THEOLOGIE "POUR LES NULS"

CETTE ANNEE : LE MARIAGE

 

5e Séquence - L'histoire du mariage chrétien !

(mai 2002)

Nous distinguerons trois étapes :
1 - Le premier millénaire
2 - De l'an mil à 1563.
3 - Du Concile de Trente à nos jours.

I - LE PREMIER MILLENAIRE.

1 - Pendant les trois premiers siècles, aucun rite particulier, seulement une exigence morale et spirituelle.
Les premiers chrétiens se trouvent en présence, selon les lieux, de coutumes diverses : en Grèce, dans l'Empire romain, dans le monde juif. Comment vont-ils réagir ?
Eh bien, malgré les persécutions, spontanément, ils adoptent les coutumes du lieu où ils se trouvent. Les premières générations de chrétiens ne songent pas à édifier un "mariage chrétien", face à un mariage "humain". Il nous faut relire la Lettre à Diognète :
"Les chrétiens se marient comme tout le monde." Simplement, on supprime ce rite religieux qu'était la "confarreatio" romaine, parce qu'elle comportait un sacrifice à Jupiter.
Pourtant, l'Église regarde ce qui se passe (pas la célébration, mais le mode de vie). Elle est réticente aux mariages entre chrétiens et païens. De plus, elle s'oppose aux sectes qui dévalorisent le mariage. Celui-ci est toujours qualifié d'oeuvre sainte et bonne, à cause du Créateur. Enfin, l'Église commence à se battre contre les mariages clandestins. Une nécessité s'impose : sortir du "privé". Le mariage est une réalité
sociale. Positivement, l'Église a un grand souci de la vie des chrétiens mariés, notamment des esclaves : elle déclare que le mariage est un droit fondamental pour tout homme, y compris les esclaves.
Pour la
célébration du mariage, il n'y a aucun rite particulier. Les chrétiens se marient comme les autres. Il n'y a pas de "mariage chrétien". Simplement, parfois, le père de famille invoque la bénédiction divine sur le jeune couple, peut-être en imposant les mains. Si le prêtre ou l'évêque est invité, il y va. Mais ce n'est pas une coutume. Le mariage est célébré en famille, jamais à l'église.

2 - Du IVe au VIe siècles : on trouve deux courants : en Orient et en Occident. Avec l'Edit de Milan (313) qui permet la pratique religieuse publique, on ne change rien aux coutumes concernant le mariage. Les conciles déclarent que les fiançailles ne sont pas obligatoires : ils condamnent le rapt et les unions illégitimes. Ce sont des questions de morale.
En ce qui concerne les rites :
A - en Orient : les prêtres commencent à prendre une place. Inviter le prêtre aux noces, c'est comme un symbole, celui de l'invitation du Christ à Cana. Le mariage comporte la jonction des mains, une prière, la bénédiction de la couronne nuptiale et l'imposition de cette couronne, enfin, le repas. Normalement, c'est le père de famille qui fait cela. C'est au VIIe siècle seulement que les mariages commencent à être célébrés à l'église et par le prêtre, en Orient, et que ce rite est appelé un sacrement.
B - en Occident. Sous l'influence du droit romain, le mariage est fondé sur le consentement mutuel ; sous l'influence du droit germanique, il faut qu'il y ait "copulatio carnis" (consommation), comme élément matériel destiné à prouver le consentement.
Peu à peu, le prêtre assiste aux mariages, mais à titre de témoin honorable. Les usages varient selon les régions. En Italie, le mariage a lieu à la maison. En Gaule, c'est une bénédiction de la couche nuptiale. En Espagne, c'est la bénédiction de l'anneau par le prêtre. En Angleterre, il y a une première partie à l'église (bénédiction et remise de l'anneau), puis une deuxième partie, le soir, à la maison : bénédiction du lit nuptial.
Pour résumer : le prêtre n'est là que comme témoin.
Ce qui fait le mariage, c'est le consentement mutuel.
On commence à parler d'indissolubilité.

3 - Du VIIe au Xe siècle.
On trouve un certain nombre de déclarations des conciles. Ils parlent du mariage, d'abord pour condamner les mariages incestueux, qui étaient pratique assez courante, et régler les degrés de consanguinités qui interdisent tout mariage. Ils pensent également à protéger du rapt. Enfin, ils ont un grand souci de sauvegarder la liberté des consentements (en un temps où c'étaient les pères qui mariaient leurs filles, souvent sans leur demander leur avis.)
Beaucoup de mariages se passent sans l'intervention des hommes d'Église. En 860, on a une instruction de Nicolas Ier qui déclare que tous les usages peuvent faire défaut sans porter atteinte à la validité du mariage,
pourvu qu'il y ait consentement mutuel.
C'est au IXe siècle qu'on insiste sur la nécessité du mariage public : tout mariage conclu publiquement et légitimement crée un lien indissoluble. Reste cependant la plaie des mariages clandestins.
Très important : c'est à cette époque, et parce que le pouvoir civil est en déclin, que l'Église commence à prendre le mariage en tutelle.

II - LE MARIAGE AU MOYEN-AGE (XIe - XVe siècles)

Vers 850, c'est un véritable retour à la barbarie dans le monde chrétien, avec les diverses invasions (des Vikings, des Avars, des Sarrasins). On imagine difficilement l'immense déliquescence des moeurs. C'est pourquoi l'Église, seule institution qui tienne un peu le coup, va être amenée à intervenir directement dans la vie sociale, en particulier dans le mariage. C'est principalement l'affaire des juristes spécialistes en droit, les "canonistes", qui ont à régler quantité d'histoires de divorces et de répudiations. Or, on est en présence de deux conceptions du droit : le droit romain et le droit germanique. Deux mentalités opposées. L'exemple le plus connu est celui de Lothaire. Il répudie Theutbergue qu'il accuse d'avoir couché avec son frère. En fait, il veut épouser Waldrade, sa concubine (le concubinage étant alors toléré). D'où un véritable "sac de noeuds" : ce qui était légitime selon les coutumes germaniques est impossible en droit romain. Le pape Nicolas Ier refuse catégoriquement. Même problème, plus tard avec Philippe Ier de France. De la part de l'Église, il y a une vraie volonté de remettre de l'ordre dans des états de faits qui pouvaient prêter à confusion. Aussi l'intervention sacerdotale est en passe de devenir la règle. Le pouvoir ecclésiastique vise à imposer ses normes aux Francs, aux Germains, à la caste militaire qui est en train de prendre la relève des souverains défaillants.
L'Église ne va pas s'imposer du jour au lendemain. Entre la théorie et la pratique, il y a une marge considérable. En outre, l'histoire du mariage n'est pas la même au niveau du prince, du seigneur et au niveau des serfs. Il reste que le religieux tend à l'emporter sur le civil. L'époque est celle d'une
progressive christianisation de l'institution du mariage. Au modèle laïc, qui avait pour but de préserver la permanence d'un mode de production, de maintenir l'état économique d'une "maison", tend à se substituer un modèle ecclésiastique dont le but est de refréner les pulsions de la chair, d'endiguer les débordements de la sexualité.
1 - Le modèle laïc.
Il s'agissait essentiellement, (pour ceux qui avaient des biens, évidemment) de la transmission d'un héritage, d'un capital, pour garantir à la descendance un rang au moins égal. Donc, il s'agit de bien marier les jeunes, c'est-à-dire, d'une part céder les filles, négocier au mieux leur pouvoir de procréation, et d'autre part aider les garçons à prendre femme. A la prendre ailleurs, dans une autre "maison" et à l'introduire dans cette maison-ci ; la fille passant de l'autorité paternelle à l'autorité maritale, condamnée à rester toujours un peu étrangère, suspecte. D'où nécessité de longues négociations.
Trois attitudes orientent ces
négociations :