OBSEQUES - HOMELIE 7

Lectures : Marc 16, 1-8

Actes des Apôtres 2

Comme on les comprend, ces quelques femmes ! Et comme elles sont proches de nous, enfermées qu'elles sont encore dans leurs peurs, au petit matin de Pâques. Le vendredi soir, elles ont assisté à la descente de croix. Elles ont vu leurs amis mettre Jésus au tombeau. Et ce matin, elles viennent pour un mort. Elles veulent simplement rendre les derniers devoirs à un corps humain, le laver, l'entourer de bandelettes, l'embaumer. Et voilà qu'on leur annonce que celui qu'elles ont tant aimé est ressuscité. Et on leur demande d'aller l'annoncer, cette résurrection, aux disciples et à Pierre. Or, quelle est leur réaction ? Elles s'enfuient. Elles ne disent rien à personne. Pourquoi ?

La mort, c'est naturel. Bien sûr, tout en nous la refuse. Pourtant, on sait que c'est dans l'ordre des choses. Quelque chose d'inéluctable. On n'y échappera pas. Par contre, l'irruption de la vie dans la mort, c'est impensable, inimaginable. Cela bouleverse tant de choses. D'ailleurs, on n'en a jamais fait l'expérience. On comprend les femmes : elles n'ont pas envie d'être prises pour des illuminées. Et c'est ce que tout le monde pensera, si elles vont transmettre le message. Alors, elles se taisent.

Pourtant, quand on réfléchit bien… !

Mourir pour vivre. Mourir pour donner la vie, ce n'est pas une idée en l'air. C'est la réalité quotidienne. Jésus, pour nous en persuader, avait pris une comparaison bien parlante : l'image du grain de blé semé en terre. Il va pourrir, mourir à sa réalité de petite graine, pour donner vie à une petite pousse verte qui, au printemps, va sortir de terre, grandir, devenir un bel épi de blé. Et après avoir pris cette comparaison, il pourra proclamer ce paradoxe : " Celui qui perd sa vie la trouve. Celui qui sauve sa vie la perd ". Et l'apôtre Jean, qui a bien retenu la leçon, écrira quelques années plus tard : " Nous savons que nous sommes passés de la mort à la vie parce que nous aimons nos frères ". Passer de la mort à la vie ! L'inverse du processus naturel. Et pourtant vérité d'expérience pour l'apôtre, qui peut être, pour chacun de nous également, vérité d'expérience. Comment ? Si nous aimons. Car le paradoxe énoncé par Jésus est en réalité une loi universelle : loi de la nature. Loi de fécondité. Plus que cela : loi de l'amour. Se perdre, c'est se trouver. Paradoxal ? Pas tant que çà. Demandons-nous qu'est-ce qu'être un vivant ? Je ne sais plus quel philosophe a écrit : " Aimer, c'est être éclaté vers… "

Le récit de la Pentecôte nous dit Pierre et ses camarades qui, sous l'influence de l'Esprit, vont passer de la mort à la vie. Ils étaient " morts ", enfermés dans leur ghetto. Il y avait plusieurs semaines qu'ils avaient été témoins de l'événement : Jésus ressuscité. Et pourtant, ils restaient entre eux, repliés dans leur quant-à-soi. Mais voilà l'irruption de l'Esprit, et tout bascule, tout s'ouvre sur la vie. Et d'abord une réelle présence au monde. Plus de portes ni de fenêtres closes. Plus de peurs. La communication s'établit, directe, joyeuse. Les voilà " éclatés vers… ". Ouverts totalement à leurs contemporains, pour leur annoncer ce qui désormais fait leur vie et leur bonheur : on peut passer de la mort à la vie. La mort n'est pas fatale : elle n'est qu'un passage.

Ainsi se construit ce que l'Écriture appelle la " Vie éternelle ". En tout croyant. En tout homme. Elle était en germe dès le jour de son baptême. Elle a pu mûrir dès l'enfance. Elle a porté du fruit pendant son âge mûr. Pas seulement en transmettant la vie, en étant " procréateur ", mais en communiquant à son entourage tant de valeurs qu'il avait faites siennes. Et, de conversions en conversions, de passages et passages, à travers les bonheurs et les peines, dans la maladie même, elle a grandi et s'est épanouie. Aujourd'hui nous célébrons simplement un passage, une mutation. Devant Celui en qui il avait mis sa confiance, nous redisons notre espérance : je crois en la résurrection de la chair et en la vie éternelle.

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