LETTRE A MIREILLE

AVRIL 2017


Jeudi 27 avril 2017

Mireille,

Dernièrement, relisant l'évangile du jour, une chose m'a frappé, que je n'avais jamais remarquée. Alors que les disciples disent à Thomas : "Nous avons vu LE Seigneur", Thomas, lui s'adresse à Jésus en lui disant : MON Seigneur. Un pronom possessif, qui indique une proximité, une certaine familiarité.

 Oserai-je la comparaison ? Nombreuses sont les personnes rencontrées qui disent, non pas LE pape, mais NOTRE pape. Indiquant, par là, comme une proximité et même comme une volonté d'appropriation. Les Italiens le disent depuis longtemps, bien sûr. Que mes compatriotes le disent aujourd'hui, voilà qui est remarquable.

 Hier soir, une jeune amie d'origine protestante me téléphonait pour tout autre chose. Elle est très éloignée des choses de la religion. Mais au bout de quelques instants, elle m'a dit : "Il est génial, TON pape !" Et elle a ajouté : "Il fait des tas de choses bien ! Et moi qui croyais simplement que c'était un vieux réactionnaire, qui est contre le préservatif !" J'ai essayé de lui expliquer combien il fallait se méfier des idées reçues. On a tellement vite fait d'apposer sur une personne des étiquettes définitives, qui le marquent à jamais ! Il en va ainsi du pape comme de tout être humain. Le concert de louanges n'est pas plus valable que les critiques véhémentes de ceux qui, parfois, l'ont traité de "criminel".

 Or la personnalité du pape, comme de tout être humain, ne se laisse pas enfermer dans des clichés. Personne n'est tout blanc ou tout noir. Et en chacun de nous - le pape François comme les autres - il y a le péché et la grâce. Une des personnes avec qui je déjeunais hier, me disait : "Certainement, ce pape doit entrer directement au ciel, n'est-ce pas !" J'ai répondu que je n'en étais pas si sûr que cela. Et je pensais aux stances terribles du Dies Irae : "Donc, le Juge, lorsqu'il siègera, tout ce qui était caché apparaîtra. Rien ne restera impuni." On m'a rétorqué, bien sûr, que Dieu était bon, plein d'amour et de miséricorde. Ce qui est vrai. Je reste cependant perplexe. "Il reviendra dans la gloire pour juger les vivants et les morts", dit le Credo. Un responsable, c'est, étymologiquement, celui qui est capable de répondre de ses actes. D'abord devant Dieu. C'est pourquoi il faut prier pour NOTRE pape.

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Lundi 24 avril 2017

Mireille,

J'espère que vous avez bien dormi. Ou tout au moins je le souhaite. Il en est ainsi de toute élection : elle laisse une partie des électeurs insatisfaits, ou déçus, ou furieux, tandis que l'autre partie du corps électoral manifeste son triomphe de manière plus ou moins éclatante. Personnellement, j'aimerais savoir quels sont les sentiments des vainqueurs et des vaincus. Certes, tout n'est pas joué ; il y aura un deuxième tour, et si 9 candidats sont éliminés, la lutte entre les deux qui restent en lice sera d'une âpreté sans précédent. Fair play, comme disent les Anglais ? J'aimerais le leur souhaiter.

Figurez-vous qu'hier après-midi, je suis tombé au hasard de mes lectures sur un sermon de saint Grégoire le Grand. Rassurez-vous : ce n'est pas tous les jours que j'ai des lectures aussi spirituelles. Mais je le reconnais, hier, la chance était avec moi. Hier, dans ce sermon, saint Grégoire nous invitait tous à être des anges. Tous : pas seulement les prêtres, ou les religieuses. Tous, hommes et femmes, jeunes et vieux. Evidemment, pour cela, il nous faut d'abord comprendre le sens étymologique du mot "ange". Il ne s'agit pas de devenir l'un de ces petits angelots joufflus comme on en voit sur les images d'un autre siècle ! Le mot "ange" est un mot grec qui signifie "facteur" - pardon, "préposé", selon l'appellation officielle. Celui qui porte les nouvelles, bonnes ou mauvaises. Au temps de saint Grégoire, on l'appelait un messager. "Aggelos" en grec.

    Donc, saint Grégoire, s'adressant à son auditoire, déclare : "Vous pouvez, vous aussi, si vous le voulez, mériter ce beau nom de "messager". Et d'expliquer ensuite que tout homme se doit d'être porteur de la Bonne Nouvelle à son entourage. "Et que personne ne vienne dire : "Je suis incapable d'instruire les autres". Faites du moins votre possible, pour qu'un jour on ne vous demande pas compte du talent reçu et malencontreusement conservé."

Nos deux concurrents vont, pendant quinze jours, nous inonder de messages, tous plus prometteurs les uns que les autres. Des messages attrape-gogos ou des annonces réconfortantes et constructives. A mon âge, on ne se laisse pas séduire facilement. Je me contenterai donc de répéter à l'adresse des deux challengers le conseil de saint Grégoire : Faites du moins votre possible, pour qu'un jour on ne vous demande pas compte du talent reçu et malencontreusement conservé.

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Jeudi 20 avril 2017

Mireille,

Presque chaque jour, je consulte mon Ephéméride. C'est l'une de mes manies. Aujourd'hui, 20 avril, il me signale que c'est l'anniversaire de la naissance, en 1889, d'Adolphe Hitler. Drôle d'idée ! La plupart du temps, on nous présente des hommes célèbres parce que bienfaiteurs de l'humanité ou de saints personnages dont l'histoire a gardé le souvenir. Ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Certes, il paraît que des groupuscules de nostalgiques du nazisme existent encore, et pas seulement en Allemagne ; et qu'ils rêvent de faire revivre cette idéologie qui porte la responsabilité de millions de morts. Ce qui n'est pas très honorifique, vous en conviendrez.

Cependant, je crois qu'il est toujours bon de se souvenir. Celui qui allait devenir un dictateur d'une cruauté incroyable avait commencé sa vie d'homme public de la façon la plus légitime qui soit : il était l'élu du suffrage universel ; considéré par la majorité de ses concitoyens comme le seul remède dans une conjoncture sociale et économique désastreuse. Premier personnage de l'Etat, le chancelier avait obtenu en quelques mois les débuts d'un redressement spectaculaire. Et puis, il y avait ses discours. Les discours d'un tribun, capable de mobiliser les foules. Je me souviens l'avoir entendu, retranmis partiellement par la radio française. Je me souviens avoir été surpris, lors d'un séjour en Allemagne en 1937, par la ferveur de toute une population, jeunes et adultes. Le chancelier était devenu le Führer de tout un peuple. Ein Volk, ein Reich, ein Führer. (Un peuple, un empire, un guide). Telle était la devise. Ce qu'on ignorait, c'étaient les premiers camps de concentration, les arrestations arbitraires, toutes libertés brimées... ce qu'on allait subir : la plus terrible guerre de toute l'histoire de l'humanité.

Je me remémore tout cela, en ce 20 avril 2017. Dans trois jours nous allons voter. Choisir le plus librement possible un nouveau Président de la République. Librement ? Alors que depuis près de quatre mois nous sommes submergés de discours, de commentaires, de points de vue et de gloses en tous genre ! Saurons-nous faire preuve d'esprit critique ? Saurons nous mépriser tant de paroles « travesties par des gueux pour exciter des sots »? Saurons-nous raison garder ?

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Lundi 17 avril 2017

Mireille,

Quand j'étais enfant, c'étaient tous les éducateurs qui se chargeaient de me faire la morale. Mes parents, en premier, mais aussi le curé et l'instituteur. Je me souviens encore de ces leçons de morale que le maître écrivait soigneusement au tableau et que nous devions recopier tout aussi soigneusement sur nos cahiers. C'était il y a bien longtemps. Moi aussi, dans mes jeunes années de prêtrise, j'enseignais un peu la morale aux gosses du catéchisme. Ensuite, le "moralisme" a commencé à ne plus avoir bonne presse, si bien qu'on s'est empressé, suivant en cela l'air du temps, de catéchiser d'autres manières. Il m'arrivait encore, parfois, de recevoir des parents qui se désolaient des incartades de leur progéniture et qui me disaient : "Il faut lui faire la morale, monsieur l'abbé !"

 Restaient, pour l'enseignement de la morale, le pape et les évêques. Si je fais abstraction d'une certaine tendance à faire des fixations sur les aspects contestés de la morale sexuelle, je reconnais qu'en matière de morale internationale particulièrement, les autorités de l'Eglise ont parlé haut et fort. Et bien. Tant mieux. C'est leur mission, naturellement.

 Or voilà que, depuis quelque temps, ce sont des économistes qui prennent le relais et nous donnent des leçons de morale. De véhémentes critiques de l'égoïsme des nations. Avant-hier, j'ouvrais à peine un oeil lorsque j'ai entendu un de ces spécialistes qui dénonçait l'égoïsme des pays les plus développés de l'Europe qui rechignent à payer les sommes nécessaires pour alimenter un budget européen qui soit digne de sa vocation. Cet économiste expliquait comment cet égoïsme était une attitude néfaste, à courte vue, pour tous les pays concernés.

 Et l'autre jour je lisais, dans une revue, l'article d'un professeur d'économie qui, analysant les phénomènes de mondialisation, critiquait les politiques à la petite semaine des nations développées de l'hémisphère Nord. D'une façon très explicite, il montrait comment l'égoïsme de nos sociétés riches - et dans ces sociétés, des individus eux-mêmes, acharnés à défendre leurs "avantages acquis" - conduira fatalement à un désastre, à plus ou moins long terme.

 
Je me permets de le citer : " Le jour viendra où, après de nouveaux progrès rapides et injustes de (notre) niveau de vie, il faudra de gré ou de force, par des procédures économiques ou militaires, partager les ressources de la planète d'une façon plus équitable, et la chute sera d'autant plus dure qu'on aura attendu plus longtemps et qu'on sera monté plus haut sur l'échelle des niveaux de vie. Le mouvement est lancé, la mondialisation gagne, et personne ne se mettra durablement à l'abri."

Apprendrons-nous un jour à regarder plus loin que le bout de notre  nez ? Apprendrons-nous à partager ?

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Jeudi 13 avril 2017

Mireille,

Dans dix jours, nous allons voter pour choisir un nouveau président de la République. Loin de moi l'idée de vous influencer sur un choix possible et, certes, difficile. Mon propos est plus simple. Il consiste  à vous  affirmer, une fois de plus,  combien il me semble important et même vital de participer sans cesse à la construction d'une Europe forte, bien vivante et fraternelle. En effet, je suis profondément malheureux d'entendre des candidats préconiser le rejet de ce que nos prédécesseurs ont démarré au lendemain de la plus atroce des  guerres.

 Il n'est pas de jour sans que l'un ou l'autre de nos politiciens ne fasse une déclaration de rejet. Au sujet de la Constitution ? Au sujet de l'Europe ? Oui. Et j'en ai honte pour mon pays. Certes, les modalités de la construction européenne sont discutables.  De là à tout rejeter en bloc, il y a une distance !  Et quand les idéologies opposées rejoignent les querelles de personnes pour accroître ce que j'appelle "le mal français", et en particulier la peur de l'avenir qui nous ronge, j'enrage !

Lundi dernier, 10 avril, c'était la fête de saint Fulbert, dont j'ai publié jadis quelques aspects de la biographie. Il condense, en sa personne, ce qui fut une réalité dès le Haut Moyen Age : les premiers pas de la conscience européenne. On ne sait pas s'il était né en Italie ou en France - d'ailleurs ni l'Italie ni la France n'existaient en tant qu'Etats, à l'époque. Il étudia à Reims, avant d'aller rejoindre l'un de ses professeurs de Reims, qui était devenu pape. Puis il fut envoyé à Chartres comme professeur, avant d'y devenir évêque. Ce n'est qu'un exemple. Mais tout au long des siècles dits "moyenâgeux", des milliers d'étudiants - et de professeurs - ont circulé à travers l'Europe, entre les universités de Bologne, Paris, Oxford, Prague, Cologne, Cracovie, Cambridge - j'en passe, et des meilleures. Tel professeur originaire de Germanie enseignait à Paris et formait des élèves qui arrivaient d'Ecosse ou du fin fond de la péninsule Italienne.

 Je vous parlais récemment du projet Erasmus, qui permet à des milliers d'étudiants de poursuivre leur cursus scolaire dans l'un ou l'autre pays de notre Europe. Projet ainsi nommé parce que le Hollandais Erasme, qui vivait au XVIe siècle, fut le plus célèbre des "humanistes" européens. Ce prêtre, qui fut l'ami des plus grands intellectuels de son temps, qui se permit même de refuser le chapeau de cardinal que lui offrait le pape Paul III, n'est pas le premier en date des universitaires européens, mais il en est la plus riche illustration. Les siècles suivants, qui virent la montée des nationalismes, les divisions et les guerres que l'on sait, ne furent pas des siècles glorieux pour l'idée européenne. Que de l'horreur de la dernière de ces guerres soit née l'idée d'une réconciliation et d'une reconstruction de l'Europe, voilà quelque chose d'essentiel. Ce signe d'espérance, il ne faut pas le détruire.

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Lundi 10 avril 2017

Mireille,

 Je vous l'ai souvent déclaré : quand je pense aux hommes politiques, je me demande toujours ce qui les fait courir. C'est vrai : comment peut-on surmonter l'incroyable stress qui doit être le leur, chaque jour que le bon Dieu fait, se demandant quelle tuile va bien leur tomber sur la tête, quel traquenard il leur faudra éviter, quelle initiative prise en toute confiance et en pleine sincérité qui va tomber sous le coup de la critique, soit de leurs adversaires, soit de leurs amis. Sans parler de l'évaluation mensuelle de leur cote, en hausse ou en baisse. Alors qu'ils seraient tellement plus heureux et tranquilles, en famille, avec des jobs de tout repos et des rythmes de vie plus humains ! Qu'est-ce qui les fait courir ?

 Un homme politique retiré des "affaires" répondait l'autre jour à ma question, dans un entretien qu'il accordait à un hebdomadaire. A la question abrupte qui lui était posée : "Qu'est-ce qui vous a fait courir ?", il répondait : "Le désir d'être aimé, sans doute." La réponse m'a surpris et intéressé.

 Mais, au fait, n'est-ce pas un désir universel, le désir d'être aimé ? Y a-t-il quelqu'un qui n'ait pas au plus profond de son coeur, plus qu'un désir, un besoin d'être aimé ? Peut-on vivre sans cela ? Je pense au petit Mozart, la première fois où il est venu à Paris. Il avait, je crois, 5 ou 6 ans. Et toutes les belles dames s'extasiaient devant cet enfant prodige, qui jouait déjà divinement. Et lui, de les regarder dans les yeux en leur demandant : "Madame, m'aimez-vous ?"

 Donc, tout le monde désire être aimé. Mais les moyens pour y parvenir sont extrêmement divers. Depuis le séducteur professionnel jusqu'aux mystiques de toute religion, la palette des moyens est très large. Mais je n'avais pas imaginé, je l'avoue, qu'on puisse chercher à être aimé en se lançant dans une carrière d'homme politique. Pourquoi pas, après tout ? "Sans amour on n'est rien du tout", chantait Edith Piaf.

 Hier, sur le portail d'Orange, mon serveur, il y avait cette phrase attirante : "Pensez-vous que l’on vous aime ?" Suivait, j'aurais dû m'en douter, de la publicité pour des tests de personnalité en tous genres, payants, naturellement. Mais le "chapeau" de l'article était ainsi rédigé : "Répondre à la question " M’aime-t-on ? ", c’est tenter de maîtriser ce qui par définition nous échappe : les autres. Comment être sûr de leurs sentiments ? Et si on l’est, comment ne pas paraître orgueilleux pour autant ? Ce test vous permettra d’évaluer l’amour que vous vous portez. Car comme vous vous en doutez, le fait de se sentir aimé est conditionné par une autre question fondamentale, celle de l’estime de soi."

 D'où retour à la case-départ, qui conditionne tout le reste : "Est-ce que je m'aime, tel que je suis ?" Là, je trouve la question trop imprécise. Encore que... dans ma prière, je dis toujours : "J'aime mon prochain comme moi-même pour l'amour de Dieu."

 Alors là, tout est dit !

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Jeudi 6 avril 2017

 Mireille,

 L'un de mes amis m'a récemment prêté le bouquin d'un économiste américain, Jeremy Rifkin. Le livre en question s'appelle "Le rêve européen." J'ignorais tout de cet économiste. Mais il paraît que ses études précédentes ont connu un réel succès, notamment "La fin du travail" en 1995 et "L'économie de l'hydrogène" en 2002. Chercheur, penseur, prophète ? Je ne sais. Mais ce qu'il dit du "rêve européen" m'a intéressé, même si je ne suis pas assez compétent pour en faire la critique.

 Pour résumer son propos, disons que l'auteur est d'une réelle bienveillance vis-à-vis de l'Europe et qu'il lui promet toutes les chances de succès... du moins à certaines conditions. Il oppose deux façons de voir le monde : le rêve américain, c'est un pays dur, avec beaucoup d'opportunités. Un monde où chacun est responsable de sa vie. Les européens, par contre, mettent en avant les relations communautaires, plus importantes que l'individu, la diversité culturelle avant l'assimilation et la qualité de vie avant l'accumulation des richesses. L'épanouissement personnel est préféré au travail acharné et les droits de l'homme passent avant le droit de propriété.

 Et il ajoute : on se fait illusion. Les Américains ne parlent que de leurs succès tandis que les Européens (en particulier les Français) ne parlent que de leurs échecs. En réalité, le PIB de l'Union européenne est plus élevé que celui des USA ; le plus grand marché intérieur est l'Europe ; et parmi les 140 plus grandes entreprises du monde, 61 sont européennes, contre seulement 50 aux USA. (Ces chiffres datent d'une bonne dizaine d'années, comme le bouquin dont ils sont extraits. Donc je vous les livre sous toute réserve ; ce qui m'intéresse, c'est uniquement la tendance.)

 Je n'en finirais pas d'énumérer toutes les chances de réussite que notre auteur décèle chez les Européens, dans tous les domaines. Une simple indication : son livre est dédié aux étudiants Erasmus. Vous ne le savez peut-être pas : des centaines de milliers d'étudiants bénéficient de ce projet européen, qui leur permet de faire une partie de leurs études dans l'un ou l'autre des 2000 établissements universitaires de l'Europe. L'Europe en marche.

 Et dire que, pendant ce temps-là, des millions de mes compatriotes sont fondamentalement anti-européens et sont prêts à voter contre l'un ou l'autre des candidats qui, aux prochaines élections présidentielles,   s'engageront résolument pour une Europe de plus en plus communautaire. Triste !


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Lundi 3 avril 2017
 


Mireille,

 Poissons d'avril ! Je me demande si cette vieille coutume de faire des farces gentilles au matin du 1er avril n'est pas en train de se perdre. Ce serait dommage. On a si peu d'occasions de rire ! Bien sûr, il n'est pas question, dans mon esprit, de ces farces méchantes et de ces manières de se moquer d'autrui qui sont souvent le fait des envieux. Mais je me souviens de quelques farces astucieuses qui m'ont beaucoup réjoui. Je n'en étais pas l'auteur, mais les copains qui, certains soirs où ils étaient particulièrement en verve, en furent les auteurs, me les ont racontées. L'un d'eux par exemple, ayant trouvé par hasard un carton d'invitation pour une visite des haras départementaux, s'empressa de faire reproduire ce carton en de multiples exemplaires qu'on adressa à un certain nombre de personnalités, et notamment aux directrices des lycées de jeunes filles, de même qu'à la directrice départementale de la population. Oh horror !

 
Une nuit, le doyen du Chapitre de la cathédrale fut vivement pressé de se rendre au chevet d'un chanoine soi-disant agonisant, et qu'il trouva dormant paisiblement du sommeil du juste, vraiment étonné qu'on veuille lui administrer les derniers sacrements à pareille heure, alors qu'il était en parfaite santé. La même nuit, un brave franciscain fut invité à se rendre à la gare où l'attendait un ministre de passage, ministre dont il se vantait toujours d'être l'ami. Il poireauta longtemps, paraît-il, sur les quais déserts. Et c'est encore, je crois, la même nuit qu'un saint curé de la même ville fut alerté par le soi-disant commissariat du quartier qui lui demandait d'aller vérifier si ses vicaires étaient tous rentrés, parce qu'on avait arrêté un homme qui se déclarait être prêtre. Le brave curé monta vérifier illico que les vicaires étaient bien là, puis, comme il l'annonçait tout joyeux et soulagé au commissaire, il s'entendit répondre : "Eh bien, monsieur le curé, vous leur direz qu'ils  sont de bons prêtres."

 On a si peu l'occasion de rire ! Je n'ai pas eu l'occasion,avant-hier, de faire un innocent "poisson d'avril" à quelqu'un. Aussi, pour me distraire, je me suis contenté de relire des pages et des pages d'un de mes bouquins favoris : "Les copains", de Jules Romains, et d'y retrouver Bénin, Broudier, Lesueur, Omer, Lamendin, Martin et Huchon, inventeurs de farces "hénaurmes".

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