THÉOLOGIE "POUR LES NULS"

 

             
 
    Cette année 2012 : 

 Un dialogue interreligieux

 

TOUTES LES RELIGIONS SE VALENT", disent les gens. Par contre, toutes les religions déclarent qu'elles ont la vérité et qu'hors de leur croyance, il n'y a pas de salut. Chacune d'elles revendique le droit d'être seule capable de répondre aux grandes aspirations de l'homme. Et bien souvent, chacune d'elles s'enferme dans sa tour d'ivoire et refuse de s'intéresser aux autres.

Que je sois chrétien ou non, quelle est mon attitude à l'égard des autres religions ? Question d'actualité en ces temps où notre monde ressemble à un petit "village planétaire".

Je ne peux pas ignorer plus longtemps mon voisin. Ce sera donc l'objet de notre recherche cette année : d'une part explorer quelques-unes des grandes religions, leur origine et leurs croyances, et d'autre part essayer de nous situer en chrétien par rapport à ces religions.

4e Séquence : Islam - Une réponse chrétienne
(avril 2012)

Religion ancienne en des temps nouveaux.

La politique et la religion sont une seule et même chose pour l'islam. Aucune distinction entre spirituel et séculier, entre religion et État. Et c'est même pour l'islam une des grandes critiques contre le christianisme. Tous les vices de l'Occident, surtout dans la sphère sexuelle (promiscuité,  prostitution, homosexualité, avortement, exhibitionnisme) sont les fruits de la dépolitisation de la religion et de la désacralisation de la politique, bref, de la sécularisation.

En réalité, les critiques de la sécularisation qui se font jour en Occident s'étendent aujourd'hui aux pays musulmans eux-mêmes. Comme presque partout dans le monde, les élites culturelles musulmanes sécularisées, formées en Occident, ont tendance à se détourner de la culture américano-européenne. Le mot d'ordre est celui d'un retour à la culture autochtone, s'identifiant pour une bonne part à leur ancienne religion, dans l'espoir de revitaliser cette religion pour que le peuple et la nation retrouvent leur identité propre.

C'est ce qu'il nous faut garder présent à l'esprit  pour comprendre le puissant courant de réislamisation auquel nous assistons aujourd'hui. Voir l'Iran, par exemple, où des forces puissantes cherchent  à stopper ou même annuler le processus de sécularisation qui avait joué avant la révolution des ayatollahs. Ceux-ci mettent en oeuvre une contre-acculturation . Le voile des femmes, qui n'est pas prescrit ainsi par le Coran, prend valeur de symbole. Et pas seulement en Iran. La charia, le droit islamique, qui régente tous les secteurs de la vie, doit retrouver toute l'autorité qui lui revient.

Par contre, des musulmans pensent que l'islam n'a rien à craindre d'une sécularisation, ne serait-ce que parce que, à la différence du christianisme, il n'a pas subi de cléricalisation. L'Islam n'a jamais connu ni Église distincte de l'État, ni clergé ordonné. Les spécialistes du droit  de la religion sont des laïcs, certes, mais ils jouissent pourtant d'un pouvoir politique considérable.

Dans l'islam d'aujourd'hui, les oulémas non seulement légitiment religieusement  le pouvoir politique de ceux qui le détiennent, mais reprennent actuellement  une influence croissante en matière  législative, exécutive et judiciaire. Quant à l'Iran chiite, les mollahs se sont emparés du pouvoir politique et mettent en place une "République islamique", un régime évoquant un Etat-Eglise avec son inquisition  et son ayatollah tenant lieu de pape infaillible. Cette restauration islamique, dénommée "islam populaire révolutionnaire, actualise la critique sociale du Coran  et risque de devenir un efficace instrument de protestation pour les masses paupérisées, opprimées, du Pakistan au Maroc.

Un modèle religieux médiéval

Question : l'islam pourra-t-il échapper à la longue à la sécularisation ? Les musulmans, en réponse à cette question, attirent souvent notre attention sur le fait que l'islam, à titre de religion unique, a bâti un système embrassant toute la vie, privée et publique. Mais, rappelons-nous, le christianisme a connu lui aussi de tels systèmes englobants, où le droit, l'État, la politique et la religion ne faisaient qu'un. Voir le Moyen Age, et avant lui, l'Eglise gréco-byzantine. Puis, aux XV et XVIe siècles, même si les modèles évoluent, on trouve les mêmes collusions, aussi bien chez les catholiques que chez les protestants. (Aujourd'hui encore, c'est la reine d'Angleterre qui est chef de l'Eglise anglicane. Et en réaction contre le siècle les Lumières, Rome durcit ses positions pour essayer de revenir à une re-sacralisation et à une re-catholisation romantique. On en trouve la plus forte expression dans le Syllabus de Pie IX (1864)

Or le catholicisme ne put pas, finalement, éviter les changements profonds de l'époque moderne. Ce n'est qu'avec le concile Vatican II qu'il accepta résolument  une évolution qui était commencée depuis longtemps. Quelle extraordinaire évolution de l'Église officielle : elle accepte les sciences modernes, l'histoire moderne, la critique historique appliquée à la Bible, la démocratie moderne, la souveraineté du peuple, la liberté de conscience et de religion . C'est la fin du "Moyen Age" ! Même si, depuis quelques années, j'aie peur d'une restauration, d'une "recatholisation"

Cela doit faire réfléchir en ce qui concerne l'islam. De nombreux observateurs de l'évolution dans les pays musulmans s'interrogent : l'islam, en s'exposant au monde moderne, pourra-t-il éviter, à la longue, ce changement de modèle ? Jusqu'ici, il s'est tenu sur la défensive face au développement scientifique-technique et économique-politique en Occident . Mais cette supériorité occidentale plonge ses racines dans la différenciation fonctionnelle de la société moderne, issue des Lumières, c'est-à-dire dans une sécularisation aux antipodes du système islamique. En Occident, la religion, le  clergé, la théologie ne déterminent plus toutes choses comme au Moyen Age. La science, la technique, l'économie et la culture ont conquis leur autonomie, leur sécularité. Qu'on le veuille ou  non dans les pays islamiques, dans la mesure où ils adoptent  la science, la technique, l'industrialisation, l'urbanisation et les médias, la sécularisation menace aussi l'islam. Une menace qui ne vient pas de l'extérieur, de l'Occident, mais de l'intérieur : de leurs propres modifications des valeurs et des idéaux, des conceptions morales et religieuses.

Un important dilemme.

Le cas de l'Arabie saoudite est symptomatique de ce dilemme. Voilà un état désertique quasi médiéval  qui est en train de se transformer  en un État industriel moderne. Le même État pourra-t-il longtemps encore  tout à la fois s'ouvrir pleinement au progrès technologique et agir en gardien rigoureux  d'une conception de la vie puritaine islamique ?

Il en est de même dans de nombreux pays islamiques. Si l'on pousse à l'industrialisation , il faudra bien alors, qu'on le veuille ou non, s'approprier la culture scientifique technique. Un simple recours au Coran et à la charia ne suffira plus à  résoudre les problèmes complexes posés par une société industrialisée. C'est ce qu'avaient essayé la Tunisie de Bourguiba et la Turquie de Kemal Atatürk, avant la montée de l'islamisme de notre époque.  Ou bien alors les États islamiques essaient de résister à la sécularisation  et de stopper ainsi la culture scientifique technique occidentale, au nom de la religion. Voir l'Iran par exemple. Le grand refus risque d'accentuer la fracture  entre le Nord et le Sud.

L'Islam est en proie à une crise typique des temps modernes : une crise de la considération et de l'identité. Plus une religion traditionnelle, dans un monde largement sécularisé, cherche à gagner la considération, plus elle s'enfonce dans la crise de sa propre identité. Et inversement, plus une religion cherche à affirmer son identité à travers les rites, les convictions de foi  et les conceptions morales traditionnelles, plus elle perd en considération aux yeux d'une société sécularisée. Aussi des musulmans bien informés en viennent à se poser la question : une sécularisation ne signifiera-t-elle pas, à la longue, la dissolution de la substance musulmane, la dissolution de l'islam lui-même ? Alors, quel autre chemin choisir ?

Une troisième voie

Longtemps de nombreux penseurs occidentaux  ont cru que la sécularisation ne pouvait que conduire à la fin de la religion. Aussi nombre de musulmans, qui ont sous les yeux l'exemple de la chrétienté, restent sceptiques : il n'y a pas de troisième voie. C'est pourquoi, par exemple, le pouvoir en Arabie saoudite, parce qu'il tient toute sa légitimité de la religion, est d'un extrême conservatisme.

Mais cette thèse de la fin de la religion se vérifie-t-elle ? Les prophétie marxistes sur la "mort de Dieu" ne se sont pas réalisées, Dieu merci. D'ailleurs la sécularité ne s'identifie pas à l'irréligion. Des sociologues américains  ont montré que ce qui était en jeu  dans le processus de sécularisation, c'était moins un dépérissement  de la religion qu'un changement de fonction. Il faut certes renoncer à l'identité entre religion et société, au profit d'une séparation entre la religion et les autres institutions, ce qui permet à la religion de se concentrer sur ses tâches essentielles. Cette situation nouvelle ne signifie pas la disparition de la religion - qu'il s'agisse du christianisme ou de l'islam - elle est une nouvelle  chance à courir.

En effet les interrogations éternelles de l'homme sur le sens de la vie, de la souffrance et de la mort, sur les plus hautes valeurs  pour l'individu et sur la société, sur les grandes questions de l'origine et de la fin de l'homme et du cosmos non seulement demeurent, mais deviennent de plus en plus fortes. Nous sommes pris dans un passage de l'époque "moderne" à une époque "post-moderne" où la science, la technologie, l'industrie se trouvent relativisées au bénéfice du bonheur de l'homme.

La religion n'a pas besoin d'une restauration mais bien d'une transformation grosse d'avenir : expression religieuse dans un monde sécularisé. Il faut que la foi en l'unique vrai Dieu remplace la foi dans les pseudo-divinités du monde moderne (Führer, parti, nation, science). Il convient de proclamer haut et fort, avec la Bible et le Coran : "Il n'y a de dieu que Dieu ! "Tu n'auras pas d'autres dieux que moi." La foi en l'unique vrai Dieu peut exorciser les puissances du monde et dans la mesure où elles sont idoles de ce monde, les détrôner.

Une troisième voie est donc concevable, et bon nombre de musulmans eux aussi la souhaitent. Entre une ré-islamisation peu porteuse d'avenir et une sécularisation anti ou a-religieuse, on peut envisager un nouveau modèle oecuménique de la sécularisation sur horizon religieux. Plus question d'une lutte anachronique et sans espoir contre la science, la technologie, le progrès. Pas question non plus de voir dans la science, la technologie, le progrès le sens ultime des choses. Ne pas faire du progrès une idole et une pseudo-religion. Dans un tel modèle, sera préservée la substance même de l'islam, surtout sa foi dans le Dieu unique. Il ne s'agit pas d'inciter l'islam à faire siennes les pseudo-valeurs d'une civilisation occidentale permissive. Bien au contraire, il s'agit, pour l'islam et pour le christianisme, conjointement, de démystifier  au nom de l'unique vrai Dieu les grands démystificateurs que sont la science et le progrès, pour en redécouvrir leur potentiel authentiquement humain et les intégrer dans une vision nouvelle de la religion et de la technologie.

Ébauches de réforme intra-islamique.

Des observateurs musulmans critiques situent l'islam contemporain quelque part entre le Moyen Age et la Réforme. C'est un "islam en transition". Au XIXe siècle, il y a eu des tentatives de réforme islamiques qui s'opposaient aux souverains orientaux despotiques et aux oulémas farouchement conservateurs. Auparavant, au XVIIIe siècle, il y avait eu  en Arabie le mouvement réformateur wahhâbite ; bien que sociologiquement conservateur, il réclamait, contre la superstition populaire, un retour à l'islam authentique. Il y eut en suite, au XIXe siècle, en Inde, au Pakistan, en Égypte, des réformateurs qui cherchèrent à promouvoir un islam moderne, réformé. Sans connaître de grands succès. Aucun d'entre eux n'eut l'audace de commencer une lecture historico-critique du Coran.

Une nouvelle génération de chercheurs musulmans existe aujourd'hui. Ils disent que la ré-interprétation "moderniste" de l'islam ne va pas assez loin. Mais eux-mêmes sont freinés dans leur recherche, par peur de la censure, de la répression, du risque de perte de leur emploi, voire même de leur vie. Ils existent, notamment dans les universités occidentale. Ils sont à Chicago, à Paris, à Strasbourg, en Allemagne ou ailleurs... Ils réclament de l'islam un abandon d'une attitude défensive agressive contre l'Occident moderne et une sécularisation partielle de l'islam. Mais pourront-ils faire avancer, face à un fondamentalisme et à un traditionalisme qui depuis quelques décennies, est en plein réveil, avec sa dévotion à l'Écriture et son rejet de toute critique appliquée au Coran ?

Le fondamentalisme musulman peut-il survivre ?

Le fondamentalisme musulman a son aile droite en Arabie saoudite et son aile gauche dans l'Iran des ayatollas. De droite ou de gauche, tous ont pour objectif de préserver et de consolider  toute la construction de l'islam historique Non seulement la substance de l'islam, mais tout le système islamique, à commencer par l'État islamique. Et pour cela, empêcher qu'on touche, non seulement au Coram, mais au millier de hadiths qui sont censés être paroles, faits et gestes de Mohamed lui-même. Or de nombreuses traditions apparemment originelles, par exemple le voile des femmes, la forme actuelle des cinq prières quotidiennes ne figurent même pas dans le Coran. Et l'histoire démontre que tous les mouvements de restauration - tels que celui qui est en cours dans presque tous les pays musulmans - font toujours fausse route en s'imaginant que la répression pourra toujours tenir en échec les  idées nouvelles.

Des milliers de canaux  infiltrent les États islamiques d'idées occidentales et infestent les institutions sociales inadaptées (ce mois-ci, par exemple, au Maroc, où une gamine s'est suicidée parce qu'on l'avait mariée de force à l'homme qui l'avait violée, ceci pour assurer l'impunité du violeur.) L'instruction religieuse islamique traditionnelle, qui consiste uniquement à faire mémoriser  des formules traditionnelles, propose des conceptions dépassées qui ne supportent pas le choc d'une élévation du niveau d'instruction des masses. Par ailleurs, l'identification complète entre religion et politique, islamisation de la politique et politisation de l'islam se fera, en fin de compte, aux dépens de la religion. Un religion totalitaire politisée perd en substance religieuse. Et surtout la plus grande menace qui pèse sur l'islam traditionnel , en rapport avec l'argent du pétrole et une élévation du niveau de vie, pourrait être, à plus longue échéance, celle du sécularisme (bagnole, sexe et carrière) qui ne se soucie plus guère de religion et à peine de morale.

Quelle autre alternative s'offre à l'islam ? Au lieu d'une restauration, une transformation de la religion porteuse d'avenir ? Un islam réformé, adapté au développement moderne ? Mais la charia, qui voit dans le Coran et la tradition ses sources principales, qui la fondent et qui se conçoit dès lors comme l'explication de la volonté de Dieu est-elle réformable et adaptable aux exigences modernes ?

Le problème d'une religion s'identifiant à un système de lois.

La charia, la loi islamique, fait partie intégrante de l'islam. Elle est un système religieux dans lequel on ne distingue absolument pas "ce qui est à César et ce qui revient à Dieu". Voilà un code de droit élaboré entre le VIIe et le Xe siècle qui, aujourd'hui encore, oblige tout croyant, jusqu'à régler les problèmes sociaux. Peut-on reconnaître une validité à ce code qui date de plus de mille ans ? De nombreux musulmans s'interrogent. Un dialogue entre chrétiens et musulmans se doit d'approfondir  ces questions, d'aller au fond du problème des liens entre loi et religion..

La loi de l'Ancien Testament comporte 613 prescriptions. Le code de droit canon compte 2414 canons. Il vient d'être remis au point et rajeuni après le concile. Quant aux prescriptions de la charia, le droit islamique comporte 7300 hadiths.  On y trouve  des prescriptions comportant aussi bien l'appel à la prière que les soins dentaires. Tout est régi par la loi religieuse.

On comprend donc pourquoi il nous semble nécessaire de faire une lecture critique aussi bien du Coran que de la charia. Sur ce point, le chrétien ne peut pas faire abstraction de la critique de la loi faite par Jésus, cet autre prophète reconnu comme tel par le Coran lui-même. Or le Coran saute à pieds joints sur cet aspect libérateur du message de Jésus, alors qu'il dit tant de choses positives sur Jésus et son message. Il oublie ces mots : "Vous, légistes, vous êtes malheureux, vous qui chargez les hommes de fardeaux accablants, mais qui ne touchez pas vous-mêmes d'un seul de vos doigts à ces fardeaux." (Luc 11, 46) La Coran méconnaît ce point qui, selon toutes les sources originales, apparaissait décisif dans le message de Jésus, et qui devient le pivot de la théologie de Paul : la liberté à l'égard de la loi.

Loi de Dieu - par amour pour les hommes

Ce qui nous est commun : l'obéissance inconditionnelle à Dieu. "Que ta volonté soit faite", c'est la prière que nous a donnée Jésus. Or un grand nombre de Juifs pieux de l'époque de Jésus en sont venus à identifier l'obéissance à la volonté de Dieu avec l'obéissance à la loi écrite de Moïse et avec la tradition explicative de cette loi. Une loi peut certes être garante de sécurité pour l'homme. Mais une loi ne peut pas prendre en compte  tous les cas qui peuvent se présenter dans une vie. Dans le judaïsme comme, plus tard, dans l'islam, on a cherché à adapter des directives légales  devenues vides de sens aux conditions de vie nouvelle. D'où accumulation des lois par interprétation et explication de la Loi. Or plus on accumule prescriptions et interdits, plus on occulte la seule chose qui compte.

C'est à cette attitude légaliste que Jésus a asséné un coup mortel. Il ne s'en est pas pris à la loi, mais au légalisme. Il préconise donc une nouvelle forme d'obéissance à Dieu, non selon la lettre, mais selon l'esprit. Il n'édicte ni prescriptions morales ni rituelles. Il en appelle simplement à une nouvelle pratique de l'amour. La volonté de Dieu n'a en vue que le bien total de l'homme, ce qu'il appelle le salut.

N'allons pas prétendre pour autant que, sur ce point, le christianisme est supérieur à l'islam. Mais nous touchons là un point crucial de la controverse sur le droit et la loi. A quoi l'homme doit-il s'en tenir ? Le Coran et la charia n'auraient-ils pas à tirer tout bénéfice de l'application de ce principe  fondamental : accomplissement de la volonté de Dieu par service du prochain. Le service de l'homme a priorité sur l'accomplissement de la loi. En arriver à ce que la charia soit au service de l'homme et non l'homme pour la charia ! L'islam y gagnerait l'indispensable espace de liberté religieuse pour remédier aux carences les plus criantes  du droit islamique, par exemple le droit de répudier sa femme, et du droit pénal (mutilations, lapidations, bastonnade...)

Jusqu'à notre époque, qui voit un retour en force d'une restauration de l'islam sous des formes assez rigides, il y avait eu, notamment au XXe siècle, d'importantes modifications du droit, si bien qu'en de nombreux pays à majorité musulmane, on avait pratiquement abandonné la charia. Mais est-il possible de revenir en arrière ? L'histoire le dira.

En conclusion

Pour l'islam, pour le christianisme et pour la paix dans le monde, il serait de première importance que la nouvelle prise de conscience islamique et le sentiment d'une solidarité musulmane à l'échelle du monde ne restent pas finalement prisonniers d'un légalisme fondamentaliste, mais conduisent à une réforme musulmane autocritique. Oui, avec de nombreux musulmans le chrétien pourra lui-même peut-être dire, dans l'intérêt de l'islam : au terme des luttes libératrices contre le colonialisme occidental, puis comme aboutissement des mouvements du "printemps arabe", ce dont l'islam a besoin, ce n'est ni de la seule réorientation intérieure sans conséquences sociales, ni de la seule adaptation extérieure à l'esprit du temps marqué  par l'Occident, ni non plus du seul progrès économique-social. Comme le christianisme, l'islam a besoin du renouvellement spirituel englobant, au sein duquel une éthique à fondement religieux-théologique pourrait servir de base à un meilleur ordre politico-social, en même temps que juridique. La substance de l'islam serait préservée, mais  pleinement assumée et englobée dans un modèle œcuménique répondant véritablement aux exigences de notre temps.

(A suivre, le 1er mai)

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