66 - LE BON N’EST PAS L’AMI DU BIEN.
Bon jour,
Peut-être, pensez-vous que tout ce qui est bon est agréable et désirable ? Erreur. N’avez-vous jamais pris une bonne raclée ?
Bien sûr, si vous avez un bon coup de fourchette, vous suivrez les conseils d’un ami vous recommandant une bonne table mais si l’on vous sert une entrée qui est bonne à jeter parce qu’elle vous occasionne une bonne crise de foie, vous direz à cet ami : tu en as de bonnes !
Vous avez bon pied, bon œil et, par dessus le marché, bon cœur mais méfiez-vous, vous risquez d’avoir bon dos.
Pour votre chère et tendre, vous ne pouvez refuser de souscrire en sa faveur, une assurance-vie en bons du Trésor…forcément, cela s’impose… donc, votre percepteur se fera un plaisir d’effectuer un prélèvement, vous ne le sentirez pas passer puisqu’il sera libératoire.
Pourquoi dit-on de quelqu’un « c’est un bon à rien » et une fois mort « c’était un bon vivant ? »
Quand vous dépassez le délai en zone bleue, vous êtes bon pour la contravention, pour le contractuel c’est une bonne opération et votre compte est bon.
Celui qui la tête dans une étuve et les pieds dans des glaçons est en moyenne à la bonne température.
Avec un bon d’achat, vous ne ferez pas forcément un bon achat mais quand l’affaire sera dans le sac, en le vidant, vous ferez un bond…
Une dernière qui est bien bonne, ah bon ? Définition d’un mot de quatre lettres : « On l’a bonne, quand on saute dessus. »(1)
Gérard
(1) Je ne vous donne pas la solution, vous la trouverez sans difficulté, toutefois vous pouvez me demander la solution par e-mail : gercordier@wanadoo.fr, ce sera l’occasion de donner votre avis sur « A contresens » car je n’ai pratiquement jamais de réactions. Cette contribution à Murmure doit-elle se poursuivre ?
65 - PESER SES MOTS
Je dois vous communiquer la teneur d’un important décret en préparation : les tarifs postaux ne seront plus fonction du poids de l’enveloppe mais du poids des mots qu’elle contiendra. A l’avenir, il faudra donc peser ses mots, qu’ils soient sacramentels ou barbares. Des « pèse-mots » seront à la disposition des usagers et, à l’instar des pèse-lettres, ils ne manqueront pas de caractères. Ceux qui ont l’habitude de ne pas mâcher leurs mots, devront commencer par les ruminer longtemps avant de les peser, même s’ils les ont au bout de la langue. Nous devrons donc nous payer de mots. Gare à ceux qui n’auront pas affranchi suffisamment, ils seront pris au mot, devront casquer, surtout s’ils n’auront pas dit leur dernier mot.
Il faudra bien choisir ses mots, certains sont lourds de sens tandis que d’autres sont à double sens. Mais nous pourrons toujours correspondre avec le Président de la République, en franchise postale : nous pourrons lui envoyer des grands ou des gros mots sans nous voir accusés de timbrés. Il y aura des tarifs spéciaux si l’on couche les mots « à la Procuste » en se débrouillant pour qu’il n’y ait pas un mot plus haut que l’autre. Certains mots d’usage auront droit à un abattement comme « redressement fiscal » et, à la saison des soldes, des mots seront bradés comme de vulgaires invendus, tels « respect », « solidarité », « fraternité ».
Les apocopes vont fleurir : vive la provoc, la com, les cathos, les anars, le prof et la récré, ces mots dont on a sectionné les dernières syllabes seront très usités. On économisera les verbes, par exemple on écrira : « elle reprit haleine, ses études, la parole, du dessert et du poil de la bête ». L’idéal sera de transcrire le courrier à demi-mots ou à mots couverts ou mieux encore, d’employer des mots creux ou vides.
Enfin, un conseil pour continuer à composer sans se ruiner : je recommande d’utiliser des mots courants : ils échapperont facilement à la pesée, ou des mots d’esprit : ils s’envoleront car ils ne pèsent pas lourds.
Gérard
64 -BANCS PUBLICS PRIVATISÉS
Comme j’entrais dans le square, j’entendis un banc m’appeler : « Venez vous asseoir, les cinq premières minutes sont gratuites » Interloqué, je me dirigeai vers le banc.
« N’ayez pas peur, venez et asseyez-vous, c’est important pour mon CMO ?
- Votre CMO ?
- Je vais vous expliquer. Avant, j’étais un banc public, j’accueillais tout le monde, sans distinction de race, de sexe, de catégorie sociale. Depuis quelques temps, je suis privatisé.
- Comment cela ?
- L’Etat, puis la municipalité se sont désengagés. Cherchant à faire des économies budgétaires, ils m’ont vendu à une multinationale et mon usage est payant.
- Comment s’effectue le paiement ?
- Ils m’ont muni d’une puce électronique qui détecte si quelqu’un s’assoit et au bout de cinq minutes, on doit payer par carte à une sorte d’horodateur et présenter le ticket à un lecteur optique situé dans le dossier du banc. Si un contrevenant s’installe indûment, alors le siège éjectable se met immédiatement en action.
- Que change pour vous la privatisation ?
- Chaque semaine, ils calculent mon CMO (coefficient moyen d’occupation). Si je n’atteins pas un certain niveau, ils peuvent me délocaliser ou même me vendre aux enchères. Avant, je remplissais un service public, c’étaient donc des usagers qui profitaient de mon siège. Comme j’ai une forme ergonomique, les amoureux venaient nombreux se bécoter sur mon banc public. Maintenant, ce sont des clients qui posent leur postérieur.
- Que voulez-vous la situation est difficile. L’Etat n’a plus les moyens d’entretenir les bancs publics d’autant que régnait la gabegie (nettoyage des tags, peinture deux fois par an) et aussi, grâce à la privatisation, je paye moins d’impôts.
- Certes, mais vous, vous avez les moyens d’utiliser les bancs privés ; hier, un clochard s’est fait éjecté de mon banc : il s’était endormi et n’a pas vu l’heure passer et bien que je sois de bois, cela m’a fait mal au ventre.
Quelques jours plus tard, je suis repassé au même endroit. Quelle ne fut pas ma déconvenue quand je ne vis plus le banc en question mais d’autres bancs plus petits, tout maigrichons, ternes, peu avenants. Je m’enquis auprès de l’un deux : « Nous venons directement de Chine, nous sommes bon marché et fonctionnels…. Ah, l’ancien banc, celui qui n’était pas rentable ? Le propriétaire l’a délocalisé en Corse, pour lui c’est une sinécure car là-bas, même le bois ne travaille pas.»
Gérard
63 - BÉRÉNICE
Elle s’appelait Bérénice, un joli prénom, bien utile car au moment du mariage quand une jeune fille perd son nom, son prénom devient alors « re-nom ».
D’où venait ce prénom ? Peut-être, tirait-il son origine d’une nymphe des eaux car Bérénice présentait de grandes analogies avec les éléments fluviaux. D’abord, on aurait juré qu’elle avait ramassé son rire dans une rigole tant il était particulier : cela commençait comme le grouillement d’une source et puis le rire éclatait et tel un torrent d’avril dévalant la montagne et rebondissant sur les pierres dures mais très polies, éclaboussait tout le monde au passage dans un bruit assourdissant de cascade et se communiquait à toutes les personnes à l’entour. En été, le niveau des cours d’eau baissait, se réduisait parfois à un simple filet ; il en était ainsi de son prénom écorné par ses camarades de vacances : on la surnommait : « Béré » et pour les intimes, c’était : « Bé » tout court. Inversement, après un orage, le ruisseau gonflait, débordait, sortait de son lit ; mais si on l’interpellait : « Béréniiiiiiiiiiiiiice », ce « i » prolongé, strident, l’indisposait, l’irritait et la faisait sortir de ses gongs.
Et ce prénom rappelait à chacun ses classiques. Il prenait « racine » dans la fameuse histoire entre Titus et Bérénice, amour impossible. Pour Titus, ce fut un choix cornélien à tel point que Corneille, lui-même, ne put trancher entre Bérénice et Titus et garda pour titre de sa tragédie, cette double appellation. Peut-être, Racine et Corneille imaginèrent-ils Titus, rentré à Rome, inconsolable se retirant sur sa terrasse les soirs d’été et regardant en direction du Nord pour y découvrir les étoiles de la constellation de la chevelure de Bérénice se disant qu’il s’en est fallu d’un cheveu qu’elle devienne son épouse.
Quant à Bérénice, contemplant sa belle coiffure dans le miroir de la rivière, elle se souciait comme d’une guigne de Titus, Antiochus, Britannicus et tutti quanti….
Gérard
62 - DIEU LANCE UN AVIS DE RECHERCHE
Au paradis, Dieu faisait les cent pas, le visage fermé, les yeux dans le vague, en proie à une grande inquiétude.
Abraham qui passait par là, l’interpella :
- « Grand Dieu, qu’avez-vous ? Vous êtes tout sombre ; ce n’est pas dans vos habitudes de tourner en rond ; vous pouvez tout me dire ; je sais garder un secret.
- Jure-moi de ne pas en parler à Sara, ta femme, car elle va encore rire et se ficher de moi.
- Promis.
- Tu sais, mon Fils est parti sur la terre…je ne sais pas ce qu’il devient.
- Comment ? Vous savez tout, vous voyez tout, rien ne vous échappe.
- Ne le répète pas mais ce n’est pas aussi vrai que ce qui est écrit dans les livres ; j’ai beau me pencher sur la terre, je ne vois pas mon Fils.
- Ce n’est pourtant pas n’importe qui !
- Il a tellement voulu ressembler aux hommes qu’il est devenu un homme comme un autre. Je ne le distingue plus parmi les hommes.
- Pourtant, il doit vous prier ?
- Bien sûr, mais les chemins sont invisibles, je sens sa présence aimante mais je ne sais pas ce qu’il fait ni où il habite (s’il n’est pas SDF !), s’il se fait des amis, s’il a des ennemis ; tu sais je suis aussi une mère et mon instinct maternel me dit qu’il est en danger.
- Pas de nouvelles, bonnes nouvelles ! Vous devenez pessimiste avec l’âge. Parmi ceux qui sont arrivés récemment ici, il y en a peut-être qui ont connu votre Fils, il faudrait les interroger, peut-être pourront-ils vous rassurer ?
- Décidément Abraham, tu es astucieux ; dis à Josué - c’est lui qui gère les entrées - de venir faire un rapport sur tous les arrivants qui ont pu connaître Jésus.
Peu après Josué entra, son portable sous le bras.
- D’après les indications de Gabriel, j’ai d’abord cherché à Nazareth. Pas grand monde, un nommé Héléazar m’a dit que Jésus avait fait la charpente de sa maison ; c’est un très bon artisan comme son père Joseph mais quand il a voulu prêcher dans la synagogue, il s’est fait carrément jeter.
- Comment ? Ils ne l’ont pas molesté tout de même ?
- Tout juste ; il est parti ailleurs, ce n’est donc pas facile de retrouver sa trace.
- Je t’ai payé un portable avec le logiciel « Ames en perdition ». Alors débrouille-toi pour trouver tous ceux qui ont approché Jésus, et vite.
- Voilà (entre ses dents : « on m’a dit que Dieu était d’une patience infinie… ») Un vieillard est arrivé au paradis, il y a déjà longtemps, il l’a vu dans le temple à Jérusalem quand il était tout enfant.
- Comment s’appelle-t- il ?
- Je cherche… Siméon. Jésus était un beau bébé mais j’ai l’impression que Siméon en sait plus qu’il a bien voulu le dire. On a reçu Jean-Baptiste qui a baptisé votre Fils mais je crois que vous avez vu la scène car les cieux se sont ouverts.
- Effectivement, je m’en souviens, il était rempli de force et de courage, je sentais qu’il avait envie d’annoncer la Bonne Nouvelle mais depuis plus rien.
- Nous avons encore un nommé Verjelev un fameux noceur, mort d’une cirrhose du foie, s’intéressant plus aux seins de femmes qu’au Saint de Dieu si je peux me permettre cette plaisanterie. Il dit que Jésus aime bien fréquenter les banquets, on recherche sa compagnie car être avec lui, c’est, je cite, « comme si le vin était encore meilleur. »
- Je n’aime pas qu’il aille avec des ripailleurs.
- Que voulez-vous avec les enfants, de nos jours, on ne fait pas comme on veut ; ce n’est pas bien grave, il faut bien que jeunesse se passe …
- Arrête ta morale ! Non, je ne suis pas inquiet, non…mais j’y pense brusquement, n’y a-t-il pas un ami de Jésus qui est ici depuis quelques jours ? J’ai oublié son nom.
- Non, je ne crois pas.
- Ne dis pas de bêtises, Michel m’en a parlé !
- C’est Lazare qui est arrivé de Béthanie.
- Ah oui, c’est cela. Comme il le connaît bien, il pourra parler de mon Fils, il l’a vu récemment ?
- C’est que…
- Quoi encore ?
- Lazare a disparu…
- Hein !
- C’est incompréhensible. Hier, je m’apprêtais à consigner ses déclarations et tout d’un coup, se dirigeant vers la porte, Lazare a dit: « Je sors, on m’appelle ». Bien sûr, on a tous rigolé car il est impossible de s’échapper du paradis ; pourtant on a cherché partout et il n’est plus ici.
- Bandes d’incapables, c’est ahurissant ! Je vais vous remplacer par le premier venu, fut-il renégat et je lui donnerai les clés du royaume des cieux. Pour une fois que l’on avait quelqu’un de crédible.
- Excusez-moi, j’ai mon portable qui sonne. Allo, Oui, oui…
- Qu’y a-t-il encore ? Tu es tout pâle.
- Un soldat romain vient d’arriver.
- Et alors, c’est banal ; que dit-il ?
- Il dit que l’on va arrêter Jésus cette nuit même.
- Nom du Ciel !
Puis abaissant une manette, il cria « Alerte maximum »
Gérard
oOo
61 - CHAUSSURES
Avant je traînais la savate et battais le pavé ; maintenant, je ne quitte pas mon cordonnier d’une semelle car j’ai trouvé chaussure à mon pied.
Voici mon histoire. Alors que mes souliers baillaient et prenaient l’eau, j’ai pris la direction de l’échoppe du cordonnier qui se trouvait en haut d’une route en lacets.
C’était un lundi, il attaquait la semelle, à dire vrai, il travaillait à la petite semelle celle du talon qui permet de faire des appels du pied. Quand il a regardé ma chaussure il a eu un haut le cœur, presque un coup de pompe. J’étais dans mes petits souliers car je ne voulais pas être à sa botte. Il a pris de la colle, de la poix et j’ai pu repartir, droite dans mes bottes.
Puis un jour, alors que j’étais mal dans mes godasses, je me suis rendue à nouveau chez mon cordonnier, il m’a proposé de me cirer les bottes. J’ai senti son alène chaude et langoureuse, j’ai tâté son cuir chevelu, et ….il m’a vue venir avec mes gros sabots. Depuis, je tiens la boutique et je pantoufle.
Gérard
oOo
60 - AU CLAIR DE LA TERRE
Bloqué dans un tunnel pour cause d’embouteillage, plutôt que de ronger mon frein (la route était en pente), j’ai entamé une conversation avec la Terre, carrément ! Heureusement, j’avais pris avec moi, un appareil enregistreur muni d’une prise de terre…
- Merci madame la Terre, de m’accorder cet entretien. Je vois que vous tremblez un peu, c’est normal à votre âge, vous avez plus de 4,5 milliards d’années ; rassurez-vous, je ne veux pas vous fatiguer très longtemps avec mes questions.
- Jeune blanc bec ! Tu risques de te fatiguer avant moi : tu n’as même pas 10 millions d’années (je te parle comme représentant du genre humain) en proportion, si j’avais 50 ans, tu aurais à peine 1 mois… tu téterais encore ta mère tandis que moi, je suis dans la force de l’âge.
- Mais la planète est en danger, les hommes vous défigurent, vous abîment, ils se comportent avec vous comme des sauvages.
- Les « sauvages » comme tu dis, étaient plus respectueux de la nature que l’homme civilisé que tu prétends être mais ne t’en fais pas pour moi. « Planète en danger » ? J’en ai vu bien d’autres : secousses telluriques, glaciations, mouvements tectoniques des plaques, plissement et formation des montagnes, sans compter le bombardement incessant des météorites, heureusement, je ne manque pas d’air pour les accueillir chaleureusement ; « ils m’abîment » dis-tu ? Cela me fait doucement marrer comme le répète sans cesse la mer… L’homme si chétif, si fragile, tellement bête, s’inquiète pour moi alors que c’est sa propre existence qu’il met en péril.
- Avouez cependant qu’avec la pollution, l’élévation de température, les rejets d’oxyde de carbone, vous n’êtes pas épargnée !
- Si l’on te pince, tu cries ; il en est de même pour moi : lorsque je suis piquée au vif, j’éternue, je tousse, je crache ; ne t’étonne donc pas s’il y a des ouragans, des typhons, des éruptions volcaniques, des tsunamis, des cyclones et tu es loin d’avoir tout vu.
- Mais la vie peut disparaître !
- La vie ? Elle a la vie dure ! Que la vie humaine disparaisse, oui… et après ? Tout repartira. La vie, je la garde au chaud, elle est enfermée aux fonds de mes entrailles depuis fort longtemps ; elle a la particularité de s’adapter à tous les milieux.
- Mais l’homme vous a embellie, vous a parée, vous ne pouvez le laisser « tomber ».
- C’est avant tout pour sa satisfaction personnelle qu’il a dénaturé mes paysages, raboté mes montagnes, détourné mes fleuves, massacré mes forêts ; je n’ai jamais exigé des kilomètres et des kilomètres de macadam, d’autant que j’ai très peur devant le béton, surtout s’il est armé….alors, je rentre sous terre. A l’homme, j’ai offert un pied à terre, je le porte et surtout je le supporte ; à lui de montrer qu’il est capable et digne de survivre. J’en doute car depuis un certain temps, je le trouve plutôt lourd, très terre à terre, il a pourtant plus de cervelle que les dinosaures qui ont vécu, eux, 160 millions d’années.
- Vous êtes bien éprouvée, n’êtes-vous pas un peu lasse ?
- Non ! Je suis en pleine forme et pour ne rien te cacher, je suis amoureuse du soleil : je n’arrête pas de lui tourner autour. Sans pudeur, je m’expose à ses voluptueux rayons ; je crois que je l’attire, je sens qu’un jour, il se consumera d’amour, redoublera d’ardeur et viendra jusqu’à moi dans un baiser brûlant et dévorant.
- Mais le genre humain ?
- Retiens bien ceci jeune homme : L’homme est né de la terre mais son avenir est lumière, il provient de la glaise mais son âme est pétrie d’aurores, son berceau est mystère mais il sait qu’il va vers demain, c’est l’instinct qui l’inspire mais lui seul remarque l’étoile.
Gérard
59 - PELERIN
Un fidèle lecteur me pose la question suivante : « Pourquoi la pluie du matin n’arrête-t-elle pas le pèlerin ? »
C’est une question fort pertinente qui mérite une démonstration en trois points.1 - Le pèlerin n’est pas né de la dernière pluie.
En effet,
1.1 Qu’est-ce qu’un pèlerin ?
L’origine de ce mot, « celui qui se rend par piété dans un lieu saint » date au moins du Xème siècle. A cette époque, le pèlerin marchait à pied. Aujourd’hui, le pèlerin, tel que l’évoque la question, chemine ; il est exposé à la pluie et ne peut s’en protéger.
D’autre part, déjà au Moyen Âge, on n’acceptait pas les enfants dans les pèlerinages, on craignait leurs dérives, donc les pèlerins sont des adultes.
1.2 Quand tombe la pluie ?
Quelle que soit la région, il pleut au minimum plusieurs fois par an, cela coule de source.
1.3 Conclusion partielle
Le pèlerin est un adulte se déplaçant à pied et est suffisamment âgé pour avoir déjà vu tomber la pluie, pas seulement la dernière.
2 - S’il a vu tomber la pluie, le pèlerin a donc essuyé des averses.
2.1 Conséquence
Essuyer veut dire « sécher ce qui est mouillé ».
Un essuyage sérieux ne laisse aucune trace d’humidité.
Donc, après cette opération, il ne subsiste plus aucune goutte de pluie.
2.2 Objection à prendre en considération.
En effectuant cette besogne, le pèlerin ne transpire-t-il pas à grosses gouttes et ainsi tel Sisyphe, n’est-il pas condamné à essuyer éternellement des gouttes perlant de son front ?
Réponse. Il ne peut pas transpirer. En effet, s’il transpirait cela impliquerait une forte chaleur, or il est en train d’essuyer des averses et la pluie fait baisser la température, il ne peut donc avoir chaud, a fortiori, transpirer. Donc l’objection est sans fondement.
3 - Après avoir essuyé des averses, le pèlerin ne voit plus aucune goutte.
3.1 Enoncé du paradoxe
Le pèlerin chemine, il pleut et pourtant, le pèlerin n’y voyant goutte continue d’avancer. Comment expliquer cela ?
3.2 Solution du paradoxe
Seule explication : il passe entre les gouttes et comme il n’est pas dégoutté, rien ne l’arrête, pas même la pluie du matin.
Donc la pluie du matin n’arrête pas le pèlerin. C.Q.F.D.
Gérard
58 - Chambres occupées
Essayez de trouver un gîte pour la nuit sur la Côte d’Azur en plein mois d’août. A la question : « Avez-vous une chambre ? » neuf fois sur dix, l’hôtelier vous répondra : « il n’y a pas une seule chambre libre, elles sont toutes occupées ». Vous n’avez alors d’autres solutions que le repli sans gloire vers le terrain de camping qui affiche complet….
Pourquoi les chambres de nos hôtels ne sont-elles pas disponibles ? Qui les occupent indûment ? Pourquoi leurs portes restent-elles fermées ? A quoi bon attirer les touristes s’il n’y a pas d’abris pour les accueillir ! On ne peut décemment leur proposer l’hôtel « multiple étoiles » : en l’occurrence, la belle étoile… Pas d’autres solutions que d’appeler à une insurrection des chambres pour qu’elles chassent l’occupant. Des tracts furent placardés sur toutes les portes : «Chambres occupées, libérez-vous, sortez de vos gonds, vos portes ne sont pas condamnées alors défoncez-les au besoin et expulsez les importuns ! » Sur tout le territoire, la révolte gronda : un pays dont toutes les chambres sont accaparées par on ne sait qui, est une honte nationale. Sentant son pouvoir vaciller car la situation lui échappait, le gouvernement lança solennellement cet ultimatum : « Toutes les chambres doivent être évacuées avant midi, sinon les portes seront forcées et, si nécessaire, on pénétrera par la fenêtre. »
Ainsi, un vent de liberté souffla : d’abord les chambres à air se dégonflèrent les premières, en sifflotant. Les chambres de commerce et d’industrie, les chambres de métiers et d’artisanat et les chambres d’agriculture ouvrirent leurs portes au public. La chambre des députés, il est vrai, peu occupée et devenue depuis des lustres, simple chambre d’enregistrement, s’était dissoute d’elle-même. La chambre bleu horizon resta introuvable. Malgré quelques récalcitrantes comme la chambre forte, la chambre froide et la chambre noire, toutes les chambres furent délivrées et chaque hôtelier put déclarer fièrement : « Oui, toutes mes chambres sont libres ».
Quant à moi, pour qu’elle ne soit plus abusivement occupée, je garde la chambre.
Gérard
57 - TENONS-NOUS PRÊTS !
C’est un impératif ! Dans notre monde bouleversé, en quête de boussole, ne sachant plus à quel bienheureux se vouer (il y en a toujours des nouveaux), alors que l’air du temps érode sans vergogne nos plus beaux principes, je n’hésite pas à lancer ce cri d’alarme quoi qu’il doive m’en coûter, n’ignorant pas le retentissement et le ressentiment que peut engendrer une telle recommandation. Si certains écrivent : « Indignez-vous ! », pour ma part, je ne vais pas aussi loin, pensant qu’il ne faut ni brûler les étapes ni brouiller les pistes ; je me contente donc de lancer ce seul mot d’ordre : « Tenons-nous prêts ! ». Je suis bien conscient de la conversion (au sens étymologique du terme) qu’implique un tel avertissement mais les circonstances en motivent la nécessité.
Se tenir prêts ! Il faut le faire sans fanfaronnerie, sans ostentation, sans gêne non plus et avec calme, sérieux, dignité. Bien que l’expression « se tenir » soit déjà une injonction propre à attirer l’attention, à faire dresser l’oreille, employée seule, elle n’est pas suffisante. En effet, « se tenir », est trop vague : s’agit-il de se tenir à carreau, assis, debout, sur la défensive, sur ses gardes ? Non, se tenir prêts, c’est adopter résolument un état d’esprit d’ouverture, d’éveil, de disponibilité.
Et, c’est tous ensemble que nous devons être prêts. La société n’est pas la juxtaposition d’individus : être prêt, tout seul, ne permet pas d’agglomérer la totalité à la somme des composantes. Le « nous » confère à cette urgence, la force des remparts résistant aux assauts de l’ennemi.
Certains ne vont pas manquer de persifler : « Se tenir prêts, pourquoi pas, mais à quoi ? ». Il serait évidemment compréhensible de ne pas répondre à une question aussi stupide, néanmoins puisqu’il faut mettre les points sur les i, forçons-nous.
Se tenir prêts, à quoi ? Mais prêts, tout simplement…Prêts, à toute éventualité qui lorsqu’elle se présente, exige d’être prêts sans que l’on soit obligé de chercher midi quand il est quatorze heures ni de se demander le pourquoi du comment, ni même de déterminer comment faire passer un chameau par le trou d’une aiguille.
Gérard
56 - UN MYSTERE ELUCIDE PAR SCOTLAND YARD
Ce mercredi 18 novembre 1970, la police britannique est sur les dents. Les deux responsables de l’office du Secret Intelligence Service (SIS) des branches renseignements intérieurs MI-5 et renseignements extérieurs MI-6 sont arrivés dans des voitures banalisées ; ils ont été introduits par une porte dérobée dans la salle du 3ème étage de l’immeuble. Il faut agir vite et surtout discrètement : on a volé le méridien de Greenwich.
Le gardien chef de l’immeuble affirme n’avoir rien vu, ni entendu ; d’ailleurs, aucune alarme ne s’est déclenchée, une équipe est en train de visionner les images des caméras de surveillance situées devant l’immeuble, au sous-sol et à d’autres endroits tenus secrets. Les responsables de Scotland Yard et du Foreign Office n’en mènent pas large car, force est de constater, le coffre-fort dans lequel est rangé habituellement le méridien, est vide, dramatiquement vide.
Interrogé, le responsable des poids et mesures le « Pound-Yard man » se tord les mains et, tout en baissant la tête, marmonne : « Hier soir, une délégation étrangère est venue visiter le méridien de Greenwich. Pour la circonstance, nous l’avons sorti du coffre et déposé sur la table centrale mais je confirme qu’il était toujours là, quand j’ai quitté la salle. Je suis sorti le dernier et j’ai soigneusement bouclé les portes. Vous pouvez le constater, aucune n’a été forcée. »
Le sous-chef de la police opine du chef.
Prenant la parole, le responsable de la cellule MI-5 confirme la présence de cette délégation puis sortant un petit calepin, il précise : « Oui, cette délégation était composée de chinois, de ressortissants d’URSS, d’Irlande du Nord, d’Allemagne de l’Ouest et d’Italie…. N’oublions pas que nous sommes en pleine guerre froide et que les brigades rouges et la bande à Baader viennent d’être constituées, sans compter les terroristes irlandais. » Sentant le poids du silence planer sur lui, le « Pound Yard man » s’écrie :
- « Je jure sur la tête de la reine que le méridien était encore sur la table quand ils sont partis.
- Pourquoi ne pas l’avoir remis à sa place habituelle ?
- J’étais pressé, on m’attendait pour le cocktail. Ce matin, quand je suis arrivé vers 8 heures (d’après le méridien), pour le ranger, il n’était plus là. »
Le sous-chef de la police demande naïvement : « Est-ce grave ? »
Tous lui jettent un regard de désapprobation ; on peut observer le chef de la police blêmir comme si son subordonné par sa question absurde venait de déshonorer Scotland Yard. C’est le chef de la cellule MI-6 qui précise : « C’est un désastre ! Le méridien est la référence de l’heure, tous les fuseaux horaires dépendent de lui. Si le méridien se déplace dans le monde c’est la référence qui change : actuellement, il est 9 h à Londres il est donc 17 h à Pékin mais si le méridien de Greenwich se trouvait en ce moment à Pékin, il serait 9 h à Pékin et 1 h du matin à Londres. S’il reste toujours au même endroit, on pourrait s’adapter mais les terroristes vont le faire voyager donc l’heure va changer constamment. Quelle catastrophe ! Plus de longitudes, plus de fuseaux horaires, tous les repères de navigations fluviales, maritimes, aériennes à revoir, la marée à n’importe quelle heure, les trains vont se percuter, les aiguilleurs du ciel seront impuissants, les avions vont rester cloués au sol. Plus aucune heure ne sera stable, il sera impossible de fixer un rendez-vous.»
Tous ne comprirent pas le tragique de la situation. Pourtant, lorsque les plus hautes autorités furent averties, une cellule de crise se mit immédiatement en place au 10 Downing Street, résidence du Premier Ministre, Edward Heath.
Quelques heures plus tard, le sous-chef entre dans le bureau, tout fier de lui.
« Chef, je l’ai retrouvé, le voici. » Effectivement, c’était bien le méridien de Greenwich.
« En notant les allées et venues, je me suis aperçu qu’une dame était entrée dans l’immeuble à 7 heures du matin. Renseignements pris, c’était la femme de ménage mais elle venait d’être embauchée et elle effectuait sa première journée. Quand elle a vu le méridien de Greenwich traîner sur la table, comme elle ne savait pas ce que c’était, elle l’a tout bonnement jeté dans le vide-ordure. Je suis arrivé à temps pour le récupérer. »
Quelques temps après, le sous-chef bénéficia d’une gratification inexplicable et d’une promotion inexpliquée.
Bien sûr, cette histoire n’a jamais été révélée au public, le gouvernement de sa gracieuse Majesté ne voulant pas être ridiculisé. Pour éviter pareille mésaventure, le 1er janvier1972, sous l’impulsion des anglais, le GMT (Temps moyen de Greenwich) fut remplacé par le Temps universel coordonné (UTC) établi à l’aide d’un ensemble d’horloges atomiques.
Gérard
55 - MEILLEURS VŒUX
Le poulailler de la vie est le théâtre d’échauffourées à un point tel que la chambre des députés semble un havre de paix. La conquête des multiples perchoirs devient un enjeu d’affrontements et de divisions. On y caquette, on y cancane, on y criaille, on y piaille, on s’y pique, on y vole de moins en moins de ses propres ailes, bref, c’est la guerre en permanence. On entend des injures :
« Va te faire cuire un œuf ! »
« Arrête de faire l’œuf, vive Henri IV et sa poule au pot !»,
« Qu’as-tu à monter sur tes ergots, tu te prends pour un grand ponte ? »
« Poule mouillée, sors un peu de ton style ampoulé !»
« Regarde-toi, crâne d’œuf !»
Bref, la basse cour est devenue la cour du roi Pétaud.
Et, quand la fermière dit : « Faites vos œufs ». Rien ne va plus…
En effet, les œufs réservent des surprises. Certains jouent les durs, ils ne veulent pas sortir de leur coquille. Grande émotion quand la maîtresse des lieux a voulu faire une omelette : les œufs étaient déjà battus : les blancs en neige, les jaunes en retrait…. Faire des œufs frits ne fut pas possible non plus, les œufs étaient brouillés, elle a dû se débrouiller avec ces œufs mais sans eux….
Vivement Pâques se dit-elle, pour enfin goûter des œufs pacifiés, fussent-ils en chocolat. Puis elle se ravisa, c’est le 1erjanvier : page blanche immaculée, admirable perspective grosse de promesses, l’an « œuf ». L’œuf, symbole de vie heureuse et de renaissance. Elle peut ainsi présenter ses meilleurs « œufs ».
Gérard
54 - QUAND DIEU SE TROMPE
Effervescence incroyable au paradis, atmosphère électrique, tension palpable ! Réunions de crises pour les archanges qui sont chargés des relations avec la terre, tandis que le chœur des trônes, ordre subalterne d’anges, vérifie et revérifie les listings. Le chœur des dominations, autre ordre d’anges, chargé du maintien de l’ordre, a reçu de Michel, chef suprême, l’ordre impératif de veiller à ce qu’aucune information ne filtre à l’extérieur. En effet, une fuite serait désastreuse car les élus défiscalisés – c’est ainsi que l’on appelle par dérision les humains venus s’imposer au paradis – ne demanderaient pas mieux que de vendre la mèche contre une meilleure place, et, surtout, « cela » ne doit pas s’ébruiter dans le Saint des Saints où règne l’Etat Major, vous voyez qui je veux dire (il est interdit de prononcer son nom).
Glissons-nous parmi les anges ; dans l’agitation ambiante, personne n’a remarqué que nous avons usurpé une auréole, d’ailleurs beaucoup trop grande pour notre petite tête et avons revêtu une robe blanche qui traînait sur un prie-Dieu, objet insolite ici, vous en conviendrez. Glanons quelques bribes de conversations :
- « C’est incroyable ! J’ai vérifié deux fois les adresses, d’ailleurs les codes célestes des colis sont corrects par rapport au listing des envois.
- Il y a vraiment un laisser-aller pas possible dans ce paradis, crois-tu que certains anges déçus de leur sort ne feraient pas du détournement de grâces ?» A ce mot « de grâce », tout le monde se retourne d’un air soupçonneux et inquiet puis certains chuchotent :
- « Oui, c’était deux colis contenant des grâces en réponse à des prières ferventes. Objets précieux car suivant la volonté expresse de Dieu le Père, ils ont été envoyés en recommandé avec accusé de réception.
- Ils ne sont pas arrivés à destination ?
- Si, mais les adresses ont été inversées : chacun a reçu le colis destiné à l’autre.
- Ce n’est peut-être pas si grave que cela ?
- C’est une catastrophe ! Le Très Haut a été alerté par le pape lui-même. Benoît XVI est furieux : pour qu’il utilise la ligne directe, il doit y avoir du grabuge. Pour l’instant, le grand Chef est dans son bureau, il s’est contenté de transmettre le message à Michel qui n’en mène pas large, sachant que ce sera bientôt sa fête.
- Bizarre que le pape soit furibond, pour une fois que des prières sont exaucées ! L’autre destinataire ne proteste pas ?
- Non, rien à signaler.»
J’arrive à m’introduire clandestinement dans la salle où l’on décrypte la correspondance. On y travaille avec une telle ardeur que les ailes des archanges se figeraient s’il n’y avait une ventilation continuelle. Tous y perdent leur latin. Un archange tout frais émoulu de l’ENA (Emergence des Nouveaux Archanges) s’hasarde à dire que Dieu s’est peut-être trompé ; il s’attire immédiatement une volée de bois vert et se fait menacer d’une mutation au service du gardiennage de nuit. Enfin Michel déclare :
- « Pour cerner l’erreur d’envoi, peut-être faudrait-il connaître l’objet de la demande formulée par la prière », tous opinent de l’aile. « Mais, il faut se rendre chez le Fils car c’est lui qui centralise les prières et envoie un visa au Père qui tranche en dernier ressort. Pas facile d’aller voir le Fils, sous un prétexte qui va révéler notre incompétente. Mais le moment est favorable, c’est bientôt Noël, nous allons lui souhaiter bonne fête, cela lui rappellera de bons souvenirs. »
Le Fils était d’humeur guillerette et quand les anges s’apprêtant à partir en campagne ont entonné l’hymne des cieux, il était véritablement aux anges. Puis, avec beaucoup d’appréhension et de précautions oratoires, les délégués lui dévoilèrent la raison de leur anxiété. Après avoir saisi le code des envois sur sa petite console qu’il appelle « sa grande Clémence » et lu la teneur des prières correspondantes : les protestants ont imploré le Seigneur pour qu’il éveille des vocations de pasteurs, en demandant à Dieu de donner sa grâce à des garçons ou à des filles qui pourront, par ailleurs fonder un foyer ; en même temps, les catholiques, ont prié le Tout Puissant pour qu’il suscite des hommes, célibataires et voulant le rester, pour embrasser le sacerdoce. Il leur expliqua en souriant que le Père a tenu à exaucer ces prières mais qu’il a volontairement inversé les destinataires voulant jouer un bon tour aux hommes. « Je savais que mon Père était un farceur mais pas à ce point là » et il partit à rire.
Mais au bout d’un moment, il se ravisa. Il venait de réaliser que les colis avaient été envoyés en recommandé. « Puisque tous les objets envoyés en recommandé passent par le contrôle du Saint Esprit, ce n’est pas mon Père qui a inversé les adresses, c’est l’Esprit-Saint. Cette nouvelle opération du Saint-Esprit est inspirée et prophétique. Il faudra donc faire un rapport au pape ; cependant, Michel, prévois une assistance spéciale et un soutien particulier pour Sa Sainteté, car apprenant la volonté de l’Esprit, il pourrait très bien faire une crise cardiaque ».
Gérard
53 - Discours
que l’ON PEUT PRONONCER, en n’importe quelle circonstance.
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs.
Je me permets de prendre la parole au nom de tous ceux - et ils sont nombreux - qui ne n’ont strictement rien demandé sinon de la boucler avant de l’ouvrir. Certes, je mesure combien il est périlleux de commencer un discours et téméraire de le poursuivre mais ce n’est pas parce que l’on n’a rien à dire, que l’on est dispensé de le faire savoir !
Les circonstances qui nous réunissent aujourd’hui, revêtent un caractère exceptionnel, allant bien au-delà d’un simple concours de circonstances. Assurément, quand nous voyons ce que nous voyons, quand nous entendons ce que nous entendons, il n’est pas étonnant que nous pensons ce que nous pensons et que nous éprouvons le besoin d’en parler ; aussi, voudrais-je exprimer ce que nous ressentons tous et qui est… inexprimable.
Déplorant que dans notre monde actuel, les valeurs les plus élémentaires soient foulées aux pieds comme de vulgaires platebandes, nous devons réagir tous ensemble. Face à l’adversité, restons debout pour mieux nous asseoir sur les chardons de l’ignominie, enfonçons la fermeté de nos convictions sur le sable mouvant des opinions versatiles, main sur le cœur, tombons à bras raccourcis sur les travers, les tares et les déviances de notre société et enfin, plongeons-nous, tête haute, dans la fontaine de jouvence des redresseurs de torts.
Nous avons la certitude d’arriver à nos fins. En effet, s’il est particulièrement banal d’affirmer que les progrès dans l’investigation des phénomènes cryptopsychiques modifient fondamentalement la thématique apocatastatique et ébranlent pernicieusement les prolégomènes de la palingénésie, il n’est pas moins anodin de constater que les contribuables, même bénéficiant d’une retenue à la source, atteignent le 31 décembre de l’année fiscal, en même temps que tout le monde.
Le moment de conclure est arrivé. D’ailleurs faut-il conclure ? Ne vaut-il pas mieux laisser courir l’imagination sans la brider dans les ornières d’une parole conventionnelle et impatronisée ? Les prémisses même insipides, ne génèrent-ils pas spontanément et naturellement une conclusion, un ensemencement ? Que s’ouvre donc le champ de la fructification !
Gérard