LETTRE A MIREILLE
Du 1er septembre au 29 décembre 2016
Jeudi 29 décembre 2016
Mireille,
Je n'ai pas été déçu. Quelle ouverture ! Sur le vaste monde, d'abord, puisque des correspondants de toutes les parties du monde me font régulièrement l'honneur et le plaisir de m'adresser des petits (ou grands) messages ; puisque d'autres correspondants se chargent de traduire quelques unes de ces pages pour des "paroissiens" ou des amis des USA, de Turquie, du Japon ; puisque je reçois en direct les réactions, parfois surprenantes, toujours instructives, de lecteurs, noirs ou blancs, croyants ou agnostiques... jusqu'à Nicole qui me reproche gentiment de ne pas apprendre l'anglais. Bref, un vrai remue-méninges qui m'oblige à me renouveler sans cesse.
Et ouverture sur l'avenir. J'ai toujours de nouveaux projets, et "pourvu que Dieu me prête vie", certains verront le jour, n'en doutez pas. Vous-même Mireille, vous avez été, un jour, il y a plus de quinze ans, l'inspiratrice de cette lettre que je vous adresse avec une régularité exemplaire, n'est-ce pas ?
"Pourvu que Dieu me prête vie". Moi, je ne demande pas mieux. Si vous saviez combien de correspondants, connaissant mon grand âge, me souhaitent sincèrement de perdurer. C'est peut-être intéressé de leur part, mais ce souhait, souvent exprimé, me fait plaisir, puisqu'il rejoint l'un de mes voeux le plus cher. Donc, ce jour-anniversaire une fois célébré, et bien célébré, on continue. Je me récite souvent le mot de saint Paul, s'adressant aux Philippiens : "Rejetant le passé, je cours vers le but." Certes, les jambes sont moins rapides. Mais enfin, ça avance. A l'an prochain, si proche maintenant.
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Lundi 26 décembre 2016
Mireille,
Même si le jour de la fête est passé, je pense qu'il n'est pas trop tard pour vous souhaiter Joyeux Noël ! Ce que je fais avec plaisir, car ce peut être Noël tous les jours. Rappelez-vous la chanson : "C'est Noël chaque fois qu'on essuie une larme dans les yeux d'un enfant...C'est Noël tous les jours, car Noël ô mon frère, c'est l'Amour"
Joyeux Noël ! Miracle des techniques de la communication d’aujourd’hui ! Voici qu’en un seul instant, en quelques secondes, mes vœux les plus chaleureux et ma fervente prière me permettent d’atteindre toutes ces amies, tous ces amis, connus ou anonymes, à travers le vaste monde. Aux amis québécois qui ne sont pas encore levés et à ceux qui vivent au Japon qui lisent cette lettre le soir. Et Joyeux Noël à tous les amis d’Afrique, de la Réunion et d’Océanie, ainsi qu’à celles et ceux qui, du Brésil au Chili, aiment lire chaque jour quelques lignes de français.« Comme il est beau de voir courir sur les montagnes le messager qui annonce la paix », s’exclame Isaïe au début de la célébration du matin de Noël. J’ai envie de dire : « Comme il est beau, le génie humain, l’intelligence que Dieu nous a donnée, qui nous donne aujourd’hui des outils de communication aussi merveilleux. »
Hier soir, après la célébration je n’avais pas envie de dormir. Et je n’avais pas
envie de regarder la télé. J’étais là, sans rien faire,
laissant mon esprit vagabonder. J’ai repris ce mot « grâce » qui
est employé tant de fois par les textes bibliques en ce temps de
Noël. Et je me suis souvenu d’une réflexion entendue dans la
bouche d’un vieux moine, il y a quelques années. « On déforme le
sens des mots, disait-il. Ainsi, quand on parle de la grâce, on
pense automatiquement à l’absence de péché. Ainsi, de Marie «
pleine de grâce ». Or le mot grâce, dans l’esprit de Luc, de
Jean, de Paul et de tous les premiers auditeurs de la Parole,
signifie d’abord beauté, charme. Comme lorsqu’on parle d’une «
gracieuse » jeune fille. Marie pleine de grâce, cela pourrait se
traduire vulgairement « Salut, la toute belle »
Savez-vous ce que j’ai fait alors ? J’ai consulté mon dictionnaire grec. Au mot grec « Charis », il y a quatre significations. D’abord « beauté, charme, grâce extérieure ». Deuxième sens : « Joie, plaisir ». Troisième sens : « Faveur, bienveillance, bonté, bienfait. » Et enfin, quatrième sens : « désir de plaire. » Comme vous le voyez, c’est un mot riche de significations.
Aussi,
ce matin, reprenant l’excellente salutation liturgique, je souhaite
« que la grâce et la paix soient toujours avec vous. »
Joyeux Noël !
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Jeudi 22 décembre 2016
Mireille,
Récemment, je regardais à la télé un intéressant documentaire intitulé "L'Odyssée de l'espèce." Ce documentaire franco-belge-canadien nous faisait remonter en images saisissantes aux origines de l'espèce humaine. Très, très loin de notre aujourd'hui. J'ai toujours été passionné par ce que les savants nous expliquent de l'évolution. Qu'à partir de presque rien - une cellule unique, mais capable de se reproduire - on en arrive à "l'être étonnant que je suis" (comme dit le psaume), au bout de millions d'années, voilà qui me remplit toujours d'émerveillement.
Quand j'étais jeune, nous reproduisions sur de vieilles machines à écrire, avec le plus possible de "carbones" pour pouvoir en diffuser des exemplaires, les écrits du P. Teilhard de Chardin. Ils n'étaient pas encore publiés, tant était grande la méfiance vaticane ! Ensuite, dans les années 50, ces textes furent enfin connus du grand public. Dans leur précision aussi bien que par un certain lyrisme, par les perspectives qu'ils m'ouvraient, ils m'ont toujours passionné. Il semble cependant qu'ils soient un peu passés de mode aujourd'hui. C'est dommage ! Ils n'en demeurent pas moins capables d'ouvrir les esprits les plus fermés.
Ainsi de l'évolution. On regarde le passé de l'espèce humaine, jusqu'aux temps les plus reculés. Bien. Mais on s'arrête à aujourd'hui, à l'homme tel que nous le connaissons. Vous et moi, avec tout notre passé, toute notre lourde hérédité. Comme si nous n'étions qu'un aboutissement. Une fin. Comme s'il ne pouvait y avoir rien de mieux. Teilhard nous invitait à regarder également, sur la même trajectoire, plus que le passé, un futur de l'espèce humaine. Or, voilà qu'en préparant une homélie pour Noël, je tombe sur une phrase de saint Basile, un Père de l'Eglise qui vivait au IVe siècle. Basile, évêque de Césarée en Cappadoce (l'actuelle Turquie) ne connaissait rien de l'évolution. Mais ce qui l'intéressait, ce n'était pas le passé, mais l'avenir de l'espèce. "L'homme, dit-il, est un animal qui a reçu vocation de devenir dieu."
Voilà notre avenir. J'en suis bien heureux !
* * * * *Lundi 19 décembre 2016
Mireille,
Le jour va-t-il enfin se lever ? Alors que je commence à vous écrire en ce lundi matin, on pourrait se le demander ! Décidément, j'aime de moins en moins cette période de l'année où le soleil, quand il daigne apparaître, est bas sur l'horizon. Il faut se lever, et il fait encore nuit noire ! Et l'après-midi, il n'est pas encore l'heure de cesser nos activités qu'il commence déjà à faire nuit !
Il y a quelques années encore, je n'y faisais pas attention. Eté,
hiver, comme printemps ou automne, je prenais tout comme cela venait.
Aujourd'hui, par contre, j'ai besoin de lumière. Mon corps réclame
davantage de lumière. Et je crois bien que mon corps commande
sérieusement mon esprit. Si je n'y prenais garde, il tomberait en
léthargie.
Normal, disent les spécialistes. La lumière est indispensable à la
vie. C'est presque une vérité de La Palisse. Je crois même qu'on a mis
au point des appareils qui vous procurent, chez vous, le supplément de
lumière dont vous avez besoin. Après tout, pourquoi pas ? Mais
personnellement, il y a une conviction qui me permet de dépasser mes
impressions : nous en arriverons après-demain au jour le plus court de l'année,
et dès jeudi, le cycle ascendant va reprendre : dans quelques semaines,
on s'apercevra que les jours deviennent plus longs, que la nuit recule.
Et cette espérance donne sens à cette journée de fin décembre.
L'Evangile
que nous lisons ce matin nous rapporte l'annonce qu'un ange fit au
prêtre Zacharie, au moment où il offrait le sacrifice du soir dans le
temple de Jérusalem. Lui et son épouse Elisabeth étaient très âgés et
n'avaient pas pu avoir d'enfant. C'est alors que l'envoyé de Dieu lui
annonce qu'il va avoir un fils. Quelle belle nouvelle ! C'est
littéralement pour lui in-croyable. Et voilà : Jean le Baptiste, leur
fils, non seulement fera la joie et la fierté de ses vieux parents,
mais il sera le précurseur (littéralement celui qui court devant) de
celui dont il avait perçu la présence dès le sein maternel, Jésus, "la
lumière du monde."
"C'est la nuit qu'il est beau de croire à la lumière" (Edmond Rostand)
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Jeudi 15 décembre 2016
Mireille,
Croyez-vous au Père Noël ? L'expression "croire au Père Noël" est passée dans le langage courant pour parler d'une personne naïve, qui ne doute jamais de ce qu'on lui raconte, y compris des pires bobards. Nous ne croyons plus au Père Noël, du moins je l'espère. Nous sommes adultes, réalistes, rationnels. On vérifié les informations, on n'est pas des gogos. On ne nous en conte plus !
Mais nous avons tous cru au Père Noël. Je me souviens d'une nuit de Noël où nous sortions de la messe de minuit. J'avais peut-être six ou sept ans. Nous avions hâte de rentrer à la maison pour découvrir ce que le Père Noël avait mis dans nos souliers. Et voilà qu'un copain, un peu plus âgé, nous indique une fumée blanche qui sortait d'une cheminée et qui faisait comme un nuage blanchâtre dans la nuit noire. "Regarde, nous dit-il. Le Père Noël !" J'ai cru le voir. Pour la première et la dernière fois. L'année suivante, quelques jours avant Noël, je jouais dans l'auto paternelle quand j'ai découvert, dissimulé sous les sièges, le cadeau dont je rêvais. Joie et déception mêlées. Sentiment d'avoir été trompé. Qui croire, quand on ne croit plus au Père Noël ?
Au temps de mon adolescence, je me suis posé la même question à propos de tout ce qu'on m'avait enseigné en matière religieuse. Est-ce que les adultes ne nous racontent pas des fables sur Dieu, sur Jésus, sur l'Eglise (comme sur le Père Noël) pour nous faire tenir sages ? Est-ce que les religions ne sont pas utiles pour maintenir les peuples dans l'état d'enfance et dans l'obéissance ? Il m'a fallu du temps pour répondre à mes questions. Mais combien ne se sont jamais posé ces questions ! Et combien n'ont jamais trouvé la réponse !
Dans toute cette affaire, j'ai gagné quelque chose de précieux. Le plus beau cadeau, sans doute. L'esprit critique, au vrai sens du temps. Une foi qui ne s'en laisse pas conter. Une foi qui essaie toujours de s'appuyer sur la raison que l'Esprit Saint fait vivre en moi. Une foi qui, à quelques jours de Noël, me fait attendre dans la joie, non pas un Père Noël bien dévalué (on en rencontre à tous les coins de rues), mais mon ami, mon frère, Jésus.
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Lundi 12 décembre 2016
Mireille,
Je vous disais jeudi dernier combien certains prénoms dont on affuble les bébés, ces temps-ci, me font sourire. D'un sourire d'ironie ou de pitié ! Mais, après tout, pourquoi pas ? Lorsque les parents n'ont aucune référence religieuse précise, pourquoi faudrait-il qu'ils donnent à leur enfant le nom d'un saint ? Donc, pour moi, cette mode est simplement un signe. Le signe d'une "sécularisation" qui en arrive à des sommets. J'emploie le mot de "sécularisation", faute de mieux, pour désigner un phénomène étudié par les sociologues : plus qu'une déchristianisation, plus qu'une laïcisation ou qu'une simple extension de l'incroyance, un recul du religieux. Nous en avons de multiples exemples sous les yeux, de nos jours. Il suffit d'ouvrir les yeux.
J'apprends ainsi, par une dépêche d'Amsterdam, qu'un Hollandais sur trois ne connaît pas l'origine de Noël. 29% des protestants ont donné une mauvaise réponse, 26% des catholiques ne savaient pas, et 6% ont cité un événement biblique autre que la naissance de Jésus Christ. Parmi les non-croyants, 35% ne savaient pas ce qui est célébré à Noël. Certes, les sondages sont toujours sujets à caution, mais ils indiquent toujours une tendance. Et je suis sûr qu'un sondage auprès de mes compatriotes donnerait des résultats assez proches.
Pas étonnant, alors, que les autorités de Melbourne, en Australie, défendent à l'avenir de prononcer le mot "Noël". Pour ne pas froisser, argumente le maire. La fête de Noël en effet n'a officiellement plus lieu dans la ville de Melbourne. L'administration et les autorités municipales ont reçu comme consigne de bannir le terme de "Noël" et de parler de "temps de fête" lors des actes officiels. La maire Susan Riley a justifié cette mesure comme un respect de la société multiculturelle de la ville. N'en est-il pas de même chez nous, depuis quelques années ?
Il est vrai que, de son temps, la naissance de Jésus à Bethléem est passée totalement inaperçue. Sauf pour quelques bergers. Espérons qu'il restera toujours, sur notre vieille terre, quelques "bergers" pour nous la rappeler.
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Jeudi 8 décembre 2016
Mireille,
Il m'arrive bien souvent de sourire, lorsque je reçois des faire-part de naissance. Mes jeunes amis, lorsqu'ils deviennent papas ou mamans, s'évertuent à choisir des prénoms originaux pour leur progéniture. C'est à qui trouvera le plus insolite. Il y a, certes, les prénoms anciens qui reviennent à la mode, va savoir pourquoi ! Ce n'est pas d'aujourd'hui. Ainsi, quand j'étais jeune, personne n'aurait appelé sa fille Catherine, alors que, dans les années 60, c'était redevenu la grande mode. Aujourd'hui, j'apprends la naissance d'une Emma, d'une Adèle, d'un Tristan. Très bien. Lorsque je découvre un Prosper ou une Pulchérie, mon sourire devient moqueur. J'ai bien aimé, par contre, que l'un de mes jeunes paroissiens appelle son fils Victor et que l'un de ses copains, en retour, appelle le sien Hugo. Mais Ignace, Platon, Hercule, ce seront certainement des prénoms difficiles à porter par les chers petits ! Il est vrai que Léon... !
Où cela devient franchement ridicule, c'est quand les modes actuelles vont à des prénoms issus de la pub' ou de la mode. Il parait qu'on compte actuellement des centaines de Chanel, des dizaines d'Ikéa, des Porsche, des Goldorak. Record battu avec un (ou une) Périphérique, parce que sa mère s'y trouvait lorsqu'elle a perdu les eaux !
On est à des années-lumière de l'intention primordiale, qui consistait à donner aux enfants le nom d'un saint pour qu'il devienne son protecteur et son modèle. La législation civile avait suivi : à la sortie de la Révolution, une loi avait fixé la liste des prénoms utilisables. On ne pouvait pas choisir n'importe quoi. Encore que... Je me souviens avoir rencontré, dans mon enfance, des petites "Joffrette", en mémoire du maréchal Joffre, héros de la guerre de 14-18 ! Mais les dérogations étaient rares, jusqu'à la loi de janvier 1993 qui fait obligation, pour l'officier d'Etat-civil, d'enregistrer le nom choisi par les parents, quel que soit ce nom. Avec cette restriction : s'il juge que le nom choisi sera nuisible à l'enfant, il doit en référer au procureur. Je me souviens de l'intervention du procureur qui, jadis, refusa "Mégane" pour la fille d'un M. Renaud.
Et l'enfant Jésus, me dira-t-on ? A l'époque, le nom signifiait toujours quelque chose. Comme un programme de vie. Beaucoup de gens s'appelaient Jésus (Ieshouah, Josué), mot qui veut dire : "Le Seigneur sauve". C'était même un nom relativement courant. Pour Jésus, le nom était particulièrement bien choisi, n'est-ce pas ?
* * * * * *Lundi 5 décembre 2016
Mireille,
Chaque fois que je relis le message de saint Jean-Baptiste où il est question de chemins, de routes à préparer, à aplanir, à redresser, je pense à une aventure qui nous est arrivée au cours d'une randonnée en Grèce. Cette année-là, nous étions sept amis qui nous étions retrouvés à Athènes et qui, après la visite de la capitale, avions pris la route pour un périple comme je les aime : chaque soir, nous nous arrêtions dans un endroit désert, de préférence au bord de la mer, pour y passer la nuit, sans tentes, à même le sol. Rien de tel pour contempler les étoiles... et les satellites. Il nous en est arrivé, des aventures, au cours des cinq "campagnes de Grèce" auxquelles j'ai participé.
Cette année-là, nous avions deux autos, l'une climatisée, l'autre non. Inutile de dire que tout le monde se précipitait pour m'accompagner dans l'auto climatisée que j’avais louée à l'aéroport ! Donc, un jour, à la sortie de Delphes, nous avions convenu de nous retrouver tous dans un petit port de pêche signalé sur nos cartes comme particulièrement pittoresque. Et pour ne pas nous perdre, nous avions fixé un premier rendez-vous à un carrefour sur la route principale, entre Delphes et Thèbes. Naturellement, au premier point de rendez-vous, nous n'avons trouvé personne. Mauvaise signalisation ? Nous avons attendu, puis nous sommes revenus en arrière, puis nous avons poursuivi jusqu'à Thèbes. Toujours personne. Disparue, envolée, la deuxième auto et ses passagers. Alors, nous quatre, nous avons pris le parti de nous rendre à ce petit port, signalé sous le vocable de "Aghios Joannis" - saint Jean - où il avait été décidé que nous passerions la nuit.
Comme il se faisait tard et que nous estimions être en avance, nous avons dîné - une merveilleuse friture - dans une guinguette au bord de la mer, puis nous avons repris la route, sur les indications de la serveuse. Plus nous avancions, plus la route se faisait sinueuse, déformée, étroite. Je racontais à mes compagnons que, lorsque j'étais aumônier des Scouts Routiers, il y avait une cérémonie du "Départ Routier" (le départ dans la vie adulte) au cours de laquelle on disait aux garçons : "Et si la route te manque, fais-la". C'est justement à ce moment-là que sous l'éclairage de nos phares, nous nous sommes aperçus que notre route se terminait brutalement, devant le vide. Là, à nos pieds, une fois descendus, nous avons vu, cent mètres plus bas, la mer !
Il a fallu un long temps pour retourner notre petite auto, la tirant, puis la poussant, mesurant l'espace. Et quand nous avons trouvé enfin, vers minuit, le "petit port de pêche particulièrement pittoresque", nous avons découvert, après le poteau indicateur "Agios Ioannis", une petite chapelle dédiée à saint Jean-Baptiste, quelques barques de pêcheurs tirées sur le rivage, et une pauvre cabane. C'est tout. Et ce n'est que le surlendemain que nous avons retrouvé les camarades de l'autre auto, à l'aéroport. Prêts à embarquer pour la France.
Mais, Agios-Joannis, grand saint Jean, il faudrait bien penser à réparer les chemins qui mènent jusqu'à vous !
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Jeudi 1er décembre 2016
Mireille,
Je crois vous l'avoir déjà dit : je suis un mauvais supporter. Non seulement je ne vais plus au stade, pourtant voisin, où évolue mon équipe préférée, le FC Sochaux, mais je ne regarde presque jamais les matches diffusés à la télé. Je suis d'autant plus un mauvais supporter que lorsque mon équipe est en perte de vitesse, je ne m'y intéresse plus, tandis que je recommence à m'y intéresser lorsqu'elle est en pleine forme.
Pourtant, la semaine dernière, j'ai regardé la transmission d'un match international. Il faut vous dire qu'il n'y avait que peu de choses intéressantes au programme des multiples chaînes de télé qui s'offrent à nous chaque soir. Et je ne l'ai pas regretté, loin de là. Beaucoup de phases de beau jeu, avec des percées fulgurantes, un jeu collectif, aéré et intelligent. De grands moments de suspense, des joueurs souvent fins et astucieux. Mais celui que j'ai le plus admiré, c'est l'arbitre. En plusieurs occasions, il a fait preuve d'une calme autorité qui en imposait à tous. Ainsi lorsque un joueur fut fauché dans la surface de réparation et que les uns réclamaient un penalty, alors que les autres clamaient qu'il n'y avait pas faute, l'arbitre, tranquillement, a fait reculer tout le monde, a pris un instant de réflexion silencieuse avant de rendre sa décision : il n'y avait pas de faute. Et tout le monde a continué la partie. Plusieurs fois, alors que certains joueurs s'énervaient, il a rétabli le calme en souriant. On le sentait amateur de beau jeu et ami des joueurs. De tous les joueurs. Image de conclusion : les joueurs noirs des deux camps se sont fait photographier ensemble, se tenant amicalement par les épaules, à la fin de la partie.
C'est difficile de bien arbitrer. Un ministre qui doit rendre des arbitrages entre divers services et diverses opinions ; un président qui doit arbitrer entre des options passionnées, que ce soit pour la question du voile à l'école ou pour le respect et la protection du personnel hospitalier, il faut décider, faire des choix, et souvent dans l'urgence. Et on sait qu'on ne fera pas que des heureux ! Avez-vous remarqué comment aucune décision prise par un gouvernant ne recueille l'assentiment de tous ? "Alors c'est toujours la guerre sociale, et il n'y a entre nous que l'arbitrage de la violence", écrivait Clemenceau en 1899. J'ai envie de faire remarquer que l'étymologie latine du mot arbitre signifie conciliation, concorde, paix retrouvée, et non la violence.
A quand, la photo d'un peuple réconcilié avec lui-même ?
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Lundi 28 novembre 2016
Mireille,
En vous écrivant l'autre jour, j'éprouvais fortement la difficulté qu'il y a, en chacun de nous, pour faire ressentir les émotions et les sentiments qu'on éprouve. Les mots sont insuffisants pour dire, par exemple, le bonheur éprouvé à l'audition de tel ou tel morceau de musique. Les concerts auxquels j'ai assisté dernièrement, par exemple, que vous en dire ? Mes phrases restent bien banales, bien pauvres, pour retraduire ce que les interprètes ont voulu exprimer par leurs chants. C'est alors qu'on mesure les limites étroites de la communication. On voudrait faire partager son plaisir, communiquer ce qu'on a profondément ressenti... les mots nous manquent.
Que de fois n'ai-je pas été déçu en lisant un livre sur tel ou tel compositeur ! Tant que l'auteur du livre rapporte des faits, la vie, les rencontres, les circonstances qui ont été à l'origine de telle œuvre, ça va ! Mais dès qu'on essaie de me parler de l'œuvre elle-même, ou bien il s'agit de descriptions techniques, ce qui m'intéresse peu, ou bien l'auteur essaie d'exprimer l'intention profonde du compositeur, et là, j'ai le sentiment d'un énorme décalage. Pauvreté des mots, misère de l'écrit, comparées à la flamboyance de l'œuvre musicale.
Que de fois ne me suis-je pas moqué gentiment de mon ami Paul (celui-là, il me manque !) qui présentait à des auditoires vite conquis ses peintres favoris. Certes, il le faisait en son riche langage poétique. Il "donnait à voir" aussi bien Rembrandt que Chagall. Et pourtant, je ressentais presque physiquement le décalage entre la parole et l'image. En tout cas, je ne ressentais pas les mêmes choses. Un peintre, comme un musicien, je ne reçois pas son message de la même manière, avec la même intensité que celui ou celle qui visite un musée, assiste à un concert en même temps que moi.
"Des goûts et des couleurs..." Ajoutons : "des sons". Et ajoutons encore : "des visages, et des personnes". Que de fois, apercevant un homme en adoration devant sa femme, on se dit : "Qu'est-ce qu'il lui trouve de si admirable ?"
L'amour est aveugle (et sourd). Mais, aussi, l'amour transfigure tout.
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Jeudi 24 novembre 2016
Mireille,
Si, pour nous aujourd'hui, le mot ange désigne quelqu'un de doux, de tendre - "C'est un ange... mon ange... un ange de douceur...beau comme un ange" - et j'entendais l'autre soir à la télé le commentateur déclarer à propos d'un homme politique que "certes ce n'est pas un ange de douceur !" - il n'en a pas toujours été ainsi. Savez-vous par exemple que le mot grec "angelos" veut dire "facteur". Exemple : l'ange Gabriel qui vient annoncer à Marie qu'elle sera la mère du Sauveur. Et je vous énumérais il y a quelques jours les "neuf chœurs des anges" : c'est la conception hiérarchique, donc administrative, qu'a imaginée Denys l'Aréopagite. Mais Jésus, quand il parle des anges, a une tout autre conception. Pour lui, les anges sont des militaires. Ils sont classés par légions, comme chez les Romains. Aussi, pour bien se faire comprendre de Pilate, il lui dira que s'il le désirait, son Père pourrait lui envoyer "douze légions d'anges", ce qui n'est pas rien : environ 72 000 anges. D'ailleurs, les icônes orientales représentent souvent des anges avec des lances, comme leur commandant en chef, saint Michel, qu'on représente avec casque, cuirasse et lance, dans son combat victorieux contre le dragon.
Croyez-vous aux anges ? Et avez-vous une dévotion particulière pour les membres de l'armée céleste ? Personnellement, il y a une autre parole de Jésus qui m'a toujours beaucoup frappé : "Gardez-vous de mépriser aucun de ces petits, déclare-t-il, car je vous le dis, leurs anges se tiennent sans cesse en présence de mon Père qui est aux cieux." Quand j'étais petit, on m'apprenait à faire confiance à mon ange personnel, mon "ange gardien". C'est un Père de l'Eglise, saint Basile, qui, tirant la conclusion logique de la parole de Jésus, déclare que "chaque fidèle a à ses côtés un ange comme protecteur et pasteur pour le conduire à la vie."
Chose curieuse : ce sont les grands fondateurs d'ordre, des militaires comme Grégoire le Grand, Ignace de Loyola, saint Bernard, qui ont eu la plus forte dévotion aux anges. Et saint Thomas (le philosophe) s'inspirant de la pensée de Denys l'Aréopagite, instaure des hiérarchies entre tous les êtres. Parlant de l'homme, il le situe, dans l'ordre hiérarchique, entre l'ange et la bête car, dit-il, "par l'esprit il est proche des anges, et par le corps, il est proche de la bête." Quelle que soit la représentation que nous nous fassions des anges, l'essentiel est de ne pas vouloir faire l'ange, car, selon le mot de Pascal, "le malheur veut que qui veut faire l'ange fait la bête."
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Lundi 21 novembre 2016
Mireille,
On avait eu les Témoins de Jéhovah qui, hospitalisés, refusaient les transfusions sanguines. Cela posait problème au personnel hospitalier, mais les cas étaient relativement rares. Aujourd'hui, l'intégrisme religieux a une tout autre dimension avec l'islamisme. Voilà que la question du voile à l'école commence à nous apparaître simplement comme la partie émergée d'un mouvement bien plus vaste. Comment l'appeler ? Communautariste ? Identitaire ? Intégriste ? Il y a un peu de tout cela. Un journal y consacrait récemment une page entière sous le titre : "Le sport féminin recule dans les banlieues défavorisées". On nous racontait un certain nombre de faits significatifs. En bref, les filles de famille musulmane arrêtent de fréquenter gymnases, piscines, clubs sportifs dès qu'elles sont pubères. "Ma fille ne viendra plus. Elle a de la poitrine. Les garçons la dévisagent", déclare un père. Et vous avez entendu parler de ces villes où, sous la pression, on aménage des heures de piscine réservées exclusivement au sexe féminin !
Un autre quotidien consacre un gros dossier au même problème, tel qu'il se pose dans les hôpitaux. La quantité de faits est impressionnante. Depuis des internes musulmanes qui refusent de quitter leur voile pendant leur travail, jusqu'aux menaces fréquentes contre des médecins, notamment les gynécos. " Dans le service, un gynécologue chef de clinique a été agressé au couteau par un homme d'origine africaine. Le médecin avait examiné son épouse... Elle n'avait rien dit. Et puis son mari est arrivé. "Tu l'as touchée ? Je vais te faire la peau !" Seul le barrage d'un vigile et d'un interne a pu empêcher le drame. Depuis, ce médecin, ébranlé, demande systématiquement à être accompagné en consultation. "Je suis trop stressé", confie-t-il, la voix fatiguée après vingt-quatre heures de travail, dont une nuit de garde.
J'ai été profondément choqué en prenant connaissance de tels faits, impensables il y a quelques années. Je ne vous citerai que deux témoignages. "Il y a parfois ces femmes-corbeaux, tout en noir, les mains couvertes, le visage couvert, même les yeux. Le personnel de la maternité les appelle "les Belphégor". Ce sont elles - mais surtout leurs maris - qui posent le plus d'exigences : n'avoir affaire qu'à des femmes - de l'infirmier à celui qui apporte le repas -, ne pas laisser la porte ouverte au cas où un homme passerait, demander des rideaux dans la chambre, ne pas trop dévoiler les bras, ne pas enlever la burqa pendant l'accouchement, même si c'est une césarienne. Ne pas l'enlever non plus pour donner le bain au bébé..." "Des femmes en burqa ? On en voit, oui, raconte un gynécologue. Certaines la gardent même en accouchant, pendant que le mari surveille à la porte. Mais les plus dures, et c'est nouveau, ce sont les jeunes Françaises converties. Récemment, j'en ai vu arriver une, que j'avais mise au monde, avec le voile intégral et le grillage. Je l'ai reconnue par son nom de jeune fille. Elle refusait que je l'examine. Je lui ai dit d'aller voir ailleurs."
Jusqu'à présent, j'étais très réservé quant à la question de légiférer à ce sujet. Je le suis moins aujourd'hui, après avoir pris connaissance de tels faits. Que faire ? En tout cas, je ne voudrais pas être à la place des législateurs !
* * * * * *Jeudi 17 novembre 2016
Mireille,
Ils ont peur des envahisseurs ! C'est fou, le nombre de messages électroniques avec pièces jointes, qui répercutent les peurs de nos contemporains devant les vagues de migrants qui déferlent sur l'Europe depuis quelques années, et plus fortes encore cette année. On s'affole, et on cherche à nous affoler. Comment garder la tête froide et la réflexion lucide devant tant de propos alarmistes ?
Je retrouve dans mes vieux papiers la recension d'une conférence des pays méditerranéens qui s'est tenue à Tunis il y a près de quinze ans. Etaient réunis des représentants de tous les pays qui bordent ce que les Romains nommaient Mare nostrum, notre mer commune, en Europe, au Moyen Orient et en Afrique. Le principal sujet de préoccupation des pays européens représentés était l'immigration clandestine, alors que les pays du Sud de la Méditerranée voulaient qu'on parle du développement. Significatif, n'est-ce pas ? Rien n'a-t-il changé depuis 2003 ?
Mais au fait, nous sommes tous des immigrés. Il faudrait nous en souvenir. Sans vouloir remonter à notre ancêtre commune Lucy (ou à sa cousine) qui vivait en Afrique et dont les descendants sont passés, sans doute, en Inde, avant de venir peupler toute l'Europe (aux dires des spécialistes), je me souviens de ce qu'on apprenait à l'école. Les "grandes invasions", vous vous souvenez ? Les Huns, les Wisigoths, les Ostrogoths, les Vandales et les Burgondes : ils ont fait souche dans nos contrées au climat tempéré, et nous en sommes les descendants. Personne ne connaît plus les Varasques, un sous-groupe des Burgondes, dont il ne reste que des noms de pays dans ma région : Scey-en-Varais ou Pierrefontaine-les-Varans... et aussi telle ou telle personne que j'ai rencontrée dans ma vie, qui avaient des yeux d'un bleu très clair, la chevelure et la moustache d'un blond tirant sur le roux.
Nous sommes tous des immigrés. Quand j'étais jeune, et parce que mes proches ancêtres venaient d'une autre région (environ une trentaine de kilomètres), j'étais considéré dans cette commune comme un immigré par les autochtones. Et mes paroissiens, venus peupler au début des années 60 un grand ensemble tout neuf, étaient considérés comme des immigrés (et des envahisseurs) par les gens du vieux village. Etroitesse d'esprit ? Peur de l'autre ?
Et si la différence (de race, de religion, de culture) était source de progrès ?
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Lundi 14 novembre 2016
Mireille,
Avez-vous jamais souffert de contraintes venant de votre hiérarchie ? Mais au fait, peut-être avez-vous la chance de n'avoir pas à subir l'autorité d'une hiérarchie quelconque ! Comme il y a longtemps que nous n'avons pas eu recours à l'étymologie, nous allons ce matin y recourir, justement à propos de ce mot "hiérarchie". Deux mots grecs le composent : Arkè, d'où viennent les mots monarque, anarchie, etc. Vous l'avez compris, il s'agit du pouvoir. Quant à hiérarque, la racine grecque du mot - hieros - indique quelque chose de sacré. La hiérarchie, donc, c'est littéralement, au point de départ, un pouvoir sacré.
C'est un illustre inconnu qui, à ma connaissance, utilise le premier ce mot. Denys l'Aréopagite est un penseur, qui vivait sans doute au VIe siècle, dont les écrits ont fasciné tous les philosophes du Moyen-Age. C'est lui qui a écrit un traité sur les neuf chœurs des anges, eux-mêmes divisés en trois hiérarchies de trois : La première hiérarchie d'anges (séraphins, chérubins, trônes) ; la seconde hiérarchie (dominations, puissances, principautés) ; la troisième hiérarchie (vertus, archanges, anges).
Pourquoi faut-il que je vous entretienne de cet illustre inconnu ? Simplement parce qu'ayant fait allusion, il y a quelques jours, aux neuf chœurs des anges, l'un de nos aimables correspondants me demanda si, personnellement, je saurais les énumérer. J'avoue bien sincèrement qu'il m'a fallu chercher dans les dictionnaires. Ce qui est toujours une occupation bien utile. C'est ainsi que, de recherche en recherche, j'en suis venu à redécouvrir ce fameux Denys sur lequel courent bien des légendes, puisqu'on l'a présenté comme un Athénien converti par saint Paul et qu'on l'a fait mourir martyr à Paris. Plus précisément à Saint Denis. Décapité à Montmartre (en latin mons martyrum, mont des martyrs,) il prit sa tête dans ses mains et la porta jusqu'à Saint Denis
Si le personnage nous est inconnu, par contre son œuvre nous est parvenue. Elle comprend quatre traités : Noms divins, Théologie mystique, Hiérarchie céleste, Hiérarchie ecclésiastique. Pour faire simple, sachez que dans l'esprit de l'auteur, à la hiérarchie céleste (les neuf chœurs des anges) correspond la hiérarchie ecclésiastique (pape, évêques, prêtres, diacres). Et tout cela est "hiéros", c'est-à-dire sacré.
On a toujours eu tendance à sacraliser le pouvoir. Le général, le préfet, le ministre, le directeur, votre patron... mon évêque même, tous, s'ils n'y prennent garde, risquent de se considérer comme exerçant un pouvoir "de droit divin". Même s'ils ne sont pas des anges ! De là à se considérer tous comme investis d'une mission divine, il y a une marge. Jésus n'a-t-il pas mis fortement en garde contre tout abus en la matière.
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Jeudi 10 novembre 2016
Mireille,
Lorsque j'ai ouvert ma boîte aux lettres électronique, j'ai trouvé un message d'une de nos plus fidèles correspondantes. Elle parlait de son état de santé qui, semble-t-il, s'aggrave. Mais, plutôt que de nous adresser des considérations sérieuses ou tristes, elle transmettait quelques bonnes histoires et ajoutait : Je vous souhaite une très bonne semaine, beaucoup d'amitié et de rires. Effectivement, j'ai bien ri en découvrant ses histoires drôles.
Je le sais, le fait de rire est par lui-même quelque chose d'assez ambigu. C'est mal, de rire de quelqu'un. Baudelaire écrit que "l'homme mord avec le rire." Et on peut se servir du rire comme d'une arme. On parle de "rire destructeur", de "rire dévastateur". L'un des personnages du "Nom de la rose" fait remarquer que "le Christ ne riait jamais.", ce qui n'est pas vrai, d'ailleurs. Mais Pasolini, dans le film "L'Evangile selon saint Matthieu", nous montre un Christ terriblement sérieux, pour ne pas dire plus. Ajoutons la phrase terrible de l'évangile : "Malheureux êtes-vous, vous qui riez maintenant.. Un jour, vous pleurerez !"
Pourtant, je voudrais qu'il n'y ait pas de méprise. ce n'est pas dans le fait de rire qu'il y a ambiguïté, mais dans l'intention qu'on y met. Rire de soi-même, par exemple, c'est salutaire. Erasme voulait "réformer les mœurs par le rire", ce qui est une bonne méthode. Et parce que "rire est le propre de l'homme", selon Rabelais, celui-ci avait repris les conseils d'Hippocrate, lui-même médecin. Une thérapeutique par le rire, telle était la théorie du célèbre médecin grec. Je crois personnellement que ce peut être efficace. Pas nécessairement pour guérir, mais certainement pour soulager. Ce qui permettrait de combler un peu "le trou de la Sécu", entre parenthèses.
En tout cas, j'aime bien rire. Avez-vous remarqué combien ce phénomène physique, qui met en marche quantité de muscles, procure une sensation de bien-être. Et de bien-être communicatif, car le rire rapproche les gens. Quel est l'auteur qui racontait que dans l'institution pour handicapés où il a passé les premières années de son existence, on riait beaucoup ? Il terminait son récit en citant une maxime de Chamfort : "La plus perdue de toutes les journées est celle où l'on n'a pas ri."
Cependant je n'avais vraiment pas envie de rire, hier matin, lorsque j'ai appris que M. Trump venait d'être élu président des Etats Unis. Je venais de lire, sous la plume d'un intellectuel américain, cette diatribe : "Longtemps encore, nous resterons marqués et accablés par l'image de ce candidat aussi improbable que pitoyable, par son incroyable aplomb, par sa capacité ahurissante à débiner sottises sur sottises, à se répandre en invectives nauséabondes, à vilipender les femmes, les Noirs, les minorités en général sans que son crédit en soit durablement entamé. Sans parler de sa totale incurie intellectuelle, de son aphasie cérébrale, de son inculture crasseuse, de sa vulgarité sidérante, de sa mauvaise foi triomphante, de sa haine bien trempée, de sa goujaterie sans limites, de sa capacité à enfiler mensonge sur mensonge, de sa propension à raconter absolument n'importe quoi sur des sujets d'une importance cruciale. Voilà qui en dit long, très long, sur la déliquescence et l'appauvrissement d'une nation aussi puissante et moderne que celle des États-Unis."
Un ridicule histrion ! Ridicule : étymologiquement, "qui prête à rire". Oui, mais "lorsqu'on vient d'en rire, on devrait en pleurer"
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Lundi 7 novembre 2016
Mireille,
Je vous disais lundi dernier qu'un supporter passionné de foot m'avait traité de "philosophe." Plusieurs lecteurs m'ont adressé des mails pour approuver mon attitude. Quant à moi, l'incident m'a fait penser à mon ami très cher, René, que nous appelions dès nos années de jeunesse "le philosophe" avant qu'il ne devienne effectivement professeur de philosophie. René, qui est mort il y aura bientôt cinq ans, je vous en ai souvent parlé. Dans les dernières années de sa vie, il venait souvent me voir, au moins une fois par mois. Chaque fois que nous passions ensemble quelques heures, je ressentais une certaine plénitude, j'éprouvais un profond sentiment de bonheur. N'est-ce pas cela, l'amitié ?
Nous avons beaucoup échangé. Lui, pour continuer la rédaction de son ouvrage ( bien que sceptique, je souhaitais qu'il puisse le terminer !) qui devait s'intituler "la raison ardente", travaillait alors sur "la crainte de Dieu". Et moi, depuis quelques mois, je me demandais comment vulgariser "pour les Nuls" (que nous sommes tous) la notion de "Salut". Avant, pendant et après le repas, le débat était passionnant et passionné. Lors d'une de nos dernières rencontres, cela se termina sur un Nouveau Testament en grec et le dictionnaire Bailly, pour chercher quelle pouvait être la bonne traduction de Matthieu 25, 34. C'est la Bible de Jérusalem qui a raison de traduire "recevez en héritage", alors que la TOB traduit par "recevez en partage". Enorme différence, comme vous pouvez le remarquer !
Ne soyez pas effarée. René et moi savions apprécier les bonnes choses, et la conversation ne planait pas tout le temps aux environs du septième ciel. Mais il est vrai, cependant, que, plus que les nourritures terrestres, il y avait quelque chose que nous aimions déguster, c'est notre amitié. Ce plaisir n'est pas, du moins je le crois, dépendant de ces hormones - dopamine et ocytocine. - dont je vous entretenais récemment.
"Merci d'exister !" Que de fois n'ai-je pas dit cela à l'une ou l'autre des personnes avec lesquelles j'étais entré en relation d'amitié. Permettez-moi de citer longuement André Comte-Sponville (encore un philosophe !)
" Dire à quelqu’un « je suis joyeux à l’idée que tu existes », c’est bien lui déclarer son amour. Mais, d’ordinaire, nous sommes surtout joyeux (...) à l’idée de posséder l’autre (...). Le véritable amour (celui qui est amour non de soi, mais de l’autre), est généreux toujours : il ne manque de rien (il est désir non de ce qui n’est pas, mais de ce qui est), il ne demande rien (puisque rien ne lui manque), il n’espère rien... Ce n’est pas l’éros de Platon mais la philia d’Aristote ou d’Épicure, l’agapè de Jésus ou de saint Paul (1 Cor., XIII), bref cet amour que les scolastiques appelaient non de concupiscence, mais d’amitié, et c’est bien le nom en effet qui lui convient. L’amant veut posséder l’aimé, et souffre de ne le pouvoir, puis s’ennuie de l’avoir pu... L’ami véritable se réjouit au contraire, non de posséder ses amis (il sait bien que c’est impossible, que l’amitié n’illumine jamais que la solitude), pas même d’en être aimé, mais qu’ils soient. Sa joie n’est pas une caractéristique de son amitié, mais sa définition même. Il n’y a pas d’amour (éros) heureux ; il n’y a pas d’amitié (philia, agapè) malheureuse. "
On ne peut mieux dire.
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Jeudi 3 novembre 2016
Mireille,
Il m'a traité de "philosophe" ! Nous avions commencé une forte discussion au sujet du match de foot qui l'avait déçu, la veille. Il se répandait en critiques acerbes contre tel ou tel joueur, contre l'arbitre, contre le public... Et moi, légèrement ironique, je lui avais fait remarquer que l'enjeu - le jeu ?- ne valait pas la peine de se mettre dans un tel état d'excitation et d'amertume. Que n'avais-je pas dit ? Si je ne prenais pas au sérieux des choses aussi importantes, y avait-il des choses qui aient de la valeur à mes yeux ? C'est à peu près le condensé de la diatribe que j'eus alors à subir. Diatribe qui se termina par l'appellation de "philosophe" qui, à ses yeux, était presque une insulte. Cela signifiait tout à la fois qu'à ses yeux, je n'étais qu'un oisif qui perd son temps à des futilités, un improductif dans ce monde qui valorise la productivité, et un vieux solitaire qui se tient à l'écart des foules, méprisant par son attitude les plaisirs simples qui conviennent au peuple. Un philosophe ! Pour lui, non seulement le contraire d'un manuel, mais presque un parasite de la société. Un peu comme un de ces "intellectuels" qui sont l'objet de bien des sarcasmes (parfois à juste titre d'ailleurs !)
C'est vrai que je m'ennuie à regarder un match de foot ! Je n'arrive pas à me passionner pour ce genre de spectacle. Et puis alors ! Je vais même plus loin. Est-ce cela, philosopher ? Je me demande si on n'endort pas les gens. "Panem et circences". Du pain et des jeux, tel était le programme des gouvernants romains. Une manière plaisante d'éliminer la contestation, en faisant des gens un peuple d'assistés.
Jésus mettait en garde ses contemporains : il redoutait, leur disait-il, " que votre cœur ne s'alourdisse dans la débauche, l'ivrognerie et les soucis de la vie". Ce que Pascal appelait le "divertissement". « Rien n’est si insupportable à l’homme, écrivait-il, que d’être dans un plein repos, sans passions, sans affaire, sans divertissement, sans application. Il sent alors son néant, son abandon, son insuffisance, sa dépendance, son impuissance, son vide. Incontinent, il sortira du fond de son âme l’ennui, la noirceur, la tristesse, le chagrin, le dépit, le désespoir » En d'autres terme, c'est comme si on vivait à l'extérieur de soi-même, sans aucune profondeur !
Jésus nous invite à "relever la tête" et à "tenir debout", en regardant lucidement notre présent. Si c'est cela, être philosophe, je souhaite que nous le soyons tous.
.* * * * * *Lundi 31 octobre 2016
Mireille,
Quel bonheur de pouvoir rester une heure de plus au lit, ce matin comme hier ! Depuis quelques semaines, j'avais du mal de me réveiller, puis de me lever, chaque jour, vers sept-heures, alors que le jour commençait à peine de poindre. Chaque matin, je pensais à toutes celles et à tous ceux qui sont obligés de se lever tôt, alors qu'il fait encore nuit, pour aller au travail ou à l'école. Et je me rappelais la parole du psaume : "Vanum est vobis ante lucem surgere", ce qui veut dire en bon français : "Cela ne sert à rien de se lever avant qu'il ne fasse jour !" Sage pensée ! Heureusement, à partir d'aujourd'hui, nous en revenons, pour quelques mois, à une heure plus raisonnable : seulement une heure d'avance sur le temps universel du méridien de Greenwich.
Croyez-le bien : je n'ai rien contre l'heure d'été. C'est avec le même plaisir qui est le mien aujourd'hui que je perdrai une heure de sommeil le 26 mars prochain : ce sera le printemps, et ce sont les merles moqueurs qui, chaque matin, feront leur tapage amoureux sous ma fenêtre pour me réveiller. Je ne suis donc pas de ceux qui, depuis 1975, entretiennent le débat franco-français (exception culturelle oblige !) sur l'opportunité de ces changements d'heure. Car il s'agit bien d'une querelle franco-française. A ma connaissance, les autres pays européens que l'on a incités à adopter nos pratiques hexagonales en 1980 ne s'en plaignent pas. Et même, parait-il, en Suède, les changements d'heure sont les bienvenus !
Reste le problème des vaches. "Même les très hollandaises prim'holstein sont réglées comme des horloges suisses. Avant l'heure c'est pas l'heure, et après l'heure...elles perdent du lait", écrit mon journal. Et de citer un agriculteur flegmatique : "Toute la ferme, hommes et bêtes, vont avoir une petite période d'adaptation, mais ça se fera. Quant à mes vaches laitières, je ne les pas encore emmenées chez le psychanalyste."
"L'heure, c'est l'heure", quoi qu'on fasse... Mesure du temps. Nous
autres franc-comtois, on connaît, puisque Besançon se vante (se vantait
?) d'être la capitale mondiale de l'horlogerie. Comme dit l'Ecclésiaste
: "Tout arrive en son temps. Il y a un temps pour naître et un temps
pour mourir."
En attendant, je vais essayer de vivre pleinement "ce jour que fit le Seigneur, comme un jour de joie."
* * * * * *Jeudi 27 octobre 2016
Mireille,
J'en apprends de belles ! Il s'en passe, des choses, à mon insu, dans mon cerveau ! La neurobiologie fait chaque jour des progrès considérables, si bien qu'on en arrive aujourd'hui à analyser les phénomènes physiologiques, chimiques, nerveux qui fonctionnent quand on est amoureux. Au risque de réduire l'amour fou à une série de phénomènes biologiques et chimiques qu'on peut analyser et même mesurer.
Sachez-le donc. Quand vous pensez fortement à l'être aimé, sa simple évocation inonde votre cerveau de dopamine. J'apprends également que l'on peut mesurer en décharges de neurones et en libération d'hormones les diverses expressions du sentiment amoureux. Mes découvertes vont encore plus loin. Il existe dans le cerveau humain un "circuit du plaisir" : de même que le plaisir de manger est le moteur de l'alimentation, le plaisir d'aimer est le moteur de la reproduction. Bien. Mais nos chercheurs précisent. "Il existe un "besoin en autre", comme il existe un besoin en eau ou en protéines", nous disent-ils. Et ils ajoutent : "entre les instances sublimes et la congestion des muqueuses, l'homme n'a pas le choix. Il aime avec tout son être : cerveau, hormones et clair de lune compris".
Voulez-vous en savoir plus ? Alors, je continue. La dopamine n'est pas seule en cause. Le désir de l'autre n'existerait pas sans la présence dans notre organisme d'une autre hormone, l'ocytocine.
Fidélité ? Infidélité ? "Si les couples se font et se défont au hasard des rencontres chez les campagnols des montagnes, alors que les campagnols des champs forment des couples monogames unis pour la vie, c'est tout simplement parce que ces derniers possèdent un récepteur à l'ocytocine que les premiers n'ont pas", explique l'auteur de l'étude que je vous cite ce matin. Chez les humains, c'est, bien sûr, plus compliqué. Mais, là encore, "la sécrétion de cette hormone du lien participe à ce que deux êtres s'attachent irréversiblement l'un à l'autre", affirme le neurobiologiste, en précisant que sa concentration, "chez l'homme comme chez la femme, augmente durant l'orgasme". Désir et plaisir, plaisir et attachement : tout ainsi est lié. Etes-vous riche en ocytocine ? Serait-ce donc que la fidélité - et l'infidélité - ne sont qu'une question de dosage d'hormones ? Voilà qui me laisse perplexe. Et qui m'interroge : où est ma liberté, là-dedans ? De même que Molière se moquait des médecins de son temps, qui parlaient "d'humeurs peccantes", les doctes explications des neurobiologistes d'aujourd'hui me font sourire. Suis-je conditionné à ce point ? J'espère que non.
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Lundi 24 octobre 2016
Mireille,
"Il semble qu'on ait redécouvert les liens intergénérationnels." Le lien entre grands-parents et petits-enfants apparaît primordial. Mais "à mesure qu'ils vieillissent, on les sollicite de moins en moins. Ils se sentent mis à l'écart, jusqu'à ce que, souvent, on les place en maison de retraite." Je vous cite là un extrait d'un livre intitulé "Le nouvel ordre sentimental."
La remarque de l'auteur, qui, par un certain nombre d'exemples, décrit "le fossé qui va s'élargissant entre les valeurs et les comportements", m'a poussé à élargir ma réflexion. Pensant à un vieil ami que j'allais visiter dans une maison de retraite où il finit ses jours, je remarquais la tristesse qu'on lit sur son visage et dans toute son attitude. Alors, je me demandais : allons-nous tous être un jour considérés comme des "rasoirs jetables" ?
Rasoirs jetables : symboles premiers de toute une culture où l'on jette tout ce qui est devenu inutile. Bien plus, où l'on fabrique de l'éphémère, du passager, du jetable. Exemple : les stylos Bic. Quand j'étais gosse, on m'obligeait à user mon crayon jusqu'au bout, à me servir de ma plume jusqu'à ce qu'elle soit vraiment inutilisable. Aujourd'hui, mon Bic est fait pour une durée limitée, après quoi on jette. Il en va de même de quantité d'objets ménagers : inutile de chercher à les faire réparer, car au bout de quelques années, on ne trouve plus de pièces de rechange. En sera-t-il de même, bientôt, des vieillards ?
Les grands-parents, ils ont servi quand on avait des enfants à garder et qu'on voulait sortir un soir ou passer un week-end entre copains. Les enfants ont grandi, ils se gardent bien tout seuls. Alors, à quoi pourraient-ils bien servir maintenant, les vieux ? Tant qu'ils ne sont pas une charge, c'est bien, mais un jour... Ainsi va la vie dans notre civilisation du "prêt à jeter".
Je sais, je sais ! Vous allez me dire que vous connaissez des grands-parents heureux. Tant mieux. Je décris ici une tendance, et non un phénomène général. Mais si vous saviez combien, à un certain âge, on souffre des distances qui se creusent entre générations !
Si vous estimez que je parle beaucoup des "vieux", dites-le moi. Et surtout, ne croyez pas que, personnellement, j'en viens à me plaindre. Ce serait faire erreur.
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Jeudi 20 octobre 2016
Mireille,
J'ai rencontré Aurélie, la semaine dernière, chez sa marraine. Aurélie, je ne l'avais pas revue depuis le jour de sa confirmation. Elle avait alors quinze ans. Elle en a maintenant trente-deux. Elle vit à Paris, où elle exerce une fonction de responsabilité importante. Ce qui ne m'étonne pas, connaissant sa forte personnalité, qu'elle a manifestée depuis sa petite enfance. Mariée, puis divorcée, elle m'a déclaré : "J'ai réussi ma vie professionnelle. Il me reste maintenant à réussir ma vie affective." Ce qui, à mon avis, est toujours assez difficile.
Nous avons donc pris le temps de discuter, tout au long du repas. Il y avait là, avec Aurélie et sa marraine, sa maman, ses cousins et cousines, soit une veuve, deux jeunes qui "cohabitent", deux divorcées, et trois célibataires. Et ils m'ont demandé, naturellement, ce que je pensais du mariage.
Par manière de boutade, j'ai expliqué qu'à mon avis, le mariage - du moins tel que l'entend l'Eglise - était d'institution récente et d'usage relativement restreint. Car la première condition pour qu'il y ait mariage, selon la législation de l'Eglise, est que les conjoints soient libres, c'est-à-dire qu'ils puissent se choisir sans contraintes extérieures, en toute liberté. Or, à ma connaissance, il y a encore plus de la moitié de l'humanité où ce sont les parents qui marient les filles, souvent sans leur demander leur avis. Et la liberté de choix, dans notre Occident, est un acquis relativement récent. Est-ce qu'au siècle dernier la majorité des jeunes étaient validement mariés, eux à qui on destinait un époux ou une épouse depuis leur enfance, et où les mariages se négociaient de famille à famille, au gré des intérêts économiques de chaque partie ? Tant mieux si l'héritier du trône d'Espagne peut choisir librement sa future femme en dehors de la noblesse européenne : c'est l'exception qui confirme la règle.
"Mais alors, nous qui nous sommes choisis librement, m'a demandé Aurélie, nous étions valablement mariés ?" Pas sûr, ai-je répondu. Il faut encore une autre condition pour qu'il y ait vraiment mariage selon les lois de l'Eglise : la maturité. Crois-tu qu'une jeune fille qui se marie sur un coup de tête, pour fuir sa famille par exemple, est valablement mariée ? Et tous ceux que j'ai vus dans ma vie de prêtre, qui rêvaient d'une belle robe blanche, d'une belle cérémonie ; et cette petite qui arrivait un jour avec un grand gaillard pour demander le mariage et qui, m'entendant déclarer "Bonne idée", haussait les épaules en disant : "Bien obligée", car elle était bel et bien enceinte, croyez-vous qu'elle était libre et suffisamment mûre ?
Qu'en pensez-vous ?
* * * * * *Lundi 17 octobre 2016
Mireille,
Avec l'un de mes vieux amis, rencontré l'autre jour, nous avons évoqué quelques personnalités disparues, que nous avons connues autrefois et qui, d'une certaine manière, ont marqué, en bien ou en moins bien, nos deux existences. C'est ainsi que mon copain s'est mis à me parler du curé qu'il avait connu dans son enfance. "Un dur, un chef, un dictateur" a-t-il dit pour le décrire. Et sa description n'était pas calomnieuse, je vous l'assure. Dur pour lui-même, sans doute, il l'était aussi pour tous ses paroissiens. A commencer par les gosses, qui ont toujours tremblé devant lui. Les filles, naturellement, encore qu'il les eût toujours considéré comme quantité négligeable. Mais les garçons ! Mon copain se souvient des coups de pieds dans les fesses, des punitions, des retenues. "Une religion de trouille", m'a-t-il déclaré. Mais c'était la même chose avec les jeunes et les adultes. En cette époque (les années 30) où, dans son village, tout le monde, ou presque, était encore pratiquant, le curé "régnait". Il régentait les consciences aussi bien que les affaires publiques et communales. Il était certes respecté, mais ce respect était largement mêlé de crainte. Et mon ami de conclure en m'expliquant que lorsqu'il était enfant, il s'était fait l'idée d'un Dieu à l'image de son curé et que pour lui, la "crainte de Dieu" que prêchait le pasteur était l'équivalent d'une sainte frousse. Dieu, quelqu'un dont on a peur, un point c'est tout.
"Autre temps autres mœurs" ? je n'en suis pas toujours sûr. Certes, les formes extérieures de l'autorité ont évolué, mais le pouvoir qu'exercent certains prêtres est toujours bien réel, même s'ils rencontrent d'autres obstacles sérieux sur leur chemin. Il est difficile de partager l'autorité que donne une fonction, d'associer le plus grand nombre à la tâche commune. La tentation du pouvoir nous guette tous. Comme disait l'autre, "le cléricalisme, voilà l'ennemi." Souhaitons que l'ordre que Jésus donna un jour à ses disciples d'être, comme lui, serviteurs, soit mis en œuvre par tous ses "fidèles".
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Mireille,
N'est-elle pas difficile, à certains jours, la vie en couple ? Une fois de plus, je me posais la question après avoir passé quelques heures, la semaine dernière, dans une famille amie : un jeune couple et leurs deux petits enfants. Philippe et Catherine se sont connus jeunes. Tous deux engagés dans des mouvements d'Eglise, généreux, ils ont travaillé ensemble au service des jeunes de leur mouvement ; leur amitié naturelle est devenue amour. Grand amour, à ce qu'ils disent. Les voilà donc maintenant mariés depuis une bonne dizaine d'années. Vitesse de croisière.
"Alors, ça baigne ?", leur ai-je demandé, au bout de quelques minutes de conversation. Il faut vous dire qu'il y avait assez longtemps que nous ne nous étions pas revus. Et tous deux, d'une seule voix, de répondre : "Ce n'est pas toujours évident !" Je tombais bien : les jours précédents, il y avait eu une altercation entre eux, au sujet des gosses. Lui trouvait que son épouse était trop faible, qu'elle laissait tout faire, que ce n'était pas comme ça qu'on élève des gosses ; et elle, lui avait reproché de ne rien supporter, d'être trop sévère, de manquer de tendresse envers ces petits, etc. Le ton avait monté, on s'était envoyé mutuellement à la figure quantité d'autres menus reproches, elle avait pleuré, il avait fait la tête... Vous connaissez sans doute le processus courant, inévitable. Mais enfin, c'était fini, on s'était raccommodés, on avait pris le temps de se parler. Bref, tout allait bien.
Heureux sont-ils, ceux qui, en de pareilles circonstances, font l'effort de se parler. Le pire, ce sont tous les non-dits qui s'accumulent et enveniment l'atmosphère. Lorsque j'étais jeune prêtre, j'étais l'ami d'un couple plus âgé que moi, parents d'une famille nombreuse. A la fin, dix enfants. Un maigre salaire unique. Le mari et la femme, travailleurs, généreux... et, disons avec euphémisme, de caractères très affirmés. Lorsque survenait une de ces querelles qui surviennent un jour ou l'autre dans tous les couples, ils "se faisaient la tête". Ils ne se parlaient plus. Cela pouvait durer des jours et des jours. Jusqu'à ce que l'un d'eux, l'épouse ou le mari, n'en pouvant plus, passe me voir à la cure pour m'inviter à venir manger, le soir même. Je savais ce que cela signifiait. Et toutes affaires cessantes, j'y allais. Pendant tout le repas, ils ne s'adressaient pas la parole, mais chacun d'eux me parlait. Un dialogue par personne interposée. Reproches, réponses, autres griefs, accusations, toutes choses simples, minimes parfois, touchant à l'éducation des enfants ou à la gestion du ménage. Des affaires faciles à gérer, des problèmes qu'un simple dialogue aurait solutionné. Oui mais ! Alors, on m'expliquait, on se justifiait devant moi, jusqu'au moment où, à la fin, n'y tenant plus, ils se parlaient l'un à l'autre. C'était le début du "raccommodage"
Certes, le célibat, ce n'est pas toujours facile, croyez-moi ! Mais la vie en couple non plus. La recette pour réussir : avoir toujours quelqu'un à qui parler.
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Mireille,
" Je crois que c'est ce qui faisait le plus défaut à la réunion de l'autre soir, la gentillesse." C'est la conclusion d'un message que je recevais récemment.. L'une de nos aimables correspondantes me racontait, navrée, comment elle s'était fait agresser verbalement par un prêtre, au cours d'une réunion paroissiale où elle était amenée à donner son témoignage de catéchiste.
N'est-ce pas que, de nos jours, cette qualité éminente qu'est la gentillesse est en train de se déprécier ? Comme si l'on avait tendance à confondre gentillesse et faiblesse. Comme si, pour être reconnu, il fallait se montrer dur ! Alors qu'à mes yeux, faire preuve de gentillesse, dans la plupart des cas, c'est faire preuve de grandeur d'âme.
Je me souviens d'un vieux curé qui venait de souffrir, pendant plusieurs années, du mauvais caractère de son vicaire. Celui-ci croyait manifester sa personnalité en s'opposant à son curé. Systématiquement, il prenait le contre-pied de tout ce que ce prêtre d'expérience disait ou faisait. Si bien que lorsque le vicaire en question fut appelé à d'autres fonctions, le vieux curé alla trouver son ami, le supérieur du grand séminaire, pour lui demander de lui faire nommer, en remplacement, "un prêtre gentil." Il ne demandait que cela. Pas nécessairement quelqu'un de brillant, mais simplement quelqu'un de gentil.
Comme je le comprends ! Un comportement habituel, fait de délicatesse, de prévenance et de bienveillance, d'attention respectueuse, n'est-ce pas une singulière richesse ? Et davantage peut-être, c'est le signe d'une certaine force. En tout cas, chaque fois que, dans un groupe quelconque, j'ai rencontré des hommes ou des femmes qui manifestaient ainsi leur attention envers chacun, je me suis senti à l'aise. Et nos réunions, nos rencontres ont été constructives.
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Jeudi 6 octobre 2016
Mireille,
Une légende grecque veut que l'olivier cultivé soit le fruit d'une querelle entre Athéna, déesse de la Sagesse, et Poséidon, dieu de la mer. Pour les départager, Zeus leur proposa de faire, chacun, un don à l'humanité. Poséidon brandit alors son trident et fit jaillir d'un rocher un cheval magnifique pouvant porter cavalier et armes, traîner des chars et faire gagner des batailles. Athéna se pencha alors sur un morceau de terre, le toucha et en fit sortir un arbre permettant de nourrir, soigner les blessures et les rhumes et ne mourant jamais. L'olivier, car tel était l'arbre ainsi sortit du sol, fut déclaré "le don le plus utile à l'humanité" .
Symbole de paix et de réconciliation, le rameau d'olivier fut choisi par Dieu pour signifier à Noé que le Déluge était fini. Relisez toute la Bible : vous y verrez que l'olivier est présenté comme le plus précieux de tous les arbres. Couronne d'olivier et jarres d'huile d'olive étaient offertes aux vainqueurs des compétitions olympiques. Symbole de force, l'olivier est réputé pour son bois très compact, très lourd et très dur. C'est en bois d'olivier que sont faites les massues d'Hercule et c'est avec un pieu en bois d'olivier qu'Ulysse terrasse le Cyclope dans l'Odyssée.
Ils ont coupé des oliviers à la tronçonneuse. Ils ont saccagé des oliveraies. Vous l'avez peut-être appris comme moi ! "Ils", ce sont des colons israéliens installés en Cisjordanie. Au temps de la récolte, alors que des paysans palestiniens s'apprêtaient à cueillir les olives qui sont souvent leur principale source de revenus ! J'en aurais pleuré !
Je me souviens d'une chanson que chantait Yves Montand, il y a une cinquantaine d'années. Evoquant la guerre civile d'Espagne en 1936, elle est gravée dans ma mémoire : "Le chemin des oliviers / était le plus beau sur terre / mais il n'est plus que poussière / le chemin des oliviers. / Toute l'herbe a disparu / emportée par la misère / sous les pas de tous nos frères / qui sont tombés et sont morts en cherchant / en cherchant bien longtemps / de la liberté le chemin / afin que chacun s'en souvienne demain."
Mireille,
Je préférerais, aujourd'hui comme chaque fois que je m'adresse à vous, vous parler, plutôt que vous écrire ! Vous parler " de vive voix ", comme on dit. Oui, la voix est vive, vivante ; l'écrit est figé, mort. J'aligne des mots sur cet écran d'ordinateur, et ces mots n'ont ni la saveur, ni le rythme, ni la couleur que je pourrais leur donner si je vous parlais directement. Il leur manque l'intonation. A un ancien paroissien qui, dernièrement, me disait regretter mes homélies, j'avais répondu : " Ouvrez mon site sur Internet, et vous y trouverez l'homélie de chaque dimanche ". Il m'a répondu : " Oui, c'est bien, mais ce n'est pas la même chose. Vos homélies avaient je ne sais quoi de vivant ! "
J'ai toujours aimé parler en public. Au début, quand j'étais jeune prêtre, cela m'obligeait constamment à me maîtriser, à vaincre l'appréhension, et donc à travailler. Dès les premiers mois, je me suis forcé à abandonner tout papier écrit, qui nécessairement réduit et ligote la parole vivante (pour me sécuriser un peu, je le mettais dans ma poche). Et même si le stress a toujours existé, jusqu'à ce jour, je m'en suis trouvé libéré. J'ai appris à regarder mon auditoire, à faire de l'homélie ce qu'elle signifie au sens premier du terme : une conversation familière. On ne parle pas de la même manière à un auditoire d'adultes et à un auditoire d'enfants, à des hommes ou à des femmes : toute parole vivante est sexuée (pas sexuelle !), alors que je crois bien que l'écrit est asexué (mais de cela je ne suis pas certain.)
" Au commencement était la parole ". Jésus n'a jamais écrit, et avant que ses propos ne soient consignés dans des livres, il y a eu des centaines de conteurs qui ont circulé de villes en villages, pour dire la Bonne Nouvelle et rapporter les paroles du Maître. Et comme à l'époque ils avaient tous une mémoire phénoménale, la Parole a été rapportée fidèlement jusqu'à ce qu'elle puisse nous être transmise, à nous aujourd'hui, par le Livre.
Mais ce matin, je n'ai qu'une seule ressource : vous écrire. Et même s'il manque la couleur, la chaleur de l'intonation, l'écrit a un avantage certain : vous pouvez me relire. " Verba volant", dit le proverbe latin. Les paroles s'envolent, les écrits demeurent.
* * * * * *
Jeudi 29 septembre 2016
Mireille,
Je
crois bien que je suis vieux ! Bien sûr, tout est relatif, mais on
devient vite "hors d'âge", comme certains alcools. Ainsi, hier,
j'évoquais devant un ami un curé que j'ai bien connu, dont je fus jadis
le voisin, qui était célèbre par ses frasques (pas toujours
recommandables). Quelle ne fut pas ma surprise quand je me rendis
compte que mon interlocuteur n'avais jamais entendu
parler de ce curé !
Je relis en ce moment le livre que Jean Lacouture a consacré jadis à Montesquieu. Il y évoque la manière dont l'auteur de l'Esprit des Lois a été amené à intervenir, sur ses vieux jours, à propos du gallicanisme. Une attitude proprement hexagonale selon laquelle on refusait que Rome et la papauté interviennent dans les affaires de l'Eglise de France. Ce qui m'a fait souvenir du curé de mon enfance qui portait encore le rabat - vous savez, ce plastron bordé de perles que portent encore les magistrats et que portaient, autrefois, les prêtres français. Il était signe, alors, dans le clergé français, d'un certain esprit frondeur, réfractaire aux idées ultramontaines. Il a fallu que l'archevêque fasse quelques remarques à mon vieux curé pour qu'il abandonne ce signe distinctif. Suis-je donc si éloigné dans le temps de l'époque où Montesquieu intervenait dans ces querelles ?
Le vieux prêtre qui nous a initiés à une lecture critique de la Bible, dans les années 40, était un spécialiste des langues orientales anciennes. Sa carrière de spécialiste biblique avait été brisée au début du siècle dernier parce qu'il était soupçonné de "modernisme" (ce courant de pensée qui comptait quantité de chercheurs, de philosophes, d'historiens, qui fut condamné par Pie X). Pour vous, c'est très lointain. Pour moi, c'était hier.
Que de fois, ces dernières années, j'ai constaté que mes références - celles qui m'ont bâti tel que je suis - n'avaient plus aucune signification pour mes jeunes confrères. Je me suis surpris en train de raconter tel ou tel souvenir, qui manifestement n'intéressait plus personne, et d'arrêter mon récit ; a moins que les plus jeunes, polis, fassent l'effort de continuer à m'écouter.
Suis-je si vieux que cela ? Je me console en pensant à la belle phrase d'Eisenhower : "La jeunesse n'est pas une question d'âge. Elle est une manière de vivre."
* * * * * *Lundi 26 septembre 2016
Mireille,
Dernièrement, j'ai eu le plaisir de recevoir un coup de téléphone de mon ami Karl, qui était autrefois le curé d'une paroisse allemande du diocèse de Stuttgart. Cela fait cinquante ans que nous nous connaissons, depuis le jour où il prit l'initiative de nous contacter pour établir un jumelage entre nos deux paroisses d'Ebingen et de Grand-Charmont. Ce jumelage a connu ses jours de gloire, avant de s'étioler et de s'endormir. Mais Karl et moi, nous avons toujours continué à entretenir des relations fraternelles. Et c'est pourquoi, lorsqu'il passait dans la région en allant chez l'une de ses nièces à Mâcon, il faisaitt un léger détour pour venir vivre ici quelques instants d'amitié. Et puis, chaque année au printemps, nous aimions passer ensemble une journée en Allemagne dans la Forêt Noire.
Il faut vous dire que ce qui facilite l'échange, c'est que Karl parle bien le français (la réciproque, vous le savez, n'est pas vraie.) Et à chacune de nos rencontres, nous avons tant de choses à nous dire. Echange d'expériences pastorales, projets d'avenir, soucis divers... et rappel des grandes heures de ces années de jumelage. Justement, l'autre jour, Karl a évoqué la consécration de nos deux églises, à quelques mois de distance. Car ce qui nous a rapprochés, c'est que nous avions tous deux des paroisses neuves à construire : l'édification d'églises nouvelles et la constitution de jeunes communautés chrétiennes. Certes, Karl n'avait pas les soucis financiers qui furent les nôtres, et l'église d'Ebingen est soignée dans tous les détails (les grandes orgues firent longtemps envie à nos jeunes organistes français) ; mais tous deux, Karl et moi, avons éprouvé le bonheur de construire des édifices fonctionnels, où l'assemblée a plaisir à se rassembler, et où chacun peut se recueillir quand il en éprouve le besoin. Nous avons donc évoqué, sans nostalgie mais avec un certain sentiment de paternité - un peu la fierté que procurent les enfants à leurs pères - le temps passé et ses heures de pur bonheur.
Une église, au cœur d'un quartier, comme un signal, c'est un rappel constant de cette autre dimension que doivent avoir nos vies, trop souvent engluées dans des soucis terre à terre. "La maison de Dieu est la porte du ciel", dit la liturgie de la Dédicace. Et c'est aussi, plus que la "maison de Dieu", la "maison du peuple de Dieu." Elle n'est vraiment belle que lorsqu'elle rassemble la foule des croyants pour la prière et la louange.
* * * * * *Jeudi 22 septembre 2016
Mireille,
Quand j'étais à l'école primaire, nous apprenions par cœur les dates marquantes de la Révolution française : 14 juillet, prise de la Bastille : nuit du 4 août, abolition des privilèges ; 26 août 1789, Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; 21 juin 1791, le roi est arrêté à Varennes, etc. Toutes ces dates, je les ai gardées en mémoire.
Nuit du 4 août : abolition des privilèges ? Nos maîtres d'école respectés nous avaient expliqué comment notre pays, avant cette nuit fameuse, était miné par quantité de privilèges, réservés à la noblesse et au haut clergé (le bas clergé étant réduit à la "portion congrue") et naïvement, étant enfant, je croyais que depuis cette nuit-là, la France était le pays de l'égalité parfaite, comme d'ailleurs de la liberté et de la fraternité. Hélas, les faits sont là : je viens de découvrir un reportage édifiant sur "La France des passe-droits". En sous-titre, ces quelques mots : "Qu'ils soient fonctionnaires, riches héritiers ou grands patrons, certains n'hésitent pas à profiter de leur statut pour obtenir des avantages "non mérités".
Et
de citer quantité de faits édifiants. Ils concernent aussi bien le
personnel roulant de la SNCF que les trésoriers-payeurs généraux, les
préfets, les ambassadeurs que les PDG et les fondateurs de nombreuses
start-up lnternet. Mais, plus particulièrement, "c'est
l'addition du capital financier, culturel, social qui détermine le degré
de privilège. Avoir beaucoup d'argent, des résidences, des amis haut
placés, un excellent niveau d'études préserve pour l'éternité." J'ai
lu ce reportage : ma conclusion, c'est que je n'envie aucun des
"privilégiés" qui font état de leur mode de vie. Par contre la fin de
l'article m'a donné à réfléchir. Interrogés sur ce que le terme
"privilège" recouvre pour eux, des étudiants en mastère spécialisé ont répondu, dans l'ordre : le silence, la
pureté de l'eau et de l'air, avoir le temps, voilà les vrais privilèges.
Alors je me suis dit que j'étais vraiment un privilégié. Le silence, cela fait partie de mon hygiène de vie, et il m'arrive de passer des heures entières sans entendre le moindre bruit. L'eau pure, je l'ai au robinet. Je pense à l'une de mes anciennes paroissiennes,qui travaillait comme chimiste pour l'analyse de l'eau que nous consommons : elle n'a jamais acheté une bouteille d'eau minérale et a élevé ses deux garçons, deux solides gaillards, avec l'eau du robinet. La pureté de l'air est relativement satisfaisante, me disent les diagrammes publiés régulièrement par l'agence compétente. Il n'y a que ma perception du temps qui est défaillante : objectivement, le temps ne me manque pas, depuis que je suis en "retraite", et pourtant, comme tout bon retraité, il m'arrive encore souvent de me dire : "Je n'aurai pas le temps de faire tout ce que j'ai à faire aujourd'hui."
* * * * * *Lundi 19 septembre 2016
Mireille,
Serait-ce
donc la nouvelle mode ? Depuis quelques semaines, nous apprenons que
des jeunes femmes et des garçons adolescents se lancent dans des
projets d'attentats meurtriers au nom de l'islamisme radical de Daech,
le mouvement sanguinaire auquel ils font allégeance. Trois femmes
s'apprêtaient à faire sauter leur auto dans une petite rue en
plein coeur de Paris. Trois ou quatre adolescents de quinze ans ont été
arrêtés la semaine dernière. La plupart d'entre eux, une fois mis entre
les mains de la police, ne cachent nullement leur objectif, qui est un
objectif de mort. Pas seulement la mort d'une ou de nombreuses
victimes, mais leur propre mort en "martyrs". Lucidement.
Ce ne sont pas des déséquilibrés. Ce sont de bons élèves, parmi les meilleurs dans leur collège ; souvent leur famille est honorablement connue et leur éducation a été normale ; ils n'ont jamais eu à faire avec la police et ils n'ont jamais fait de proclamations fanatiques, ni devant leurs camarades, ni parmi leurs proches. Souvent leur "conversion" à un islamisme radical est récente. Alors, comment en arrivent-ils à un tel degré d'inconscience dangereuse ? Les spécialistes s'interrogent et, devant l'urgence omniprésente, reconnaissent souvent qu'il est difficile d'apporter des débuts de réponse.
Mercredi dernier, le pape François a célébré la messe matinale en présence de pèlerins du diocèse de Rouen, de leur archevêque et des membres de la famille du P. Jacques Hamel, assassiné le 26 juillet dernier par deux jeunes islamistes commandités par Daech. Dans son homélie, il a rappelé : "Au coeur de ce moment terrible, de cette tragédie, le P. Hamel n'a pas perdu la lucidité pour dire le nom de cet assassin. Il a dit clairement : Va-t-en Satan !"
"Et
Satan conduit le bal" : c'est le refrain d'un air célèbre de Faust,
l'opéra de Gounod. Satan : beaucoup n'y croient plus. Mais la barbarie
terroriste perpétrée au nom de Dieu nous oblige à réfléchir sur le
mystère du mal. On ne peut ni rester indifférents, ni céder à la peur,
ni nous contenter d'une impuissance résignée. Il s'agit d'une guerre
contre tioutes les formes du mal, et particulièrement contre cette
forme la plus odieuse : la violence aveugle qui consiste à tuer au nom
de Dieu. "Tuer au nom de Dieu est satanique", a conclu le pape François.
Jeudi 15 septembre 2016
Mireille,
(Si
vous avez essayé d'ouvrir notre site cette semaine, vous avez dû être
déçue. Une fois de plus, j'ai tout tenté, durant ces trois derniers
jours, pour remédier à une subite malfaçon. Sans résultat. Heureusement
Patrick, le super-informaticien, est venu à mon secours, ce dont je lui
suis bien reconnaissant. Et voilà : vous allez pouvoir, en plus de
cette lettre, lire le billet bimensuel de Gérard et l'homélie mensuelle
de Gilles. A ce propos, vous pouvez désormais voir nos têtes dans le
trombinoscope rénové.)
N'êtes-vous pas antisémite ? Ou peut-être, alors islamophobe" ? A moins que comme beaucoup de nos concitoyens, vous ne soyiez légèrement anticléricale ?
Si je vous pose la question, c'est qu'elle est d'actualité. Quelques faits récents m'ont frappé. Le rédacteur d'un hebdomadaire, ayant déclaré honnêtement qu'il était "un peu islamophobe", a été immédiatement taxé de racisme par quantité de "bien-pensants", dont le MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples ). Quant on connaît un peu le parcours de ce journaliste, quand on sait son ouverture d'esprit et sa largeur de vues, on ne peut que regretter le sectarisme et l'étroitesse d'idées de certains.
Un sondage ayant été effectué auprès de plusieurs milliers d'Européens à qui l'on demandait quelles étaient les nations qui, à leurs yeux, constituaient un danger pour la paix mondiale, une majorité importante a placé l'Etat islamique en tête, largement devant la Corée du Nord, Israël, l'Iran et les Etats-Unis. Quant à l'anticléricalisme, ou plus précisément l'anti-catholicisme, il est tellement répandu de nos jours dans les médias de tout poil qu'il se banalise et devient, par le fait même, in-signifiant, même s'il demeure, pour moi et pour beaucoup, quelque chose de blessant.
Qu'on ait des réactions de défiance, voire de peur, face à tant de manifestations d'un Islam conquérant ou d'un islamisme terroriste, quoi de plus normal ? Qu'on réagisse devant les attitudes guerrières, violentes, inhumaines d'un Etat juif "conquérant et dominateur", c'est bien naturel, à mon avis. De même qu'on ne peut que déplorer certaines manifestations de cléricalisme qui ne peuvent que dénaturer le message chrétien. Il n'en demeure pas moins vrai que tout homme a droit à mon respect et donc que ce n'est ni par le mépris, ni par des invectives, ni par des condamnations que j'en ferai mon interlocuteur et, peut-être, mon partenaire dans la grande aventure humaine.
* * * * * *Lundi 12 septembre 2016
Mireille,
C'est
un des travers les plus universels de l'esprit humain. Il consiste à
attribuer à un groupe les qualités ou les défauts d'un seul individu.
C'est pourquoi on se permet bien souvent des jugements sommaires sur un
peuple ou sur les membres d'un parti ou d'une religion, C'est
toujours faux... et c'est dangereux. Il en est ainsi, par
exemple, des jugements malveillants qu'on porte, nous français, sur nos
voisins anglais, suisses, allemands, espagnols ou italiens. Les
sobriquets désobligeants ne manquent pas ; et c'est à charge de
revanche.
Vous connaissez sans doute l'histoire de ce touriste anglais qui débarque à Calais. Sur le port, il remarque une jeune française à la chevelure flamboyante. Aussitôt il télégraphie en Angleterre : "Toutes les Françaises sont rousses." Les histoires de ce genre, destinées à souligner, pour le critiquer, cet universel travers de l'esprit humain, ne manquent pas. Flaubert en a publié tout un petit livre intitulé "Dictionnaire des idées reçues." Je le relis quelquefois, pour me distraire. Ainsi de cette idée reçue, au mot "Prêtres" de ce dictionnaire : "On devrait les châtrer. Couchent avec leurs bonnes et en ont des enfants qu'ils appellent leurs neveux. C'est égal, il y en a de bons tout de même." Mais à mon sens, la meilleure, c'est la réponse de Paul Claudel à qui on demandait un jour « que pensez vous des Chinois ? - Votre question m’embarrasse, répondit-il, je ne les connais pas tous. »
Des idées toutes faites, n'en sommes-nous pas, tous, de fréquents usagers ? Involontairement sans doute, mais signes d'une certaine paresse intellectuelle. Il faudrait réfléchir un peu, avant de formuler ainsi des jugements à l'emporte-pièce. Mais plus dangereuses surtout ces prises de position formulées par les hommes de pouvoir pour justifier leurs comportements. Je lisais la semaine dernière, dans mon hebdomadaire habituel, une vive critique de la politique actuelle du gouvernement turc. De temps immémorial, on le sait, règne une haine ancestrale entre Turcs et Kurdes. Mais depuis quelques semaines, sous prétexte de combattre l'Etat islamique, le président turc entreprend d'exterminer les kurdes. D'où la réflexion de mon hebdomadaire : "Certes, tous les terroristes ne sont pas kurdes, mais aux yeux d'Ankara, tous les Kurdes sont des terroristes."
N'est-ce
pas là un travers universel, même s'il n'est pas utilisé consciemment
dans un but inavouable. Regardons-nous ? Pour beaucoup de nos
concitoyens, aujourd'hui, arabe = musulman fanatique = islamiste =
terroriste... Qui d'entre nous n'a pas, un
jour, attribué à un groupe quelconque des qualificatifs désobligeants,
quitte à ajouter : "Mais j'en connais un qui n'est pas comme les autres
"!
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Jeudi 8 septembre 2016
Mireille,
Depuis ce 26 juillet qui vit l'assassinat du Père Jacques Hamel, je me demande ce qui se passait dans la tête des jeunes islamistes qui ont commis ce forfait. Le cardinal Vingt-Troiis, dans l'homélie qu'il prononça le lendemain en la cathédrale Notre-Dame de Paris les décrit comme "ceux qui se drapent dans les atours de la religion pour masquer leur projet mortifère, ceux qui veulent nous annoncer un Dieu de la mort, un moloch qui se réjouirait de la mort de l’homme et qui promettrait le paradis à ceux qui tuent en l’invoquant". Et il continue : "L’espérance inscrite par Dieu au cœur de l’homme a un nom, elle se nomme la vie."
Ces
jeunes, effectivement, veulent donner la mort. Et en même temps, ils
recherchent la mort pour eux-mêmes. Ce qui m'a frappé dans le récit
qu'ont fait de ce drame les religieuses présentes dans l'église de
Saint-Etienne du Rouvray, c'est cette remarque de l'une d'elles : « J’ai
eu le droit à un sourire du second. Pas un sourire de triomphe mais
un sourire doux, celui de quelqu’un d’heureux ». Un
certain nombre de ces tueurs, en effet, ont commis des actes
"mortifères", abominables, sachant qu'ils allaient être abattus à leur
tour et, en retour, connaître la récompense du "¨Paradis d'Allah",
épouser "les 72 femmes aux yeux noirs". C'est ce que promet la
tradition musulmane pour tous ceux qui meurent en martyrs dans le
djidad, la guerre sainte.
Je pense souvent, lorsque j'apprends les nombreuses scènes d'horreur commises par les islamistes fanatiques, à un roman paru avant la guerre. Ce roman, intitulé Alamut, a été écrit en 1938 par un romancier slovène, Vladimir Bartol. L'intention de l'auteur, à l'époque, était de dénoncer les méthodes utilisées par les dictateurs - Mussolini, Staline, Hitler - pour violer les consciences de leurs sujets et en faire de fidèles serviteurs de leur idéologie totalitariste. Il utilisa pour cela un cadre historique : Installé dans la citadelle d'Alamut, nichée au coeur des montagnes du nord de l'Iran, "le Vieux de la Montagne", un chef Ismaélien n'a de cesse que de faire tomber l'empire des Turcs Seldjoukides adeptes du faux prophète. Ses guerriers, les Haschichins ou Assassins, mènent une lutte religieuse effrénée contre leurs voisins religieux, Nous sommes au XIe siècle. Ce leader éclairé veut être sur terre ce qu'Allah est au ciel : omnipotent, invisible, maître de la vie et de le mort. Son plan, en recréant le paradis sur terre dans des jardins secrets où vivent de superbes jeunes femmes, est de faire croire qu'il détient lui aussi les clefs du ciel et peut y envoyer, en remerciements des services rendus, ses meilleurs fedayin. Subjugués - le haschich joue un rôle important dans leur formation - ces jeunes soldats de Dieu seront prêts à mourir au combat pour rejoindre ces lieux merveilleux.
Alamut
: le roman de Vladimir Bartol, que je vous conseille, est réédité en
livre de poche. Il est d'une actualité criante, comme une prophétie de
ce qui se passe aujourd'hui, sous nos yeux. . Il vous intéressera.
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Lundi 5 septembre 2016
Mireille,
Comme tout le monde, j'ai été stupéfait par ces drames qui ont marqué nos mois d'été. ,
à Nice, le jour de la fête nationale, un Tunisien fonce dans la foule
au volant d'un camion sur la promenade des Anglais, tuant 86 personnes
et en blessant 286, avant d'être abattu par les forces de l'ordre.
L'Etat islamique revendique cet acte. Le 26 juillet, lors d'une messe,
deux islamistes munis d'armes blanches prennent en otage plusieurs
personnes dans l'église de Saint-Etienne-du Rouvray, près de
Rouen. Un vieux prêtre, l'abbé Jacques Hamel est égorgé, et un
paroissien est blessé. Les deux terroristes sont abattus par les forces
de l'ordre, Dans les deux cas, l'émotion de chacun est forte et se
manifeste de diverses manières : rassemblements, dépots de fleurs,
cérémonie civiles ou messes solennelles. Dans toutes ces
circonstances, on éprouve le besoin de se rapprocher les uns des
autres. Honte à ceux qui en profitent pour tenter de provoquer la
division. Personnellement, j'ai été heureux de lire, sous la plume de M.
Mélenchon, ces quelques mots : "Une pensée affligée pour tous les
prêtres catholiques meurtris dans leur fraternité".
Voilà des mots qui
sonnent vrai. Quant à moi, je ne pouvais que joindre ma prière à celle
des milliers de gens qui, à travers le monde tenaient à s'adresser à
notre Dieu de tendresse et de miséricorde, pour se sentir plus humains,
face à la bêtise haineuse qui se déchaine actuellement un peu partout
dans l'univers . Pensez donc : uniquement pour ces deux mois d'été, on
compte
32 attentats revendiqués par l'Etat islamiste, et trois prêtres égorgés
: un prêtre copte au Sinaï, un autre en Indonésie et le Père Jacques
Hamel en France.
Et tout le monde se demande d'où vient cette vague - ce tsunami - de violence meurtrière qui déferle sur notre monde depuis près de quarante ans. Une série d'attentats qui a débuté, si je me souviens bien, en 1979, lorsqu'un groupe armé a envahi la Grande Mosquée de La Mecque. Il a fallu plus de dix jours pour l'en déloger. Bilan : 300 morts. Le record, à ce jour, demeure l'attentat qui réussit à détourner quatre avions : deux qui percutèrent le World Trade Center, un qui s'écrasa sur le Pentagone et le quarième à Pittsburg. C'était le 11 septembre 2001. Il y eut 2 977 morts et 6 291 blessés. A ce jour, 46 Etats du monde ont connu des attentats perpétrés par des islamistes. Où vont-ils s'arrêter ?
Un des intérêts du grand âge qui est le mien est qu'il permet d'envisager les événements présents avec le recul nécessaire pour en avoir une perception valable. La "vieille expérience" dont se vantent les anciens peut être utile. Sans remonter à mon enfance, je pense souvent à ces belles années - 41 ans - que j'ai vécues à Grand-Charmont. La cure a connu bien souvent de belles rencontres et d'étonnantes fréquentations. Des adultes et des jeunes, des individus et des groupes, des croyants et des agnostiques, des catholiques... et des musulmans, garçons et filles, nombreux. Je me souviens de ces adolescents d'origine algérienne qui venaient me demander : "Monsieur, voulez-vous m'aider à faire mon devoir de latin ?" et de ces filles qui se disputaient, l'été, pour venir faire le ménage... de ces bandes de garçons maghhrébins qui faisaient de la JOC, qui passaient des heures dans le bureau de l'abbé (et dans les couloirs), que notre cuisinière appelait "les envahisseurs", tant ils étaient bruyants, mais enjoués ! Tous ces enfants, tous ces jeunes, fils d'immigrés, qui, en passant devant la Maison Paroissiale, s'arrêtaient pour venir dire bonjour en allant au collège ou en sortant des cours... Et voilà qu'un jour, subitement, tout cela a cessé. Plus de visites, plus de rencontres, plus de sourires. Les gosses passaient, sans dire bonjour, sans même me regarder, certains crachant ostensiblement à leur passage. Et plus aucune visite. Que s'est-il passé ?
* * * * * *
Jeudi 1er septembre 2016
Mireille,
Et me voilà, en ce premier jour de septembre, fidèle au rendez-vous. J'ai bien cru ne pas pouvoir respecter la promesse que je vous avais faite le dernier jour du mois de juin. J'arrivais à la fin de l'année scolaire, heureux de pouvoir jouir de deux mois de vacances. EN VACANCES, c'est ainsi que j'avais intitulé cette page que vous avez pu contempler pendant ces deux mois d'été. Hélas ! Il n'en fut rien. Il faut que je vous raconte.
Tout
mon malheur vint, je crois, de Microsoft. Cédant à ses inlassables
invitations, je m'étais résolu à télécharger Windows 10, en
remplacement du fidèle Windows 7, que j'appréciais tant. Un
remplacement facile, mais dont l'usage se révéla bien vite compliqué.
D'abord parce que certains logiciels se révélaient introuvables, alors
qu'auparavant je les utilisais quotidiennement. Désagréments
relativement bénins, en comparaison de ce que je découvrais dès
les premiers jours de juillet : le logiciel FrontPage, grâce
auquel je rédige tous les textes que je vous adresse sur ce site, et
notamment, chaque jour, cette "Lettre à Mireille", ne fonctionnait plus
avec la nouvelle version de Windows. Rendez-vous compte : après des
dizaines d'années de bons et loyaux services quotidiens, FrontPage, mon
auxliaire fidèle, venait de disparaître.
Et
me voilà, désemparé, cherchant pendant des jours, pendant des heures
chaque jour, une solution à ce problème, moi qui suis nul en
informatique. En désespoir de cause, j'ai eu recours au "Bon Coin",
demandant si quelqu'un pourrait me céder un FrontPage en bon état. Les
réponses n'ont pas tardé, que j'ai appréciées ; non pas pour me vendre
quelque chose, mais pour m'expliquer bien gentiment que FrontPage avait
été retiré de la circulation par son éditeur Microsoft depuis plus de
10 ans ! Et tous mes correspondants me conseillaient de chercher un
autre produit plus récent, également gratuit et tout aussi efficace.
Conseils que je me suis décidé de suivre, un peu à regret, je l'avoue.
J'ai donc adopté Kompozer.
Et
me voilà de retour à l'école, à mon âge ! Car j'ai dû recommencer
à apprendre, pour me servir de cet outil. Plus d'un mois d'étude, de
recherche, de retours en arrière, puis d'avancées compensatrices, avant
de pouvoir être en mesure de produire l'édition de chaque semaine, le
lundi matin. Ce n'est pas encore parfait, mais c'est acceptable. Le
problème, pour moi, c'est qu'au lieu d'y consacrer quelques heures par
semaine, cela me prend plusieurs jours. Mais enfin, mes vacances auront
été utiles, du moins je le crois.
Mais
ces légers inconvénients sont si peu de choses, en comparaison des
drames qui ont marqué ces deux derniers mois, particulièrement causés
par le fanatisme débile de jeunes islamistes. Un couple de policiers,
une foule de femmes, d'hommes, d'enfants et de vieillards à Nice le
soir du 14 juillet et, quelques jours plus tard le Père Hamel alors
qu'il célébrait la messe à Saint-Etienne-du-Rouvray. Je reviendrai sur
ces événements dans de prochains billets.