L'INTELLIGENCE DES ECRITURES

 

Nouvelle série :

Marie dans l'Ecriture (5)

Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus se plaignait des prédicateurs de son temps qui racontaient sur Marie "des choses invraisemblables." Elle ajoutait : "Il faudrait dire qu'elle vivait de foi, comme nous, et en donner des preuves tirées de l'Évangile où nous lisons : "Ils ne comprirent pas ce qu'il leur disait."

Je crois qu'on ne peut mieux dire ! A relire les évangiles, il nous saute aux yeux "une progression dans la perception du mystère de Marie", une trajectoire dont le point de départ se trouve dans l'évangile de Marc et le point culminant en saint Jean.

Nous suivrons donc un plan logique :

* L'étonnante discrétion chez Paul et Marc
* Marie vue par Matthieu.
* Marie dans le projet historique et théologique de Luc
* La mère de Jésus dans la théologie de Jean.

 MARIE DANS LA THEOLOGIE DE LUC (suite)

D - La Nativité (Luc, 2, 1-21)

1 - Luc 2, 1-7.

La naissance de Jésus est située dans le contexte de l'histoire ondiale. Pour la première fois chez LUC, Joseph entre en scène, et s'il joue un rôle de personnage muet, il est néanmoins pertenaire véritable de Marie. Il est appelé père de Jésus. Lui et Marie sont appelés parents de l'enfant Jésus et aucune allusion n'est faite à la conception virginale. Comme si començait un récit indépendant du chapitre 1.

La naissance est décrite le plus simplement possible. Simplicité d'une naissance de pauvre. C'est Marie qui agit et elle seule. Mais rien n'est dit du mode de sa naissance. Sans douleurs ? Le Protévangile de Jacques s'intéressera avec complaisance à cette question. Ce n'est pas dans la manière de Luc. "Fils premier-né" : ceci n'implique pas que Marie ait- eu d'autres enfants. C'était une expression courante.

2 - L'annonce aux bergers 2, 8-21

Plus importante la longue séquence de l'annonce aux bergers. Branle-bas apocalyptique : la gloire du Seigneur enveloppe les bergers. Ce qui descend du ciel, c'esr l'évangile : l'ange évangélise (en grec evangelizô : j'annonce une bonne nouvelle). Non seulement annonce du Messie et venue de la paix, mais déjà l'annonce pascale : "il vous est né un Sauveur qui est Christ Seigneur."Les bergers en toute hâte viennent voir une parole-événement (c'est la traduction littérale : allons voir cette parole qui est arrivée). Ils trouvent Mari d'abord, puis Joseph et l'enfant (contrairement à Matthieu 2, 11) et après avoir vu, ils s'en vont faire connaître la parole-événement. Autrement dit, les bergers prennent le relais de l'ange pour proclamer l'évangile. Parmi les auditeurs, il y a Marie qui garde dans son coeur ces paroles-événements. On va y revenir.

3 - La deuxième annonce à Marie 2, 22-40

La Loi amène les parents au Temple; Curieusement Luc dit "aux jours de leur purification". Pourquoi "leur" quand, selon la loi, ni le père ni l'enfant, mais la mère seule devait être purifiée ? C'est bizarre. Est-ce seulement une phrase mal construite ? En tout cas, le récit est fortement christologique. Syméon, en un très beau cantique, reprend le 2e Isaïe (49, 1-6) pour décrire la mission de Jésus. Des accents universalistes : "Tous les peuples" (v. 31). Le père et la mère sont étonnés (émerveillés ?) Soudain le texte passe de la louabge à la prophétie, de la lumière au signe contesté et au glaive. On revient à Israël, au drame de la foi qui va diviser Israël . C'est un clash qui est annoncé. Et Marie est étroitement associée à son fils. Au verset 35 : elle en souffrir personnellement. De quel glaive s'agit-il ? Deux interprétations : ou bien Marie est associée à son fils et participe au drame de son existence de Messie ; ou bien elle est elle-même soumise au jugement messianique, eschatologique. Origène disait que le glaive qui allait la déchirer, c'est celui du doute et de l'infidélité. Pour la plupart des critiques, la première hypothèse est la plus plausible : Marie est associée audestin de son fils.

4 - Marie gardait toutes ces choses... 2, 41-52

On retrouve ici ce que Luc a déjà dit au verset 19. Les deux versets dessinent l'image que Luc veut que nous gardions de Marie. Il faut les regarder de près car c'est plein de nuances. "Marie gardait ensemble ces paroles en les confrontant dans son coeur" : traduction littérale. Le mot "paroles", d'abord. En grec : rhèma, différent d'un autre mot, logos. Rhèma, c'est une parole, mais une parole qui ne se contente pas d'informer. C'est une parole créatrice, efficace, constructrice. Marie "gardait ensemble" : en grec "sum-ballè", qui veut dire confronter, mettre ensemble ; en français "symbole". Marie met ensemble des paroles-événements, les tourne et les retourne pour en dégager la signification. Ce que Luc veut nous dire, c'est que Marie est la première croyante d'après Pâques. Elle inaugure la communauté de foi, l'Eglise. Lorsque Jésus, perdu, est retrouvé au bout de trois jours, il répond aux questions de Marie par une question qui mentionne le Père; Marie avait dit : "Ton père et moi". Jésus répond : "Mon Père" ! En tout cas, les parents ne comprennent pas. On est en plein mystère. Alors, au moment où Marie s'efface de la scène, elle récapitule l'ensemble des paroles entendues. La croyante va continuer à cheminer.

E - Pendant la vie publique

Avec les récits de l'enfance, Luc a pour ainsi dire terminé le portrait de Marie. Dans l'évangile, il ne l'appellera plus par son nom. Regardons simplement quelques passages rapides, comme pour affiner son portrait : Marie la croyante particulièrement. Mais regardons surtout deuxtextes qui ont une importance mariale : la généalogie et le rejet de Jésus à Nazareth.

1 - La généalogie ( 3, 23-38).

Elle est différente de celle de Matthieu. Certains croient qu'il s'agit d'une génalogie du côté de Marie qui serait aussi descendante de David. Ce n'est pas convainquant. Le texte porte clairement le nom de Joseph et c'est de lui qu'il s'agit. Pour notre propos, le plus important, c'est l'ouverture en 3, 23 : "Jésus, à ses débuts, avait environ 30 ans, étant fils, croyait-on, de Joseph." C'est une claire allusion à la conception virginale. C'est bien ici que le rédacteur fait le lien entre les récits de l'enfance et le reste de l'oeuvre.

2 - Jésus rejeté à Nazareth (4, 16-30)

On trouve le même épisode en Marc 6, 1-6 et en Matthieu 13, 54-58. Mais Luc seul rapporte l'interrogation des gens de Nazareth : "N'est-il pas le fils de Joseph ?" De plus, aucune mention de Marie ni des frères et soeurs de Jésus. De même, en 4, 24, alors que Jésus déclare que "nul n'est prophète en son pays", Luc, contrairement aux autres synoptiques, ne mentionne pas "ses parents et sa maison". C'est que Luc veut étiter toujours avec soin ce qui pourrait laisser planer une ombre sur Marie ou la parenté de Jésus.

3 - La famille des disciples (8, 19-21 et 11, 27-28)

Luc connaît les textes pareallèles qu'on trouve en Marc : ils sont très négatifs pour Marie. Matthgieu avat déjà gommé ce caractère péjoratif. Luc va plus loin : à partir du même texte, il va faire l'éloge de Marie. En 8, 21 : "Ma mère et mes frères ce sont ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la font." Après les récits de l'enfance, on a là un éloge de Marie, celle qui "gardait toutes ces choses en son coeur."
En Luc 11, 27-28 : à la femme qui déclare bien heureuse celle qui a porté et allaité un tel homme, Jésus réplique par un éloge de Marie : elle est bienheureuse surtout parce qu'elle a cru. Là, il rejoint l'éloge d'Elisabeth

4 - L'Evangile et les Actes des Apôtres.

Comparez Luc 1, 35 : "L'Esprit Saint viendra sur toi et la puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre."

et Actes 1, 8 :"Vous allez recevoir une puissance, celle du Saint-Esprit qui viendra sur vous."

Ces deux versets occupent une place analogue au début de chaque partie du grand ouvrage de Luc : Evangile ET Actes. Ils servent pour ainsi dire d'introduction au sujet principal du livre qui suit : Jésus dans l'Evangile, l'Eglise dans les Actes. C'est une façon de souligner la continuité entre le mystère de Jésus et celui de l'Eglise.

(à suivre, le 20 juillet)

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