Il m'arrive de lire parfois, sur les tombes d'un cimetière, cette inscription : "Que ta volonté soit faite." Chaque fois, je me demande quelle était l'intention de ceux qui ont fait graver cette inscription. J'ai peur que, pour beaucoup, ce ne soit que l'expression d'une totale résignation. Hélas ! Oui, hélas, car chaque fois je m'insurge intérieurement contre cette attitude qui consiste à "s'écraser" devant un sort inexorable, dont on rend Dieu seul responsable. C'est comme si on lui disait : "Tel est ton bon plaisir ? Eh bien, je m'incline, puisque c'est ta volonté." Eh bien, un telle attitude n'est pas chrétienne. Pour plusieurs raisons. Et d'abord parce qu'elle consiste à imaginer Dieu comme le Dieu de la mort. Un Dieu cruel, pervers. Celui qui punit, châtie. Un despote implacable. Un potentat, un dictateur devant qui l'on n'a plus qu'à "s'écraser." Or, toute la Bible dit le contraire.
Nous venons d'entendre Jésus le dire très clairement :"La volonté de mon Père, c'est que je ne perde aucun de ceux qu'il m'a confié, mais que je les ressuscite." Qu'est-ce que ça veut dire ? D'abord, que Dieu est un père, le Père de Jésus Christ et notre Père. Le plus parfait des pères. D'abord, parce qu'il me fait confiance. Il n'est pas toujours derrière mon dos pour me dire : fais ceci, ne fais pas cela.... Il me fait confiance, c'est-à-dire qu'il me confie tous les moyens nécessaires pour que je puisse vivre ma vie le mieux possible. Il y a d'abord mes dons naturels. Mais aussi toute une hérédité, et tout un environnement, familial et social, grâce auxquels je me réalise. Dieu est un père qui me fait confiance. Mais aussi, parce qu'il est le meilleur des pères, il attend beaucoup de moi. Il est en droit d'être exigeant. Un père qui laisse tout faire n'est pas un bon père : c'est comme s'il se désintéressait de ses enfants. Dieu me demande de me réaliser, selon les dons que j'ai reçus, et donc de lui ressembler.
Comme un bon Père, Dieu, nous dit Jésus, désire "qu'aucun de nous ne se perde." Serait-ce que les hommes sont en perdition ? Oui. Car nous vivons dans un monde dur, où la "règle du jeu" (si l'on peut parler de jeu) est le chacun pour soi ; et où, pour réussir, on n'hésite pas à écraser l'autre. Regardez autour de vous. Vous le savez bien, comment l'argent-roi, la quête du pouvoir, la ruse, le mensonge et la violence sont les clés de la "réussite". Jésus vient, et toute sa vie va consister, pour faire la volonté du Père, à sauver de la perdition toute l'humanité que Dieu lui a confiée. Donc, à se battre contre toutes les anti-valeurs de ce monde. Jusqu'à en mourir. Il n'a fait que commencer. Mais relisez l'Evangile, et vous verrez que tous ses gestes sont exemplaires. Gestes de pitié. Gestes de miséricorde (que de fois nous le voyons ouvrir son coeur à la misère des autres, que de fois nous l'entendons pardonner aux pécheurs !) Gestes qui tous, signifient la même chose. Il s'agit de restaurer l'homme dans sa dignité, sa grandeur, sa beauté. Il s'agit de l'aider à tenir debout. Car tout homme est fragile.
Jésus a commencé. A nous de continuer. De deux manières. D'abord, comme il nous le recommande, "ne jugez pas." L'homme est fragile, et il est tellement facile de le blesser à mort, ou de le reléguer dans sa solitude ! Ensuite, d'une façon plus positive, en devenant ceux qui cherchent sans cesse à relier les hommes, à créer tous ces liens indispensables à la vie en société, à créer ainsi un monde plus fraternel. Un monde ressuscité.