THÉOLOGIE "POUR LES NULS"

 

             
 
    Cette année 2011 : 

 Quelques grandes mutations (suite)

 


L'année dernière, nous avons parcouru à grandes enjambées quinze siècles de l'histoire de l'Eglise. Quelques dates ont retenu particulièrement notre attention. Il a fallu que notre Eglise sorte de l'Eglise juive et prenne son autonomie ; il y eut des hérésies, un long divorce entre Orient et Occident, et des réformes, plus ou moins importantes, plus ou moins efficaces. Il y eut enfin la Réforme protestante qui entraîna une considérable séparation entre disciples d'un même Jésus Christ. J'ai essayé de présenter cela de manière positive : à travers ces bouleversements et ces drames, l'Eglise de Jésus Christ, non seulement n'a pas disparu, mais, au contraire, s'est transformée et à gagné en  qualité. Cette année, partant de ce début du XVIe siècle, nous cheminerons jusqu'à notre époque, à travers les vicissitudes et tous les aléas d'une histoire parfois tragique, et parfois glorieuse. Je vous le disais l'an dernier, notre histoire ne fut jamais "un long fleuve tranquille". C'est d'ailleurs le destin terrestre de tout ce qui est vivant. En attendant ce que Teilhard de Chardin nommait le "point oméga."

 

8e séquence. Le siècle des Lumières

(août 2011)

 

1-VUE D'ENSEMBLE

Le printemps dernier, j'ai relu avec grand intérêt un vieux livre (il date de 1935) intitulé "La crise de la conscience européenne", de Paul Hasard. Ce livre décrit les préludes d'une extraordinaire mutation qui s'est produite entre la fin du XVIIe siècle (le siècle de Louis XIV) et le début du XVIIIe siècle, qu'on appelle couramment le "siècle des Lumières". Je vous recopie la dernière phrase du livre : "Un changement dont les conséquences sont venues jusqu'à notre présente époque s'est opéré dans les années où des génies qui se nomment Spinoza, Bayle, Locke, Newton, Bossuet, Fénelon - à ne rappeler que les plus grands - ont procédé à un examen de conscience total, afin de dégager nouvellement les vérités qui dominent la vie. Pour le dire avec l'un d'eux, avec Leibnitz... "Finis saeculi novam rerum faciem aperuit" : dans les années finissantes du XVIIe siècle; un nouvel ordre des choses a commencé."

A la fin du XVIIIe siècle, c'est Kant qui donne une définition de ce siècle qui s'achève. Il le fait en une phrase très concise. Répondant, en décembre 1784, à la question posée par un pasteur dans le Berliner Monatsschrift, il écrit  que ce siècle est caractérisé par "un usage adulte de l'esprit humain."  Il ne cite aucun nom, aucune œuvre. Pour lui, les Lumières représentent une autonomie de pensée, un idéal vers lequel tendre, déjà partiellement atteint. Plus question de soumettre la pensée humaine à quelque dogme que ce soit. Il s'agit d'un idéal de libération et d'autonomie de la pensée. Il s'agit d'une attitude intellectuelle qui débouche sur une sorte d'idéal universel offert à tous.

Les grands représentants de ce courant de pensée sont, pour la plupart d'entre eux, des Français. Entre eux, il y a des divisions, des querelles, des incompréhensions voire des haines. Ce ne sont pas eux qui ont inventé l'appellation "Siècle des Lumières". Je crois que ce sont leurs ennemis, leurs contradicteurs. Cette semaine précisément je déjeunais avec des amis dans un village du Doubs, et l'hôtesse m'a offert un exemplaire d'une thèse de maîtrise de lettres modernes intitulée "L'improbable rencontre de Rousseau et de l'abbé Bergier." Cet abbé Bergier (dont je vous reparlerai) fut curé de Flangebouche, un village de la montagne du Doubs. Il est connu pour avoir été un des plus forts contradicteurs de Voltaire, des Encyclopédistes, de Rousseau. Je n'irai pas jusqu'à dire qu'il est l'inventeur de l'appellation "Siècle des Lumières", mais je tiens à vous citer cette appréciation de l'Encyclopoedia Universalis : "Comme souvent, c'est sans aucun doute à leurs adversaires que les Lumières doivent leur unité, plus apparente que réelle. L'antiphilosophie a œuvré à la constitution, largement fantasmatique, d'une armée philosophique, porteuse d'un projet déstabilisateur de l'ordre moral et social, partageant valeurs et mots d'ordre. Ce n'est pas une boutade que de prétendre que les Lumières doivent leur cohérence aux mandements épiscopaux (...) ou encore aux dénonciations répétées de l'abbé Bergier et de ses acolytes."

Les grands noms de cette armée philosophique, porteuse d'un projet déstabilisateur ? En premier lieu Voltaire et Rousseau, mais aussi Diderot et D'Alembert, Montesquieu et d'Holbach, ainsi que Newton. Ils n'ont pas un projet commun. D'ailleurs ils s'ignorent, parfois se méprisent, se combattent. "Voltaire dénonce les propositions régressives de Rousseau. Le Mondain marque, dès 1736, l'opposition de Voltaire aux tenants du primitivisme. Diderot se méfie de Voltaire, qu'il évitera de rencontrer. Rousseau, lui, a rompu très tôt avec le « clan encyclopédique ». Montesquieu appartient à un autre monde social, politique et même idéologique, malgré les Lettres persanes (1721) qui inaugure une des formes les plus novatrices de l'écriture philosophique. Si Voltaire reste sa vie durant fidèle au programme des Lettres philosophiques de 1734, que de changements chez un Diderot ou un Rousseau, au point même de les amener à se contredire."

Ce qu'ils ont en commun, c'est, semble-t-il, une attitude intellectuelle, ou mieux encore un horizon d'espérance, une sorte d'idéal offert à toute l'humanité. Et pour cela, tous vont mener, chacun à sa manière, "un combat en faveur de la raison, la dénonciation de l'intolérance, une idéologie du Progrès" et, selon le mot de Kant, "un usage adulte de l'esprit humain." 

Essayons d'entrer dans le détail, pour décrire l'état d'esprit des penseurs de cette époque des Lumières (en gros, le XVIIIe siècle).

D'abord, tous ont en commun un rejet de la métaphysique, réclamé par Voltaire. On en trouve les prémices dès 1690 dans les Essais sur l'entendement humain de J. Locke et en 1696 dans le Dictionnaire historique et critique de Pierre Bayle. Tous deux marquent fortement leur rejet de l'intolérance et du fanatisme, qu'ils découvrent dans tous les  traités sur Dieu, l'âme, le salut. Tous ces "fanatiques" qu'ils contestent prétendent accéder à la vérité ultime et démontrable grâce à la métaphysique. Voltaire se moquera en 1752 de ces métaphysiciens qui débattent à perte de vue sur la définition de l'âme, alors que l'unanimité est réelle chez les mathématiciens, pour qui 2+2 feront toujours 4. Il explique clairement dès les Lettres philosophiques, qu'on ne peut définir l'âme ou Dieu. Il voit même dans l'excès métaphysique une espèce de péché d'orgueil de l'homme. Il faut reconnaître des limites à la connaissance. Mais ces domaines de l'inconnaissable une fois établis, il n'existe pas de savoirs interdits.

Il y a une réelle dynamique de la pensée qui est alors en train d'éclore. Je ne sais pas si les "philosophes" de l'époque (tous s'appellent ainsi) expriment clairement une opposition entre les "ténèbres" qui, à leur sens, régnaient auparavant, et les "lumières" qu'ils sont en train de promouvoir ; en tout cas, les voilà tous motivés par un unique devoir : comprendre et expliquer absolument tout ce qui est connaissable. Et pour cela, questionner le monde et étendre tous les domaines de la connaissance. Et donc valoriser tout à la fois curiosité et doute. Qu'il s'agisse de chimie, d'anthropologie, de mathématiques, des sciences de la vie ou de la physique, la méthode est la même : chercher, douter, vérifier, puis classer, ordonner, expliquer et comprendre. Montesquieu, dans l'Esprit des lois, écrit : "J'ai d'abord examiné les hommes, et j'ai cru que, dans cette infinie diversité des lois et des mœurs, ils n'étaient pas uniquement conduits par leurs fantaisies. J'ai posé les principes, et j'ai vu les cas particuliers s'y plier comme d'eux-mêmes, les histoires des nations n'en être que les suites, et chaque loi particulière liée à une autre loi, ou dépendre d'une autre plus générale." Même méthode chez Voltaire dans son Essai sur les mœurs, chez Réaumur dans ses Mémoires pour servir à l'histoire des insectes, chez Buffon dans son Histoire naturelle, et naturellement dans l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert.

Alors on va se mettre à mesurer. Ce qui exclut bien naturellement la métaphysique du champ des Lumières. Pour le reste, un mesure tout , le temps, la chaleur et le froid, l'homme et les espèces animales. C'est alors que naissent - ou sont traitées plus scientifiquement - la chronologie, la démographie, l'économétrie, et que les mathématiques connaissent un développement considérable avec Condorcet.

La philosophie dite "des lumières" est d'abord une insurrection contre l'autorité: celle de Dieu, de l'Eglise et des "despotes". En contre partie elle promulgue les droits de chaque individu raisonnable et apte à exercer sa liberté de penser et d'agir.

Tous les philosophes des lumières aiment la raison. Ils critiquent l'autorité et la tradition sur le plan humain d'abord, mais surtout sur le plan de la société (dénonciation des inégalités et des privilèges non mérités), et sur le plan politique (dénonciation des abus et des incapacités, revendication de la liberté).

La sensibilité devient à la mode. Peu à peu une évolution s'amorce. Après l'âge classique de la raison, on redécouvre les sentiments, l'émotion, les pleurs. Après trop de confiance on se pose des questions sur la mort, sur la nécessité du savoir, on devient mélancolique. 

Montesquieu dénonce la monarchie absolue. Voltaire se moque des "tyrans" alors que Jean-Jacques Rousseau croit à l'égalité fondamentale et à la démocratie républicaine. Montesquieu et Voltaire sont déistes, alors que Diderot, d'Alembert et Helvétius sont franchement athées. Rousseau reste sentimentalement attaché au Dieu d'amour, idéal des chrétiens. Ce mouvement qui reste minoritaire, n'en sape pas moins petit à petit les fondements de la monarchie et de l'Eglise.

Ils critiquent Dieu et l'Eglise (ils refusent de lier la morale et la religion. Ils demandent une religion simple et naturelle et plus de tolérance). Ils aiment la science pour sa logique. C'est donc cet aspect particulier (anticléricalisme - athéisme - déisme ) que nous allons envisager particulièrement à travers quelques personnalités marquantes de l'époque.

2 - UN PRECURSEUR : LE CURE MESLIER (1664-1729)

Fils d'un marchand, Jean Meslier est ordonné prêtre à Etrepigny, dans les Ardennes, où il reste durant toute sa vie. De son vivant, il ne se fait remarquer qu'une seule fois lorsqu'il dénonce les maltraitances des paysans par le seigneur du village. Sa vie serait passée inaperçue sans son "Testament" où il dénonce la religion chrétienne avec une vigueur exceptionnelle. Il se révèle également matérialiste, socialiste, voire communiste avant l'heure et sans doute l'un des premiers véritables athées.

Son existence n'a été connue qu'à partir de la publication en 1762 par Voltaire, sous le titre de Testament de J. Meslier, d'un texte qu'il présentait comme un extrait d'un texte beaucoup plus volumineux, retrouvé chez lui et dans lequel un curé professait avec détermination son athéisme.

Ce texte, au titre original de Mémoires des pensées et sentiments de Jean Meslier., est considéré comme le texte fondateur de l'athéisme et de l'anticléricalisme militant en France.

Son influence posthume et clandestine est certaine parmi les encyclopédistes. Voltaire et le baron d'Holbach ont assuré la diffusion de son "Testament" et contribué à sa notoriété. Certains ont vu chez Jean Meslier l'influence du paganisme persistant dans les campagnes ou du jansénisme. Il démystifie les religions et en dénonce l'imposture qui favorise les idéologies d'aliénation.

Prenant à la lettre les Evangiles, Jean Meslier prône une révolution guidée par les curés des villages qui possèdent le savoir en proposant de tout mettre en commun dans chaque paroisse afin que tous les habitants puissent bénéficier des biens de la terre.

Le "Testament" de Meslier se divise en huit parties. Chacune vise à prouver la vanité et la fausseté des religions selon ce plan :

  1. Elles ne sont que des inventions humaines.
  2. La foi, croyance aveugle, est un principe d’erreurs, d’illusions et d’impostures.
  3. Fausseté des « prétendues visions et révélations divines ».
  4. « Vanité et fausseté des prétendues prophéties de l’Ancien Testament ».
  5. Erreurs de la doctrine et de la morale de la religion chrétienne.
  6. La religion chrétienne autorise les abus et la tyrannie des grands.
  7. Fausseté de la « prétendue existence des dieux ».
  8. Fausseté de l’idée de la spiritualité et de l’immortalité de l’âme.

      Une simple citation : pour Meslier, un Dieu parfait ne doit pas se faire lointain ou distant :

« La première pensée qui se présente d’abord à mon esprit, au sujet d’un tel être, que l’on dit être si bon, si beau, si sage, si grand, si excellent, si admirable, si parfait et si aimable, etc., est que s’il y avait véritablement un tel être, il paraîtrait si clairement et si visiblement à nos yeux et à notre sentiment que personne ne pourrait nullement douter de la vérité de son existence. Il y a au contraire tout sujet de croire et de dire qu’il n’est pas. »


3 - VOLTAIRE


Aux yeux de leurs adversaires, puis de leurs partisans, les Lumières construites, érigées en système, étendues à l'ensemble des philosophes sont parfaitement incarnées, de fait, par le seul Voltaire. Son anticléricalisme, son engagement dans les affaires Calas, Sirven ou de La Barre sont dès lors symboliques de tout un courant de pensée. Ce mouvement fabrique une unité et une diversité à partir d'une figure symbolique, au demeurant largement caricaturée. "C'est la faute à Voltaire", chante Gavroche un siècle plus tard. Qu'en est-il exactement ?

"O Dieu qu'on méconnaît, O Dieu que tout annonce,
Entends les derniers mots que ma bouche prononce :
Si je me suis trompe, c'est en cherchant Ta Loi,
Mon cœur s'est égaré, mais il est plein de toi.
Je vois sans m'alarmer, l'éternité paraître,
Et je ne peux penser qu'un Dieu qui m'a fait naître,
Qu'un Dieu qui sur mes jours versa tant de bienfaits
Quand mes jours sont éteints, me tourmente a jamais."

Voilà un exemple des professions de foi de Voltaire. Totalement différentes de la profession de foi chrétienne. C'est l'acte de Foi d'un "pensant", plus que d'un croyant, mais qui combat l'athéisme dès qu'il fait son apparition en France avec Diderot. Voltaire se dit alors "théiste", une croyance qu'il définit ainsi : "Le théiste est un homme fermement persuadé de l'existence d'un être suprême aussi bon que puissant, qui a formé tous les êtres (...),  qui punit sans cruauté les crimes et récompense avec bonté les actions vertueuses. Le théiste ne sait pas comment Dieu punit, comment il favorise, comment il pardonne, car il n'est pas assez téméraire pour se flatter de connaître comment Dieu agit. Mais il sait que Dieu agit et qu'il est juste."

En fait toute l’œuvre de Voltaire foisonne de références à Dieu, parfois dans des vers terribles comme ceux-ci dans Mahomet :

"Exterminez, Grand Dieu, de la terre ou nous sommes
Quiconque avec plaisir répand le sang des hommes."
 
Avant la lutte contre l'athéisme le nerf vital de ses combats, donc de ses écrits, c'est la lutte contre l'infâme . "Ecrasons l'infâme " répète-t-il dans les innombrables lettres qu'il écrivait depuis Ferney.
L'infâme, c'est tout ce qu'il juge contraire à l'humanité et a la raison : la sottise, l'obscurantisme, l'arbitraire, et surtout l'injustice et la superstition. D'ou son anticléricalisme, car l'Eglise Catholique de l'époque en constitue l'un des principaux foyers.
Quand on parcourt "l'affaire Callas et autres affaires" on se demande combien de Jean Callas auraient encore été supplicies sur la roue, combien de chevaliers de La Barre auraient encore été torturés, décapités et brûlés, combien de Sirven auraient encore été condamnés à mort, tous victimes d'accusations sans preuves du clergé, s'il n'y avait pas eu Voltaire et ses émules. Pour cela il fallait d'abord éveiller les consciences. Ce fut le rôle des philosophes du siècle des Lumières dont Voltaire est sans doute le Français le plus représentatif.
 
En fait c'est surtout aux jésuites qu'il en veut. C'est pourtant chez eux, au collège Louis Le Grand, qu'il fait ses études. Il leur doit sa solide formation classique, son amour de la littérature et surtout, en dépit d'eux, les bases de son déisme. Ici encore c'est l’infâme qu'il combattra à travers eux : leur manière de gouverner, de dominer les populations des territoires conquis. Le Parlement de Paris ordonnera d'ailleurs la fermeture des collèges de la Compagnie de Jésus en 1761 et la suppression de la dite Compagnie en 1762...

L'anticléricalisme de Voltaire est  sélectif : s'il déteste Rome, les cardinaux et les Jésuites, il vénère les curés. On peut lire dans ses carnets: :
"Il est utile a toute société que l'on croie un Dieu juste et qu'on soit juste. Il est utile qu'il y ait des temples ou Dieu soit adoré, ses bienfaits chantés, sa justice annoncée, la vertu recommandée,  Rien n'est plus utile qu'un curé qui tient registre des naissances, qui en donne double au magistrat, qui a soin des pauvres, qui met la paix dans les familles etc. etc. Rien n'est plus inutile qu'un cardinal, cette inutilité va même jusqu'au plus grand ridicule car qu'est-ce qu'une dignité sans fonction ? Dignité étrangère, conférée par un prêtre étranger. Dignité qui procure toujours au moins cent mille écus de rente, tandis qu'un curé utile, et plus encore dans les campagnes que dans les villes, est réduit si à l'étroit qu'il n'a pas de quoi faire le bien, ni aux autres, ni à lui-même."  
 
Quant a sa perception de Jésus : Voltaire a toujours regarde Jésus comme un homme, un sage. Dans son "Traité sur la Tolérance", Jésus devient même le symbole des persécutés, un autre Socrate, mis à mort alors qu'il ne prêchait que la Douceur. Il fait de Jésus l'apôtre de la religion naturelle définie comme "amour de Dieu et bienfaisance envers les hommes". Il en fait ainsi son allié dans son double combat contre l'athéisme et contre "l'infâme".
 
4 - Jean-Jacques ROUSSEAU
 
Né le 28 juin 1712 à Genève et mort le 2 juillet 1778 à Ermenonville,  il est l'un des plus illustres philosophes du siècle des Lumières et l'une des influences intellectuelles connues de la Révolution française. Tous se réclament de lui. Les révolutionnaires, d'un extrême à l'autre, prétendent « ne marcher que le Contrat social à la main ». Mais paradoxalement, des théoriciens de la contre-révolution (Joseph de Maistre, Louis-Gabriel de Bonald) se réclament eux aussi de Rousseau. Il était considéré par Arthur Schopenhauer comme le « plus grand des moralistes modernes »

Rousseau se méfie beaucoup de la religion telle que révélée par les témoignages des hommes (l'Église) et les livres sacrés (tous traduits). Il affirme : « Dieu lui-même a parlé : écoutez sa révélation. C’est autre chose. Dieu a parlé ! Voilà certes un grand mot. Et à qui a-t-il parlé ? Il a parlé aux hommes. Pourquoi donc n’en ai-je rien entendu ? Il a chargé d’autres hommes de vous rendre sa parole. J’entends ! Ce sont des hommes qui vont me dire ce que Dieu a dit. J’aimerais mieux avoir entendu Dieu lui-même ; il ne lui en aurait pas coûté davantage, et j’aurais été à l’abri de la séduction. Il vous en garantit en manifestant la mission de ses envoyés. Comment cela ? Par des prodiges. Et où sont ces prodiges ? Dans les livres. Et qui a fait ces livres ? Des hommes. Et qui a vu ces prodiges ? Des hommes qui les attestent. Quoi ! Toujours des témoignages humains ! Toujours des hommes qui me rapportent ce que d’autres hommes ont rapporté ! Que d’hommes entre Dieu et moi ! ». Il ajoute : « Dans les trois révélations, les livres sacrés sont écrits en des langues inconnues aux peuples qui les suivent. Les Juifs n’entendent plus l’hébreu, les Chrétiens n’entendent ni l’hébreu ni le grec ; les Turcs ni les Persans n’entendent point l’arabe ; et les Arabes modernes eux-mêmes ne parlent plus la langue de Mahomet. Ne voilà-t-il pas une manière bien simple d’instruire les hommes, de leur parler toujours une langue qu’ils n’entendent point ? On traduit ces livres, dira-t-on. Belle réponse ! Qui m’assurera que ces livres sont fidèlement traduits, qu’il est même possible qu’ils le soient ? Et quand Dieu fait tant que de parler aux hommes, pourquoi faut-il qu’il ait besoin d’interprète ? »

Plus explicite encore cette lettre que Rousseau adresse à M. de Beaumont : « Monseigneur, je suis chrétien, et sincèrement chrétien, selon la doctrine de l'Évangile. Je suis chrétien, non comme un disciple des prêtres, mais comme un disciple de Jésus-Christ ...». Cette formule exprime un christianisme singulier, débarrassé de toute théologie : Jean-Jacques Rousseau nie la nécessité des médiations (ni prêtres, ni pasteurs, ni théologiens), ne croit pas la foi nécessaire et ne croit pas aux miracles, ni à la doctrine du péché originel. Sa foi chrétienne est une sorte de déisme rationaliste, héritée de Malebranche : il y a un dieu parce que la nature et l'univers sont ordonnés. Rousseau n'est pas matérialiste, mais il n'est ni un protestant orthodoxe, ni un catholique romain. Pourtant, il se dit croyant, y compris dans sa lettre du 14 février 1769 à Paul Moultou, qui semblait désireux de renoncer à sa foi, et qu'il exhorte à ne pas « suivre la mode ».

Pour la Religion naturelle
L'examen serein de l'ordre qui régit l'univers entier et des fondements de la moralité conduit le Vicaire savoyard à formuler trois dogmes fondamentaux, qui constituent les éléments de la religion naturelle : l'existence d'un premier moteur immatériel à l'origine des mouvements physiques ; l'intelligence de cette première cause, qui a donné des lois à ces mouvements ; la survie de l'âme après la mort du corps, que nous suggère l'irréductibilité de la pensée aux modifications de la matière. L'amour de l'ordre qui sanctionne la compréhension de ces dogmes conduit un homme bien disposé à la moralité et à la foi.

Les thèses de Rousseau ne sont guère originales en ce domaine : la religion naturelle s'inscrit dans le courant du stoïcisme ancien (le De Natura deorum de Cicéron), que Juste Lipse diffuse à l'âge classique. Rousseau affirme que cette religion naturelle est seule nécessaire à l'accomplissement de l'individu : "Vous ne voyez dans mon exposé que la religion naturelle. Il est bien étrange qu'il en faille une autre ! " (Profession de foi du vicaire savoyard).

Pourtant, il en faut bien une autre : selon Rousseau, chaque homme doit rester dans la religion de ses pères, même si la seule confession protestante est, en droit, conforme à la religion naturelle. C'est que les dogmes qu'elle contient restent trop abstraits pour supporter une pratique religieuse effective, qui a besoin d'une tradition.

Alors, le christianisme ?
Les rapports de Jean-Jacques Rousseau au christianisme sont empreints d'une ambivalence caractéristique de son époque.

D'une part, il critique en de nombreux endroits le catholicisme romain, dont certains dogmes absurdes humilient la raison. D'autre part, il identifie la meilleure expression de la religion naturelle dans l'Evangile, comme la plupart de ses contemporains.

Et c'est la confession protestante qui demeure la plus fidèle à cette expression irremplaçable de la morale de l'homme : "Heureux d'être né dans la religion la plus raisonnable et la plus sainte qui soit sur la terre, je reste inviolablement attaché au culte de mes pères" (Lettre à Christophe de Beaumont).

Toutefois, dans les premières des Lettres écrites de la montagne, Rousseau conduit une violente critique des pasteurs de Genève qui, lorsqu'ils condamnent la Profession de foi du Vicaire savoyard, trahissent l'esprit de la Réforme : "La religion protestante est tolérante par principe, elle est tolérante essentiellement, elle l'est autant qu'il est possible de l'être, puisque le seul dogme qu'elle ne tolère pas est celui de l'intolérance".

Au fond, les propos de Rousseau sur le christianisme varient en fonction de ses interlocuteurs : contre les philosophes, il défend dans l'Emile la sainteté de l'Evangile, et il s'inspire de Saint Paul ; contre un clergé genevois devenu intolérant, il adopte le rationalisme un peu étroit dont témoignent certains passages des Lettres écrites de la montagne. D'ailleurs "l'authentique christianisme, qui prêche l'amour de toute l'humanité, fait des citoyens médiocres. Et de bons citoyens ne peuvent, en toutes circonstances, observer fidèlement cet amour universel qui nuit à la patrie."

Tolérance

Rousseau a vécu dans l'indignation face à la réception faite à sa profession de Foi, le décret de prise de corps lancé contre lui, et le retournement de ses amis pasteurs. Répondant à ces événements dans les Lettres écrites de la Montagne, il affirme que la justice humaine ne peut juger que des actions et des crimes visibles, non des pensées ou des intentions, celles-ci relevant de Dieu seul. Il réclame la tolérance religieuse : " les lois n'ont nulle autorité sur les sentiments des hommes en ce qui tient uniquement à la religion".

Faute de certitude sur les articles de foi, il faut être tolérant et laisser à chacun l'autorité de sa raison pour interpréter l'Ecriture tant que cela n'influe pas sur la pratique. Tel est l'esprit originel de la Réforme protestante que Rousseau juge alors en déclin. Mais si chacun s'en remet à sa raison pour ce qui est de la spéculation, il faut s'unir dans la pratique des devoirs. La tolérance est fondée sur l'impossibilité d'une assurance théorique à propos de certains sujets. Elle ne concerne pas la pratique, car chacun sait immédiatement par sa conscience ou par les lois ce qu'il doit faire. Rousseau voit dans la tolérance ainsi délimitée une condition de possibilité de la vie en société.

Et la tolérance est aussi fondamentale que l'obligation des devoirs sociaux est ferme. Si l'on impose certains dogmes dans la société civile pour entretenir les "sentiments de sociabilité", l'intolérance est le seul dogme interdit par la religion civile. Faute de la bannir, on ne pourra en effet être "bon citoyen ni sujet fidèle", car on ne peut " vivre en paix avec des gens qu'on croit damnés ". Les intolérants ne peuvent même pas vivre en paix entre eux, car "dès qu'ils ont inspection sur la foi les uns des autres, ils deviennent tous ennemis, alternativement persécutés et persécuteurs".

5 - L'abbé BERGIER

C'est l'un de mes amis, Gaston Bordet, qui fut prof' d'histoire à la fac' de Besançon, qui publia, il y a une vingtaine d'années, l'histoire suivante, qu'il avait lui-même retrouvée dans "L'histoire du séminaire de Besançon", un livre de Jean-Baptiste Jacquenet (1864). Parlant de l'abbé Bergier, celui-ci écrivait :

"Souvent on le voyait faisant, à cheval, le trajet de Besançon à Flangebouche, avec une valise garnie d'in-folio. C'est dans un de ces voyages que, suivant une tradition très répandue, il rencontra, dans une auberge du village de l'Hôpital-du-Grosbois, un de ses grands adversaires. Attiré en quelque sorte par l'habit ecclésiastique que portait M. Bergier, un voyageur inconnu demanda à partager son repas. A peine était-on à table, que le commensal proposa toutes sortes de difficultés contre la religion chrétienne. Quand il eut fini, M. Bergier lui dit : 'J'ai écouté toutes vos objections sans vous interrompre ; c'est aussi sans m'interrompre  que vous allez entendre mes  réponses." Et reprenant par ordre ce qui venait d'être avancé, il répondit à tout, avec une érudition solide, une dignité parfaite de langage et une grande force de logique. "Vraiment, dit alors son interlocuteur, il n'y a que l'abbé Bergier pour parler ainsi." "Je le suis, en effet", répondit notre apologiste. - Et moi, reprit l'étranger, je suis Jean-Jacques Rousseau."

Qui était donc cet abbé Bergier ? Fils de laboureur, né en 1718, Nicolas Bergier reçoit sa formation au séminaire de Besançon. Ordonné prêtre, il entreprend de brillantes études de théologie chez les Jésuites qu'il termine à Paris. Lorsqu'en 1748 Montesquieu publie à Genève sa somme juridique (De l'Esprit des lois), Bergier revient à Besançon. Il y obtient (1749) la cure de la paroisse de Flangebouche (Doubs). Les Jésuites ayant été expulsé de France en août 1762, l'abbé est appelé à la direction (1762-1763) de leur Collège de Besançon. Epris de classicisme, travailleur infatigable, philologue chevronné, il étudie les «origines celtes» de la Franche-Comté et publie de remarqués travaux d'éloquence que récompense l'Académie de Besançon. Il s'intéresse notamment à la question – alors brûlante – du langage primitif de l'humanité dans les éléments primitifs des langues découvertes par la comparaison des racines de l'hébreu, avec celles du grec, du latin et du français (1764).

Mais la grande affaire de l'érudit Bergier, est dorénavant la disputation théologique avec les philosophes. Il affûte sa critique des Lumières en récusant anonymement dans le Journal helvétique des articles «impies» du Dictionnaire philosophique (1764) de Voltaire, dont un exemplaire flambe sur le bûcher du chevalier de La Barre. Avocat acharné du christianisme, ferraillant habilement contre l'«incrédulité» qu'il estime croissante, Bergier est remarqué par la hiérarchie de l'Eglise catholique. Appelé à Paris vers 1770, il devient Chanoine de Notre Dame et confesseur de «Mesdames sœurs du roi», avec un logement de fonction à Versailles.

Voulant opposer un apologiste combatif aux philosophes «athées», l'archevêque de Paris charge Bergier de défendre la religion révélée et l'Eglise catholique, le pilier de l'absolutisme de droit divin. L'archevêque est un guerrier du catholicisme. En 1762, il s'est positionné dans le camp de l'antiphilosophie avec son retentissant Mandement contre la religion naturelle de l'Emile de Rousseau, ouvrage énonçant une «doctrine abominable (...), propre à détruire les fondements de la religion chrétienne». Il trouve en Bergier l'intellectuel qui réfutera les adeptes des Lumières les plus radicales sur le terrain littéraire de la polémique philosophie et théologique, même si le frère «mécréant» de l'abbé visite Voltaire à Ferney.

La mission d'apologiste n'empêche pas Bergier de corriger certains articles théologiques de l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert publiée de 1751 à 1772. Si en homme des Lumières plutôt conservateur il adhère à l'idéal de la République des Lettres, celle-ci servira la Cité de Dieu. Entre érudition théologique et historique, morale, dogmatique et philosophie chrétiennes, Bergier fait feu de tout bois. Il fonde sa réputation d'apologiste avec le réquisitoire de 1765 contre Rousseau dont il inventorie les «erreurs» théologiques et morales : Il publie alors Le Déisme réfuté par lui-même (maintes fois réédité). Le brûlot affirme la nécessité du christianisme révélé par les miracles. En écho à saint Paul, Bergier pense que le chrétien est «réduit à croire» et non pas à questionner rationnellement le «mystère de la révélation» qui échappe aux lois de la nature, des sens physiques et de la raison. La «soumission à l'autorité divine» est inhérente à la nature du chrétien dont la foi «aveugle» est minée pernicieusement par les Lumières.

A l'instar de Voltaire, les adversaires du curé estiment qu'il est un «homme très supérieur aux gens de son métier, c'est-à-dire à ceux qui se battent pour la cause de l'Eglise. Il a de l'érudition et même de la critique». Dans une lettre de septembre 1767 à son amie et maîtresse Sophie Volland (1716-1784), Diderot écrit sévèrement: «On débaucherait aisément le gros Bergier, mais on ne s'en soucie pas, parce qu'il est triste, muet, dormeur et d'un commerce suspect.» Critique du Système de la nature d'Holbach (1723-1789) avec son Examen du matérialisme (1771), nouvelle polémique contre Voltaire (Réponse aux conseils raisonnables, 1772), édition d'un Traité historique de dogmatique (1780),  Bergier combat les tendances radicales des Lumières. Polémiste habile, il transforme les philosophes en ennemis de la foi.

Mais Bergier reste un infatigable homme de lettres. Il s'attache encore à la rédaction des quatre volumes de Théologie (1788-1790) que lui commande le capitaliste de l'édition Charles-Joseph Panckoucke (1736-1798) pour l'encyclopédie suprême du XVIIIe siècle, l'Encyclopédie méthodique, éditée de 1782 à 1832 (200-216 vol., 125 350 pp.). Face à cette «besogne considérable», Bergier refuse en raison de sa santé: «Si je pouvais me flatter de jouir d'une bonne santé pendant quatre ou cinq ans, je me laisserais tenter.» Finalement, se comparant peut-être à Diderot, grisé par l'ambition encyclopédique, attiré par la vulgarisation dogmatique, il accepte: «J'ai succombé à la tentation.»

Théologien et moraliste militant, libéral sur certains points canoniques du catholicisme, Bergier fustige dans cette somme la morale laïque, l'individualisme et la doctrine du contrat social. Défendant bec et ongles les miracles, il y récuse toutes les formes d'hétérodoxie, du «paganisme» au «calvinisme».

Commandée par un «éditeur philosophique» pour qui Bergier garantit l'orthodoxie du projet contre la censure, rédigée par un apologiste antivoltairien, la Théologie de la Méthodique deviendra une des références doctrinales du catholicisme au XIXe siècle. Elle sera rééditée trente et une fois en français jusqu'en 1882, quatre fois en espagnol et trois fois en italien. Ayant fui les honneurs de la République des lettres et la fortune liée à ses charges officielles, Bergier meurt misérable en 1790. Après sa disparition, on édite ses Observations sur le divorce, favorables au sacrement matrimonial. La mémoire du «gros Bergier» reste celle de l'antiphilosophie au temps des Lumières.

Brillant polémiste, l'abbé Nicolas Bergier est un prêtre très intelligent. Il récuse le déisme voltairien qui prône la «religion naturelle» en professant l'existence d'une divinité universelle détachée de la révélation miraculeuse, du dogme confessionnel et de l'institution ecclésiastique. Il fustige aussi le «tolérantisme» et le relativisme moral qui minent la foi, l'Eglise et la monarchie. Il vomit le matérialisme selon Holbach qui transforme l'Homme chrétien en Homme-machine sans transcendance religieuse puisque uniquement animé par le calcul rationnel du plaisir.

Emblématique de l'apologie militante des années 1760-1790 contre les Lumières, le combat idéologique de Bergier vise au maintien de la tradition confessionnelle et dogmatique de christianisme révélé et du catholicisme comme pilier de l'ordre politique et social. Or, travaillé par les Lumières de son temps, lucide face au désenchantement du monde, l'apologiste Bergier sait que la sécularisation bouleverse la société de la fin du XVIIIe siècle et que la modération détend les autorités traditionnelles. Dans la Méthodique, l'article «Gouvernement» de la théologie qui défend le statu quo politico-confessionnel, il plaide pourtant, à l'instar de Voltaire, pour la modération religieuse: «Une des premières réforme que fit Constantin dès qu'il eût embrassé le christianisme, fut de mettre des bornes à son autorité», écrit-il.

Il n'ignore pas que l'émiettement de l'Ancien Régime culmine dans la Révolution des droits de l'Homme.

EN CONCLUSION

La philosophie des Lumières nous semble aujourd'hui s'être imposée sans lutte véritable, tant les personnalités de Montesquieu, de Voltaire, Rousseau ou Diderot, de Raynal et Condorcet, à un degré moindre, dominent le dix-huitième siècle. En réalité, sans compter les difficultés rencontrées avec la censure (Voltaire réfugié à Ferney, Diderot enfermé à Vincennes), il ne faut pas oublier que ces auteurs ont été combattus par d'autres écrivains, que leurs idées ont été, de leur vivant, sévèrement contestées. La polémique contre les philosophes a été tenace, violente, acharnée, surtout dans le domaine religieux : neuf cents réfutations des Lumières publiées entre 1715 et 1789. Ces défenseurs de l'Église n'ont pas retenu l'attention de la postérité. Certains n'étaient pourtant pas sans talent, tel Fréron, auquel Voltaire voua une haine profonde. (Vous connaissez sans doute le couplet cruel de Voltaire : "L'autre jour au creux d'un vallon/Un serpent piqua Jean Fréron./Que pensez-vous qu'il arriva ?/ Ce fut le serpent qui creva.") À la raillerie de Voltaire répondit, avec un énorme succès, celle de Palissot dans sa comédie Les Philosophes (1760). Mme de Genlis écrivit, en 1787, un traité sur La Religion considérée comme l'unique base du bonheur et de la véritable philosophie. D'autres œuvres remportèrent alors des triomphes éclatants : sept éditions pour Le Déisme réfuté par lui-même de l'abbé Bergier. Les tirages du Dictionnaire antiphilosophique de l'abbé Guenée ou du Catéchisme philosophique du jésuite Feller ne sont pas moins considérables. Il convient aussi de signaler l'influence du Comte de Valmont, ou les Égarements de la raison de l'abbé Gérard, encore lu au séminaire d'Issy au temps où Renan y était élève.

Pourtant, tout était prêt pour qu'éclate la Révolution française. La Révolution française représente une application violente de la philosophie des Lumières, notamment lors de la brève période de pouvoir des Jacobins. Le désir de rationalité conduit à une tentative d’éradiquer l’Église et le christianisme dans son ensemble.

(La suite, début septembre)

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