Alléluia ! Alléluia !
NUIT PASCALE
- Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (28, 1-10)
- Après le sabbat, à l’heure où commençait à
poindre le premier jour de la semaine, Marie Madeleine et l’autre Marie
vinrent pour regarder le sépulcre.
- Et voilà qu'il y eut un grand tremblement de
terre ; l'ange du Seigneur descendit du ciel, vint rouler la pierre et
s'assit dessus. Il avait l'aspect de l'éclair et son vêtement était
blanc comme neige. Les gardes, dans la crainte qu'ils éprouvèrent, se
mirent à trembler et devinrent comme morts. L'ange prit la parole et
dit aux femmes :
- « Vous, soyez sans crainte ! Je
sais que vous cherchez Jésus le Crucifié. II n’est pas ici,car il est
ressuscité, comme il l’avait dit. Venez voir l’endroit où il reposait.
- Puis, vite, allez dire à ses disciples :‘Il
est ressuscité d’entre les morts,et voici qu’il vous précède en
Galilée ; là, vous le verrez.’Voilà ce que j’avais à vous
dire. » Vite, elles quittèrent le tombeau,remplies à la fois de
crainte et d’une grande joie,et elles coururent porter la nouvelle à
ses disciples. Et voici que Jésus vint à leur rencontre et leur
dit : « Je vous salue. » Elles s’approchèrent,
- lui saisirent les pieds et se prosternèrent devant lui Alors Jésus leur dit :
- « Soyez sans crainte,allez annoncer à mes
frères qu’ils doivent se rendre en Galilée : c’est là qu’ils me
verront. »
oOo
Chaque
matin, l'un des premiers gestes, à mon réveil, est de regarder le temps qu'il fait. Chaque
matin depuis quelques semaines même si le ciel est gris, mon petit jardin me procure d’agréables surprises. J'y vois surgir.la vie. Ce furent d'abord les perce-neige qui firent leur apparition.
Malgré le froid, elles ont poussé et grandi. La neige, plusieurs
fois, est venue les recouvrir : chaque fois elles ont relevé la
tête. Plus fortes que les éléments. Puis ce furent les primevères,
d’abord timidement, puis plus hardies. Il y eut aussi les crocus
qui bravèrent les intempéries, alors que nous, les humains,
restions bien au chaud, à nous plaindre du mauvais temps. Et
un matin de dimanche – c’était il y a trois semaines - j’eus la
surprise de voir toutes les jonquilles sorties de terre et épanouies
en quelques heures, comme si un mystérieux jardinier les avait
plantées durant la nuit. Alors, les perce-neige disparurent, puis
les crocus. Ensuite fleurirent les forsythias, puis le pommier du
Japon. Et la semaine dernière surgirent les tulipes, qui aujourd’hui
sont pleinement épanouies. Des fleurs plus fortes que le froid ou la
neige, la vie qui surgit après les longs mois de mort. Je vous
assure que, cette année, elles furent pour moi comme un
encouragement. Davantage même : comme un signe que la vie est
sans cesse triomphante. Dans la sécheresse du désert, on le sait,
des graines peuvent germer. Dans les rigueurs de l’hiver, des
fleurs percent de la terre gelée. Alors, n’est-il pas possible que
l’homme s’élève du tombeau et que du corps d’un mort surgisse
l’éternité ?
Tous
les gestes que nous avons faits au début de notre veillée pascale
sont tirés de la mémoire de l’humanité, comme un rappel de
l’expérience venant des temps immémoriaux : le miracle du
feu. En frottant quelques morceaux de bois mort dépourvus de toute
trace de vie, il est possible de produire lumière et chaleur.
En frappant deux silex l’un contre l’autre, il est possible
de faire surgir une étincelle de lumière. De ce qui est mort
jaillit la vie. Au fil des millénaires de l’évolution de
l’humanité, la certitude que la vie est indestructible s’est
imposée. La vie plus forte que la mort. Parmi tous les vivants, nous
sommes les seuls à savoir que nous n’existons qu’une seule fois
dans le cours de la nature. Et quelle réponse est donnée face à la
puissance destructrice de la mort ? Une seule : qu’au-delà
du monde Dieu existe, un amour infini, auquel nous devons de vivre.
Nous ne sommes pas jetés dans l’existence comme des graines
aveugles, comme le fruit du hasard. Il existe une force d’amour qui
nous ouvre à la vie.
Les
récits de la mort et de la résurrection de Jésus qui nous sont
parvenus mettent en relief l’intervention de quelques femmes, et en
particulier, à plusieurs reprises, celle de Marie de Magdala. Qui
était cette femme, dont l’existence a tellement frappé
l’imagination que nombreux sont les romanciers et les scénaristes
qui s’en sont emparés ? A vrai dire, on sait peu de
choses sur elle. Elle était de Magdala, un petit village au bord du
lac de Tibériade. Un évangile dit que Jésus avait chassé
d’elle sept démons. Elle était de ce groupe de femmes qui
accompagnaient Jésus. Sans doute elles avaient quitté leur mari, et
même abandonné leur famille et leur ancien métier, renoncé à
leurs ressources ; comme la Marie de Magdala, elles étaient
dépouillées de toutes chaînes. Alors que les femmes de leur pays
restaient confinées dans leurs maisons et leurs tâches ménagères,
elles allaient sur les routes à la suite du Maître, exposées au
mépris public. Mais c’est là qu’elles connurent leur véritable
union, leurs indéfectibles noces.
Elles
étaient encore là, au pied de la croix. Et elles étaient les
premières levées, au matin du premier jour, alors que le soleil se
levait. Merci, femmes de Galilée, fidèles compagnes de Jésus.
C’est à vous, et non pas à vos peureux compagnons, qu’il fut
donné d’annoncer l’extraordinaire bonne nouvelle. Certes, elles
eurent, elles aussi, comme tout le monde, du mal à y croire. Elles
pensèrent que le cadavre avait été volé. Certes, leur premier
réflexe fut de peur. Mais ce sont elles qui entendirent la première
annonce et reçurent les premières la mission d’aller annoncer que
Jésus était ressuscité et qu’il donnait rendez-vous à tous ses
disciples en Galilée, là où il les précédait et les attendait.
Pas à
Jérusalem, où il venait d’être mis à mort « hors de la
ville », mais dans cette « Galilée des nations »,
parce que, désormais, tout était inversé : de la mort
surgissait la vie, d’une religion-centre on passait à un message
en expansion « jusqu’aux extrémités de la terre » Et
effectivement, de cette Galilée semi-païenne, la bonne nouvelle
s’est répandue rapidement. Essentiellement par le bouche à
oreilles. Car avant que nos quatre évangiles ne soient rédigés, il
s’est écoulé au moins une cinquantaine d’années où des gens
ont colporté la nouvelle. J’aime à citer le beau texte de Roger
Garaudy, parlant de Jésus : « Ce
n’était sans doute ni un philosophe ni un tribun, mais il a dû
vivre de telle manière que toute sa vie signifiait : chacun de nous
peut, à chaque instant, commencer un nouvel avenir.
Des dizaines,
des centaines peut-être de conteurs populaires ont chanté cette
bonne nouvelle. Nous en connaissons trois ou quatre. Le choc qu'ils
avaient reçu, ils l'ont exprimé avec les images des gens simples,
des humiliés, des offensés, des meurtris, quand ils rêvent que
tout est devenu possible : l'aveugle qui se met à voir, le
paralytique à marcher, les affamés du désert qui reçoivent du
pain, la prostituée en qui se réveille une femme, cet enfant mort
qui recommence à vivre.
Pour crier jusqu'au bout la bonne
nouvelle il fallait que lui-même, par sa résurrection, annonce que
toutes les limites, la limite suprême : la mort même, a été
vaincue Tel ou tel érudit peut contester chaque fait de cette
existence, mais cela ne change rien à cette certitude qui change la
vie. Un brasier a été allumé. Il prouve l'étincelle ou la flambée
première qui lui a donné naissance. C'était comme une nouvelle
naissance de l'homme."
« Tel
ou tel érudit peut contester chaque fait de cette existence » :
Dieu sait s’il n’en manque pas, aujourd’hui comme en d’autres
temps. Et pas seulement parmi les érudits. Mais pour moi, comme pour
tout chrétien lucide, ma vie personnelle n’a aucun sens ni aucune
valeur, si le Christ n’est pas ressuscité. « Si le Christ
n’est pas ressuscité, nous sommes les plus malheureux des êtres »,
écrit saint Paul. En effet, alors, ma vie terrestre est comme
enfermée, encerclée, dans cet espace étroit de quelques dizaines
d’années qui débouchent sur le néant. Par contre, si, comme pour
Marie de Magdala, ses autres compagnes, les disciples et des millions
d’hommes qui ont fait la rencontre, Jésus est pour moi le Vivant,
tout prend sens, tout devient lumineux. Il m’appelle, comme il l’a
fait lui-même, à lutter avec lui contre les forces de mort
qui ravagent notre planète. Elles sont encore nombreuses et
efficaces, ces forces de mort, aujourd’hui. Violence, guerre,
divisions, conflits, haine, volonté de puissance, etc., que de
dégâts chaque jour ! Le Vivant nous invite, chacun de nous, à
être, comme lui, avec lui, des Vivants. La vie est plus forte que la
mort. Avec Jésus, nous sommes vainqueurs de toutes les
puissances mortifères.