LETTRE A MIREILLE

Février 2017


Lundi 27 février 2017

Mireille,

Il nous étonnera toujours, notre pape François. Je ne vous en parle pas souvent, certes, et pourtant ses propos, tels qu'il me sont rapportés presque chaque jour par divers médias, sont là pour me réjouir, me réconforter, me rappeler à l'ordre, aussi bien que pour me conseiller ou rectifier mes propres convictions.

Si vous êtes un peu curieuse – ce dont je ne doute pas – vous trouverez parfois, dans le quotidien de vos lectures, quelque propos de notre pape François – Dieu lui prête longue vie – capable de vous réjouir et d'orienter votre vie quotidienne avec optimisme.

Pour aujourd'hui, j'ai plaisir à vous transmettre les réflexions qu'il confia jeudi dernier à l'équipe de foot espagnole de Villareal venue lui rendre visite. J'espère que vous les apprécierez :

"Cela m'aide beaucoup de penser au football parce que j'aime cela et cela m'aide. Mais plus que tout je pense au gardien de but. Pourquoi ? Parce qu'il doit bloquer le ballon là où on le lui envoie ; il ne sait pas d'où il viendra. Et la vie est ainsi. Il faut prendre les choses d'où elles viennent et comme elles viennent. Et quand je me trouve face à des situations auxquelles je ne m'attendais pas, qu'il faut résoudre, et qui sont de là alors que je les attendais de là-bas, je pense au gardien de but ; c'est pourquoi vous êtes très présents dans ma pensée. Merci."

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Jeudi 23 février 2017

Mireille,

La pensée du jour : on en trouve un certain nombre de collections sur Internet. Certaines, futiles et insignifiantes, d'autres d'une remarquable profondeur. Ainsi celle que j'ai pris en pleine figure, hier matin, une phrase de Camus.Je vous la transcris : "L'homme est l'inconcevable et scandaleux mystère de la beauté et du mal, du soleil et de la boue, de la vie et de la mort."

Je suis reconnaissant à son auteur de me rappeler ce qui fait la trame de mes interrogations depuis tant d'années. On voudrait sans cesse s'arrêter à la beauté, au soleil, à la vie, et les contempler, les déguster, en jouir. Mais la vie est là, avec ses informations matinales, qui presque toujours nous tiennent au courant de la progression quasi-inéluctable du mal dans le monde, nous rappellent que nous vivons dans ce monde de sang, de boue, de larmes et de mort.

Pire encore : en moi-même je discerne ces zones d'ombre et de saleté, et ces pulsions morbides, sans cesse en conflit avec l'attrait du beau, du bien, du vrai. Pascaline, qui m'a offert jadis une remarquable terre cuite, m'expliquait que c'est "en travaillant sur un très beau texte de Job et sur le thème de la plainte" qu'elle a "voulu transcrire cette interrogation, cette condition humaine qui ne peut rien faire d'autre qu'ouvrir les bras tant pour demander "pourquoi" que pour dire "j'ai confiance". "Et donc (ajoutait-elle) cette statue me semblait tout à fait vous être destinée."

Pourquoi ? Seize fois, le pauvre Job réitère sa question. Plus qu'une interrogation, c'est l'expression de l'homme révolté. Mais Dieu ne répond pas directement à sa question, même s'il accepte d'être ainsi durement interpellé. Pourquoi ?, ce sera l'ultime interrogation de Jésus sur la croix. "Pourquoi m'as-tu abandonné ?", s'écrie-t-il. Avant de prononcer les mots de la confiance : "Entre tes mains, Père, je remets ma vie."

Demander sans cesse "pourquoi", accepter de n'avoir pas de réponse, pouvoir dire également "j'ai confiance". "L'être étonnant que je suis" (pour reprendre les mots de la Bible) se confie ainsi ce matin en Celui dont il est l'enfant.

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Lundi 20 février 2017

Mireille,

Décidément, ce mot "vieux", employé si souvent comme une offense, me reste en travers de la gorge. Dernier exemple, bien significatif : parlant de l'Allemagne et de la France, un secrétaire d'Etat américain, a déclaré : "Je pense que c'est la vieille Europe." Il manifestait ainsi son dépit de voir que nous faisons de la résistance aux mesures protectionnistes envisagées par M. Trump. C'est pourquoi il nous traite de vieux.

Il est bien de son temps, cet américain, pour qui tout ce qui est "vieux" est dépassé, bon à être mis à la retraite, compté comme quantité négligeable. Et c'est vrai que pour la plupart de nos contemporains du monde développé, les "vieux", parce qu'ils n'ont plus aucune utilité, parce qu'ils ne sont plus producteurs de richesses, sont bons à être mis au rebut. Ils sont une charge, toujours pour les nations, parfois pour leurs familles. Et même s'ils ne sont pas considérés comme une charge, ils perdent une part de leur importance dès qu'ils sont sortis du circuit productif. Pas besoin de les consulter, n'est-ce pas. Fini le temps où l'on pensait qu'un vieillard était un sage, qui avait acquis au fil des ans une expérience dont il pouvait faire profiter tous ceux qui le désiraient. J'ai dit souvent, depuis une trentaine d'années, combien je regrettais qu'avec le progrès technique, on en soit venu à faire disparaître, dans l'industrie particulièrement, des savoirs et des savoir-faire qui constituaient la richesse de la classe ouvrière.

Ce que je dis du savoir-faire ouvrier, je le pense profondément des nations. Eh oui, l'Allemagne et la France sont de vieux pays. Leur longue histoire les a marqués, leur expérience commune est à respecter. Et qu'aujourd'hui leurs dirigeants disent non à un protectionnisme néfaste, cela mérite d'être entendu, considéré, respecté. Même par les "jeunes" nations (les USA n'ont guère plus de deux siècles d'existence !). Même si le respect des anciens est passé de mode. Apprenons-leur la politesse.

Il y a une cinquantaine d'années, dans des circonstances douloureuses (la journée des barricades à Alger) le général de Gaulle, dans un discours émouvant, s'adressait à la France en ces termes : "Eh bien, mon cher et vieux pays, nous voici donc ensemble, encore une fois face à une lourde épreuve." Le vieux pays a répondu. Il a surmonté cette crise, comme il en a surmonté bien d'autres dans son histoire. Comme quoi la vieillesse ne rend pas nécessairement sénile, Monsieur Trump.

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 Jeudi 16 février 2017

Mireille,

La télé rapportait l'autre jour les obsèques d'une ancienne vedette de la chanson française, qui eut jadis son heure de gloire. La présentatrice le faisait en ces termes : "Agé de 81 ans, le vieux patriarche...etc." Immédiatement, je réagis. On n'est pas nécessairement vieux, ni "patriarche", à 81 ans, même si beaucoup de gens pensent qu'à cet âge, nous sommes des vieillards. J'ai eu la curiosité de consulter mon dictionnaire qui, du mot patriarche, donne cette définition : "vieillard qui mène une vie simple et paisible, entouré d'une nombreuse famille. Exemple : le patriarche de Ferney = Voltaire âgé".

Par contre, le sens étymologique du mot grec patriarkhès est, plus simplement, chef de famille. Voilà qui, déjà, me rassure ! Quant à la Bible, présentant ceux qu'on appelle les patriarches, essentiellement Abraham, Isaac et Jacob, elle parle non seulement des aventures de leur grand âge, mais de leurs expériences de jeunesse. Et ce n'est pas triste ! Bien sûr, Abraham parait toujours âgé, ce qui ne l'empêche pas de faire un enfant à sa jeune esclave Agar, avant de devenir le père d'Isaac. Jacob, lui, fieffé menteur, se fait "rouler" par son futur beau-père pour qui il travaille. Il désire Rachel, et c'est Léa qu'on met dans son lit. Ce qui ne l'empêchera pas de se remettre au travail pour acquérir Rachel comme deuxième épouse. Mais celui que je préfère, c'est Isaac. Non pas sur ses vieux jours, où sa femme lui joue un tour pendable, mais dans sa jeunesse. Relisez le livre de la Genèse, chapitre 24, à partir du verset 62. A la mort de Sara son épouse, Abraham a envoyé son serviteur en Haute Mésopotamie (l'Irak actuel) pour chercher une femme pour son fils Isaac. Le serviteur a trouvé Rebecca. Et voici le récit du retour : "Isaac sortit pour se promener dans la campagne, à la tombée du soir, et, levant les yeux, il vit que des chameaux arrivaient. Et Rebecca, levant les yeux, vit Isaac. Elle sauta à bas du chameau et dit au serviteur : "Qui est cet homme qui vient dans la campagne à notre rencontre ?" Le serviteur répondit : "C'est mon maître". Alors elle prit son voile et se couvrit. Le serviteur raconta à Isaac toute l'affaire qu'il avait faite. Et Isaac introduisit Rébecca dans sa tente. Il la prit et elle devint sa femme et il l'aima. Et Isaac se consola de la perte de sa mère."

C'est beau, c'est tellement humain, ce bref récit des noces du patriarche Isaac. Je ne sais pas si notre chanteur-vedette fut un semblable patriarche. Peu importe d'ailleurs. L'essentiel est qu'on ne mélange pas tout. Quant à moi, qui ne suis ni patriarche (étant célibataire) ni vieillard (du moins je l'espère), j'assume mon grand âge avec sérénité et humour. En me répétant souvent : " Que c'est beau, c'est beau, la vie ! "

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Lundi 13 février 2017

Mireille,

Je ne suis retourné en Allemagne qu'à la fin des années 50. Heureux concours de circonstances : l'un de mes jeunes amis du temps où j'étais vicaire avait entrepris des études de philosophie. Il avait obtenu une bourse conséquente pour aller étudier à Heidelberg, et là, avait fait la connaissance d'un professeur de français, un homme remarquable, un chrétien convaincu. Il préparait ses étudiants à la vie active d'une manière efficace, puisqu'ils obtenaient régulièrement aux concours des places intéressantes de traducteurs dans les organismes naissants de la Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier. C'est ainsi que je fis moi-même connaissance de ce professeur, qui devint un ami. Ce qu'il enseignait à ses étudiants, c'était plus que le français, c'était la France. Il aimait notre pays, sa culture, son style de vie. Il adorait Camus, et quand je l'ai connu, il travaillait à une traduction des Pensées de Pascal. Nous avons même animé ensemble, près de Wurtzbourg en Franconie, en janvier 1960, une session consacrée à l'avenir du christianisme ! Naturellement, je m'exprimais en français, mais j'avais été agréablement surpris de voir le nombre de participants à cette session qui étaient venus - certains même d'Allemagne de l'Est, avant le rideau de fer - simplement pour entendre parler français.

J'ai toujours regretté de ne pas pouvoir m'exprimer en allemand, comme d'ailleurs en aucune autre langue étrangère. Avoir toujours recours à un traducteur, c'est une nécessité, certes, mais on perd tout le profit de la communication. Pourtant, mon ami était un merveilleux traducteur-communicateur. Un jour, beaucoup plus tard, alors qu'il avait déjà quitté cette vie, j'ai appris ce qui fut l'événement déterminant de son existence. Il était dans sa jeunesse, avant la guerre, un athée convaincu. Membre du parti nazi. Pendant la guerre, travaillant à Paris à la Gestapo, c'est lui qui était chargé de traduire les "confessions" arrachées sous la torture à tous les résistants arrêtés. Il faut croire qu'il n'était pas totalement "blindé", puisque c'est, parait-il, le courage que tant d'hommes et de femmes ont manifesté qui l'a amené à réfléchir sur la condition humaine et, au bout de son cheminement, à adhérer à la foi chrétienne. De cela, il ne m'a jamais parlé. Mais tout, dans sa vie, disait sa conviction que "si notre coeur nous condamne, nous savons que Dieu est plus grand que notre coeur."

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Jeudi 9 février 2017

Mireille,

Je viens de recevoir un sympathique message d'une famille allemande. Il en est ainsi chaque année, depuis près de cinquante ans ; depuis l'époque où notre paroisse de Grand-Charmont avait élaboré un jumelage avec la paroisse d'Ebingen, dans le Jura Souabe. Rares, très rares étaient celles et ceux qui étaient bilingues. Il y avait à Ebingen, la famille de Bruno. Se sont alors créés quelques liens qui durent aujourd'hui encore. Quant à moi, il ne faut pas compter sur une quelconque compétence en la matière, hélas ! Pourtant... Ce n'est pas faute d'avoir essayé.

 Mes souvenirs personnels en matière d'apprentissage d'une langue étrangère, eux, sont anciens. Ils datent de 1937. Cette année-là - j'avais seize ans - mes parents avaient décidé de donner un sérieux coup de pouce à ma connaissance de la langue allemande, qui était la seule langue vivante que j'apprenais, en m'envoyant en séjour linguistique, pour un mois, à Freiburg, en Allemagne. Pour moi, qui n'étais jamais sorti de ma petite région, c'était toute une expédition. Et je me souviens parfaitement de mon arrivée en gare de Freiburg. Incapable de m'exprimer dans la langue de Goethe, j'ai tendu au taxi un morceau de papier lui indiquant l'adresse de la pension de famille où je devais être hébergé.

Les débuts furent difficiles. Etait-ce timidité, ou incapacité à me faire comprendre ? J'ai passé les premières journées sans ouvrir la bouche, ne m'exprimant que par signes. Heureusement, mes hôtes, qui ne parlaient pas un mot de français, ont été compréhensifs et ont tout fait pour me faciliter l'acclimatation. Pour l'apprentissage de la langue, je n'ai pas fait de grands progrès, hélas ! Mais j'ai été baigné dans une autre "culture", toute neuve pour l'adolescent que j'étais. Commençons par le négatif : essentiellement le choc de l'idéologie nazie. Un jour, alors que je travaillais sur le piano du salon un morceau de Mendelssohn, mon hôtesse est venue me faire remarquer que ce compositeur était juif ! Le frère de l'hôtesse, un instituteur, qui parlait un peu le français, nous tenait sans cesse des discours politiques. C'était un parfait nazi et les jeunes qui l'entouraient constamment buvaient ses paroles. Je me souviens de son départ en uniforme pour le congrès de Nuremberg : toute la ville accompagnait jusqu'à la gare ces centaines d'hommes qui allaient les représenter là-bas, défilant dans les rues de la ville en chantant des chants guerriers, dans un enthousiasme délirant !

Mais, curieux comme je le suis, j'ai découvert bien d'autres choses. Une belle ville, entretenue avec beaucoup de soins. La propreté et l'ordre. Un peuple musicien, ces concerts classiques, l'après-midi ou le soir, en plein été : c'était la première fois que je baignais dans la musique vivante. Des concerts d'orgue à la cathédrale, et des concerts en plein air. La musique... et la nature. Mon "instituteur" s'est fait un plaisir de nous faire découvrir à longueur de semaines les charmes de la Forêt Noire, au cours de longues randonnées pédestres. Découvrir à 16 ans les bienfaits de la randonnée pédestre, ça vaut le détour, non ? J'allais oublier, parmi mes découvertes positives, que ces jeunes allemands qu'il m'était donné de fréquenter ne buvaient pas d'alcool, pas même de bière. J'aurais aimé, au cours de ces randonnées, boire une bonne bière fraîche. Non : on marchait à l'eau, à la rigueur au jus de fruits. Je m'en étonnais et, intérieurement, j'en reconnaissais le bienfait. Lorsque je suis rentré à la maison et que mon père m'a vu boire de l'eau à table, il s'en est scandalisé.

Après, il y a eu Munich en 38, la guerre en 39. Quant à la "réconciliation", elle devait survenir quelques dizaines d'années plus tard. Je vous raconterai.

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Lundi 6 février 2017

Mireille,

"Je n'arrive pas à réciter le "Notre Père" jusqu'au bout, m'avait-t-elle déclaré : j'arrête quand il faut dire "comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés". Oh, comme je la comprends ! Nous nous étions perdus de vue depuis cinquante ans. Quand nous étions jeunes, nous avions beaucoup travaillé ensemble, au service des enfants et des jeunes de la paroisse. Elle avait alors, en même temps que des exigences sur lesquelles elle ne cédait jamais rien, une tendresse pour les petits, une sollicitude maternelle pour ceux qui se débrouillaient moins bien que les autres. J'avais beaucoup apprécié, alors, ces qualités de coeur qui faisaient qu'elle était aimée de tous, parce qu'elle savait donner beaucoup d'elle-même. Et puis, la vie nous a séparés. Je n'avais eu que très épisodiquement de ses nouvelles, la plupart du temps par ces gosses qui, devenus adultes, avaient gardé d'elle un souvenir fidèle. Une seule fois, nous nous étions retrouvés à l'occasion du décès d'un vieil ami. Elle avait vieilli, bien sûr, physiquement, comme tout le monde. Pensez donc, en cinquante ans ! Mais son esprit et son coeur étaient restés jeunes, malgré les blessures de la vie.

Elle m'avait raconté. Joies et peines, comme la plupart d'entre nous. Mariage, enfants, maison, travail, divorce, soucis de santé. Rien n'est jamais banal dans une vie, même si ce qu'elle racontait évoquait pour moi d'autres personnes, d'autres couples qui ont connu les mêmes péripéties, ces alternances de chutes et de relèvements. Comment "pardonner à ceux qui nous ont offensés" ?

Et vous, m'a-t-elle dit, vous arrivez à pardonner ? J'ai répondu que je n'étais pas plus malin que les autres, et que si, intellectuellement, je reconnais l'absolue nécessité du pardon pour continuer à vivre en société, il m'est toujours difficile, pratiquement, de pardonner. Disant cela, je pensais à Charles Péguy qui, au début du siècle dernier, venant de se convertir, ne put jamais aller au bout de la récitation du Notre Père. Il butait toujours sur ce "comme nous pardonnons..." Je le comprends.

Il y a un an - le 6 février 2016 - Monique nous a quittés. Demeure, pour celles et ceux qu'elle a aimés, pour tous ceux qui l'ont aimée, plus qu'un souvenir : un exemple.

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Jeudi 2 Février 2017

Mireille,

Vous connaissez sans doute Simone Weil. Pas celle qui fut rescapée des camps de la mort, puis ministre du Général de Gaulle. Non. L'autre, celle qui fut... que dire d'elle pour la décrire ? Brillante agrégée de philosophie à 22 ans (1931), ouvrière chez Renault en 1935, engagée dans les Brigades Internationales en 36, ouvrière agricole en 41, employée dans les bureaux de la France combattante à Londres en 42. Atteinte de tuberculose, elle refusa un pneumothorax, elle refusa même de se nourrir, parce qu'elle voulait partager les souffrances des Français restés au pays, estimant que les Français de Londres étaient des privilégiés par rapport à eux. Elle y laissera sa vie en 1943, dans un sana anglais : elle voulait, contre la force, se situer toujours du côté des faibles, des vaincus, des opprimés, dans une recherche obstinée de la vérité et de la justice. Cette jeune femme juive, son évolution spirituelle et mystique la conduira aux portes du christianisme : ses écrits, publiés après la guerre, en font foi.

Si je vous parle d'elle ce matin, c'est que je suis tombé, hier, sur quelques phrases qu'elle écrivit un jour, et qui m'ont "interpellé" (comme on dit aujourd'hui). Je lui laisse donc la parole.

"La plénitude de l'amour du prochain, c'est simplement d'être capable de lui demander : "Quel est ton tourment ?"(...) Pour cela, il est suffisant, mais indispensable, de savoir poser sur lui un certain regard. Ce regard est d'abord un regard attentif, où l'âme se vide de tout contenu propre pour recevoir en elle-même l'être qu'elle regarde tel qu'il est, dans toute sa vérité. Seul en est capable celui qui est capable d'attention." (Simone Weil)