un problème de mémoire. Pour éviter d’oublier, et de la même manière que nous faisons un nœud à notre mouchoir, Dieu, se donne des repères ; par exemple, après avoir conclu une alliance avec Noé, il a mis un arc-en-ciel pour s’en souvenir (Gen. 9 14-15) ; Mais quelque fois cette amnésie apparente peut être lourde de conséquences… Revenons en arrière et écoutons deux anges

 

-          As-tu remarqué que Dieu a un pansement aux mains ?

-          Ah c’est pour cela ! Je l’ai vu se promener les mains dans les poches, j’ai trouvé cela bizarre, ça lui donne un air de RTT (rentier très tranquille), il faudrait en parler avec l’ange infirmier,

-          Il ne dira rien, il est tenu au secret professionnel et confessionnel et comme c’est le grand patron….

Un peu plus tard

-          C’est y est, j’ai l’info. J’ai appris qu’au cours d’une réunion au sommet, Dieu a dit, se frottant les mains : « Allez, c’est fini, la messe est dite. » Alors sa femme, « La grâce Apaisante », lui a rétorqué : « Et le dernier point de l’ordre du jour : L’homme, Tu l’oublies complètement ? » et bien entendu, elle ne s’est pas privée de surenchérir : « Bien sûr, Monsieur, a voulu jouer au créateur (1), il s’est amusé à faire sortir du néant un univers, un ciel, des galaxies, des étoiles, une terre, des plantes, des animaux et pour couronner le tout, l’homme qu’il a pris soin de façonner à notre image (tu parles d’une bêtise), et cet homme, voilà que tu l’oublies !… eh oui, «  Qu’est-ce que l’homme pour que tu penses à lui, le fils d’un homme, que tu en prennes souci ? » Quand on fait quelque chose et a fortiori Quelqu’un, on assume !».

Dieu, tu t’en doutes, a été fort contrit de cette diatribe et comme il devient vieux, pour être certain de ne pas oublier l’Homme, il s’est fait tatouer un paysage de la terre dans la main gauche et une figure de femme allaitant son enfant dans la main droite. Son conseiller en communication a alerté immédiatement Isaïe pour qu’il écrive « Une femme oublie-t-elle son petit enfant, est-elle sans pitié pour le fils de ses entrailles ? Même si les femmes oubliaient, moi, je ne t'oublierai pas. Vois, je t'ai gravée sur les paumes de mes mains, tes remparts sont devant moi sans cesse ».

 

Depuis, le pansement a disparu mais le tatouage est bel et bien apparent (il faut dire que l’ange tatoueur est un pro). Comme il donne souvent la main à son Fils, celui-ci n’a pas manqué de l’interroger. Si Dieu c’est bien gardé de lui dévoiler la raison de son tatouage, il n’a cessé de lui décrire la terre et l’homme dont il est si fier. Il lui a parlé d’Adam et d’Eve, de leurs démêlés avec le serpent, il est passé rapidement sur le déluge mais a glorifié Noé et surtout Abraham, Isaac et Jacob les trois grands, comme il les appelle, et puis Moïse etc. Le Fils, curieux de nature, voulait toujours que son père lui raconte des histoires d’homme avant de s’endormir. Jusqu’au jour, où devenu grand, le Fils a voulu naturellement aller habiter chez les hommes. Après bien des réticences (2) Dieu a fini par accepter. C’est le début d’une belle histoire.

 

Gérard

 

(1)   Vous pouvez consulter les archives Numéro 1 Histoire n° 19 « Création du monde »

(2)   Archives Numéro 1 Histoire n° 13 « La minute de silence »

 

 

73 - FRUITS DEFENDUS

 

-          Prenons date, dit-elle, mi-figue mi-raisin, tout en pelant son orange. 

-          Rien ne presse, répond-il, buvant son jus de citron. 

-          Il faut que l’on se dépêche… je voudrais en avoir le cœur net. 

-          Tu as l’air toute bouleversée, qu’est-ce qui ne va pas ? 

-          Ce qui m’intrigue, c’est cet arbre planté bien au milieu du jardin auquel nous n’avons pas le droit de toucher. D’abord, pour qui se prend-il ce visiteur du soir qui se croit tout puissant, qui nous donne des ordres, qui nous interdit…de quel droit ? Je te le demande.
 -
 Il nous veut sans doute du bien. Pense à autre chose et allons dans ce coin, nous n’avons pas encore fait le tour complet du jardin. Voilà des pêchers, prends une pêche, nous allons l’ouvrir en nous fendant la pêche.  

-          Ne te fiche pas de ma poire. 

-          Pourtant, je vois que tu regardes avec envie ce grand pêcher et tu pourrais connaître une pêche d’enfer.... 

-          Je ne comprends pas… si cet arbre est si nocif, pourquoi l’a-t-il planté, puisqu’il est, soi-disant, le créateur ? Et, de plus, sur une butte ? D’où que l’on se trouve, on ne voit que lui.  

-          Tu fais une fixation sur cet arbre. Nous avons encore beaucoup de plantes et de fruits à découvrir. Ici c’est un vrai paradis, profitons-en car on ne sait pas de quoi sera fait demain. 

-          Ne ramène pas ta fraise. Je suis certaine que si on goûtait juste un tout petit peu de son fruit, nous volerions de nos propres ailes, nous pourrions aller et venir sans contrainte et, pourquoi pas, commander au soleil, prendre les étoiles dans nos mains ! 

-          Nous n’avons pas le droit, point final ! N’en faisons pas une pomme de discorde sinon, il nous arrivera des pépins. 

-          Ce serait pourtant fabuleux, peut-être deviendrions-nous beaux comme des dieux ?

 

Elle prit le fruit de cet arbre défendu le goûta, le donna à son mari qui en mangea. Alors leurs yeux s’ouvrirent, ils se regardèrent : pour la première fois, ils comprirent qu’ils avaient découvert le fruit de la passion.

 

Gérard

 

72 - QUI S’OCCUPE DES MARÉES ?

 

Ce n’est quand même pas un hasard si la mer monte et descend. Personne ne me fera croire qu’elle bouge toute seule, il doit bien y avoir quelqu’un chargé de la stabiliser et n’y arrivant pas. Pointer un doigt en désignant la lune comme responsable des marées est une imbécillité ; comme le rappelle ce proverbe « Quand le doigt montre la mer, l’imbécile regarde la lune ». Pourquoi n’arrive-t-on pas à l’immobiliser, est-ce si difficile ? Oui, nous sommes en droit de savoir qui s’occupe des marées et fait si mal son travail.

Nous avons l’impression que la mer n’en fait qu’à sa tête. Elle se laisse aller, se balance, elle ne se « flux » qu’à elle-même et se « reflux » pas mal du reste. Elle n’est jamais tranquille, ne tient pas en place. Sait-elle ce qu’elle veut ? « Je vais et je viens, et je me cache derrière les rochers, et je me retire pour dormir loin du rivage ». Où est son terrain de prédilection ? C’est très vague. Son occupation ? La grève.

Les monnaies ressemblent beaucoup à la mer. Nous avions connu un équilibre monétaire avec les accords de Bretton-Wood en 1944, le dollar était arrimé à l’or et toutes les monnaies étaient définies par rapport au dollar. Nous avions un système de changes fixes. Depuis le 11 mars 1973, les monnaies flottent les unes par rapport aux autres et comme la mer, elles montent et descendent au gré du marché qui est régi par le jeu de l’offre et de la demande.

Pour éviter les méfaits désastreux de ce yoyo, je demande en vain, et pour la mer et pour les monnaies, stabilité assurée, règles précises, contrôle sérieux. Peut-être faut-il commencer par le plus facile, c’est à dire la mer. La mer doit obéir à nos injonctions. Les autorités civiles, spirituelles et militaires de tous les pays, d’une seule et même voix doivent la sommer de choisir : partir ou demeurer mais ne pas se trouver constamment entre deux eaux. Que la mer s’en aille, bon débarras ! Nous saurons qu’elle ne reviendra pas ; qu’elle reste ? D’accord, mais au moins nous aurons à prendre des dispositions pour la circonscrire dans des limites précises. Finis les débordements, les vagues furieuses se jetant du haut de leur sept mètres à l’assaut des immeubles, les riverains sinistrés, les raz de marée, les typhons, les tsunamis !

Une fois la mer stabilisée, nous utiliserons ce savoir-faire pour nous occuper des monnaies.

Gérard

 

 

 

71 - FAIRE UN TRAVAIL SUR SOI

 

 

Soucieux d’améliorer mon comportement, j’ai entrepris un travail sur moi ; vaste chantier… Faire un travail sur soi, c’est sérieux, il n’y a pas matière à rire puisque toute la matière grise doit être mobilisée pour chasser les idées noires et ce n’est surtout pas le moment de manquer de souffle car c’est un travail de longue haleine. Le travail sur soi permet ainsi de se sentir mieux dans sa peau : au début, on ne paye pas de mine mais à la fin, on a bonne mine...

 

Arrivant chez le spécialiste, je lui ai dit que j’en avais plein le dos, que j’avais le cœur gros et que je ressentais de temps en temps un peu de vague à l’âme. « Et avec tout cela, vous arrivez à garder la tête froide ? » m’a-t-il demandé mi-amusé, mi-soucieux. Il a ajouté : « Je vais faire un premier examen exploratoire mais a priori, il y a du boulot ! Ce pré-diagnostic me permettra d’étudier le terrain et de sélectionner l’outil le plus adéquat : la pince à disséquer cognitive, le cryoextracteur psychologique ou le bistouri psychosomatique ».

Il m’a fait allonger, puis m’a ausculté avec une sorte de microscope électronique relié à ce qui ressemblait à un radar-scanner, capable de sonder les reins et les cœurs.

 

-          Je tiens d’abord à vous rassurer : si vous en avez plein le dos c’est que vous ne vous êtes pas pris assez souvent par la peau du dos, d’autant que le dilatogyromètre de l’appareil indique que vous ne vous êtes pas foulé la rate.

 

-          Oui, mais j’ai des rides au front.

-          Ce n’est que la manifestation d’une affection plus grave. Si pour certains - et ce n’est pas votre cas - « les rides sur leur front ont gravé leurs exploits », vos rides sont autant de boursouflures de l’âme. Ne bougez pas, je vais regarder votre âme. Oh ! Mon Dieu ! Qu’elle est noire ! Si vous ne retrouvez pas la candeur originelle, elle est bonne pour l’enfer. Eh oui ! A moins que Satan y renonce, trop occupé à gérer ses œuvres en grande pompe…

 

-          Que faire ?

-          D’abord un bon lavage à l’eau de Vérité, un séchage au soleil de l’Introspection, puis le repassage complet de votre vie en insistant bien sur les mauvais plis dans lesquels se sont enfouis vos rêves d’enfance.

Je vois que vous avez les reins solides, vous êtes donc capable de donner un coup de rein pour évacuer la bile noire produite par la révulsion que vous manifestez envers vos semblables.

Maintenant, examinons votre cœur et parlons à cœur ouvert ; on y distingue quelques sédiments, quelques cailloux. Non, vous n’avez pas un cœur de pierre mais cela pourrait s’aggraver.

 

-          D’où proviennent ces graviers ?

-          Manifestement, vous avez voulu faire carrière en jouant des coudes : cette poussière déplacée s’est réfugiée dans votre cœur et peut-être, avez-vous aussi investi dans la pierre ? C’est difficilement opérable car ces galets sont situés près de l’aorte, voie à grande circulation, au trafic élevé et à fort débit, en particulier quand vous écoutez les cours de la bourse, le cœur battant…

 

-          Comment les éliminer ? Des remords ?

-          Inutile ! Des regrets peut-être, de l’amertume assurément. Une prise de conscience peut se révéler salutaire : elle se traduirait par la transsudation de repentirs sincères qui peu à peu éroderaient ces dépôts accumulés.

 

-          Pourquoi cela me fait-il mal au ventre ?

-          Parce que vous en avez gros sur l’estomac : vous ruminez vos échecs, vous ne digérez pas vos déboires, vous ne croquez pas la vie à pleines dents, ce n’est pas étonnant, je remarque d’ailleurs que vous avez une dent contre quelqu’un.

 

-          En vous écoutant, j’ai envie de baisser les bras.

-          Surtout pas ! Il faut vous reprendre en main et, un conseil, n’y aller pas de main morte !

La prochaine fois, on commencera le traitement par les pieds.

 

-          Pourquoi ? 

-          Vous avez besoin d’entrer dans une dynamique de résilience donc de rebondir, c’est encore en prenant appui sur vos pieds que vous y arriverez le mieux, en général, ça marche.

 

Gérard

70 -  C’EST LE PIED !

 Mon pied droit n’en fait qu’à sa tête ; dès le matin, si malencontreusement je me lève du pied gauche, mon pied droit se met immédiatement sur le pied de guerre et m’oblige à lui emboiter le pas. Si je lui fais des remontrances il se raidit, se tord et marche comme un pied : il lève le pied et traîne la savate. Comment voulez-vous dans ses conditions aller de l’avant? 

Je lui enlève souvent des épines du pied, croyez-vous qu’il m’en soit en reconnaissant ? Il s’imagine que je lui coupe l’herbe sous les pieds et sans vergogne, jour après jour, m’envoie promener. 

Quand il crie à cor et à cri qu’il a un cor ou quand il se plaint qu’il a l’estomac dans les talons, il me fait des pieds et des mains pour que je le mette à pied mais je ne l’écoute pas car ses propos volent au ras des pâquerettes et bien sûr, il se plante car il raisonne comme un pied. 

Las d’avoir un pied à terre, il rêve de monter sur un piédestal – pour lui, ce serait le pied – ah ! ne plus toucher terre, lâcher pied…, je sais qu’il y travaille secrètement d’arrache-pied. D’ailleurs, il n’arrête pas de me faire des pieds de nez, ainsi j’ai de plus en plus de mal à le sentir. 

Avec un tel fil à la patte qui me fait passer pour un va-nu-pieds, je ne suis pas prêt de trouver chaussure à mon pied. 

Gérard

oOo

 

 

 

 

69 - VIE PRIVÉE

 

 

Carla Bruni qui attend un bébé, a révélé : "Je ferai tout pour protéger cet enfant à venir et je le ferai avec la plus grande vigueur. Je ne montrerai jamais de photos de cet enfant, je n’exposerai jamais cet enfant ». Comme je l’approuve ! Dans ce domaine, mon épouse et moi-même, avons adopté une conduite semblable : jamais un magazine, jamais un journal même local n’auraient obtenu l’autorisation de publier fût-ce en page intérieure, la photo de nos enfants. Bien sûr, si Paris-Match nous avait proposé une grosse somme d’argent pour sa une...

 Oui, il faut savoir protéger sa vie privée et celle des siens. Une fois la résolution prise et l’information diffusée, les journalistes comprennent qu’il est vain de vous harceler, ils vous laissent tranquille ; en voulez-vous une preuve ? Par le grand des hasards, nous étions à Paris à la fin du mois d’août 1997. Peut-être vous souvenez-vous de la disparition de Lady Diana, victime d’un accident mortel le 30 août de cette année-là. Quelle nuée de photographes ! Quelle ruée des médias ! Un événement mondialement répercuté, commenté, archi-commenté ! Je suis en mesure d’affirmer que le lendemain même de ce drame, nous nous sommes promenés tous les trois : ma femme, notre fille et moi-même, sur le Champ-de-Mars, dans les jardins du Trocadéro et même sur le pont de l’Alma, lieu de la tragédie de la princesse; en flânant tranquillement, sans nous cacher, à visage découvert, eh bien, malgré l’omniprésence des reporters, jamais nous n’avons été sollicités par le moindre micro, pas une seule caméra ne nous a filmés et la télévision nous a superbement ignorés. N’est-ce pas la preuve éclatante que celui qui veut préserver sa vie privée, y arrive aisément ? 

Gérard  

P.S. J’espère que vous cliquez de temps en temps sur le trombinoscope de la page d’accueil de Murmure…

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68 - UNE NOUVELLE SOURCE D’ENERGIE

En France, nous n’avons pas de pétrole mais des idées » A l’époque, nous étions fiers de ce slogan qui soulignait notre esprit d’inventivité. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Si nous nous efforçons de développer les éoliennes et de limiter notre consommation d’énergie, force est de constater que nos besoins augmentent régulièrement et que l’approvisionnement énergétique est devenu une des principales préoccupations de notre société.

Toutes les sources d’énergie sont-elles bien exploitées, n’y a-t-il pas gaspillage ? Je me garderai d’évoquer le gaz de schiste, sujet controversé mais à ma connaissance, personne n’envisage l’exploitation d’une nouvelle source inépuisable et renouvelable qui mettrait notre pays et le monde entier à l’abri de la pénurie pour au moins plusieurs décennies. Idée simple, jamais évoquée ; surprenant ?

De quoi s’agit-il ? Un constat d’abord : si vous chauffez du lait dans une casserole et si vous ne la retirez pas à temps, le lait monte et déborde : une partie du lait est ainsi perdue. Autre exemple : si des pluies torrentielles s’abattent sur une vallée, la rivière sort de son lit et déborde ; de ce fait, l’eau répandue peut faire d’importants dégâts. Eh bien, on peut observer dans d’autres domaines des débordements qui, plutôt que de s’avérer négatifs, peuvent devenir bienfaisants. Comment ? Fréquemment, les médias ou l’entourage familial nous apprennent que tel ministre, tel chef d’entreprise, telle mère de famille, tel lycéen, tel octogénaire, tel nourrisson, tel cadre, tel sportif manifeste une énergie débordante. A l’instar du lait, une partie de cette énergie qui a débordé est perdue. Que l’on me comprenne bien, il ne s’agit pas de limiter l’énergie d’une personne qui a un potentiel élevé, au contraire, il convient d’utiliser cet excès d’énergie perdue jusqu’alors, pour la récupérer, la transformer en électricité, en gaz ou en chaleur, peu importe la forme. Comment faire ? N’avons-nous pas suffisamment de scientifiques, d’ingénieurs de haut niveau, capables de dompter cette énergie dilapidée ?

Après l’énergie musculaire, électrique, fossile, nucléaire et les énergies renouvelables, voici qu’arrive l’énergie débordante. Vive l’énergie débordante qui ouvre des perspectives encore insoupçonnées à l’humanité ! J’entends déjà des objections : cette énergie sera-t-elle suffisante pour couvrir tous les besoins ? Oui, car cette énergie est renouvelable, elle est disponible partout en toute saison, dans tous les pays – avec peut-être un petit bémol pour la Corse. Et, en effet, le stress de la vie quotidienne, la pression exercée sur les individus, la rentabilité recherchée à tout prix sont autant de stimulants, d’incitateurs et d’excitateurs permettant de réunir les conditions pour produire en grande quantité une énergie débordante.

En dernier ressort, si malheureusement l’énergie débordante n’était pas suffisante, il nous resterait à utiliser l’énergie du désespoir.

 

Gérard

 

 

67 - BEAUTE…. ATTENTION, DANGER !
 

« La femme vit que l’arbre était bon à manger, séduisant à regarder, précieux pour agir avec clairvoyance » Genèse 3 ; 6. La tentation…. Que celui qui n’a jamais rêvé un jour de connaître la beauté du diable jette la première pierre à celui ou à celle qui s’est laissé séduire « à l’insu de son plein gré ». Toute la mythologie grecque est imprégnée de séduction–malédiction depuis Pandore, jusqu’à l’île des sirènes où Ulysse a failli finir en beauté….
 

Forts de la sagesse des mythes, les habitants d’une cité lointaine voulurent échapper au destin tragique de tant d’hommes, victimes de la beauté fatale. Le maire et le conseil municipal au grand complet enfermèrent Marianne, symbole de la séduction perverse, dans une chambre forte dont ils verrouillèrent soigneusement les portes. Pour se protéger des malédictions funestes, les autorités édictèrent des mesures draconiennes : interdiction absolue de montrer, d’exposer, d’exhiber la beauté sous quelque forme que ce soit. Curieusement, ces décisions ne soulevèrent aucun tollé tant elles ne bouleversaient en rien l’organisation de cette société : les habitants s’engluaient depuis longtemps dans la hideur morale. La une des journaux continua de signaler des catastrophes spectaculaires : déraillement de trains, agressions de vieilles dames, incendies criminels, délocalisations sauvages, séismes, chômage en hausse, pouvoir d’achat en baisse…. Les journaux télévisés ne modifièrent pas d’un iota leur programmation nauséabonde ; simplement, les chaînes se livrèrent à une concurrence féroce pour remporter l’oscar de la vulgarité, le césar de l’abjection, le trophée des nuits de l’obscénité. Le long des parkings des routes nationales, la vision des détritus rehaussait la platitude du paysage crasseux : bouteilles brisées, plastiques, peaux de bananes, immondices etc. Comme pour amplifier la tristesse, le ciel se mit en deuil : ce début d’été fut froid, aussi, le temps se couvrit-il....Les faubourgs s’enlaidissaient de plus belle et la noirceur des jours jetait sur l’horizon son manteau de maussaderie épais. De temps à autre, on devinait des silhouettes sépulcrales, c’étaient celles d’individus fuyant l’ombre de leur passé.
 

Pourtant, un jour, un « horrible » coin de ciel bleu apparut. Qui donc avait l’audace de trouer ainsi la grisaille ambiante ? Le coupable, plus exactement la coupable, fut démasquée très rapidement : c’était une fille d’une vingtaine d’année, aux cheveux noirs, qui jouait de l’accordéon et chantait d’une voix merveilleuse; elle était aveugle. Peut-être à cause de sa cécité, ne voyait-elle qu’avec son cœur et comme celui-ci avait la limpidité du cristal, la grâce l’habitait. Du plus profond de son être sourdait l’émerveillement et de toute son âme s’élevait un chant tellement émouvant que le ciel lui-même déchirait peu à peu sa carapace de froideur. Maintenant, le soleil brillait partout et l’on commençait à rencontrer des êtres souriants. Nul ne sut comment ni pourquoi les portes de la chambre forte s’ouvrirent et Marianne retrouva sa place, ainsi chacun put admirer son buste d’albâtre.
 

Le lendemain, les titres des journaux dévoilaient sur quatre colonnes, cette incroyable nouvelle: « IL FAIT BEAU ! »

Gérard