Christ est ressuscité, Alléluia
Pour le
jour de Pâques
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Évangile (Jn
20, 1-9)
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Le premier jour de
la semaine, Marie Madeleine se rend au tombeau de grand
matin ; c’était encore les ténèbres. Elle s’aperçoit
que la pierre a été enlevée du tombeau. Elle
court donc trouver Simon-Pierre et l’autre disciple, celui que
Jésus aimait, et elle leur dit : « On a enlevé le
Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l’a
déposé. » Pierre partit donc avec
l’autre disciple pour se rendre au tombeau. Ils
couraient tous les deux ensemble, mais l’autre disciple courut
plus vite que Pierre et arriva le premier au tombeau. En se penchant, il s’aperçoit que les linges sont posés à
plat ; cependant il n’entre pas. Simon-Pierre, qui le suivait, arrive à son tour. Il entre
dans le tombeau ; il aperçoit les linges, posés à plat, ainsi que le suaire qui avait entouré la tête de Jésus, non
pas posé avec les linges, mais roulé à part à sa place. C’est alors qu’entra l’autre disciple, lui qui était
arrivé le premier au tombeau. Il vit, et il crut. Jusque-là, en effet, les disciples n’avaient pas
compris que, selon l’Écriture, il fallait que Jésus
ressuscite d’entre les morts.
Homélie :
Nous sommes le jour de Pâques ! La plus grande
fête pour un chrétien ! C’est la victoire de la Vie sur la
mort ! De la lumière sur les ténèbres ! Alléluia !
Il y a tout juste 5 ans, à peine avais-je terminé
la messe où j’avais dit ma joie de célébrer Pâques, qu’une
amie me dit : « Eh oh, reviens un
peu sur terre, n’oublie pas cette famille qui pleure leur maman
décédée à 50 ans et cette personne qui n’en peut plus de
vieillir et qui voudrait mourir pour en finir avec sa souffrance, et
puis un tel qui est dans la rue suite à son divorce et qui ne voit
plus ses enfants, et puis les victimes de la guerre ou de la faim un
peu partout dans le monde, …tu veux encore d’autres exemples pour
te montrer que la résurrection n’est pas encore advenue ?
C’est bien beau ton Jésus qui ressuscite, mais qu’est-ce que ça
change concrètement dans nos vies ? »
Cette vive réaction de cette amie m’avait fait
comprendre que nous ne pouvons pas parler de la résurrection sans
oublier que là sur terre, c’est bien souvent la mort qui semble
l’emporter ! C’est bien l’expérience que font
Marie-Madeleine et les deux disciples dans l’Evangile
d’aujourd’hui ! Leur expérience est d’abord et uniquement
celle d’un tombeau vide.
Regardons chaque personnage : Marie-Madeleine se
rend au tombeau de grand matin, « c’était
encore les ténèbres » nous dit St
Jean, ces ténèbres n’étaient pas seulement celles de la nuit
extérieure, mais aussi et surtout celles de son cœur, de sa vie où
tout espoir avait été enterré avec la mort de Jésus. Face au
tombeau vide, Marie-Madeleine va avoir une double réaction :
elle va d’abord avoir le réflexe de parler avec quelqu’un (à
Pierre et à Jean en l’occurrence) pour leur dire son désarroi :
belle réaction qui consiste à ne pas rester seul quand dans nos
vies il fait sombre et que c’est difficile. Le problème, c’est
qu’elle va essayer de comprendre ce qui s’est passé comme si
cela pouvait la consoler : « On a
enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l’a
déposé. » Elle part dans des
explications, parle en disant « on » et « nous »,
comme si elle avait perdu tous ses repères. Devant ce tombeau vide,
elle vit une réelle déstabilisation intérieure, loin de de tout ce
qu’elle avait pu imaginer, alors elle se raccroche aux branches en
essayant de comprendre, de trouver une explication. Il est courant en
effet de partir dans le mental et les explications quand les émotions
sont trop fortes. Je connais bien ce phénomène. Mais c’est peine
perdue, il lui faudra entendre Jésus prononcer son prénom pour
quitter le mental, retrouver ses esprits et pouvoir enfin accueillir
la présence du ressuscité en elle, au cœur de son cœur. En
attendant, le narrateur nous laisse avec les deux disciples a qui
Marie-Madeleine avait confié son désarroi.
Pierre et Jean eux, n’en restent pas aux
explications,
ils veulent voir, ne pas seulement en rester à l’extérieur du
tombeau, ils vont aller jusqu’au fond, explorer de l’intérieur
l’inexplicable… Belle preuve de courage ! En effet, dans les
moments difficiles de nos vies, dans ces moments où tout nous parait
sombre et où rien ne va comme nous le souhaiterions, il n’est pas
facile d’oser descendre comme le font Pierre et Jean jusqu’au
fond du puits, au cœur du tombeau vide. Et pour ce faire, mieux
vaut ne pas y aller seul, mais à deux, car la présence d’un
frère comme un accompagnateur spirituel est rassurante.
Mais si tous les deux acceptent d’aller explorer le
fond de leur tombeau, leur attitude est bien différente selon qu’il
s’agisse de Pierre ou de Jean. Jean arrive le premier mais n’entre
pas, il prend le temps de regarder, il se penche, aperçoit les
bandelettes de tissu qui avaient servi à contenir le corps de Jésus,
puis il voit et il croit ! Pierre lui, arrive après, mais il
entre en premier, sans trop de précaution, il ne s’écoute pas, il
voit des choses semblables à celles de Jean, mais il reste sans
réaction devant ce qu’il a vu, comme s’il n’était pas touché.
Il est un peu du genre « même pas
mal ». Je reconnais dans son attitude
certaines personnes que j’accompagne et qui veulent éradiquer leur
souffrance en allant tirer sur les racines comme on enlève les
mauvaises herbes. Moi au contraire, j’ai en tête la parabole de
l’ivraie et du bon grain qui nous invite à laisser pousser
ensemble le bon grain et l’ivraie, c’est-à-dire à nous
accueillir tel que nous sommes et à laisser un Autre que nous faire
le tri pour nous. C’est ce qui se passera pour Pierre au bord du
lac peu de temps après, où il se jettera à l’eau pour aller à
la rencontre de Jésus, afin capable de se laisser aimer tel qu’il
est malgré son reniement.
L’attitude de Jean est tout autre : il arrive au
bord du tombeau vide tout en délicatesse, se penchant pour
apercevoir, peut être avec une certaine méfiance, mais aussi avec
un attrait comme s’il savait qu’il pénétrait dans un lieu
saint qu’on ne peut fouler qu’avec respect. Oser rester là, au
bord de sa souffrance, un peu comme sur la rive ferme de laquelle
nous pouvons regarder se déverser le cours tempétueux de notre vie.
Etre là, simplement là. Et qu’aperçoit-il là au fond de son
tombeau ? Du vide certes, mais aussi quelques bandelettes posées là,
à part. Je vois dans cette précision du détail propre à l’auteur
du 4ème Evangile
une volonté de nous parler de tous ces liens qui ont voulu contenir
la vie, mais qui n’ont pas réussi à la retenir prisonnière. Ces
liens, nous les connaissons tous : ce sont tout ce qui nous
empêche de vivre pleinement, nos injonctions éducatives ou
religieuses, nos loyautés familiales, nos habitudes réflexes, ce
sont aussi toutes nos peurs, celle du qu’en dira-t-on, de déplaire,
de perdre l’amour ou la considération des autres, qui nous empêche
d’être vraiment nous-mêmes, bref ce sont tous ces liens qui
retiennent en nous la vie. Voilà ce que nous découvrons quand nous
osons descendre au fond de nous-même : les liens qui nous
emprisonnent.
Chez le Ressuscité, ces liens n’ont pas réussi à
retenir sa vie prisonnière, tant il était libre et vivant, c’est
pourquoi on nous dit qu’ils sont rangés à part sur le côté,
parce qu’ils ne servent à rien. Et chez nous ? Quels liens
nous retiennent encore prisonnier ? De quels liens avons-nous
encore besoin d’être libéré ? Prenez le temps d’y
réfléchir cette semaine, et même durant tout le temps pascal qui
s’ouvre devant nous, (50 jours) car la résurrection n’est pas un
privilège réservé seulement à Jésus : en effet, si nous
croyons « qu’il est le premier d’une
multitude de frères », ou « le premier né d’entre les
morts », cela signifie donc que nous
aussi, nous sommes appelés à ressusciter, mais pas uniquement après
notre mort, non ! Nous pouvons faire l’expérience de la
résurrection ici-bas, dès aujourd’hui, à chaque fois que nous
reconnaissons ce qui retient la vie en nous et que nous acceptons
d’en être délié.
Oui c’est aujourd’hui qu’il convient de
ressusciter comme le dit superbement Maurice Zundel : « Le
ciel n’est pas là-bas : il est ici ; l’au-delà n’est
pas derrière les nuages, il est au-dedans. L’au-delà est
au-dedans, comme le ciel est ici maintenant. C’est aujourd’hui
que la vie doit s’éterniser, c’est aujourd’hui que nous sommes
appelés à vaincre la mort, à devenir source et origine, à
recueillir l’histoire, pour qu’elle fasse, à travers nous, un
nouveau départ. Aujourd’hui, nous avons à donner à toute réalité
une dimension humaine pour que le monde soit habitable, digne de nous
et digne de Dieu. »
Alors bonne fête de Pâques et profitez bien de ce
temps pascal pour vous défaire de tous les liens qui empêchent la
Vie de l’emporter en vous et autour de vous !
Amen
Gilles
Brocard
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oOo
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